Cydalima perspectalis

Famille : Crambidae


Texte © Dr Didier Drugmand

 

La Pyrale du buis, une espèce invasive de papillon de nuit, fait depuis quelques années la une de la plupart des médias, tant scientifiques qu’horticoles. À un point tel que les moteurs de recherche classiques d’internet renvoient le lecteur vers des dizaines de milliers de pages décrivant ce papillon, ses ravages et les différents moyens de lutte.

Originaire de Chine, Cydalima perspectalis (Walker, 1859) a envahi presque toute l’Europe en une dizaine d’années ; elle est aussi signalée depuis peu au Canada. Ce ravageur est apparu dans ces régions, non pas à la suite de fluctuations de son aire de répartition liées notamment aux changements climatiques affectant aujourd’hui notre planète, mais, comme nous le verrons plus loin, à cause de la bêtise humaine.

Cet hétérocère (papillon de nuit) a été décrit en 1859 par l’entomologiste anglais Francis Walker (1809-1874). Il se basait sur une femelle unique, récoltée en août 1854, dans le nord de la Chine.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

La Pyrale du buis (Cydalima perspectalis) est une espèce invasive originaire de Chine avec une envergure de 36-40 mm. Typiquement blanche avec un bord brun elle peut être aussi entièrement brune, plus ou moins irisée, avec une tache discale blanche sur l’aile antérieure. C’est le cas, selon les régions, de 1 à 3 individus sur 10 © Giuseppe Mazza

Le spécimen était conservé dans la collection d’un certain Mr Fortune. Walker rangea cette nouvelle espèce dans le genre Phakellura et lui donna le nom de perspectalis.

La description originale, rédigée en latin et en anglais, a été publiée dans une revue anglaise. L’holotype (spécimen sur lequel se base la description) se trouve aujourd’hui dans les collections du British Museum of Natural History de Londres. Sous le spécimen, figurent des étiquettes portant les mentions : /Phakellura perspectalis Walker, 1859, Holotype (by monotypy)/ “Type”, “N. China | 54.8.”, /“perspectalis Walk/, /BMNH/.

Le genre Phakellura appartient à la famille des Crambidae, proche des bien connus Pyralidae. Elle est très diversifiée, et compte approximativement 15000 espèces réparties à travers le monde, dont environ 300 appartiennent à la faune européenne. Les deux familles se distinguent notamment par la structure des organes auditifs. Elles renferment de nombreuses espèces dont les chenilles ravagent les plantes d’ornement et de culture ainsi que les denrées entreposées.

Citons notamment parmi les Pyralidae : les Pyrales de la farine avec 2 espèces : (Ephestia kuehniella et Pyralis farinalis), la Pyrale du cactus (Cactoblastis cactorum) ainsi que la Pyrale du riz (Corcyra cephalonica ) et, parmi les Crambidae, outre la Pyrale du buis, la Pyrale de la canne à sucre (Diatraea saccharalis) et la Pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis).

Notons que toutes ne sont pas des nuisibles, certaines espèces sont aussi utilisées en lutte biologique telle Niphograpta albiguttalis, pour contrôler le développement de la Jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes), une des 100 pires espèces envahissantes selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Au sein des Crambidae, la Pyrale du buis a été placée, par différents auteurs, dans trois genres de la sous-famille des Spilomeninae : (1) Palpita Hübner, 1808, (2) Diaphania Hübner, 1818 et (3) Glyphodes Guenée, 1854. Comme aucun argument systématique pertinent ne justifiait le placement de P. perspectalis au sein de ces taxons, un entomologiste russe, A.N. Streltzov, a établi, en 2008, un nouveau genre monotypique, les Neoglyphodes pour accueillir le taxon perspectalis. Mais la saga de la pyrale continua, car cette action systématique n’était pas pertinente, le nouveau genre n’ayant pas été envisagé dans le contexte de tous les Spilomeninae. Une étude phylogénétique de 2010 a finalement éclairci l’imbroglio systématique. En établissant la monophylie des taxons, les auteurs ont placé en synonymie plusieurs genres, donné de nouvelles définitions aux unités taxonomiques et déplacé des espèces. La pyrale du buis a ainsi été rangée dans le genre Cydalima Lederer (1859).

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

Une variante chromatique, nettement moins abondante, a l’aile antérieure complètement ourlée de brun. Au repos une bande brune semble donc partager l’aile obliquement © Giuseppe Mazza

Remarquons enfin que Cydalima perspectalis apparaît encore fréquemment dans la littérature scientifique, notamment asiatique, sous les combinaisons erronées de Glyphodes perspectalis, Diaphania perspectalis ou Neoglyphodes perspectalis.

L’entomologiste autrichien Julius Lederer (1821-1870) créa le nom Cydalima, en 1863, sur base du grec « cydalimos » qu’il traduisait en allemand dans la description originale par « ruhmvoll » soit « glorieux (se) ». Le nom d’espèce « perspectalis » dérive, quant à lui, probablement du verbe « perspectare », et dès lors, interprété par « bien connu ou renommé».

Cydalima perspectalis est connue en français sous le nom de Pyrale du buis , en anglais : « Box tree moth », en italien  : « Piralide del bosso », en Espagnol : « polilla del boj » ou « piral del boj », en néerlandais : « buxusmot », en allemand : « Buchsbaumzünsler » et en portugais : « Traça Do Buxo ».

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

Ici la variante brune avec ses irisations dorées à violacées. Les adultes sont peu actifs de jour et demeurent cachés à l’intérieur du feuillage du buis, voire d’un autre végétal. Il n’est pas rare d’observer, le soir, des papillons posés sur des murs ou des vitrines éclairées. Cette espèce est, en effet, fortement attirée par les éclairages artificiels © Giuseppe Mazza

Confusions possibles 

Les chenilles de la pyrale du buis ressemblent quelque peu à celles de la piéride du chou (Pieris brassicae (Linnaeus, 1758)), mais ces dernières ne se nourrissent pas aux dépens du buis. Un examen attentif permettra rapidement de différencier ces deux espèces. Quant à l’adulte, on pourrait le confondre avec la « marginée » (Lomaspilis marginata (Linnaeus, 1758), qui est cependant plus petite, et arbore une coloration des ailes différente.

Zoogéographie

Le centre d’origine de Cydalima perspectalis se situe en Asie de l’est, probablement en Chine. Rappelons que sur l’étiquette du type figurait la mention « N. China ».

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Les trois variations chromatiques © Claude Galand

Depuis sa description, l’espèce a été signalée de toute la Chine, de Taiwan, du Japon et de la Corée du Sud. Les citations anciennes d’Inde demandent encore confirmation.

La répartition de C. perspectalis en Asie est en grande partie liée aux différentes espèces de Buxus indigènes et ornementaux. L’abondance de la pyrale dans le nord de la Chine et L’Extrême-Orient russe, où les Buxus spp. n’existent pas à l’état naturel, s’explique par l’introduction récente dans ces régions de buis ornementaux.

En mai 2007, les premières chenilles de la pyrale du buis ont été découvertes loin de l’Asie, au sud-ouest de l’Allemagne, dans la ville de Weil am Rhein et dans ses environs (Bade-Wurtemberg). Il s’agissait des premières données validées pour l’Europe continentale. Au vu de l’importance des populations observées, l’implantation de la pyrale devait probablement remonter à 2005 (on la signalait déjà en 2006 chez des pépiniéristes). Le papillon a ensuite rapidement continué sa progression vers de nouvelles régions et est maintenant présent dans plus de 30 pays européens.

Sa propagation a été favorisée par le libre marché des végétaux vivants dans l’Union européenne et par la présence dans les milieux naturels de deux espèces de buis indigènes d’Europe, le Buxus sempervirens et le B. balearica. La même année, des observateurs pointaient C. perspectalis déjà en Suisse, aux Pays-Bas et également au Royaume uni. Suivons ensuite sa propagation : en 2008, la pyrale apparaît en Alsace (France). En 2009, elle atteint la région parisienne, et puis couvre l’entièreté du territoire français dès 2015. La communauté scientifique la signale en 2009 en Autriche et au Lichtenstein, en 2010, en Belgique, en Italie et en Roumanie, en 2011, en Hongrie et en Turquie ; en 2012, en Croatie, en Tchéquie, en Pologne et en Slovénie ; en 2013 au Danemark, en Sicile, en Tchétchénie, Russie (notamment la ville olympique de Sotchi sur les rives de la mer noire, impactée par l’envoi d’Italie de buis ornementaux infectés) et en Slovaquie, en 2014, en Ukraine, en Bulgarie, en Macédoine, au Monténégro, en Géorgie, en Serbie et en Espagne, en 2015, au G-D de Luxembourg, en Moldavie, et en Grèce ; en 2016 au Portugal, en Bosnie-Herzégovine et dans le sud de la Suède. Enfin, plus récemment, en 2017 en Albanie et au Kosovo, et en 2018, en Irlande, en Corse, en Écosse, à Gibraltar, en Lituanie, et à Malte.

La pyrale n’a pas encore été détectée à Chypre, en Estonie, en Finlande, ni en Lettonie. Le papillon peut probablement s’établir dans tous ces pays dans les conditions climatiques actuelles, à l’exception de la Finlande, où sa répartition serait limitée aux régions les plus chaudes. Notez qu’avec le réchauffement climatique actuel, les zones marquées par des températures plus élevées de la région boréale pourraient être envahies, ainsi que certaines régions alpines, atlantiques et continentales qui sont actuellement encore trop froides pour que la pyrale puisse y survivre ou y compléter une génération. Avec l’augmentation de la température, le papillon de nuit développerait à l’avenir deux générations par année dans des régions où il ne peut aujourd’hui boucler qu’une génération. Ce changement accroîtra très certainement les dégâts aux buis dans ces zones. À suivre !

L’examen attentif de la carte et de la chronologie des observations en Europe indique que la répartition actuelle du papillon ne s’explique que par des introductions multiples (liées à des importations de buis venant de Chine) et non à la suite d’une dissémination progressive (par le vol des adultes) à partir d’un point d’origine unique (sud-ouest de l’Allemagne).

Hors Europe, la pyrale du buis a été détectée en 2018 (donnée officialisée en 2019) dans un quartier urbain de Toronto, en Ontario. La source de cette introduction demeure inconnue, mais il est probable que le papillon a été introduit avec du buis importé, puisqu’aucun Buxus n’est indigène au Canada. En revanche, une espèce – Buxus vahlii Baillon, 1859 – est endémique à Porto Rico et aux îles Vierges des États-Unis. La pyrale va-t-elle ravager dans les prochaines années ce buis endémique ?

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Elle a envahi presque toute l’Europe en une dizaine d’années. La première apparition a eu lieu à Rhein, dans le sud-ouest de l’Allemagne © Didier Drugmand

En 2017, la pyrale a été signalée au Pakistan. On ignore encore si cette région figure dans son aire d’origine primitive ou si le papillon a colonisé secondairement ce pays.

Écologie et Habitat

Dans son aire d’origine, les chenilles de C. perspectalis causent des dommages plus ou moins importants aux différentes espèces de buis (genre Buxus famille des Buxacées), principalement en consommant les feuilles et, plus rarement, l’écorce de ses hôtes. La Pyrale du buis s’observe aussi parfois sur le houx à feuilles pourpres (Ilex chinensis Sims, 1819 = Ilex purpurea Hasskarl, 1844 nom sous lequel il est cité dans la littérature liée à Cydalima), le fusain du Japon (Euonymus japonicus Thunberg, 1780) et le fusain ailé (Euonymus alatus (Thunberg) Siebold, 1830). Il semblerait toutefois qu’à ce jour en Europe, ces espèces végétales ou des espèces voisines (comme Ilex crenata Thunberg, 1784) ne sont pas attaquées par la pyrale : les rares œufs pondus sur ces essences ne donnent pas naissance à des larves viables (sauf en laboratoire).

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Les adultes ressemblent à la Lomaspilis marginata, cependant plus petite, et les chenilles à celles de la Piéride du chou (Pieris brassicae) © Claude Galand

En Europe, la pyrale du buis n’a été observée que sur des Buxus indigènes : le plus fréquemment sur (1) le buis commun ou buis toujours vert (Buxus sempervirens Linné, 1753), le plus commun, largement réparti du Portugal jusqu’en Allemagne et en Suisse ainsi que dans les Balkans ; plus rarement sur (2) le buis des Baléares (Buxus balearica Lamarck , 1783) qui ne vit à l’état sauvage qu’en Andalousie, sur les îles Baléares et en Sardaigne. On la rencontre aussi en abondance sur les buis cultivés ou directement introduits provenant de Chine tels Buxus bodinieri H. Léveillé, 1913 (buis de Bodinier), Buxus harlandii Hance, 1873 (buis de Chine), Buxus megistophylla H. Léveillé, 1914, Buxus microphylla Sieb. & Zucc., 1846 (buis à petites feuilles) , Buxus rugulosa Hatusima, 1942, et Buxus sinica (Rehder & E. H. Wilson) M. Cheng, 1980.

Les attaques de la pyrale n’affectent pas que nos jardins et les parcs. Le buis est aussi indigène en Europe et plusieurs peuplements constituent des éléments importants de nombreux sites naturels Natura 2000 protégés en Europe. Dans le sud de l’Allemagne (“Wälder bei Wyhlen”), le seul peuplement de B. sempervirens de taille importante a maintenant disparu à plus de 95% sous les coups de mandibules de C. perspectalis. Le papillon a malheureusement endommagé d’autres peuplements en Italie, en France (notamment en Alsace et dans le centre) et est également présent dans des sites abritant des buis sauvages en Belgique. Plus à l’est de l’Europe, la pyrale a détruit de nombreuses forêts naturelles de Buxus colchica Pojark., 1947 (considéré actuellement comme un synonyme de B. sempervirens) typique des montagnes du Caucase, du sud de la Russie et de Géorgie.

La disparition du buis sauvage est dramatique en termes de biodiversité, mais pourrait être aussi à la base d’une catastrophe écologique majeure. En effet, B. sempervirens est connu pour agir sur la succession forestière en influençant différemment l’établissement et la survie d’espèces d’arbres, comme dans les Pyrénées, où il favorise le hêtre par rapport au sapin commun (Abies alba). Plusieurs études ont aussi montré que les Buxus spp. poussent aussi sur des pentes raides et friables où ils jouent probablement un rôle important dans le piégeage des sédiments.

Ce papillon de nuit compromet aussi l’aspect esthétique des plantes qu’il attaque, en causant la perte de leurs feuilles, en y tissant des toiles et en y abandonnant ses déjections. Les imagos n’impactent pas le buis, ils se nourrissent – comme la plupart des autres espèces de papillons – du nectar de différentes plantes, sans, semble-t-il, montrer une préférence pour un taxon particulier. L’alimentation de l’adulte est très peu documentée dans la littérature scientifique.

Morphophysiologie

De forme circulaire et légèrement bombée, les oeufs sont initialement de couleur blanc-crème, puis prennent rapidement une teinte jaune-verdâtre avec une auréole orangée centrale (correspondant à l’embryon). Leur diamètre varie de 0.8 à 1.0 mm. Un point noir apparaît dans l’œuf quand la capsule céphalique de la chenille commence à se former. L’éclosion survient environ 3 jours après la ponte.

À la sortie de l’œuf, les chenilles mesurent de 1 à 2 mm, elles sont jaune verdâtre avec la tête noire et luisante, marquée dorsalement par un « Y » gris blanc. Les 6 pattes thoraciques sont jaunâtres à brunâtres (selon les stades ou les populations). Une bande verte flanquée de deux bandes jaunes marquent la face dorsale. Sur la marge des segments dorsaux, un mamelon noir sur les premiers segments puis deux sur les suivants, tous marginés de blanc et, avec au centre, une soie blanche dressée. Moitié supérieure de la face latérale avec une bande vert foncé à noirâtre avec sur chaque segment (hormis les derniers) un mamelon noir vert, portant une longue soie blanche dressée perpendiculairement au corps.

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Mais en y regardant de plus près, le dessin est différent avec la moitié inférieure de la face latérale vert clair jaunâtre © Giuseppe Mazza

Moitié inférieure de la face latérale vert plus ou moins clair, une longue soie verticale blanche sur chaque segment ainsi que sur les fausses pattes. Stigmates non pigmentés, hormis au niveau du thorax. Dernier segment abdominal, moitié basale de la face latérale et face ventrale jaune vert.

Les chenilles passent par 3 à 7 stades (dépendant des conditions d’ensoleillement et de température) avant d’atteindre leur taille maximale (entre 35 et 40 mm) au bout de de 2 à 4 semaines. Notons enfin que ces larves ne sont pas urticantes.

Arrivées à maturité, les chenilles tissent un cocon de soie blanche parmi les feuilles et les rameaux de leur plante-hôte. La chrysalide mesure de 25-30 mm de long, elle arbore d’abord une couleur verdâtre, puis fonce pour devenir de plus en plus brunâtre. Ses caractères morphologiques adultes se marquent progressivement avec l’âge de la chrysalide. En fin de nymphose, les ailes, les antennes, les yeux, les palpes et les segments abdominaux deviennent visibles par transparence.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

De forme circulaire et légèrement bombée, les œufs sont initialement de couleur blanc-crème, puis jaune-verdâtre avec une auréole orangée centrale correspondant à l’embryon. Leur diamètre varie de 0,8 à 1,0 mm. Un point noir apparaît dans l’œuf quand la capsule céphalique de la chenille commence à se former © Giuseppe Mazza

Les chrysalides sont toujours dissimulées, soit au sein du buis, soit dans son voisinage immédiat. Le seuil de température pour ce stade doit être supérieur à 11.5°C.

Remarquons que, comme souvent chez les papillons, le sexage des chrysalides n’est pas évident. Toutefois, si on compare attentivement des chrysalides … encore faut-il disposer des 2 sexes – l’anus se situe sur le 10e et dernier segment abdominal dans les 2 sexes, et l’orifice génital du mâle sur le 9e, alors que celui de la femelle apparaît sur le 8e, et celui de la ponte sur le 9e. L’extrémité des chrysalides est terminée par un organe griffu appelé « crémaster » qui permet l’amarrage de la chrysalide au fond du cocon. Le stade chrysalide dure en moyenne trois semaines, sauf pour les chrysalides de dernière génération qui devront hiverner.

La pyrale adulte exhibe des ailes blanches marginées de brun et marquées par des irisations dorées à violacées plus ou moins nettes, selon l’angle d’incidence de la lumière. L’envergure moyenne varie de 36 mm et son maximum 44 mm.

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L’éclosion survient environ 3 jours après la ponte. À la sortie de l’œuf, les chenilles mesurent 1-2 mm. Presque invisibles elles se cachent vite dans le feuillage du buis © Giuseppe Mazza

L’espèce se présente sous trois habitus distincts. (1) La forme, la plus commune, avec les ailes blanchâtres bordées de brun. (2) Une variante chromatique, nettement moins abondante (un individu sur 10 en Belgique), avec l’aile antérieure complètement ourlée de brun (au repos, une bande brune semble partager obliquement l’aile). (3) Un troisième morphe (moins rare, selon les régions, de 1 à 3 individus sur 10) entièrement brun plus ou moins irisé, avec une tache discale blanche sur l’aile antérieure.

Les trois formes ont été observées avec certitude en Belgique, au Royaume uni et en France. Elles sont probablement présentes dans d’autres pays. Ces différents morphes témoignent de l’existence d’une certaine variabilité génétique au sein de la population implantée en Europe et, par là même, indiquent des capacités adaptatives étendues.

Notons que les diverses formes chromatiques peuvent apparaître au sein d’une même population. Des intermédiaires existent aussi entre ces trois morphes bien typés, compliquant parfois la détermination de ce ravageur.

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Leur présence se signale par les taches sur le feuillage et la présence des toiles riches en excréments avec des capsules céphaliques noires résultant de la mue © G. Mazza

Les spécialistes ont alors recours à l’examen des pièces génitales des mâles ou des femelles de la pyrale pour confirmer leurs déterminations.

Décrivons rapidement le restant du corps de la forme typique. Tête blanc-gris à brune, avec l’arrière couvert d’une pilosité fauve à brune, yeux brun-noir, antennes brun clair à jaunâtres. Articulation entre les ailes et le thorax tapissée de grandes écailles et de longs poils blancs. Thorax et abdomen velus, de couleur blanchâtre (brun clair chez les morphes foncés) excepté les derniers segments abdominaux brunâtres. Tarses souvent blancs, fémurs et tibias blancs mâtinés de brun.

Les femelles commencent à pondre des œufs 2 à 3 jours après leur envol. De prime abord les 2 sexes sont identiques, mais si on observe les extrémités abdominales, elles diffèrent nettement : un pinceau de poils noirs et rectilignes termine l’abdomen des mâles. Ces derniers vivent moitié moins longtemps que les femelles.

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Elles passent par 3 à 7 stades avant d’atteindre leur taille maximale entre 35 et 40 mm, au bout de de 2 à 4 semaines © Giuseppe Mazza

Éthologie-Biologie reproductive

Un cycle correspond à la durée maximale du développement complet, du stade œuf au stade imago (adulte), en passant par les différents stades larvaires et terminé par la chrysalide.

La pyrale du buis est polyvoltine, tant au sein de son aire de distribution originelle, qu’en Europe.

Elle réalise ainsi au minimum deux cycles de développement en Europe centrale (en Suisse, par exemple) et du Nord, et souvent 3 cycles dans les régions plus chaudes : le premier, au début du printemps (vers mars – avril), le deuxième, en été (vers mi-juin – juillet) et, le dernier, au début de l’automne (vers septembre – début octobre).

Certains auteurs ont même répertorié, dans des régions chaudes et humides, un maximum de 5 cycles (notamment en Chine) qui se chevauchent sur une année. Ces maximums d’activités correspondent toujours à des pics de dégâts sur les buis. Comme le cycle de la pyrale est directement influencé par la température extérieure et la lumière solaire, il est difficile d’en décrire un modèle type. Nous renvoyons le curieux aux nombreuses publications scientifiques et aux sites internet précisant le déroulement d’un cycle dans les divers pays européens et asiatiques.

En Europe occidentale, dans des conditions de laboratoire, la durée totale d’un cycle est, en moyenne, de 45 jours, et ce, sous une température de 25°C avec une alternance jour/nuit de 16 à 8 heures. Dans la nature, le cycle varie entre 17 (sous des conditions optimales de température et de longueur de jour) et 87 jours.

Les femelles adultes reproductrices vivent en moyenne 12 jours. (23 jours maximum) contre une moyenne de 17 jours pour les femelles sans activité de reproduction. Les mâles connaissent une longévité d’environ 15 jours. Le sexe-ratio est de 50 % (en condition de laboratoire).

Les femelles pondent des amas de 5 à 20 œufs sur la face inférieure des feuilles non attaquées des buis ; elles limitent ainsi la concurrence entre les larves et optimisent leur développement en assurant leur nourriture. Au cours de leur vie, elles pondent (selon les localités et les conditions météorologiques) entre 190 et 790 œufs (avec une moyenne d’environ 300 œufs).

La ponte débute très tôt après l’émergence des adultes. Le pic de ponte est atteint dès le septième jour. Le seuil de température pour le développement des œufs doit être supérieur à 10,9°C.

Plus de 50 % des pontes sont réalisées entre le quatrième et le dixième jour après la naissance et près de 80 % des pontes entre le quatrième et le quatorzième jour. L’étude de fécondité montre que les femelles pondent tout au long de leur courte vie.

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Arrivées à maturité, les chenilles commencent à tisser un cocon de soie blanche parmi les feuilles et les rameaux © Giuseppe Mazza

Au premier stade, la chenille, vu sa petitesse (1 à 3 mm) est indétectable, restant sur l’envers d’une feuille. C’est au 2e stade qu’elle se déplace, commençant à tisser des fils protecteurs de soie blanchâtre. Elle se montre alors de plus en plus vorace, pouvant, durant les 3e et 4e stades, dévorer aussi bien le feuillage du buis que l’écorce.

Les larves issues d’un seul groupe d’œufs s’étendent sur une surface de 20 à 25 cm de diamètre à partir de leur site de ponte.

Les températures optimales pour leur alimentation fluctuent, selon les régions, entre 15°C et 30°C.

La durée du développement larvaire varie énormément ; elle fluctue entre 17 et 85 jours.

La durée du cycle est liée à la température ambiante, qui ne devra pas être inférieure à 8.4 °C, et à la lumière solaire. Si la température reste clémente, tous les stades larvaires s’observent encore et cohabitent en automne.

Lorsque la durée du jour tombe en dessous d’environ 13,5 heures, les chenilles (souvent de troisième stade en Europe) entrent en diapause (stade de dormance d’un insecte), elles passent alors l’hiver au sein d’une toile filée, l’hibernarium.

Ces abris sont le plus souvent tissés entre 2 feuilles de buis accolées, et solidarisées. Dans cet état et sous cette protection, les chenilles survivent à des températures descendant jusqu’à -30 C (dans l’est de la Russie et le nord de la Chine) !

Fin de l’hiver et au début du printemps, les chenilles sortiront de leur diapause et poursuivront leur développement en consommant les nouvelles feuilles de buis, avant de se transformer en chrysalide dès la fin avril, ce stade durera entre 2 à 4 semaines (parfois plus, si la chrysalide apparaît en en automne). Selon la clémence de l’hiver, les papillons adultes émergeront, suivant les régions, entre les mois d’avril et de juin.

La pyrale s’est adaptée à de multiples climats, situés entre deux extrêmes : celui des steppes et celui des zones continentales. Un certain nombre de différences ont été cependant observées entre les populations envahissantes de C. perspectalis et les populations indigènes d’Asie. Les seuils de température ainsi que les degrés-jours requis pour le développement des œufs, des larves et des chrysalides sont similaires entre les études européennes, mais ils différent des études menées notamment au Japon.

De telles dissemblances s’expliquent parce que des biotypes géographiques différents induisent des réponses développementales distinctes. En outre, il ne peut être exclu que le taxon « pyrale du buis » corresponde à un complexe d’espèces et que des espèces cryptiques soient mélangées avec la forme typique, par exemple au Japon et en Asie continentale. Des études génétiques apporteront une réponse à cette hypothèse.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

Un « nid » ouvert à moitié découvrant la chrysalide de 25-30 mm de long. Elle arbore d’abord une couleur verdâtre, puis fonce pour devenir de plus en plus brunâtre © Giuseppe Mazza

En raison de l’absence d’ennemis naturels dans son aire de répartition européenne, les populations de C. perspectalis deviennent rapidement très importantes et denses. Elles ne semblent être limitées que par les ressources alimentaires et les conditions climatiques.

Ce papillon dispose d’une morphologie robuste et puissante, il se déplace principalement la nuit (parfois, mais plus rarement, aussi le jour) en volant sur des distances relativement importantes. Sa propagation serait de quelques km voire dizaines de km par an.

Reste à déterminer si son comportement est sédentaire ou non. Dans les zones actuellement infestées, les buis paraissent assez distants, car ils sont principalement présents dans les agglomérations. Ces distances semblent dès lors freiner la dissémination de la pyrale. Les possibilités de propagation passive de ce ravageur sont, outre le transport des déchets verts de taille, le commerce des plants de buis par les pépinières, les jardineries, les supermarchés, les fleuristes…

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

Le stade chrysalide dure en moyenne trois semaines. En fin de nymphose elle commence à bouger © Giuseppe Mazza

Détection-dégâts

Son comportement discret permet à la pyrale du buis de passer facilement inaperçue, du moins lorsque sa population reste faible, ce qui est le cas lors de son arrivée dans de nouveaux secteurs géographiques.

Dissimulés sous les feuilles de buis, les œufs demeurent presque indétectables, à moins d’un examen très minutieux de la végétation. Rappelons leur petite taille (± 1 mm) et les pontes en amas peu nombreux qui ne facilitent pas leur découverte.

La découverte de toiles, d’excréments souvent vert-gris voire de capsules céphaliques noires résultant de la mue des larves constitue les indices patents d’une infestation débutante du buis.

Les chenilles de tous stades, même celles de plus grande taille (40 mm), se cachent le jour dans les buis, et seul un œil averti les découvrira au sein du feuillage dense. Elles apparaîtront plus nettement avec l’avancement de la défoliation. Pour rechercher leur présence, il ne faut pas hésiter à écarter les rameaux des buis touffus.

Découvrir les jeunes chenilles hivernantes (taille ≈ 5 – 8 mm) paraît plus aisé, elles apparaissent, à l’apex des rameaux, au sein d’une logette protectrice -l’hibernarium – dissimulée à l’intérieur de deux ou trois feuilles réunies entres elles par quelques faisceaux de fils de soie blanchâtre. Le brunissement du feuillage constitue aussi un symptôme d’alerte de la présence de la pyrale.

Les imagos sont peu actifs de jour et demeurent cachés à l’intérieur du feuillage du buis, voire d’un autre végétal. Il n’est pas rare d’observer, le soir, des papillons posés sur des murs ou des vitrines éclairées. Cette espèce est, en effet, fortement attirée par les éclairages artificiels, et, plus particulièrement, par certaines anciennes ampoules émettant dans le spectre ultra-violet (ampoules à vapeur de mercure, tubes fluorescents actiniques ou de Wood).

La chrysalide est, quant à elle, toujours immobile. Au sein de l’arbuste, on la détectera facilement en « palpant » la masse foliaire ou en écartant délicatement les feuilles.

Dégâts et lutte

Cydalima perspectalis est le seul ravageur du buis connu en Europe. Cette pyrale constitue donc une menace importante pour les pépinières, les parcs, les jardins, mais aussi pour les buissons de buis qui poussent de manière spontanée en forêt dans divers écosystèmes naturels européens.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

En fin de nymphose, des dilatations-contractions par absorption d’air-pulsion de l’hémolymphe se succèdent. Elles facilitent l’extraction de l’imago de son enveloppe © Giuseppe Mazza

Seules les chenilles se nourrissent à ses dépens. Le broutage des chenilles provoque un brunissement et un dessèchement des feuilles des plants, rapidement suivi par une défoliation importante et rapide. Quand l’attaque reste légère, le buis peut produire de nouvelles feuilles, mais lors de pullulations, les buis sont totalement défoliés.

Le buis refeuille en général la saison suivante, cependant la pyrale attaque fréquemment les arbres durant leur refeuillaison provoquant parfois le dépérissement de certains brins.

Les adultes, quant à eux, n’impactent pas directement le buis, ils ne se nourrissent pas ou peu (ils consomment alors le nectar de nombreuses fleurs). Dans les cas aigus, les attaques ne concernent pas seulement la masse foliaire des buis, mais aussi les écorces et les bourgeons (de la ramification fine, aux branches et tiges). Notons que, souvent en milieu urbain, des buis dépérissent dans certaines zones, alors que d’autres arbustes demeurent ailleurs quasiment indemnes.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

L’adulte émerge rapidement de sa chrysalide © Giuseppe Mazza

Les buis denses, taillés, aux rameaux compacts paraissent les plus sévèrement touchés. Alors que les plants anciens au port naturel et à la ramure plus lâche semblent davantage épargnés. La densité des arbustes protège peut-être les chenilles de leurs prédateurs à bec ou à mandibules !?

Pour l’instant ce ravageur n’a attaqué que le buis en France, mais, en Asie, la pyrale vit aussi aux dépens du houx à feuilles pourpres (Ilex purpurea), du fusain du Japon (Euonymus japonicus) et du fusain ailé (Euonymus alatus).

Le buis est fréquemment utilisé pour son aspect esthétique, notamment dans les jardins décoratifs et particuliers, dans l’art topiaire, les parcs, les cimetières… En s’en nourrissant, les chenilles de la pyrale ruinent rapidement l’aspect esthétique des arbustes et des buissons qui apparaissent rapidement de couleur paille, salis par les déjections verdâtres et de fils de soie. Les buis sont des plantes au feuillage persistant, les dégâts occasionnés demeurent dès lors visibles longtemps.

Dans le Caucase et dans de nombreuses régions européennes, la pyrale éradique progressivement toutes les populations indigènes de Buxus sempervirens, une composante importante des écosystèmes forestiers naturels. Cette destruction a aussi probablement des effets en cascade sur les espèces qui vivent exclusivement ou principalement dans cet écosystème.

Plusieurs études scientifiques ont listé un total de 132 champignons, 12 algues, 98 invertébrés et 44 lichens liés directement aux espèces et variétés de Buxus. De ce nombre, 43 espèces de champignons, 3 espèces d’algues et 18 espèces d’invertébrés n’ont été observées que sur le buis.

Cela suggère que toutes ces espèces seraient en péril si les Buxus spp. disparaissaient de la région.

Prévention et lutte basique

La pyrale a été importée en Europe avec des buis produits en Chine, nous l’avons vu, au début des années 2000. La probabilité de nouvelles introductions en provenance d’Asie est aujourd’hui plus faible que par le passé parce que le volume des Buxus commercialisés a diminué récemment et que plusieurs moyens de lutte contre ce ravageur sont, nous le verrons ci-dessous, utilisés avec plus ou moins de succès.

Tous les buis achetés actuellement dans les pépinières ou importés sont par ailleurs traités avant la vente par des insecticides systémiques détruisant les pyrales (et autres insectes) ! Toutefois, le papillon continue ses ravages dans de nombreux pays !

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

Progressivement, accroché aux restes de sa chrysalide, il gonfle ses ailes et sèche sa cuticule © Giuseppe Mazza

Pour éviter et limiter la propagation du C. perspectalis, il est essentiel de sensibiliser le public aux risques associés au déplacement et à l’achat de buis infestés. Ces arbustes sempervirents peuvent être envahis par des individus de tous les stades de la pyrale du buis. Si on préfère éviter le recours aux traitements, et si peu d’arbustes sont infestés, il est possible de ramasser les chenilles à la main (elles ne sont pas urticantes) et de les détruire immédiatement (en les tuant par le feu ou en les congelant).

Autre moyen de contrôler l’infestation : la douche des buis sous un jet d’eau sous pression un jour de beau temps ! Un jet puissant endommage les « nids » et les toiles, et déloge les œufs, les chrysalides et les chenilles. Il n’est pas 100% efficace, mais peut parfois suffire pour sauver les arbustes.

Le jardinier peut également battre les buis avec un bâton pour faire tomber les ravageurs (penser à poser, au préalable, une bâche en dessous de l’arbuste pour les collecter). Il est également possible de poser des filets anti-insectes sur les buis afin d’éviter la ponte des papillons. Les filets – pas toujours très esthétiques – se posent dès la détection des premiers papillons dans les pièges à phéromones (voir ci-dessous), jusqu’à la dernière période de vol. Cette technique est néanmoins risquée si l’on piège des chenilles présentes dans les buis.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

Vue latérale. L’adulte, accroché aux fils de soie qui l’ont protégé au stade chenille, est maintenant prêt à s’envoler © Giuseppe Mazza

Certaines études, qui doivent encore être évaluées, proposent d’utiliser l’huile essentielle de thym comme répulsif à la pyrale, voire l’application d’un traitement homéopathique à base de Psorinum 30 C. Ces traitements ne tuent pas les chenilles, mais modifient globalement l’écologie du buis et de son environnement, ce qui le rend beaucoup moins attractif. Des jardiniers professionnels, notamment en Haute-Savoie, arrosent régulièrement les buis d’un extrait fermenté d’orties et de feuilles de rhubarbe ou de purin de consoude qui sont d’excellents éliciteurs (phytostimulants) et insectifuges. Ils complètent ce traitement préventif avec l’ajout au substrat, en hiver, d’un engrais complet pour arbres et arbustes qui renforcera le buis. En revanche, en cas de fortes infestations, des traitements chimiques et/ou biologiques demeurent incontournables pour se débarrasser du ravageur.

Lutte biologique

Les populations de la pyrale sont limitées au sein de son aire d’origine par de nombreux prédateurs et parasitoïdes naturels. Citons notamment des espèces de du genre Aeolothrips (Thysanoptera Aeolothripidae) et du genre Tyndarichus (Hymenoptera Encyrtidae) qui consomment les œufs (oophages).

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

L’envol de l’adulte n’est pas immédiat, la pyrale reste parfois accrochée à la végétation de nombreuses minutes © Giuseppe Mazza

Les chenilles sont prédatées par au moins trois Diptera Tachnidae, notamment du genre Exorista et par plusieurs Hymenoptera de plusieurs familles dont le Braconidae Chelonus tabonus. Ces deux dernières taxons, dans certaines régions de Chine, parasiteraient jusque 50 % des populations.

Les chrysalides n’ont pas de prédateurs spécifiques, elles sont néanmoins dévorées par des insectes appartenant à plusieurs ordres, mais aussi par des oiseaux et des micromammifères.

Les seuls parasitoïdes détectés en Europe se nourrissant de C. perspectalis sont des espèces polyphages impactant peu les populations. La prédation des oiseaux (merle, mésange bleue, étourneaux, choucas…) et des insectes (chrysope, frelon asiatique, guêpe…) demeure aussi faible, probablement en raison des niveaux élevés d’alcaloïdes toxiques produits par le buis et emmagasinés par les larves.

Par conséquent, ces taxons ne constituent pas des agents de lutte biologique utiles sur de grandes surfaces ou lors d’attaques aiguës.

Une espèce de nématode entomopathogène (Steinernema carpocapsae Weiser, 1955) s’est montrée efficace en laboratoire, mais uniquement sur les chenilles, les chrysalides et les adultes n’ont pas été impactés par le ver.

Comment agit ce parasite ?

Ses larves pénètrent dans les chenilles par les stigmates (orifices respiratoires) et elles libèrent rapidement dans l’hémolymphe des bactéries pathogènes. Elles tuent leur hôte en 1 ou 2 jours. Bien que déjà vendus aux particuliers, leur utilisation sur le terrain demande encore de nombreuses recherches. Remarquons que ce nématode n’est pas sélectif, il tue aussi plusieurs autres espèces d’insectes, ravageuses ou non, et perturbe dès lors l’équilibre naturel de la zone traitée.

Plusieurs études ont aussi porté sur l’utilisation de champignons entomophages comme Beauveria bassiana (Bals.-Criv.) Vuill. et d’un baculovirus (virus en forme de bâtonnet, spécifique des arthropodes). Bien que prometteuses, ces recherches doivent être confirmées sur le terrain, ces organismes n’étant pas non plus des parasites stricts de la pyrale du buis.

Voici peu, une firme privée a mis en vente en France des kits contenant des trichogrammes dont les larves oophages se développent à l’intérieur de l’œuf de la pyrale. Ils mesurent à peine 0,8 mm de long et ont été choisis pour leur capacité à cibler spécifiquement les pyrales du buis.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

Les imagos n’impactent pas le buis, ils se nourrissent du nectar de différentes plantes, sans, semble-t-il, montrer une préférence pour un taxon particulier © Giuseppe Mazza

Simple d’utilisation, ces microhyménoptères anéantiraient près de 90 % des populations du papillon, à condition de les appliquer en début de vol et quinze jours plus tard.

En 2019, des agronomes italiens ont évalué l’emploi de Exorista larvarum (Linnaeus, 1758), une mouche de la famille des Tachinidae, assez commune en Europe, comme parasitoïde de la pyrale. Leurs résultats en laboratoire sont encourageants, le tachinaire peut se montrer utile pour réguler les populations du ravageur, reste à valider ces données dans des buxaies ravagées.

Contrôle chimique

Les insecticides systémiques paraissent très efficaces contre la pyrale, mais ils sont nocifs pour les écosystèmes, notamment à cause de leur rémanence. De plus, ces molécules ne sont pas sélectives et détruisent aussi les ennemis naturels du ravageur, ainsi que toutes espèces qui utilisent les buis comme abri, tels les arachnides et autres insectes. Les insecticides qui agissent par contact et ingestions sont également très performants et moins nuisibles aux habitats des papillons.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

Un papillon de la forme brune accroché à la végétation. Différents morphes, parfois intermédiaires entre les trois formes chromatiques courantes, témoignent de l’existence d’une importante variabilité génétique © Giuseppe Mazza

Les plus efficaces sont les pyréthroïdes comme la deltaméthrine et la cyperméthrine. Ces produits ne sont toutefois pas non plus sélectifs !

Les biopesticides à base du Bacillus thuringensis Berliner, 1915 (de sérotype kurstaki) constituent habituellement l’option privilégiée (bien qu’ils tuent les autres papillons) sur les buis d’ornement en raison de leur impact limité sur l’environnement (la bactérie est présente dans les sols). Ils sont faciles à pulvériser et peu nocifs pour l’homme et les autres vertébrés. Ils sont ingérés par les chenilles qui se nourrissent des feuilles traitées. Les toxines produites par le bacille détruisent les cellules de l’intestin moyen de la chenille qui cesse de s’alimenter et meurt en quelques jours.

L’utilisation de pièges à phéromones sexuelles mis au point récemment permet de capturer les mâles de C. perspectalis et limite drastiquement la reproduction de l’espèce. Les phéromones sont des substances sexuelles émises afin d’attirer des partenaires pour la reproduction. Elles sont spécifiques à chaque insecte. Placés au début du printemps (puis au milieu de l’été) dans les parterres, les pièges permettent également d’estimer le pic d’abondance des papillons et le moment de la ponte. En complément, si la surface du buis n’est pas trop importante, un filet anti-insectes sera positionné sur l’arbuste, il empêchera la ponte des femelles.

En 2019, des chercheurs hongrois ont découvert un leurre chimique qui attirerait autant les mâles que les femelles de la pyrale. Cette trouvaille laisse augurer d’intéressantes perspectives dans la connaissance des populations adultes et dans la lutte contre ce ravageur, mais ces recherches doivent encore être affinées avant que cette molécule soit commercialisée.

Citons, pour terminer, deux initiatives de recherche prometteuses. Les projets SaveBuxus I (2014-2017) puis SaveBuxus II (2018-2020) ont eu et ont pour objectif de concevoir des solutions de biocontrôle contre la pyrale (utilisation du Bacillus thurengiensis Kurstaki) en ciblant tous les stades de son développement. Et notamment les adultes, par le biais du piégeage et de la confusion sexuelle. Si l’élimination totale de cette pyrale paraît désormais illusoire, l’usage conjoint des différentes solutions de biocontrôle pourrait permettre de maintenir sa nuisance à un niveau acceptable.

Enfin remarquons que les recettes de grand-mères contre la pyrale du buis sont de fausses bonnes idées. Rien ne sert d’utiliser du vinaigre, du savon noir, du bicarbonate de soude, voire de l’eau Javel. Ces différents produits se montrent inefficaces contre ce ravageur et sont parfois même nocifs pour le buis. Tous ces moyens de lutte ne sont pas applicables partout. Un particulier aura plus de facilités à trouver une solution à son cas qu’un gestionnaire de réserve naturelle qui est soumis à des règles contraignantes quant à l’utilisation de produits chimiques et de biopesticides.

Cydalima perspectalis, Crambidae, Pyrale du buis

La disparition du buis sauvage, dévoré par les larves, est dramatique en termes de biodiversité, mais pourrait être aussi à la base d’une catastrophe écologique majeure pour les espèces d’arbres qu’il favorise © Giuseppe Mazza

En combinaison avec les solutions biologiques et chimiques présentées ci-dessus, plusieurs mesures prophylactiques peuvent être envisagées par les particuliers ou les gestionnaires de milieux naturels et non naturels pour freiner l’avancée de la pyrale du buis : renforcer la santé du buis avec des phytostimulants et des engrais adaptés (naturel ou chimique), tailler les zones atteintes (puis brûler les tailles ou les placer dans un compost actif), arroser par temps chaud et sec pour stimuler la pousse de nouvelles feuilles, placer des nichoirs à mésanges près des plantations, examiner fréquemment les plants…

Conclusion

C. perspectalis appartient désormais à la longue liste des espèces exotiques envahissantes définitivement implantées en Europe. Cette pyrale occasionne d’importants dégâts dans les buis ornementaux et sauvages. Vu qu’elle ne pose pas de problèmes dans la production agroalimentaire, son importance économique a été sous-estimée par de nombreux acteurs de terrain.

Toutefois, outre l’impact économique qu’elle a dans le domaine de la production végétale ornementale et la gestion des espaces verts, son influence sur les espaces naturels reste à clarifier. La lutte pour protéger les plantations de buis s’avère être un combat de longue haleine dont l’issue est encore incertaine.

La leçon à tirer de cet envahissement est de se montrer plus strict et réactif sur les voies d’importation et de dissémination de tels organismes parasités provenant d’autres continents. MAIS … les successeurs de la pyrale du buis sont déjà arrivés en Europe. Nous n’en citerons que trois : (1) la Punaise diabolique Halyomorpha halys (Stål, 1855), véritable fléau pour l’arboriculture, la viticulture, le maraîchage, et d’autres cultures, apparue vers 2010, (2) la Mineuse sud-américaine de la tomate (Tuta absoluta (Meyrick, 1917) qui a envahi l’Europe depuis 2006 et (3) le Charançon rouge des palmiers (Rhynchophorus ferrugineus Olivier, 1790) qui ravage les palmiers notamment de l’Espagne depuis 1994, de l’Italie et du sud de la France depuis respectivement 2004 et 2006, et ceux de la Principauté de Monaco depuis 2012.

Curiosités

Il n’existe pas d’autre défoliateur significatif sur Buxus spp. en Europe. Cependant, dans certaines régions, les plants de buis sont aussi sévèrement affectés par plusieurs moisissures (Calonectria pseudonaviculata (= Cylindrocladium buxicola) et C. henricotiae). Ces champignons parasites sévissent d’avril à octobre. Ils forment des stries longitudinales de couleur brun clair au centre des feuilles et beaucoup plus foncées tout autour. Les feuilles atteintes par la maladie finissent par sécher et le rameau tout entier dépérit. En cas d’attaque importante, la mort de l’arbuste est inévitable.

Synonymes

Phacellura advenalis Lederer, 1863, Glyphodes albifuscalis Hampson, 1899.

 

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