Ciconia nigra

Famille : Ciconiidae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Ciconia nigra, Ciconiidae, Cigogne noire

Un peu plus petite que la Cigogne blanche, la Cigogne noire (Ciconia nigra) est bien répandue en Europe centre-orientale et en Asie, hivernant en Afrique subsaharienne et dans la bande tropicale indo-malaise © Gianfranco Colombo

La Cigogne noire (Ciconia nigra Linnaeus, 1758), comme le disent si bien son nom commun et son nom scientifique, est la version “sombre” de la traditionnelle et beaucoup plus connue Cigogne blanche (Ciconia ciconia).

Ce grand oiseau appartient à l’ordre et à la famille Ciconiidae et, avec la Cigogne blanche, est l’une des deux espèces de cigognes présentes en Europe.

Alors que la Cigogne blanche a été l’objet, dans les traditions populaires, d’anecdotes, petites histoires et légendes, la Cigogne noire demeure pratiquement inconnue du plus grand nombre parce qu’elle ne supporte pas la présence de l’homme et a donc choisi un mode de vie assez solitaire, éloigné de toute activité humaine.

Sympathique, c’est la définition donnée par un enfant au sujet de la tradition qui veut que la Cigogne blanche apporte les nouveau-nés aux familles. Lorsqu’on lui demanda ce que peut faire la Cigogne blanche de différent par rapport à la Cigogne noire, il répondit d’un air angélique et sympathique que puisque la Cigogne blanche apporte les enfants blancs, la Cigogne noire doit apporter les enfants noirs.

Peu sont ceux qui la connaissent et encore moins ceux qui ont eu la possibilité de la voir dans la nature. Ce n’est pas souvent que les haltes qu’elle effectue durant son très long voyage migratoire vers l’Afrique, coïncident avec les lieux fréquentés par les humains.

La Cigogne noire est également réservée lorsqu’elle transite par nos ciels et on ne l’observe que rarement à terre vu qu’elle aime se reposer dans des endroits isolés, loin de tout centre habité et, au contraire de la Cigogne blanche qui choisi des espaces ouverts, elle demeure cachée dans des canaux, des prairies humides non cultivées couvertes de buissons et des berges inondées.

Ce n’est que lorsqu’elle se pose dans des rizières, dans des bras morts et des milieux ouverts qu’on peut l’observer plus clairement mais toujours de loin vu sa timidité atavique et la hâte qu’elle met à fuir et, même dans ce cas, l’observateur inexpérimenté la classe parfois comme un héron foncé, une cigogne blanche ou même une improbable grue.

Son nom scientifique ne nécessite pas de profonds éclaircissements quand à l’étymologie. Ciconia du terme latin homonyme qui désigne la Cigogne et nigra de “niger” = noire.

Ses différents noms vulgaires reprennent la même signification. En anglais black Stork, en allemand  Schwarzstorch, en italien Cicogna nera, en espagnol Cigüeña Negra, en portugais Cegonha-preta.

Une dernière anecdote, sans référence morphologique ou de caractère, le nom Cigogne noire (Black Stork) a été utilisé dans le jargon des forces spéciales américaines opérant au Pakistan. Un oiseau docile et réservé impliqué sans le savoir dans des activités bien différentes.

Zoogéographie

L’aire de répartition européenne de cette cigogne est presqu’exclusivement centre-orientale, étant totalement absente du sud de la France, d’Italie, de Grèce et d’une grande partie de la péninsule ibérique. Dans le sud de l’Espagne et du Portugal des populations isolées sont présentes.

Ciconia nigra, Ciconiidae, Cigogne noire

Solitaire, elle n’aime pas se montrer, préférant les canaux inondés et les lieux éloignés de toute activité humaine ou elle chasse poissons, amphibiens, reptiles, escargots, insectes et oisillons © Gianfranco Colombo

Son aire s’étend vers le Nord couvrant les côtes françaises de la mer du Nord, de la mer Baltique, la Russie continentale et, à travers la bande fraîche-tempérée de l’Asie, jusqu’aux côtes de l’océan Pacifique. Elle est absente du Danemark, d’Angleterre et de toute la Scandinavie.

Elle est également présente dans une bande en anneau qui passant à travers le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Afghanistan et le nord de l’Iran atteint les côtes méridionales de la mer Caspienne. Une population isolée et sédentaire vit en Afrique australe.

La Cigogne noire est une espèce hautement migratrice avec deux aires d’hivernage distinctes. La population européenne hiverne en Afrique, dans une étroite bande subsaharienne qui, partant du Sénégal, arrive en Ethiopie et vers le Sud jusqu’en Tanzanie.

La population asiatique quant à elle hiverne dans la bande subtropicale indo-malaise mais ne va pas jusqu’en Indonésie ni dans les parties extrêmes des péninsules indienne et indochinoise.

Comme il est habituel chez les oiseaux planeurs, la cigogne noire effectue ses migrations en profitant des courants thermiques qui, comme on le sait, ne se forment que sur la terre ferme et c’est pourquoi lorsqu’elle traverse de grandes étendues d’eau, elle cherche à les franchir aux endroits les moins larges. En fait, les deux routes migratoires qui ont sa préférence sont le détroit de Gibraltar, pour les populations des pays occidentaux et le détroit du Bosphore pour les populations orientales.

L’Italie et la Grèce sont aussi concernées par la migration d’un nombre d’individus assez limité qui traversent verticalement les deux pays afin de rejoindre les quartiers d’hiver africains.

Il y a une nette séparation entre les populations européennes et les lieux d’hivernage africains respectifs. Une frontière imaginaire, qui part de l’embouchure de l’Elbe en Allemagne jusqu’à Belgrade en Serbie, marque la frontière apparente qui divise en deux les migrations de cet oiseau. Les populations à l’Ouest de cette ligne migrent le long de la péninsule ibérique, celles à l’Est traversent le Bosphore.

Les populations italiennes s’en iront vers les quartiers d’Afrique de l’Ouest alors que les populations grecques s’en iront au Soudan ou dans la Vallée du Rift.

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Avec ses 2 m d’envergure et ses 3 kg c’est une migratrice qui suit des routes rigoureuses, seule ou en petits groupes, profitant des courants thermiques ascensionnels qui en Europe finissent par la porter, selon les aires de provenance, au détroit de Gibraltar ou au détroit du Bosphore. Elle s’adapte à tout mais il lui faut nécessairement de l’eau © Gianfranco Colombo

Plus que tout autre migrateur, cet oiseau a un couloir de migration très étroit et bien défini. On le voit rarement déroger à ce chemin tout tracé.

En outre, la Cigogne noire migre le plus souvent en petits groupes mais il n’est pas rare de la voir effectuer les migrations en solitaire. Elle maintient ce comportement dans les aires d’hivernage et reste souvent seule ou au sein d’un très petit groupe.

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La Cigogne noire niche en solitaire. Le nid, placé à la cime d’un grand arbre ou sur un surplomb rocheux, est une plateforme de branches, d’une largeur pouvant aller jusqu’à 150 cm © Museo Civico di Lentate sul Seveso

Ecologie-Habitat

La Cigogne noire est une espèce aquatique, beaucoup plus liée à l’eau que la Cigogne blanche, c’est pourquoi elle aime vivre et nicher dans des bois humides et des aires proches de cours d’eau ou de marais et peut aller jusqu’à 2 500 m d’altitude si elle y trouve les milieux adaptés.

Les lieux fréquentés dans les deux phases de sa vie de migratrice sont souvent très différents. Durant la migration le milieu choisi est très diversifié et ne reprend pas celui occupé lors de la nidification et de l’hivernage. Lorsqu’il n’est pas possible de choisir des sites appropriés, elle utilise des sites occasionnels. En Afrique, elle se contente souvent de savanes sèches et pré-désertiques mais toujours à proximité de marais et de cours d’eau.

L’arrivée dans les quartiers d’été coïncide avec notre printemps. Déjà vers la fin mars les premières arrivées se produisent et dès fin août et durant tout le mois de septembre la migration automnale reprend.

Étant une espèce aquatique sa nourriture de prédilection est naturellement liée à cet habitat. Elle se nourrit presqu’exclusivement de poissons mais aussi de grenouilles et d’amphibiens variés, de reptiles d’eau et de petits mammifères, d’insectes, d’escargots et de petits oiseaux. Elle chasse généralement debout dans l’eau jusqu’à mi-jambes, à l’affût du moindre mouvement de la proie pour la frapper de son gros bec puissant.

Morpho-physiologie

La Cigogne noire ne passe certainement pas inaperçue vu sa grande taille. Avec une envergure de 2 m, une longueur de presque 1 m et un poids de presque 3 kg, elle n’est que légèrement plus petite que la Cigogne blanche.

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La femelle pond 3-6 œufs, mais quand la nourriture est rare les faibles sont tués par leurs frères ou par leurs parents © Museo Civico di Lentate sul Seveso

Elle montre une livrée complètement noire avec des reflets violet-verdâtre, exception faite du ventre qui est blanc pur.

Le bec et les pattes sont rouge écarlate, bien visibles même de loin. Les yeux sont entourés d’un cercle orbitaire rouge lui aussi.

Il n’y a pas de dimorphisme sexuel évident mais seulement une légère différence de taille en faveur du mâle.

Les juvéniles ont une livrée moins ostensible sur laquelle le noir est beaucoup plus mat et ambré sans aucun reflet métallique. Les parties rouges des adultes sont gris-olivâtre chez les juvéniles.

La livrée de la Cigogne noire est très semblable à celle de la Cigogne d’Abdim (Ciconia abdimii), espèce africaine dont elle partage le territoire durant l’hiver.

Les seules différences sont le manque de rouge et le dessous de l’aile blanc et noir de la Cigogne d’Abdim, qui est totalement noir chez notre cigogne. La Cigogne noire est plus volubile que la Cigogne blanche et émet souvent des sons gutturaux de contact et, quand elle est sur le nid, des glapissements aigus de reconnaissance en plus, bien sûr, des craquètements (claquements de bec) sonores en présence du partenaire.

Éthologie-Biologie Reproductive

La Cigogne noire niche en solitaire et installe son nid sur la cime d’un grand arbre caché dans des aires reculées, caractéristique mettant en évidence son caractère réservé et sa volonté de rester loin de toute présence humaine.

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Les subadultes ne montrent pas la coloration rouge des parents. Elle vit environ 18 ans, en captivité plus de 30 ans © Gianfranco Colombo

Dans certaines aires, elle bâtit son nid sur un surplomb rocheux inaccessible, s’il y en a un de disponible. Le nid, qui peut dépasser 150 cm de diamètre, est formé de grosses branches sèches et tapissé à l’intérieur de matériaux plus moelleux. Il est solidement ancré aux branches de l’arbre afin de supporter le poids de la nombreuse nichée et des parents.

Le même nid est souvent réutilisé pendant de nombreuses années.

La femelle y pond de trois à six œufs très blancs qui sont ensuite couvés par la femelle seule pendant environ 35 jours. Les petits restent encore au nid pendant 10 semaines avant de prendre leur envol. Durant quelques semaines de plus, ils dépendront de leurs parents et atteindront la maturité à trois ans.

Il a été rapporté que lorsque la nourriture manque, les parents tuent les oisillons les plus faibles de la nichée afin de donner une plus grande chance de survie aux autres petits. Les poussins ne sont pas agressifs les uns envers les autres mais une première sélection naturelle a lieu lorsque les parents apportent de la nourriture, les plus faibles étant souvent empêchés d’accéder à la nourriture.

Cette espèce n’est pas considérée en danger d’extinction même si le nombre d’individus est, dans certaines aires, en réduction à cause de la perte de son habitat naturel. A l’état sauvage son espérance de vie atteint 18 ans alors qu’en captivité elle peut dépasser les 30 ans.

Synonyme

Ardea nigra Linnaeus, 1758.

 

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