Leucoma salicis

Famille : Erebidae


Texte © Prof. Santi Longo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Leucoma salicis

Mâle de Leucoma salicis dans la posture pour capter avec ses antennes bipectinées les phéromones sexuels émis même à de grandes distances par les femelles vierges © Giuseppe Mazza

Le Bombyx du saule Leucoma salicis (Linnaeus, 1758) est un lépidoptère hétéroneure appartenant à la famille Erebidae.

Le nom du genre Leucoma fait référence à la couleur des adultes et vient du grec ancien “λεύκωμα” (leukoma), blancheur, alors que le nom de l’espèce salicis, du saule en latin, indique ici que les espèces du genre Salix sont les plantes nourricières préférées des larves.

La sous-famille Lymantriinae à laquelle il appartient comprend de nombreuses espèces où les deux sexes ont des dimensions et des couleurs différentes. Leur tête est dépourvue des organes sensoriels en forme de protubérances soyeuses appelées chetosemata ou organes de Jordan. La trompe enroulée en spirale de l’appareil buccal et les ocelles sont réduits ou absents.

Leucoma salicis, ovatura

Les œufs sont pondus les uns à côté des autres, accolés et recouverts d’une sécrétion qui donne à l’ensemble un curieux aspect mousseux © Wolfgang Wagner

Dans le deuxième segment du thorax se trouvent les organes auditifs tympaniques qui sont sensibles aux ultrasons émis par les chauves-souris qui sont leurs principaux prédateurs.

Les mâles volent la nuit. Les femelles volent mal et ont chez certaines espèces des ailes très réduites.

Elles attirent les mâles en émettant des phéromones sexuels, des substances volatiles perceptibles même à des distances considérables. Après l’accouplement la ponte, massive, est constituée par des amas d’oeufs serrés les uns contre les autres, appelés ovatures, et souvent recouverts de poils abdominaux ou de sécrétions protectrices.

Leucoma salicis

Au début les jeunes larves restent proches et se nourrissent aux dépens de l’épiderme des feuilles en créant des dentelures typiques © Wolfgang Wagner

Les larves, éruciformes, c’est-à-dire caractérisées par un corps plus ou moins allongé et cylindrique, nettement subdivisées en métamères peu différenciés et au tégument dur, sont dotées d’un appareil buccal masticatoire robuste, de pattes thoraciques et de fausses pattes abdominales. Elles possèdent de plus sur le dos des renflements caractéristiques sur lesquels sont implantées des touffes de poils qui peuvent dans certains cas être urticants.

Des espèces telles que Lymantria dispar et Euproctis chrysorrhoea sont des défoliatrices qui ont un fort impact sur les milieux forestiers. Il est curieux de noter que ces lépidoptères connaissent périodiquement des augmentations ou des diminutions subites de leurs populations appelées  gradations.

Leucoma salicis

Larve du second âge. Dans cette phase solitaire sa couleur est noire avec des taches blanches sur le dos. Leucoma salicis est répandue dans toute l’Europe, l’Afrique du Nord et le Nord de l’Asie jusqu’en Corée, au Japon et en Sibérie. Au début du siècle passé elle a été introduite en Amérique du Nord où elle n’est pas néanmoins jugée invasive © Nikolai Vladimirov

C’est ainsi que quand leur densité augmente rapidement et de façon exponentielle on parle de progradation et que lorsqu’ils ont atteint leur apogée et qu’ils régressent subitement de rétrogradation. Il y a ensuite une phase de latence pendant laquelle les niveaux de population sont faibles et dont la durée varie suivant les espèces et les conditions environnementales.

Leucoma salicis connaît des augmentations irrégulières du nombre des individus qui, dans les milieux forestiers, cessent au bout d’environ cinq ans.

Leucoma salicis

Chenille adulte, longue d’environ 5 mm, vue de profil et de dos pour montrer les taches blanches et les rangées transversales de protubérances rouges aux touffes de poils étoilés non urticants à la différence d’autres espèces © Nikolai Vladimirov

Dans les milieux anthropisés et surtout dans les peupleraies industrielles les agents naturels de régulation sont insuffisants et ne parviennent pas toujours à enrayer les invasions qui tendent à devenir récurrentes. Elles peuvent durer plusieurs années et nécessitent souvent l’emploi d’insecticides contre les jeunes larves.

Lorsqu’on est au maximum des gradations les dégâts causées aux feuilles par les larves adultes peuvent réduire à l’état de squelette la totalité du feuillage de nombreuses plantes.

Zoogéographie

La large diffusion du Bombyx du saule est démontrée par les noms communs par lesquels il est désigné dans les divers pays où il existe.

Cette espèce, en effet, est connue des auteurs de langue anglaise sous le nom de White Satin Moth. En France son nom commun est Bombyx du saule ou Bombyx du peuplier, en Allemagne Weidenspinner, en Suède Videspinnare et en italien Falena bianco-argentata del Salice.

Leucoma salicis est répandue dans toute l’Europe, en Afrique du Nord et dans le Nord de l’Asie jusqu’en Corée, au Japon et en Sibérie.

Au début du siècle dernier elle a été introduite en Amérique du Nord mais elle n’y est cependant pas considérée comme un espèce invasive du fait qu’elle y est régulée par de nombreux ennemis naturels.

En Italie elle est largement présente surtout dans les régions du Nord. Dans les peupleraies existant sur l’Etna aux environs de 2000 m d’altitude Leucoma salicis connaît des augmentations irrégulières de ses populations (gradations) qui cessent au bout de 3 ans.

Écologie-Habitat

En plus de s’attaquer aux saules les chenilles de Leucoma salicis affectent aussi les peupliers et, moins fréquemment, les bouleaux, les chênes, les aulnes, diverses espèces du genre Prunus et la Broussonetia papyrifera, une Moracée d’origine orientale connue sous le nom de Mûrier d’Espagne ou de Mûrier à papier qui a été introduite en Europe au XVIIIe siècle comme plante d’ornement mais dont le bois est utilisé au Japon pour fabriquer un type spécial de papier très fin et résistant.

Leucoma salicis

Leucoma salicis ne se nourrit pas que des feuilles de saule mais attaque souvent les peupliers, surtout cultivés, avec des cycles récurrents caractéristiques © John Gibson

Morphophysiologie

Les adultes du Bombyx du saule ont un corps blanc et soyeux. L’envergure alaire des femelles qui ont des dimensions légèrement supérieures à celles des mâles est d’environ 50 mm.

Les antennes sont brunâtres et ont un flagelle blanc. Celles des femelles ont de petites dents alors que celles des mâles sont longuement pectinées. Les pattes comportent des anneaux de couleur noire caractéristiques. L’abdomen est de couleur marron et recouvert de poils blancs épais.

Leucoma salicis

Les larves effectuent cinq mues. Lors du dernier stade, appelé nymphe, elles ne s’alimentent plus et vont à la recherche d’un lieu où se nymphoser © Patrick Clement

Leucoma salicis

La nymphe, une fois trouvé l’endroit adéquat, sécrète des fils de soie produits par ses glandes salivaires modifiées avec lesquels elle rapproche et relie les limbes foliaires © Ge van ‘t Hoff

Les oeufs, sphériques, aplatis à leur bout et d’un diamètre d’environ 1 mm, sont de couleur verdâtre et sont pondus groupés.

Les jeunes larves sont noirâtres. Celles qui sont plus âgées et longues d’environ 50 mm, sont d’une couleur brun rougeâtre. Leur tête est noire. Dans la partie dorsale du thorax et de l’abdomen se trouvent des taches blanches caractéristiques et des rangées transversales de protubérances rouges qui portent des touffes de poils étoilés de couleur brun jaunâtre. Les parties latérales et le ventre sont de couleur gris jaunâtre. À la fin de son développement, après cinq mues et un dernier stade appelé prépupaison, la larve ne s’alimente plus et sécrète des fils de soie avec lesquels elle relie les feuilles en formant une sorte d’abri où elle se transforme en chrysalide.

Leucoma salicis

Phases successives de la métamorphose jusqu’à la chrysalide au tégument non encore durci © Wolfgang Wagner

La pupe ou chrysalide est longue d’environ 20 mm et de couleur brun/noir brillante. Elle a des taches blanches et des touffes de longs poils. Chez les femelles ces poils sont de couleur jaune alors qu’ils sont blancs chez les mâles.

Éthologie-Biologie reproductive 

À la différence de celles d’autres espèces de lépidoptères les femelles du Bombyx du saule volent bien et, comme les mâles, elles sont actives et émettent leurs substances volatiles d’appel sexuel (les phéromones) pendant le crépuscule et la nuit.

Le jour les adultes restent immobiles sur les troncs, les branches ou la face inférieure des feuilles. S’ils sont dérangés ils se laissent tomber à terre où ils restent un certain temps sans prendre leur envol afin de désorienter leurs agresseurs.

Les femelles, en août et septembre, après l’accouplement, pondent sur l’écorce ou sur les feuilles des plantes de 100 à 200 oeufs accolés les uns aux autres qu’elles recouvrent de la sécrétion de glandes annexes de l’appareil reproducteur, ce qui forme ainsi des ovatures en plaque caractéristiques de couleur blanchâtre et nacrée et à l’aspect mousseux.

Suivant les conditions climatiques l’éclosion peut survenir en automne ou au printemps suivant.

Les larves nées en automne restent proches les unes des autres et sécrètent des fils de soie avec lesquels elle réalisent de petits nids soyeux dans les crevasses de l’écorce à l’intérieur desquels elles passent l’hiver.

Elles reprennent leur activité au printemps où elles dénudent les feuilles en compagnie des nouveau-nés.

Au cours des stades larvaires suivants elles font grâce à leurs robustes mandibules une grande consommation de feuilles et, si elles sont nombreuses, elles peuvent défolier les plantes qu’elles ont envahies, ce qui réduit la croissance ligneuse au point dans quelques rares cas de provoquer leur mort.

Les principaux fléaux naturels qui ont des répercussions sur les différents stades du Bombyx du saule sont les pluies et la neige qui endommagent les abris hivernaux des jeunes larves et les ovatures.

Il existe en outre de nombreux ennemis naturels de ce lépidoptère. Ses oeufs sont recherchés par les femelles de l’hyménoptère Scelionide Telenomus nitidulus qui y déposent leurs propres oeufs en en détruisant un grand nombre. Les larves et les chrysalides sont la proie du Rincote Pentatomide Arma custos et de coléoptères carabidés dont le plus important est Calosoma sycophanta. Divers Ichneumonides et Braconidés du genre Apanteles sont d’actifs parasitoïdes des larves et des chrysalides ainsi que des Diptères des genres Tachina, Compsilura et Carcelia.

Leucoma salicis

Chrysalide au stade final. Le tégument est noir et brillant. Les femelles ont des poils jaunes alors qu’ils sont blancs chez les mâles © Nikolai Vladimirov

Les adultes sont chassés par les chauves-souris et diverses espèces d’oiseaux tels que le Coucou (Cuculus canorus) et la Huppe (Upupa epops).

Comme cela a déjà été dit, dans les milieux forestiers non altérés, les agents de régulation biotiques et abiotiques cités ci-dessus parviennent à maintenir les populations de Leucoma salicis dans des limites acceptables qui rarement dépassent le seuil d’alerte du personnel forestier.

Mais dans des milieux urbains cette espèce a habituellement deux générations par an et la faible efficacité des agents de régulation ne réussit pas toujours à endiguer les invasions qui sont récurrentes. De ce fait il devient nécessaire d’avoir recours à des insecticides aux formules chimiques ou biologiques réglementées par des normes phytosanitaires.

Leucoma salicis

Les femelles volent moins que les mâles et ont de fines antennes avec des dents minuscules. Cette espèce a des organes auditifs tympaniques sensibles aux ultrasons des chauves-souris qui sont leurs principaux prédateurs. Elle est aussi attaquée par diverses espèces d’oiseaux tels que le Coucou et la Huppe. Cela suffit dans la nature à contenir son expansion dans des limites acceptables, mais dans des milieux anthropisés comme les peupleraies industrielles on utilise contre les larves des insecticides © Colin Gould

Synonymes

L’espèce a été décrite par Linnaeus en 1758 sous le nom de Phalaena salicis ; elle a été transférée au genre Leucoma Hubner, 1822 et ensuite au genre Laria Schrank, 1802 ; au genre Stilpnotia Westvood, 1842 ; au genre Charala Moor, 1884 ; au genre Nymphryxis Grote,1895 et au genre Candidata Toxopeus, 1948. Les 13 synonymes de salicis (Linnaeus 1758) par ordre chronologique sont les suivants : apparens Retzius, 1783 ; salicinus Haworth, 1803; sohesti Capronnier,1878; nigrociliata Fuchs,1903; xanthocampa Dyar, 1905 ; rubicunda Strand, 1910 ; doii Matsumura, 1927 ; neumanni Bandermann,1929 ; coreacola Matsumura,1933 ; sjoequisti Bryk ; variabilis Bryk,1949 et infranigricosta Lempke, 1959.

 

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