Bulbophyllum echinolabium

Famille : Orchidaceae


Texte © Prof. Pietro Pavone

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Bulbophyllum echinolabium J.J.Sm. (1934) est une espèce de la famille des Orchidaceae, sous-famille des Epidendroideae, qui a été récemment intégrée dans la tribu des Malaxideae, sous-tribu des Dendrobiinae.

Découverte à proximité de la ville de Donggala (Sulawesi central, Indonésie) elle a été décrite par le botaniste hollandais Johannes Jacobus Smith (1864-1947) qui, entre 1905 et 1924, traversa les îles des Indes Orientales néerlandaises (l’actuelle Indonésie) dans le but de récolter des plantes, des orchidées en particulier, qu’il décrivit après son retour aux Pays-Bas et contribua ainsi de façon significative à la connaissance de la flore de ces territoires.

Bulbophyllum echinolabium est une espèce menacée d’extinction de l’île de Sulawesi et de Bornéo qui pousse sous forme d’épiphyte sur les arbres des forêts pluviales primaires à une altitude de 600 à 1200 m.

Bulbophyllum echinolabium a les fleurs les plus longues du genre.

Menacé d’extinction Bulbophyllum echinolabium a les plus grandes fleurs du genre Bulbophyllum. En culture elles peuvent dépasser 40 cm, environ le double de la longueur indiquée par J. Smith dans sa description botanique © Giuseppe Mazza

Le nom du genre Bulbophyllum est issu de la combinaison des termes grecs “bolbos” qui veut dire bulbe et “phyllon”, feuille, par allusion aux pseudobulbes et à la feuille unique dont cette plante est dotée.

L’épithète de l’espèce est d’origine latine. Elle provient de la fusion de “echinus” (oursin) et de “labium” (lèvre) et fait référence à son labelle verruqueux qui ressemble à un oursin.

Connue sous le nom de Bulbophyllum à la lèvre en forme d’oursin c’est une espèce exclue du commerce car elle est menacée d’extinction dans la nature et figure comme telle dans l’appendice II de la Convention de Washington (CITES) qui a pour but de protéger les espèces animales et végétales en danger d’extinction en interdisant leur exportation et leur détention.

C’est une plante de dimensions moyennes dont les racines filiformes ont la capacité de grimper à la surface des arbres et pendent parfois des branches et qui a un rhizome à partir duquel se forment à une distance de 1,8 à 3,5 cm des pseudobulbes ovoïdaux, non angulaires, hauts jusqu’à 5 cm. Chaque pseudobulbe porte une feuille unique, pétiolée, charnue et coriace, de forme elliptique à ovée, arrondie à son extrémité et longue jusqu’à 20 cm.

C’est une espèce qui, dans la nature, connaît une période de repos en raison de la rareté des pluies durant les mois d’hiver.

La photosynthèse est de type CAM (Crassulacean Acid Metabolism). Son application correspond  à une adaptation à une très forte perte d’eau (adaptation xérophytique). Dans ce système  le mécanisme de la photosynthèse s’effectue avec les stomates fermés. Ceux-ci, en revanche, s’ouvrent la nuit pour permettre les échanges gazeux (CO2, O2) avec un minimum de perte de vapeur d’eau.

Du rhizome à la base de chaque pseudobulbe sort une inflorescence qui a un scape filiforme long jusqu’à 70 cm et porte une seule fleur, rarement plus. Cette espèce a la fleur la plus grande de son genre.

J. Smith, quand il décrivit cette espèce, indiqua que la longueur de la fleur était de 22 cm depuis l’extrémité du pétale dorsal jusqu’aux extrémités des pétales latéraux mais, quand elle est cultivée, on a observé que cette longueur peut atteindre 40 cm, voire plus.

Les éléments floraux sont de couleur rose, rouge pourpre pour les nervures et orange dans la partie distale.

Le sépale dorsal, nettement réfléchi, a une base convexe et ovée puis devient progressivement très long et étroit et est dépourvu d’apex. Les sépales latéraux ont un apex légèrement torsadé et une base ovée-triangulaire. Les pétales, insérés parmi les sépales, sont petits, lancéolés et rétrécis de façon progressive vers l’apex. Le labelle est mobile de façon à faciliter la pose des pollinisateurs. Sa partie proximale (l’hypochile) est recourbée, convexe et charnue alors que sa partie distale (l’épichile) est linéaire. Le labelle est verruqueux et rappelle un oursin.

Le gynostème est court, épais et a des bords antérieurs arrondis.

Bulbophyllum echinolabium sent la viande pourrie.

Épiphyte endémique des forêts pluviales primaires de l’île de Sulawesi et Bornéo où elle pousse entre 600 et 1200 m elle est pollinisée par des mouches attirées par l’odeur putride de sa fleur et sa couleur de viande en décomposition © Giuseppe Mazza

Le stigmate est quadrangulaire, légèrement élargi vers sa base, tronqué, profondément creusé et a un bord saillant. La base du gynostème forme avec l’ovaire un angle obtus. L’ovaire est obconique (en forme de cône renversé), finement tacheté, long d’environ 1,3 cm, doté de six rainures et soutenu par un pédicelle lisse et long de 2,8 cm.

Les fleurs dégagent une odeur putride et pénétrante qui leur sert à attirer essentiellement des mouches. Elles ont aussi des parties brillantes et une couleur allant du rouge foncé au marron qui est  caractéristique de la viande en décomposition et des excréments. Les insectes, ainsi, sont attirés par ces fleurs par supercherie (fleurs sapromyophiles), certains de trouver de la nourriture et un endroit idéal pour pondre leurs œufs, mais en réalité ils ne jouent qu’un rôle de pollinisateur.

La floraison a lieu de mars à septembre. Les fleurs restent ouvertes durant environ deux semaines mais la floraison est séquentielle et peut se prolonger pendant des mois.

Bulbophyllum echinolabium est une plante très décorative en raison de la beauté de ses fleurs.

Quand elle est cultivée cette plante a besoin d’une intensité lumineuse de 18.000 à 30.000 lux et, par conséquent, d’une lumière filtrée mais jamais de la lumière directe du soleil. Les feuilles, si elles sont exposées à une lumière intense, deviennent rouge foncé ou marron alors que d’habitude, dans leur milieu naturel, elles sont de couleur vert foncé. Une bonne aération doit être assurée pendant tout le temps de la croissance.

C’est une plante thermophile à laquelle il faut des températures intermédiaires à chaudes et qui par conséquent a besoin toute l’année d’une température nocturne de 16 à 25 ° et d’une température diurne de 18 à 30 °C avec une amplitude journalière de 7 à 8 °C. Il lui faut aussi une humidité constante d’environ 80 %.

Le substrat nécessaire à sa croissance doit être doté d’un très bon drainage et comporter une bonne aération autour des racines. On préfère habituellement la planter dans des pots ou dans des corbeilles très plates, dans un sol meuble pouvant sécher rapidement. Il est conseillé d’ajouter des additifs humidificateurs  tels que des perlites ou des morceaux de tourbe mélangés à un matériau de base constitué de petits morceaux d’écorce de pin ou de fougère arborescente. Les racines sont très délicates et fragiles. Il est donc nécessaire d’espacer dans le temps les rempotages en utilisant de préférence des fibres de fougère car elles ne se décomposent pas rapidement comme c’est par contre le cas pour l’écorce de pin.

Bulbophylllum echinolabium doit être arrosé abondamment pendant sa croissance mais il faut laisser sécher le substrat entre deux arrosages pour éviter les dégâts provoqués par les rétentions d’eau. Durant l’hiver, du fait de la diminution de la lumière, il convient de réduire l’apport d’eau. Si les pseudobulbes commencent à se ratatiner on doit augmenter un peu l’hydratation avec un pulvérisateur de façon à maintenir l’humidité de l’air autour de 80 %.

Les apports de fertilisants  doivent être réguliers et effectués avec des engrais pour orchidées (en général un gramme par litre) une ou deux fois par mois. Les apports d’engrais doivent être suspendus durant les mois d’hiver ( de novembre à février).

Structure hérisson du labelle et photosynthèse CAM.

L’inhabituelle disposition en oursin du labelle a donné son nom à cette espèce qui présente de nombreux hybrides. La photosynthèse de type CAM, typique des Crassulacées et autres plantes succulentes des déserts, permet aux bulbophylles aux grandes feuilles de 20 cm de taille de supporter même de très longues périodes de sécheresse © Giuseppe Mazza

À la fin de l’hiver l’orchidée sort de la période de repos et recommence à pousser. De ce fait à l’engrais habituel on peut ajouter du phosphore et du potassium pour faciliter la floraison.

Il existe dans le commerce différents hybrides qui, en plus de leur vigueur et de la beauté de leurs fleurs, sont plus faciles à cultiver.

Parmi les hybrides primaires on peut citer Bulbophyllum Jersey qui a été obtenu en 1996 à partir du croisement entre deux espèces : Bulbophyllum lobbii, Lindl. et Bulbophyllum echinolabium. Le nom qui lui a été donné est celui de l’île de Jersey (dans la Manche) où cet hybride a été sélectionné.

C’est une plante vigoureuse, haute jusqu’à 25 cm, qui produit de grandes fleurs d’environ 18 cm de diamètre dont les sépales sont brillants et ont de très nombreuses nervures. Le labelle, situé au centre de la fleur, est caractéristique du genre et relativement petit. Les pétales sont habituellement repliés vers l’intérieur.

Les fleurs de couleur magenta durent environ trois semaines et sont produites séparément sur des épis pendants qui subsistent tout l’été. Cette plante produit des pseudobulbes arrondis dont l’unique feuille est relativement épaisse. Cet hybride a besoin de températures intermédiaires. Le substrat doit rester humide pendant la saison estivale alors qu’en hiver, quand la plante est au repos, les arrosages doivent être réduits. Une bonne ventilation est souhaitable afin d’éviter la croissance de champignons.

Un autre hybride primaire très intéressant, obtenu en 2006, est le Bulbophyllum Tonya Jacobs (Bulbophyllum facetum Garay x Bulbophyllum echinolabium). Sa fleur est grande, soit 8 x 13 cm,  et dotée de séduisantes rayures rougeâtres disposées sur un fond blanc-jaune-orange et d’un joli labelle mobile.

L’hybride Bulbophyllum Bechinolina a été obtenu à partir du croisement entre le très rare Bulbophyllum Beccarii Rchb. f. aux grandes feuilles et aux nombreuses petites fleurs (jusqu’à 150) et Bulbophyllum echinolabium. Le résultat a été superbe. Cette plante a de magnifiques feuilles grandes et larges . Ses fleurs mesurent 8 cm de diamètre. Elles ont de grandes nervures rouges et se forment successivement sur des tiges qui peuvent en produire beaucoup (de 30 à 40) pendant une longue période. La beauté des fleurs, cependant, contraste avec leur odeur qui rappelle celle des charognes.

Il existe de nombreux autres hybrides que l’on a obtenus à partir non d’espèces spécifiques mais d’hybrides. Par exemple Bulbophyllum Hannah Freel a été obtenu par B. Thoms en 2020 grâce à un croisement entre Bulbophyllum echinolabium et Bulbophyllum Manchind, ce dernier ayant à son tour été obtenu de B Thoms en 2011 par un croisement entre Bulbophyllum mandibulare Rchb. f. et Bulbophyllum echinolabium.

 

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