Lophaetus occipitalis

Famille : Accipitridae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Lophaetus occipitalis, Accipitridae

Lophaetus occipitalis est un rapace de dimensions moyennes dont l’envergure alaire peut atteindre 120 cm © Gianfranco Colombo

Dans la tradition ornithologique anglaise l’Aigle huppard, de même que le Bateleur des savanes (Terathopius ecaudatus), sont les deux espèces d’aigles africains qui sont considérées comme atypiques.

Ils appartiennent tous deux à l’ordre des Accipitriformes et à la famille des Accipitridae mais en raison de certaines caractéristiques morphologiques et comportementales ils sont traditionnellement, bien que ce ne soit pas totalement confirmé sur le plan scientifique, estimés différents des aigles proprement dits.

L’Aigle huppard est en effet la seule espèce classée dans le genre Lophaetus (Kaup, 1847) et sur la base de récentes études de son ADN il est jugé très proche de nos aigles criards et pomarins d’Europe (Aquila pomarina et Aquila clanga) et de celui de l’Inde (Aquila hastata).

Alors que le Bateleur des savanes présente des caractéristiques morphologiques particulières qui pourraient justifier cette distinction l’Aigle huppard, en revanche , présente toutes les  caractéristiques de l’aigle, même s’il a des dimensions réduites et des comportements souvent plus roches de ceux des buses.

Pour ces raisons beaucoup voudraient le ranger dans le genre Aquila. Il est probable qu’à l’avenir sa classification scientifique connaîtra de nouvelles modifications.

En vol, spécialement,  il fait preuve d’une plus grande agilité que les aigles. Ses battements d’ailes sont plus rapides, plus légers et moins amples. Il a d’un autre côté  l’habitude de se comporter comme les buses en ce sens qu’il se borne à pratiquer la chasse à l’affût.  Il ne chasse pas en plein vol mais préfère se percher sur des branches à des emplacements surplombant les petits espaces ouverts sur lesquels il concentre son attention et attend patiemment ses proies terrestres.

Il reste en général totalement immobile pendant quelques minutes puis s’envole à courte distance à la recherche de nouveaux perchoirs. Il passe pratiquement toute la journée juché sur une branche et se résout seulement de temps à autre à effectuer des vols à haute altitude surtout en raison de la nécessité de contrôler son territoire.

Lophaetus occipitalis, Accipitridae

En vol il surpasse les aigles par ses battements d’ailes plus rapides, plus légers et moins amples mais en même temps, comme les buses, il se borne à chasser à l’affût © Gianfranco Colombo

L’étymologie du nom scientifique est très claire et complète et fait toutes les fois référence à la crête portée par cet oiseau. Lophaetus vient du grec “lophos” = crête et “aetos” = aigle tandis que occipitalis est un terme équivalent en bas-latin qui indique l’endroit de la tête où cette crête est située. L’occiput correspond à la partie postérieure de la tête.

Lophaetus occipitalis, Accipitridae

Originaire de l’Afrique subsaharienne il se déplace seulement pour fondre sur une proie ou contrôler son territoire © Gianfranco Colombo

Les noms vulgaires reprennent également cette caractéristique : en anglais Long crested eagle, en italien Aquila crestata ou Aquila dal ciuffo, en espagnol Aguila crestilarga, en allemand Schopfadler, en afrikaans zwarte Kuifarend, en langue zouloue isilPhungumanghathi et en langue xhosa Isiphungu-phungu.

Zoogéographie

Il s’agit d’une espèce exclusivement africaine qui occupe la totalité de la zone subsaharienne.

Elle est largement répandue et n’est relativement rare que dans la partie Est de l’Afrique du Sud.

C’est un des rapaces les plus communs en Afrique de l’Est à cause de la présence de nombreuses savanes herbeuses qui sont absentes dans la partie Ouest du continent.

Il s’agit d’un oiseau essentiellement sédentaire bien qu’il puisse à l’occasion effectuer de brefs déplacements saisonniers qui sont dus plus à la recherche de nourriture qu’à un véritable besoin de migration.

De même l’alternance des saisons sèches et des saisons de pluie peut parfois l’inciter, en particulier les juvéniles, à faire de courtes incursions dans d’autres secteurs mais il semble que ces déplacements soient davantage liés à la recherche de nouveaux territoires.

Écologie-Habitat

Lophaetus occipitalis, Accipitridae

Il passe la journée perchée sur ses arbres préférés d’où il a une vue plongeante ou sur les poteaux de lignes électriques où il attend des rongeurs, des serpents ou de gros insectes © Gianfranco Colombo

Il vit depuis le niveau de la mer jusqu’à 3000 m d’altitude et a une préférence pour des régions chaudes où se trouvent des broussailles steppiques, mais toujours à proximité de cours d’eau, bien qu’il ne dédaigne nullement des zones densément boisées entrecoupées de clairières.

C’est un oiseau que l’on voit souvent perché sur les poteaux de lignes électriques, sur les arbres dénudés et souvent même sur les toits de cabane où il attend le passage de rongeurs, de serpents et aussi de gros insectes.

Cet aigle n’a pas du tout peur des êtres humains et peut être approché avec une extrême facilité.  Sa promiscuité avec le milieu des hommes fait qu’on le voit chasser dans des zones cultivées, même très fréquentées, où il attrape même des poussins et des volailles.

Traditionnellement les populations locales accusent, parfois injustement, le Milan noir (Milvus migrans) de ces méfaits vu qu’il partage le même habitat, alors que, comme cela a été indiqué, cet aigle fréquente des villages précisément parce qu’il y trouve un plus grand nombre de proies.

Comme tous les rapaces qui tirent parti des opportunités offertes par l’homme cet aigle a  commencé également à fréquenter régulièrement les itinéraires routiers tant pour profiter des grands espaces ouverts et faciles à contrôler qui ont été créés par ces pistes que pour la facilité avec laquelle il peut trouver de petits animaux victimes du trafic routier,  même si celui-ci est faible.

Morphophysiologie

L’Aigle huppard est un oiseau de dimensions moyennes qui atteint 55 cm de long et une envergure alaire de 120 cm.

La femelle peut atteindre un poids de 1500 g et  dépasse nettement celui du mâle qui, comme c’est le cas chez tous les rapaces, a des dimensions plus réduites.

La livrée de l’adulte demeure inchangée toute l’année. Elle est d’une couleur marron très foncée et tend souvent vers le noir chez les individus les plus âgés. Il n’y a pas de véritable dimorphisme entre les sexes si ce n’est une petite différence quant à la longueur de la crête qui est nettement réduite chez la femelle.

Lophaetus occipitalis, Accipitridae

Sa touffe de plumes caractéristique, absente chez les juvéniles, peut dépasser 10 cm de long © Giuseppe Mazza

Au repos il ne présente pas d’autres couleurs ni d’autres caractéristiques à part sa longue touffe de plumes qui flotte au vent et qui peut être repliée de chaque côté de la tête et descend souvent jusqu’à  recouvrir même le front comme le ferait une mèche rebelle.

Il n’est pas toujours possible d’apercevoir sa queue barrée de blanc qu’il recouvre et cache souvent quand il est au repos.

Sa longue crête qui atteint facilement 10 cm de long est presque absente chez les juvéniles ou souvent invisible, ce qui rend l’identification de cette espèce quelque peu difficile pendant cette période.

Ce problème est aussitôt résolu quand il s’envole et montre les larges taches blanches qu’il a sur ses ailes et la barre très visible située sur sa queue.

Cet oiseau totalement foncé et noirâtre offre en vol un  contraste saisissant avec la bande blanche supérieure et la partie inférieure de ses ailes. Les juvéniles ont une couleur légèrement plus claire et ont une crête de dimension réduite, en particulier les femelles. Les adultes ont des yeux brillants d’un jaune vif qui sont aisément visibles même de loin en raison de leur contraste avec la livrée très foncée alors que les yeux des juvéniles sont de couleur grisâtre et à peine perceptibles. La teinte jaunâtre apparaît progressivement au cours de la croissance.

Lophaetus occipitalis, Accipitridae

Sa reproduction dépend des ressources alimentaires. Le nid est placé en haut des arbres jusqu’à 40 m de hauteur © Gianfranco Colombo

Les pattes sont jaunes et les tarses sont recouverts de plumes blanches. Le bec est jaunâtre et a une  pointe noire.

Ce petit aigle partage avec deux rapaces similaires, l’Élanion blanc (Elanus caeruleus) et le Fauconnet d’Afrique (Polihierax semitorquatus),  un triste record sur le sol africain.

Ce sont les rapaces qui sont les plus exposés à l’attaque des tiques, plus particulièrement dans la partie antérieure de la tête : une agression qui entraîne lentement l’affaiblissement, la cécité et la mort du sujet qui a été atteint.

Éthologie-Biologie reproductive

Cet aigle n’a pas de période de reproduction précise.

Il pond quand les ressources alimentaires et les conditions atmosphériques sont favorables et à différentes périodes de l’année suivant la zone qu’il occupe dans le vaste continent africain.

Il construit un nid bien caché sur des arbres de préférence très hauts et situés dans le périmètre extérieur des bois et des forêts. Il n’est pas rare qu’il niche également dans de grands jardins de centres habités.

Le nid est très grand et résistant étant donné son installation habituelle sur les branches les plus hautes des arbres. On a trouvé des nids placés à plus de 40 m de hauteur. Il peut mesurer plus de 80 cm et avoir une profondeur atteignant 30 cm.

Lophaetus occipitalis, Accipitridae

Sa construction qui nécessite des va-et-vient continuels est réalisée à partir de branches qui sont entrelacées de façon à former une grande corbeille d’environ 80 cm de large et profonde jusqu’à 30 cm qui est ensuite rembourrée avec des feuilles moelleuses. Il abrite au maximum deux petits pendant environ deux mois © Gianfranco Colombo

C’est un nid préparé avec soin à partir de branches solides et bien entrelacées et doublé à l’intérieur de feuilles moelleuses qui sont apportées sans cesse au nid même pendant la couvaison.

Cet aigle pond 1 à 2 œufs qui sont couvés pendant environ 40 à 45 jours.

Il est très bruyant pendant cette période. Le couple pousse continuellement de puissants cris d’alarme chaque fois qu’il veut défendre son territoire contre l’attaque ou le survol d’autres oiseaux. Les juvéniles restent au nid  environ deux mois, spécialement le cadet qui naît d’ordinaire avec deux semaines de retard sur son aîné.  Le comportement fratricide, qui est caractéristique et très fréquent chez les aigles, n’a pas ici été prouvé . Cela est peut-être dû au fait que, comme il dispose de l’année entière pour pondre, cet aigle parvient à choisir les périodes les meilleures où les proies sont abondantes.

On estime que la population totale de cet oiseau pourrait totaliser 100.000 individus. Il n’est donc pas considéré comme en danger mais il est toutefois placé sous une étroite surveillance dans la mesure où l’on a remarqué que la réduction de son habitat a entraîné dans le passé de légères baisses de son nombre total.

Synonymes

Falco occipitalis Daudin, 1800 ; Spizaetus occipitalis Daudin, 1800.

 

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