Aloe : plantes ornementales et médicinales

 

Tout sur les aloès des points de vue historique, géographique, horticole et médicinal. Une plante grasse qui appartient à la famille des lys.

 

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Texte © Giuseppe Mazza

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

En juillet-août, en plein hiver austral, il est difficile de trouver des paysages plus beaux et plus insolites qu’une savane mouvante avec des bosquets d’aloès en fleur.

Ils ne poussent jamais seuls et dominent de leurs inflorescences éclatantes les arbustes bas et les acacias peu nombreux du “bush” sud-africain.

À l’aube, avant que la température ne s’élève et que les abeilles aux dards redoutables ne s’éveillent, ils sont la destination de choix d’oiseaux pollinisateurs multicolores.

Dans des positions acrobatiques, la tête en bas, ils recherchent le nectar parmi les corolles entrelacées de l’Aloe chabaudii, les ondoyantes inflorescences de l’Aloe petricola et de la castanea et les grands candélabres fleuris de l’Aloe rupestris, de l’Aloe excelsa ou de l’Aloe marlothii.

Les lions ont rôdé autour toute la nuit et c’est maintenant le tour des timides gazelles, des phacochères et des girafes qui regardent avec curiosité ces étranges “massifs de fleurs” situées à leur hauteur.

Des scènes aux teintes chaudes très différentes de l’Afrique conventionnelle que nous portons en nous.

Au Sud de la Namibie, au Namaqualand, le paysage change d’un coup.

Désertique neuf mois par an il se transforme en août en un grand jardin : un océan de fleurs d’où émergent majestueusement sur de gros rochers deux gigantesques aloès arborescents aux corolles dorées : l’Aloe dichotoma  et l’Aloe pillansii.

Quand il est jeune le tronc de cette espèce est droit et lisse comme une colonne mais par la suite il se ramifie et peut atteindre 10 m de haut et 2 m de diamètre.

Mais qu’est-ce qu’un aloès botaniquement parlant ?

Bien que cela ne le semble pas à première vue c’est une liliacée.

Les fleurs souvent réunies en des centaines d’inflorescences en panicule respecte en effet pleinement les règles d’or de cette famille : un périgone cylindrique formé de six parties, six étamines et un ovaire en partie haute.

Des “lys hors normes” donc qui, plutôt que de se réfugier dans un bulbe sous terre pour passer en léthargie les mauvais mois, emmagasinent l’eau dans des feuilles charnues, disposées en rosettes et qui peuvent se gonfler et se désenfler comme un accordéon pour faire face à de longues périodes de sécheresse.

Une solution originale pour des plantes souvent de grand taille obligées de s’accommoder de pluies irrégulières et de températures estivales frisant les 45 °C.

Mais combien sont-elles ?

C’est difficile à dire d’autant que dans la nature les aloès s’hybrident facilement.

Autrefois on parlait de plus de 1.000 espèces. Aujourd’hui, après la découverte d’au moins 300 hybrides naturels, les botanistes se sont mis d’accord sur le chiffre d’environ 200 espèces, sud-africaines à 90 %, avec quelques représentantes à Madagascar, dans le reste de l’Afrique et le Sud de l’Arabie. On considère que les plantes spontanées vivant en dehors de ces zones ont été pour la plupart introduites par l’homme.

Dans l’Antiquité l’intérêt porté aux aloès était en effet considérable.

Connus des Grecs pour leurs propriétés digestives et laxatives (leur nom semble dériver de “als” ou “alos” c’est-à-dire “sel”,  par allusion au suc amer que l’on extrayait de ses feuilles) ils se sont répandus rapidement en Inde et dans le bassin méditerranéen grâce aux Phéniciens et s’y sont si bien naturalisés qu’ils semblent souvent autochtones.

Une douzaine d’espèces au moins ont des inflorescences, des feuilles ou des graines comestibles. Quatre d’entre elles, l’Aloe ferox, l’Aloe barbadensis, l’Aloe africana et l’Aloe arborescens sont cultivées aujourd’hui encore sur une grande échelle pour les industries pharmaceutique et cosmétique pour des emplois traditionnels dans les domaines dermatologique et digestif mais aussi d’avant-garde dans le traitement de certaines maladies oculaires.

L’Aloe barbadensis, connue aussi sous les noms d’Aloe vera ou d’Aloe vulgaris, est l’espèce la plus utilisée en cosmétique.

Originaire, semble-t-il, des îles du Cap Vert et des Canaries elle est peut-être spontanée dans les régions du Nord-Est de l’Inde, le Sud de l’Arabie , l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est et s’est parfaitement acclimatée en Amérique du Sud et dans les îles des Caraïbes.

Les sucs de ses feuilles qui sont bactéricides, fongicides, analgésiques et antiphlogistiques ont souvent des “effets miraculeux” sur des blessures et les coups de soleil grâce à un mélange bien dosé de principes actifs qui agissent en parallèle, par synergie et en se renforçant les uns les autres.

Sa culture nécessite un climat sec et des températures élevées comprises entre 19 et 32 °C, des valeurs qui en général se rencontrent entre les 25e et 28e parallèles. Le principal centre de production est le Texas avec plus de 2.000 hectares cultivés et 60.000 tonnes de feuilles par an.

Quand les bourgeons latéraux des plantes-mères atteignent 15 cm ils sont détachés et enterrés à 50 cm de distance. Ensuite on supprime les tiges florifères pour ne pas affaiblir la plante par la production inutile de graines et quand les feuilles, bien alimentées, atteignent le poids de 450 à 750 grammes et 40 à 50 cm de large elles sont coupées à la base à raison de 2 ou 3 par plante toutes les deux semaines.

Une fois que l’on a enlevé les bords épineux elles sont lavées et découpées en bandes minces afin d’extraire leur gel parenchymateux, une masse mucilagineuse et visqueuse.

C’est la “matière première” qui, après qu’on l’ait agitée jusqu’à ce qu’elle se liquéfie, est concentrée et vendue lyophilisée ou sous forme d’extrait gras.

Chez nous, à moins de la mettre en pleine terre, à l’abri dans une serre ou une véranda, on peut difficilement se permettre le luxe d’en faire des bandelettes pour cataplasmes ou de couper les extrémités des feuilles et de les tordre comme des “tubes de pommade antiseptique”. Il vaut mieux la considérer comme une étrange plante ornementale aux fleurs jaunes et d’utiliser plutôt à cette fin les feuilles de la bien plus rustique Aloe arborescens d’origine sud-africaine qui est chez elle, en plein air, dans tous les jardins de la Riviera.

Au Moyen-Âge elle était célèbre pour sa capacité à soigner les brûlures et, récemment encore, en Afrique du Sud chaque famille de fermiers en avait dans son jardin, à portée de main, et l’appelait “burn aloe”. Tout le monde connaît ses grandes touffes, ses larges feuilles recourbées aux bords épineux et ses très précoces fleurs rouge corail qui agrémentent en plein hiver les promenades au bord de mer.

Une espèce analogue, l’Aloe salmdyckiana, peut-être un hybride entre l’Aloe arborescens et l’Aloe ferox, a de très longues inflorescences groupées en forme de candélabre.

Au Jardin Exotique de Monaco elle a supporté sans grand dommage, en plein air, la neige et – 5 °C. Dans les divers jardins de la Riviera il est facile à la fin de l’hiver de rencontrer aussi les inflorescences éclatantes de l’Aloe marlothii, de l’Aloe dichotoma et de l’Aloe ferox, une plante à la croissance lente, très utilisée, en dehors de l’industrie pharmaceutique, pour la fabrication d’apéritifs.

L’Aloe speciosa, répandue dans les montagnes du Little Karoo, à peu de distance du Cap, est pour sa part une espèce précoce, résistant au froid mais presque inconnue dans les jardins méditerranéens.

Ses fleurs, enserrées dans des panicules compactes, passent en grandissant du rouge au blanc.

Mais les aloès ne sont pas seulement des plantes à la floraison hivernale. Les pépiniéristes sud -africains en ont en toute saison qui sont spectaculaires et, là où le climat le permet , il est possible d’aménager un “jardin des aloès” avec toujours des plantes en fleur.

Deux espèces, l’Aloe wooliana et l’Aloe ciliaris fleurissent d’ailleurs au cours de plusieurs cycles presque toute l’année.

La seconde qui s’est bien naturalisée sur la Riviera peut facilement être reproduite grâce au bouturage de jeunes rameaux et se prête très bien, du fait de son port sarmenteux, au revêtement de murs et de renfoncements.

Une espèce analogue qui serait à introduire pourrait également être l’Aloe tenuior qui a des fleurs jaunes ou, plus souvent, rouge corail.

La culture de toutes ces espèces est très facile mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit de plantes grasses : elles supportent souvent le froid (certaines espèces poussent à des altitudes élevées où la température peut descendre quelques jours au-dessous de 0 °C) mais non l’humidité.

Le sol doit donc être bien drainé et en général ne pas être arrosé l’hiver. Les feuilles doivent dans tous les cas être séchées rapidement et il est préférable de ne pas les asperger car le coeur de la rosette tend facilement à pourrir.

Dans des régions peu appropriées comme la plaine du Pô les aloès doivent être mis en pot et installés l’hiver à l’abri dans un véranda bien éclairée.

Même si l’Aloe arborescens fait preuve d’une robustesse et d’une capacité d’adaptation exceptionnelles il vaudra mieux s’orienter vers une espèce de petite taille aux feuilles décoratives comme l’Aloe brevifolia ou l’Aloe variegata qui ne dépasse pas 30 cm.

Le terrain doit être sableux mais riche. Contrairement à ce que l’on croit, en effet, les aloès poussent dans des sols très fertiles et le manque de nutriments joint à un mauvais drainage est une des principales causes d’échec.

Toutes les espèces citées jusqu’ici ont besoin de sols neutres mais une vingtaine environ exigent des sols alcalins et une douzaine des sols acides. Parmi celles-ci la plus célèbre est sans nul doute l’Aloe plicatilis qui est répandue au Sud-Ouest du Cap.

Ses feuilles, au lieu d’être en “rosette”, sont opposées et forment d’étranges “éventails” très décoratifs. Elle atteint 3 à 4 m de haut et vu qu’elle est habituée au froid et aux pluies hivernales elle pourrait aisément pousser en plein air dans les chauds jardins du Sud.

On reproduit essentiellement les aloès en détachant les drageons basilaires ou en été par des boutures des bourgeons latéraux du tronc. Il faut les mettre dans du sable humide après avoir  laisser la plaie cicatriser 2 ou 3 jours dans un endroit chaud et sec. La croissance des racines peut être accélérée par des hormones qu’il est facile de se procurer dans le commerce.

Les espèces à une seule “tête” ne se prêtent naturellement pas à cette pratique mais si à cause d’une gelée leur tronc est abîmé on peut le couper net et le replanter plus bas.

Il y a aussi le long procédé du semis. Il nécessite, il est vrai, une patience infinie mais les plantes ainsi obtenues sont en général plus robustes et adaptées à nos climats. À la différence des animaux, en effet, le monde végétal présente une énorme capacité de variations individuelles à l’intérieur des espèces et parmi les plants qui germent il y en a toujours un “différent” qui est plus adapté aux modifications des conditions environnementales.

Les graines, contenues dans des capsules déhiscentes de différentes tailles, doivent être semées au printemps dans un terreau léger mais nutritif composé pour les 2/3 de bonne terre et pour 1/3 de sable. Il faut les recouvrir d’une fine couche de gravier qui permettra à l’air de circuler. Les plants doivent être rempotés au bout d’un an quand ils atteignent 2 à 4 cm de long en faisant très attention à ne pas casser les racines qui sont très fragiles.

 

GARDENIA + SCIENZA & VITA – 1988

 

Récemment, le genre Aloe a été attribué à la famille Xanthorrhoeaceae.