Famille : Cytinaceae

Texte © Prof. Pietro Pavone

Traduction en français par Jean-Marc Linder

Plante holoparasite incapable de photosynthèse, Bdallophytum americanum se développe dans les racines des plantes hôtes. Seuls émergent les fleurs et les fruits © David Valenzuel
Bdallophytum americanum (R.Br.) Eichler ex Solms est une plante parasite obligatoire (holoparasite), incapable de photosynthèse, de la famille des Cytinaceae A.Rich. Relevant elle-même de l’ordre des Malvales.
Cette famille était autrefois classée dans l’ordre des Rafflesiales mais des études moléculaires ont montré qu’elle relevait en réalité de l’ordre des Malvales (APG III, 2009).

Dioïque, cette espèce est donc à fleurs mâles et femelles. Le périgone des premières varie du rouge cerise au noir. Les étamines sont monadelphes, à anthères blanches et à appendices acuminés en tissu conjonctif jaunâtre © Eduardo Axel Recillas Bautista
On trouve Bdallophytum americanum dans le biome tropical saisonnièrement sec, principalement dans les forêts tropicales décidues, les forêts tropicales sempervirentes et subdécidues et le maquis xérophile, entre 80 et 1840 m d’altitude.
Son aire naturelle s’étend du Mexique à l’Amérique centrale (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua).
Cette espèce parasite différentes espèces de Bursera, comme Bursera simaruba (L.) Sarg., ainsi que Gyrocarpus americanus Jacq., Haematoxylum brasiletto H. Karst., et des espèces de Cochlospermum Kunth, Ficus L. et Guazuma Mill.
Cette espèce a d’abord été nommée Cytinus americanus R. Br (Trans. Linn. Soc. London, prepr. 19: 246, 1845) par Robert Brown (1773-1858). C’était alors la première mention en Amérique d’un genre de plantes holoparasites connu uniquement dans l’Ancien Monde.
Par la suite, Frederik Michael Liebmann (1813-1856) l’a appelée Scytanthus bambusarum Liebm. (Förh. Skand. Naturf. Möte 4: 183 (1847) sans toutefois la relier au genre Cytinus L.
Cependant, Scytanthus n’est pas un nom valide car il s’agit d’une variante orthographique d’un nom déjà utilisé, Skytanthus Meyen (Reise Erde 1: 376 (1834)), genre de la famille des Apocynaceae.
Puis, August Wilhelm Eichler (1839-1887) proposa le genre Bdallophytum (Bot. Zeitung (Berlin) 30: 709, t. 8, 1872) avec seulement deux espèces (Bdallophytum andrieuxii Eichler et Bdallophytum ceratantherum Eichler) sans tenir compte des autres espèces précédemment décrites.
En 1889, Hermann zu Solms-Laubach (1842 – 1915), dans H.G.A.Engler & K.A.E.Prantl, Nat. Pflanzenfam. 3(1) : 282 – 1889), a décrit les genres de la famille Rafflessiacae en y incluant Cytinus L. et Bdallophyton Eichl., variante erronée de Bdallophytum.

Ces appendices, dont les pointes se touchent au centre et dépassent du périgone à l’ouverture de la fleur, prennent alors un aspect stellaire. En haut, on remarque la Mouche grise, pollinisateur attiré par l’odeur fétide et le nectar © juanbgodoy9
Ce n’est qu’au XXe siècle que les espèces américaines ont été intégrées au genre Bdallophytum.
Ce genre, ainsi que le genre Cytinus, ont été classés dans la famille des Raflesiaceae, dans la tribu des Cytineae.
Cette position au sein des Raflesiaceae s’est perpétuée pendant longtemps, mais l’utilisation de marqueurs moléculaires nucléaires et mitochondriaux dans les analyses phylogénétiques a montré qu’elle était plutôt factice, car basée sur des caractères convergents tels que l’endoparasitisme, la réduction des structures végétatives et la similitude des organes reproducteurs.
Par conséquent, les taxons de l’ancienne tribu des Cytineae ont été exclus des Raflesiaceae et intégrés à la nouvelle famille des Cytinaceae, elle-même apparentée à la famille des Muntingiaceae d’Amérique tropicale.
En raison de ces preuves et affinités, la famille des Cytinaceae a été intégrée à l’ordre des Malvales.
Le nom du genre dérive du grec ancien βδάλλω (sucer) et ϕυτόν (phyton) plante. L’épithète spécifique americanum fait référence à sa zone d’origine.
Nom commun : Bdallophytum americano en italien. Au Mexique, dans l’État de Guerrero, cette espèce est appelée “flor de tierra”. Dans la ville de San Luis Potosí (Mexique), “boo’waat wits”.
Les parties végétatives de Bdallophytum americanum sont filamenteuses, comparables à des hyphes de champignons, et se développent à l’intérieur des racines de plantes du genre Bursera, comme Bursera simaruba (L.) Sarg. (Burseraceae), pour n’en sortir qu’à la production de fleurs et de fruits. Il s’agit de petites plantes herbacées, charnues, glandulaires, dioïques, hautes de 8 à 15 (-25) cm.
Les tiges, non ramifiées, émergent de la plante hôte et sont de couleur jaune mat lorsqu’elles sont jeunes, puis varient du rouge cerise au pourpre, recouvertes de poils multicellulaires claviformes.

Le rougissement et la fermeture des appendices sont pour les pollinisateurs signes de l’épuisement du pollen © Rogelio Aguilar Tapia
Les feuilles, disposées par trois en faisceaux irréguliers, sont réduites à des écailles de 0,5-1,5 x (3,4-) 4,5-6,3 mm, ovales-lancéolées, elliptiques ou spatulées, à marges dentelées de couleur brune.
Les inflorescences comptent habituellement 9 à 12 fleurs disposées au-dessus des bractées.
Les fleurs jeunes sont de couleur pourpre velouté.
Le périgone des fleurs mâles est segmenté en 6 à 9 parties ; haut de 6,5 à 10,9 mm, son diamètre à la base est de 5 à 6,4 mm, de couleur rouge cerise à noir.
Les étamines sont monadelphes. Les filaments sont soudés en une colonne de 1,4 à 2,7 (- 3,5) mm de long.
Les anthères, généralement droites et de couleur blanche, forment un anneau à l’apex de la colonne, avec des appendices de tissu conjonctif, longs de 2 à 4,5 mm, acuminés, de couleur jaunâtre qui contraste avec celle du périgonium.
Les fleurs femelles ont un périgone à 7-9 segments, haut de (4,7-) 5,8-11 mm, de 4,5-8,5 mm de diamètre à la base, de couleur rouge cerise ; à l’anthèse, les styles jaune paille sont longs de 3,5-6,5 (8) mm et épais de 2 mm à la base.
Il y a 9-10 stigmates, lobés, en coussin, avec des marges radiales et une légère dépression centrale, de couleur jaune.
L’ovaire est jaunâtre et velu, infère, uniloculaire et avec de nombreux ovules.
Les ovules sont orthotropes, comme chez Cytinus, et ne présentent qu’un seul tégument.
Le style est très court et porte un stigmate très apparent, lobé et de couleur blanchâtre à jaunâtre, attrayant pour les pollinisateurs.
La floraison a lieu principalement d’avril à août et la fructification d’août à novembre.
Des observations de terrain “J Plant Res 136, 643–655 (2023)” sur la biologie florale et le rôle des appendices staminaux ont mis en évidence leurs changements tout au long de la durée de vie d’une seule fleur.
Au début, les extrémités des appendices se touchent au centre, à l’ouverture de la fleur, et dépassent du périanthe. Elles s’ouvrent ensuite à mesure que la fleur s’épanouit, jusqu’à atteindre l’ouverture complète permettant aux pollinisateurs de se poser.

Les fleurs femelles changent également au fil du temps. D’abord rouge pâle, elles foncent ensuite et mettent leurs stigmates blancs en évidence © Chris Lloyd
La couleur rouge foncé de la fleur contraste avec la couleur blanchâtre des appendices staminaux lorsqu’ils sont complètement ouverts.
On a constaté que pendant les deux premiers jours d’anthèse, le pollen est à son maximum de vitalité. Mais lorsque les appendices commencent à se refermer pour revenir à leur position initiale (troisième jour d’anthèse), la vitalité du pollen diminue brusquement. Les grains de pollen sont donc viables dans les fleurs mâles pendant les 4 ou 5 premiers jours de leur ouverture.

Vers le cinquième jour après l’anthèse, le périanthe flétrit et prend des teintes très foncées © Carlos Funes
Les fleurs femelles changent également au fil du temps. Elles sont d’abord rouge pâle, puis deviennent plus foncées au fil des jours.
Le périgone se flétrit vers le cinquième jour, indiquant le début du développement du fruit si la fécondation a eu lieu.
Les inflorescences mâles éclosent avant les inflorescences femelles ; les fleurs mâles et femelles éclosent pendant la journée et restent ensuite ouvertes durant la nuit.

Puis, les ovaires grossissent si la fécondation a eu lieu. Les fruits très poilus recèlent de nombreuses graines © Leticia Soriano Flores
La pollinisation est assurée par les syrphes (Copestylum, Syrphidae) et, dans une moindre mesure, par d’autres pollinisateurs : abeilles, coléoptères et mouches charognardes, attirés par l’odeur des fleurs et le nectar qu’elles procurent en récompense.
Une fois posés sur les stigmates ou les appendices connectifs, selon le sexe, les pollinisateurs se déplacent pour visiter les fleurs le long de la même inflorescence, en consacrant moins de temps aux fleurs femelles.
Les fruits sont des baies globuleuses violacées de 1,2 à 1,5 cm de diamètre, parfois agglomérées entre elles, densément recouvertes de poils glanduleux, contenant de nombreuses graines longues de 0,4 à 0,5 mm.
Les graines sont très petites et recouvertes de mucilage.
Leur dispersion est assurée par le rongeur Peromyscus mexicanus (Saussure, 1860) et par les fourmis coupeuses de feuilles du genre Atta (sous-famille des Myrmicinae).
En laboratoire, il a été démontré que la germination des graines ne se produit qu’en présence de substances chimiques particulières émises par la plante hôte (Acta Botanica Mexicana 87 : 1-21 (2009).
Le nombre chromosomique de Bdallophytum americanum est 2n=24.
Dans certaines régions rurales du Mexique, Bdallophytum americanum sert aux populations locales à lutter contre la fièvre, les maux de tête et les maux d’estomac.
Synonymes
Bdallophytum bambusarum (Liebm.) Harms (1935) ; Bdallophytum ceratantherum Eichler (1872) ; Cytinus americanus R.Br. (1844) ; Hypocistis americana (R.Br.) Kuntze (1891) ; Scytanthus americanus (R.Br.) Solms (1901) ; Scytanthus bambusarum Liebm. (1847).