Famille : Ardeidae
Texte © Dr. Gianfranco Colombo
Traduction en français par Catherine Collin
L’Aigrette pie ou plus communément Héron pie (Egretta picata Gould, 1845) appartient à l’ordre Pelecaniformes et à la famille Ardeidae, groupe qui comprend des oiseaux pourvus de longues pattes et de becs très prononcés et très pointus, étroitement liés aux milieux humides et présents pratiquement aux quatre coins du globe.
Certaines espèces sont très communes et répandues sur plusieurs continents, d’autres au contraire, sont reléguées dans de petites aires. Elles sont sédentaires et se déplacent peu sauf localement, maintenant ainsi un anonymat particulier et momentané jusqu’à ce que quelque ornithologue relève leur présence.
Le Héron pie, puisque c’est le nom le plus utilisé, est l’une de ces espèces comme en témoigne l’année de sa classification par Gould, 1845, c’est-à-dire presqu’un siècle après le commencement du travail de classification par Linné.
Quelques années auparavant, durant les 3 années passées à bord du HMS Endeavour du Capitaine James Cook, de 1768 à 1771, le disciple préféré de Linné, le Docteur Daniel Solander, était déjà passé dans ces régions, envoyé pour récolter des spécimens et les rapporter en Suède afin de les classifier mais ce héron avait probablement échappé à son attention.
Depuis toujours classé dans le genre Ardea, cet oiseau est aujourd’hui assigné par beaucoup au genre Egretta gardant la taxonomie précédente comme synonyme ou vice versa, même si beaucoup soutiennent l’ancienne classification.
L’étymologie du genre Ardea montre une origine venant de la mythologie préromaine et fait référence à l’actuelle ville du Latium, Ardea, à l’époque capitale des Rutules, détruite et entièrement brûlée durant les hostilités avec les peuples frontaliers. De ses cendres naquis un oiseau à la forme de héron et de couleur blanc pur que l’on nomma Ardea comme la cité.
Sans doute une référence directe à la légende arabe du Phoenix.
Le nom de genre Egretta vient de la forme diminutive du terme provençal “aigron” = héron pour indiquer un oiseau de taille inférieure à d’autres congénères et dérive probablement de l’allemand “heigir” transcrit en italien en “airone” et en français en “aigron”. Le nom d’espèce picata est d’origine latine et indique un sujet sali de goudron ou de suie, blanc et noir donc, le même terme est utilisé pour décrire la Pie bavarde (Pica pica), le Traquet variable (Oenanthe picata) ou la Colombine wonga (Leucosarcia picata) toutes ces espèces montrant ce contraste de couleurs.
En Europe, cet oiseau n’étant pas connu directement mais seulement à travers des rapports scientifiques, a été nommé d’après cette caractéristique de sa livrée. En anglais Pied Heron, en allemand Elsterreiher, en espagnol Garceta pía, en italien Garzetta testa bianca ou Airone bianconero, en portugais Garça-alvinegra, en finlandais un fantaisiste Valkokaulahaikaraed et en japonais un imprononçable Munajirokurosagi.
Zoogéographie
Ce héron occupe une aire de répartition assez réduite puisque reléguée à la côte septentrionale de l’Australie, du Queensland à l’Est à la région de Kimberley à l’Ouest, à la zone littorale Sud-Est de la Nouvelle-Guinée et séparément, avec de petites populations, sur les îles Aru, les Moluques orientales et l’île de Sulawesi. Toutes zones équatoriales avec un climat chaud et humide toute l’année, garantissant à cette espèce les conditions idéales pour une sédentarité constante. Le Héron pie n’effectue donc pas de migration mais se limite à des déplacements locaux saisonniers au sein de son territoire, à la recherche de marais ou de plaines inondées durant l’intense saison des pluies. L’aire de répartition limitée n’a pas permis pour l’instant de classifier de sous-espèces.
Écologie-Habitat
Comme tous les hérons, celui-ci est étroitement lié aux milieux humides avec la présence, de préférence, d’eaux stagnantes ou à faible courant. Ce héron fréquente aussi des petites rivières ou les rives de plus gros cours d’eau mais il préfère les anses boueuses ou les endroits où il peut se tenir sans difficulté dans l’eau jusqu’à mi-jambes. Il fréquente aussi les forêts littorales de mangroves, où il se déplace habilement dans l’entrelacement des racines qui affleurent, ainsi que les berges des lacs et des plans d’eau artificiels.
Lorsqu’il a fini de pêcher, il aime se reposer sur des arbres bas, caché à l’ombre du feuillage des branches surplombant le plan d’eau. Comme tous les hérons, il est plutôt solitaire et ne forme que rarement des regroupements avec des individus de son espèce, préférant au contraire cohabiter avec d’autres oiseaux non concurrents pour la recherche de nourriture.
Morpho-physiologie
Le Héron pie est un ardéidé de petite taille qui atteint 50 cm de long et pèse 250 g pour une envergure d’environ 1 m.
Sa livrée se caractérise par le contraste entre le blanc et le noir qui se partagent équitablement le plumage. Pendant la saison de reproduction les adultes ont le corps entièrement noir avec des reflets bleus métallisés, sauf le cou et la poitrine qui sont blanc pur. La tête montre un capuchon noir qui, partant de la ligne des yeux, couvre parfaitement la partie supérieure de la tête, se terminant sur la nuque avec une touffe de plumes longues et soyeuses qui retombent en arrière. Des plumes qui peuvent mesurer plus de 20 cm et qui bougent au moindre souffle de vent.
Sur la poitrine, à l’attache du long cou, on voit des plumes blanches, elles aussi longues et soyeuses qui tombent sur le thorax comme une longue bavette ondoyante. Les cuisses sont noires alors que les longues pattes sont nues et jaunâtres.
Les yeux présentent une iris jaune indiquant que, comme il est fréquent chez les ardéidés, ce héron montre des habitudes crépusculaires. Le bec long et effilé est lui aussi jaune et légèrement courbé vers le bas dans la partie terminale.
Ce qui a mené nos voisins italiens à nommer vulgairement cet échassier “testa bianca” = tête blanche a sûrement un rapport avec le fait que les juvéniles ont effectivement une tête complètement blanche, comme d’ailleurs le ventre et la poitrine, au contraire des adultes qui les ont noirs. Les juvéniles montrent également des couvertures rouge brique qui deviendront progressivement noires lorsqu’ils atteindront la maturité. À ce stade le Héron pie peut aisément être confondu avec le Héron à tête blanche (Ardea pacifica) avec lequel il partage une grande partie de l’aire de répartition. Le juvénile est tellement différent de l’adulte qu’initialement il était classifié comme une espèce différente.
Il n’y a pas de dimorphisme sexuel sauf peut-être une légère différence de taille en faveur du mâle.
Éthologie-Biologie reproductive
Après une brève parade nuptiale, souvent à proximité de l’endroit où sera bâti le nid, à base de petits vols, de courbettes et de cris gutturaux, un couple monogame se forme qui ne durera que pour la saison de nidification. Le Héron pie niche habituellement sur des arbustes, des arbres ou dans les ramifications des mangroves, bien surélevés du sol et souvent en compagnie d’autres espèces, créant ainsi des héronnières parfois très peuplées. Le nid est une plateforme désordonnée composée de petites branches toujours plus fines jusqu’à former une coupe sans forme au creux de laquelle sont pondus de 3 à 5 œufs vert-bleuté très clair qui deviendront crème durant l’incubation.
Les deux partenaires se partagent tour à tour la couvaison pendant 4 semaines. Les oisillons resteront au nid pendant encore 40 jours même s’ils commenceront tôt à se déplacer alentour, marchant sur les branches proches comme s’il s’agissait du tapis de phragmites sur lequel ils passeront la plus grande partie de leur vie d’adultes, utilisant pour cela leurs très longs doigts comme appui élargi. L’indépendance a lieu après 60-70 jours encore et la maturité sexuelle la deuxième année. C’est la période la plus délicate de leur vie parce que tomber au sol sans savoir voler signifierait une mort assurée dans la gueule d’un crocodile, d’un gros serpent ou d’un quelconque prédateur terrestre.
Le Héron pie mange tout ce qui est lié aux milieux aquatiques : amphibiens et crustacés, poissons et petits mammifères aquatiques, insectes et petits serpents.
Bien que n’étant pas très sociable hors de la période de nidification, on le voit souvent chasser en compagnie d’autres hérons, dans des endroits ouverts, sans montrer la moindre crainte. Ce n’est pas une espèce très craintive comme peuvent l’être certains de ses congénères qui passent une grande partie de leur temps cachés dans les roseaux, ne sortant que lorsque la nuit tombe. Cette espèce n’est pas considérée en danger bien que ses populations ne soient jamais importantes et que son territoire soit assez limité.
Synonymes
Notophoyx aruensis Gould, 1845; Ardea picata Gould, 1845; Herodias picata Gould, 1845; Hydranassa picata Gould, 1845; Notophoyx flavirostris Sharpe, 1898; Tonophoyx aruensis normani Mathews, 1915.
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