Reteporella grimaldii

Famille : Phidoloporidae


Texte © Prof. Angelo Messina

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Reteporella grimaldii (Jullien, 1903) est un genre de petits invertébrés aquatiques du phylum des Bryozoaires (Bryozoa) de l’ordre des Cheilostomatidi qui avec environ 150 espèces est répandu pratiquement dans toutes les mers du globe, y compris les océans polaires. Reteporella est présente en Méditerranée et dans l’Est de l’Atlantique avec plusieurs espèces dont Reteporella grimaldii qui est considéré comme le bryozoaire le plus beau mais aussi le plus fragile de la Méditerranée.

À ce sujet il faut préciser tout de suite que l’histoire de la taxonomie de cette espèce, comme de celle de son genre d’appartenance, s’avère très tourmentée étant donné le fait qu’en raison d’incertitudes manifestes quant aux conditions d’identification on a autrefois considéré comme des espèces distinctes différentes formes telles que Reteporella septentrionalis, Retepora cellulosa, Sertella beaniana et Sertella septentrionalis qui se sont révélées par la suite comme non valables et qui sont actuellement considérées comme des synonymes de Reteporella grimaldii.

Forme sciaphile et exclusivement coloniale de même que d’autres espèces apparentées Reteporella grimaldii vit entre 15 et 60 m de profondeur, fixée sur des fonds marins solides, fréquemment sur des coraux. Elle préfère les milieux où il y a peu de lumière et à l’abri des courants tels que des crevasses ou des zones situées à l’abri de grands rochers immergés ou encore l’intérieur de grottes. Elle forme de fragiles colonies en “dentelle”, hautes habituellement de 10 à 20 cm, d’une couleur variable allant du rose saumon au rosâtre et qui présentent l’aspect d’une sorte de rose composée de fines lamelles ondulées et réticulées qui rappelle une vraie dentelle délicatement brodée à la trame très fine. Pour cette raison cette espèce, très connue des plongeurs attirés par sa beauté, est désignée communément sous différents noms comme Trina di mare, Merletto ou Rosa di Nettuno en italien et Dentelle de Neptune en français.

Reteporella grimaldii

La Dentelle de Neptune (Reteporella grimaldii) est un bryozoaire colonial ressemblant à de la dentelle et fréquent en Méditerranée entre 15 et 60 m de profondeur © Giuseppe Mazza

Vu la fragilité de la colonie de Reteporella grimaldii il est déconseillé de la récolter car, à l’air, elle se décolore rapidement et ce n’est qu’en la manipulant avec une extrême attention que l’on peut éviter de l’endommager et préserver son exceptionnelle beauté. Des facteurs défavorables tels que des variations dans l’apport de la nourriture, la salinité de l’eau et la température peuvent altérer l’aspect de la colonie.

Les différents individus de la colonie, appelés zoïdes, mesurent à peine un demi-millimètre et proviennent tous par reproduction asexuée d’une larve fondatrice de la même colonie. Les zoïdes vivent fixés par la partie située à leur base (la cystide) à une thèque calcaire de forme allongée, appelée zoécie, qui assure une fonction de protection. La cystide correspond à la partie essentielle de l’animal dans la mesure où, en plus de sécréter la zoécie, elle a pour fonction de régénérer l’animal entier si c’est nécessaire. Outre la cystide qui reste en permanence à l’intérieur de la thèque le zoïde est également formé d’une partie antérieure qui sort de la thèque, le polypide. Celui-ci constitue la partie mobile de l’animal dans la mesure où, s’il est dérangé, il peut rapidement se rétracter à l’intérieur de la zoécie grâce à un muscle rétractile et s’ouvrir à nouveau par la suite grâce à l’action de muscles pariétaux. Chaque polypide contient des viscères et est doté d’une structure particulière, le lophophore, que tous les Bryozoaires partagent avec d’autres phylums d’invertébrés (Phoronidés et Brachiopodes) qui pour cette raison ont été réunis dans le groupe dit des Lophophorés et des Tentaculés.

Chez Reteporella et d’autres bryozoaires marins le lophophore est une crête rehaussée de forme annulaire qui entoure l’ouverture buccale des polypides sur laquelle est implantée une couronne de petits tentacules dotés de cils sur leurs surfaces latérales.

Reteporella grimaldii

Détail agrandi. La colonie de la Dentelle de Neptune est hermaphrodite et a des individus mâles et femelles. De la fécondation qui s’effectue à l’intérieur de cette structure élégante naissent des larves microscopiques dotées de cils qui vivent quelque temps en nageant librement. Dès qu’une larve trouve un substrat adéquat elle s’y fixe et grâce à des reproductions asexuées répétées par bourgeonnement donne naissance à une nouvelle colonie © G. Mazza

Les tentacules assument diverses fonctions qui vont de celle de l’alimentation à celle de la respiration et à la fonction sensorielle qui concerne la perception des stimuli extérieurs. Les colonies de Reteporella sont polymorphes et possèdent des zoïdes modifiés différemment parmi lesquels on doit citer les aviculaires à la forme caractéristique en bec d’oiseau et les vibraculaires dont l’opercule est allongé en formant une sorte de fouet.

Ces deux types de zoïdes, qui ont perdu leur polypide et modifié leur opercule, ont pour fonction de garder propre la surface de la colonie et d’empêcher que d’autres organismes viennent s’y fixer.

Animaux détritivores et microphages à l’égal des autres représentants de leur phylum les Reteporella se nourrissent de particules organiques en suspension et de plancton, en particulier de bactéries, d’algues unicellulaires (les Diatomées) et aussi d’animaux microscopiques tels que des Rotifères et des larves de crustacés.

Grâce aux cils des tentacules du lophophore les zoïdes filtrent l’eau transportée par le courant et capturent les particules organiques et les micro-organismes en les agglutinant dans un long cordon de mucus qui est orienté vers la bouche. Depuis celle-ci le cordon et les minuscules proies qui ont été capturées passent dans un court pharynx puis dans l’oesophage avant d’arriver à travers une valvule dans l’estomac qui est replié en U. Depuis l’estomac la nourriture parvient dans l’intestin qui remonte vers le haut pour s’ouvrir en partie supérieure avec l’anus placé à proximité de la bouche en dehors de la couronne des tentacules.

À cause de cette caractéristique les auteurs anglo-saxons préfèrent désigner les Bryozoaires sous le nom d’Ectoproctes. La digestion est en partie intracellulaire et s’effectue à l’intérieur de vacuoles alimentaires des cellules du tube digestif.

Du fait de leurs dimensions microscopiques la respiration de ces minuscules animaux s’effectue à travers la surface du corps, en particulier celle du lophophore.

Tout comme les autres Bryozoaires les représentants de Reteporella sont eux aussi dépourvus d’appareil circulatoire mais sont dotés d’un système nerveux simple. Celui-ci est constitué d’une ceinture nerveuse périoesophagienne située sous le lophophore entre la bouche et l’anus. Sur la ceinture est implanté un ganglion cérébroïde d’où partent les innervations qui rejoignent les tentacules et les autres parties du corps.

Du fait de leurs petites dimensions ces animaux sont également dépourvus de néphridies. La fonction de l’excrétion s’effectue au moyen de l’accumulation de grains de catabolites de couleur foncée sur la paroi de l’estomac qui est suivie par la dégénérescence périodique du polypode et la formation d’un petit tas irrégulier caractéristique de couleur foncée appelé “corps brun”.

Ce processus qui est interprété comme une réponse physiologique de l’animal à l’accumulation de déchets se termine par la régénération effectuée par la cystide d’un nouveau polypode. À son tour celui-ci expulse le corps brun et élimine ainsi les catabolites accumulés précédemment.

La colonie (le zoarium) des Reteporella est hermaphrodite et comporte des individus de sexe mâle ou femelle qui sont dépourvus de voies génitales. Après la fécondation qui s’effectue à l’intérieur de la cavité du corps il se forme une larve qui nage (la cyphonaute), de forme conique et protégée par une sorte de fin revêtement ou de coquille.

Après avoir vécu en liberté la cyphonaute se fixe sur un substrat et au moyen d’une métamorphose complexe se transforme pour devenir le premier individu de la colonie, l’ancestrule, d’où, après des reproductions asexuées répétées par bourgeonnement, une nouvelle colonie se formera.