Ahaetulla prasina

Famille : Colubridae

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Texte © Dr. Gianni Olivo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Ahaetulla prasina

L’Ahaetulla prasina est un colubridé peu dangereux qui a des dents venimeuses au fond de la gorge © G. Mazza

Le Serpent-liane oriental (Ahaetulla prasina Boie, 1827) est un élégant colubridé (Colubridae) appelé en italien Serpente frusta orientale, Serpente-ramoscello orientale, Serpente frusta di Gunther, en anglais Oriental whip snake, Oriental vine snake, Gunther’s whip snake, en allemand Peitschennatter et en indonésien Ular pukuc.

Il offre une certaine ressemblance avec Ahaetulla nasuta : un corps élancé et mince et une tête effilée au museau pointu en forme de pointe de flèche, une caractéristique qui a donné naissance, comme pour l’Ahaetulla nasuta, à la légende suivant laquelle ces serpents se mettraient à l’affut sur des branches basses, à la hauteur du visage d’un homme, et se tiendraient prêts à attaquer le passant sans méfiance et à l’aveugler.

Par ailleurs si l’on observe la tête de ce reptile, surtout de face, on pourrait avoir l’impression que l’on a affaire à un petit démon maléfique. Cette impression est renforcée par la présence d’un nez  pointu et d’yeux à la pupille horizontale qui, vus de face, ressemblent à deux fentes étroites à l’aspect fortement …oriental.

Quand d’autre part cet animal ouvre sa gueule de façon démesurée dans une attitude de menace pour effrayer un agresseur potentiel l’effet produit est très impressionnant et disproportionné étant donné  sa relative innocuité.

L’adjectif “relative” m’a été inspiré par une simple constatation. Les colubridés sont inoffensifs pour l’homme dans leur très grande majorité à la fois parce qu’ils sont dans un pourcentage élevé  totalement dépourvus d’appareil vénénifère (aglyphes) et que ceux qui sont dotés de crochets à venin et de glandes vénénifères (opisthoglyphes) possèdent dans la plupart des cas des venins peu ou pas du tout dangereux pour les êtres humains. Il existe néanmoins des exceptions notables comme le boomslang et le Twig snake ouVine snake africains, des espèces aujourd’hui mises au nombre de celles qui sont potentiellement mortelles. Bien que les Ahaetulla soient considérés comme presque inoffensifs pour l’homme il est indispensable de préciser que beaucoup de venins des colubridés ont été peu étudiés et qu’ils sont peu connus et varient beaucoup non seulement d’espèce à espèce mais aussi de zone à zone.

Je crois donc qu’il vaut la peine de faire état de certaines observations faites à ce sujet ce qui pourra peut-être donner l’occasion de se livrer à d’utiles réflexions à propos également d’autres opisthoglyphes qui sont considérés comme inoffensifs et souvent manipulés avec insouciance par des amateurs et des herpéthologues même professionnels. Le Mussurana (Clelia clelia ou Boiruna maculata) est un colubridé de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud qui est bien connu pour être essentiellement ophiophage et avoir une nette préférence pour les serpents venimeux (il est immunisé contre leur venin).

Ahaetulla prasina

Il vit sur les arbres et chasse des oiseaux, des batraciens, des lézards, des serpents et des chauves-souris © Giuseppe Mazza

Considéré comme un animal paisible ( il mord rarement même quand il est capturé) il a été classé “harmless” vu que, bien que doté d’un appareil vénénifère opisthoglyphe, il n’était pas réputé dangereux pour l’espèce humaine. Cependant l’histoire que je vais raconter ferait penser le contraire.

En 1997 un enfant a été admis à l’hôpital de Porto Alegre, au Brésil, après avoir été mordu à la cheville par un Mussurana de la sous-espèce Boiruna maculata (signalons qu’il existe d’autres sous-espèces de ce serpent mais l’identification du reptile responsable de la morsure était certaine et a été confirmée) : le petit présentait des signes localisés bien nets d’un empoisonnement de type cytotoxique comme un œdème important, des cyanoses de la jambe, la présence de suffusions ecchymotiques et un saignement à l’endroit de la morsure. Tous ces symptômes s’accompagnaient d’une forte douleur et d’un gonflement des lymphonodes inguinaux.

Bien qu’il n’y eût pas encore de signes d’une altération de l’état général, l’âge du patient et la gravité des symptômes locaux incitèrent les médecins à administrer par perfusion lente intra-veineuse 200 ml de sérum anti-Bothrops. Celui-ci non seulement neutralisa les hémorragies responsables des saignements mais aussi l’effet œdémateux qui aurait pu mettre en danger la vie du jeune patient du fait d’un éventuel choc hypovolémique (chute de la tension artérielle par extravasion du plasma dans les tissus).

Or, à la suite de cet empoisonnement et de la démonstration de l’efficacité pour son traitement du sérum anti-ophidien utilisé normalement pour combattre le venin des redoutables crotalidés appelés “fer de lance”,  des études ultérieures sur le venin du Missurana ont été entreprises et ont démontré la présence de myotoxines qui, après comparaison avec celles de divers Bothrops, ont fait apparaître de fortes analogies avec celles-ci !

Certains herpétologues, d’autre part, ont fait état de symptômes légers d’empoisonnement de type neurotoxique survenus à la suite d’une morsure d’ Ahaetulla nasuta. Mon opinion personnelle, de ce fait, est que la totale innocuité de nombreux colubridés opisthoglyphes reste encore à prouver. Et cela pourrait également être valable pour le serpent-liane oriental.

Quant à Ahaetulla prasina c’est un serpent arboricole qui a une nette prédilection pour les zones densément recouvertes de végétation, qu’il s’agisse d’une vraie forêt pluviale ( dont il préfère les zones situées en bordure et celles de transition) ou de plantations, de parcs ou de jardins. Il est répandu dans une grande partie de l’Asie depuis la péninsule indienne jusqu’au Vietnam en passant par toute la bande Sud de la Chine et est allé coloniser également l’Indonésie et les Philippines où, par conséquent, il cohabite dans certains secteurs avec Ahaetulla nasuta.

Ahaetulla prasina

Mimétique, aux bonds imprévisibles et à la vision binoculaire parfaite © Giuseppe Mazza

On distingue plusieurs sous-espèces :

Ahaetulla prasina praeocularis particulière aux Philippines

Ahaetulla prasina suluensis elle aussi particulière aux Philippines (îles de Tawi-Tawi, Siasi, Sanga-sanga, Bongau et Jolo)

Ahaetulla prasina medioxima présente dans le Sud de la Chine

Ahaetulla prasina prasina, la sous-espèce la plus répandue (Inde, Vietnam, Malaisie, Thaïlande, Myanmar, etc…)

C’est un animal relativement commun et dans certaines zones même, comme l’Inde et Sumatra, c’est un des serpents que l’on aperçoit le plus souvent. Il est par conséquent possible de le trouver parmi les espèces pour “terrarium” bien qu’il semble s’accommoder difficilement de la captivité.

Le corps de ce serpent est mince et allongé bien que des individus adultes semblent proportionnellement plus massifs. Sa couleur peut aller du vert vif au marron clair avec souvent une ligne longitudinale plus claire le long des flancs.

Chez certains individus la couleur verte souvent peut être presque fluorescente et si l’on observe la peau de près on peut remarquer que cette teinte n’est pas uniforme mais qu’elle est constituée d’une alternance de petits polygones de différentes couleurs ( blancs, verts et noirs) formés par les écailles. La tête est très semblable à celle de Ahaetulla nasuta (voir la fiche) et bien distincte du corps. Les yeux sont relativement grands et offrent probablement une vision binoculaire, comme c’est le cas du boomslang et des thélotornis, ce qui permet à ce prédateur, à la différence de la plupart des serpents, de repérer une proie même si elle n’est pas en mouvement.

Il chasse essentiellement des vertébrés : des oiseaux et leurs nichées, des batraciens, des lézards, des serpents, des chauves-souris, etc…dont il s’approche avec précaution et par des mouvements progressifs en imitant les ondulations des branches remuées par le vent jusqu’à ce que la proie soit à la portée d’un bond rapide de sa tête qu’il projète en avant, la gueule grande ouverte. Il est probable que dans certains cas il chasse aussi à l’affut en comptant sur son mimétisme parfait. Le venin inoculé par des crochets placés sur le palais plutôt vers l’arrière et presque sous l’œil agit assez rapidement sur des animaux de petite taille en les rendant inoffensifs et en les tuant en peu de temps. Toutefois une curieuse caractéristique de ces serpents aux mœurs diurnes est le grand nombre de fois où certaines populations et certains individus au sein d’une même population privilégie une… technique un peu différente, à savoir une vie arboricole (avec une préférence pour les buissons et les branches basses comme c’est le cas pour Thelotornis capensis) mais en se servant du sol comme terrain de chasse : cela explique pourquoi des grenouilles et des crapauds font très souvent aussi parti de leur régime alimentaire et pourquoi ce sont des reptiles que l’on aperçoit fréquemment (il est en effet très difficile de les repérer quand ils sont au milieu du feuillage).

La reproduction est de type ovovivipare. Les nouveau-nés sont de couleur marron avec des pointillés jaunes et noirs. Ils sont autonomes aussitôt après leur “naissance” et livrés à eux-mêmes par leur mère.

Synonymes

Dryophis prasinus Boie, 1827; Tragops xanthozonius Duméril & Bibron, 1854; Dryophis prasinus chinensis Mell, 1930.

 

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