Cakile maritima

Famille : Brassicaceae


Texte © Prof. Pietro Pavone

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Cakile maritima

Cakile maritima est une espèce pionnière qui fixe les sables côtiers perturbés par les marées et le vent. La tige ramifiée, succulente ou liégeuse avec l’âge, forme de petits buissons larges jusqu’à 1 m et hauts jusqu’à 45 cm. Les feuilles sont charnues pour limiter la transpiration, résister aux embruns et fournir une réserve d’eau à la plante © Giovanna Marletta

Cakile maritima Scop., connue communément sous les noms de Roquette de mer, de Cakilier maritime et de Tétine de souris, est une espèce appartenant à la tribu Brassiceae de la famille des Brassicaceae qui est originaire des zones côtières de l’Europe, de l’Afrique du Nord et de l’Ouest de l’Asie. Elle a été introduite par l’homme dans beaucoup d’autres régions du monde et se comporte souvent en espèce invasive comme c’est le cas, par exemple, pour les côtes Ouest et Est de l’Amérique du Nord où elle se substitue à d’autres espèces endémiques de Cakile comme Cakile edentula (Bigelow) Hook. Elle est arrivée pour finir dans l’hémisphère Sud, au Brésil, en Uruguay, en Australie, en Nouvelle-Zélande et enfin en Nouvelle-Calédonie.

Le nom du genre proviendrait de Kakeleh/qaqila, nom arabe de cette plante que le physicien et médecin syrien Jean Sérapion (IIe moitié du IXe siècle ap. J.C.) appelait Cakile à cause de sa grosse racine ligneuse ainsi que l’ a rapporté Mathias de l’Obel (1538-1616) dans son Plantarum seu Stirpium historia (1576). Le nom de l’espèce maritima fait référence à la mer, à ce qui pousse près de la mer.

C’est une espèce pionnière qui vit principalement à proximité de la mer, sur les sables côtiers instables parce que sans cesse perturbés et remaniés par les marées et le vent. Le dépôt sur place de débris organiques, d’algues en particulier, le long de la plage par les marées de l’équinoxe de printemps génère de l’azote par suite de la décomposition de la matière organique, ce qui permet la croissance rapide et vigoureuse de cette plante. Elle se développe au contact de la zone dépourvue de végétation atteinte par les flots et des formations psammophiles pérennes de la terre ferme. Elle représente l’espèce principale des communautés pionnières liées à l’association Salsolo Kali-Cakiletum maritimae Costa et Manzanet 1981. Ces communautés constituent la première phase de colonisation et d’édification de dunes qui permettent de protéger les côtes sableuses mais elles ne peuvent survivre au lourd piétinement des hommes comme c’est le cas pour les plages fréquentées par les touristes.

Cakile maritima ssp. islandica

Cakile maritima ssp. islandica, connue sous le nom de Roquette arctique, est une sous-espèce endémique de l’Islande, des îles Féroé, Scandinavie et Russie du Nord-Ouest © Per Arvid Åsen

Cakile maritima est une plante herbacée annuelle succulente dont la racine pivotante mesure environ 40 cm. La dimension de chacune de ces plantes est très variable suivant les conditions de sa croissance. Celle-ci diminue en cas de rareté extrême de nutriments, d’excès d’eau dans le sol ou de manque d’espace.

La tige principale est prostrée ou ascendante, ramifiée, longue de 15 à 45 cm, succulente quand elle est jeune, liégeuse avec l’âge. Les tiges, très ramifiées, peuvent prendre des formes qui ressemblent à de petits buissons atteignant jusqu’à 1 m de diamètre. L’enfouissement partiel est  généralement profitable étant donné qu’il permet de créer de nouvelles branches verticales à l’aisselle des tiges prostrées, ce qui augmente le nombre de boutons en fleur.

Les feuilles sont alternes et charnues pour limiter la transpiration,  résister aux embruns et fournir à la plante une bonne réserve d’eau. Les feuilles du bas, longues de 3 à 6 cm, sont pétiolées, entières, obovées à pennatifides et possèdent des lobes entiers ou dentés. Les feuilles du haut sont entières et sessiles.

Les fleurs sont présentes toute l’année, mais en majorité d’avril à octobre, et sont rassemblées sous forme d’inflorescences constituées de racèmes compacts disposés sur la tige principale et sur les branches. Elles mesurent jusqu’à 25 mm de diamètre et sont très parfumées. Elles sont constituées de quatre sépales imbriqués de 3 à 7 mm de long, de couleur vert jaunâtre et de quatre pétales longs de 6 à 10 mm, spatulés avec un onglet, de couleur blanche, lilas ou rouge pourpre et dotés de longs poils basaux. L’androcée est formé de de six étamines tétradynames. Après la pollinisation qui est entomophile le périanthe tombe en laissant les fruits en cours de mûrissement attachés à la tige par des pédicelles épais de 2 à 4 mm de long.

Cakile maritima

La voici chargée de fruits et encore de quelques fleurs. Les branches du bas s’enracinent en touchant le sol et forment de nouvelles plantes © Sandy Steinman

Le fruit est une silique indéhiscente, de 20 à 25 mm, formée de deux articles distincts contenant chacun une graine, monospermes, verts et charnus quand ils ne sont pas mûrs, de couleur marron, durs et liégeux quand ils sont arrivés à maturité. Celui du haut, le plus grand, a une forme ovoïdale ou conique et est caduc. Celui du bas, qui est obconique ou rhombique, reste attaché à la plante mère. La dissémination des articles du haut est assurée par le vent et aussi par la mer car ils peuvent flotter.

Ce processus particulier permet de propager cette espèce au loin au moyen de la mer et dans le même temps de la laisser près du lieu qu’elle occupait jusqu’alors. La silique en deux parties correspond à la tendance à la réduction des organes qui se manifeste au cours de l’évolution.

Les graines sont oblongues, rugueuses, de couleur marron et longues de 2,3 à 4,7 x 1 à 2,5 mm. L’embryon qui remplit entièrement l’intérieur de la graine possède une radicule saillante placée contre le bord des deux cotylédons (cotylédons accombants).  La germination survient avec l’élévation de la température et le lessivage des sels causé par les pluies après les marées du printemps.

La reproduction de Cakile maritima est strictement annuelle et dépend totalement des graines pour sa survie. La durée moyenne de vie de cette plante in situ est de 4 à 5 mois. Toutefois on peut rencontrer des exceptions. D’autre part on a observé l’absence de mycorhizes, ce qui est à mettre en relation avec la présence de glucosinolates (des composés glucosidiques contenant du soufre) à l’intérieur des tissus. Malgré la plasticité phénotypique de la tige et des feuilles le nombre chromosomique (2n = 18.) est constant chez tous les individus qui ont été étudiés.

Cakile maritima

Mais l’atout de cette espèce comestible aux vertus médicinales est dans le fruit qui en mûrissant se sépare en deux. La partie inférieure se charge de la dispersion locale tandis que celle du haut, qui flotte, colonise d’autres plages © Harry Rose

La répartition naturelle des espèces du genre Cakile montre qu’elles se sont répandues après la disparition de l’océan Téthys, à l’époque du pléistocène, bien qu’il n’ y ait pas de preuves palynologiques.

Cakile maritima, de même que d’autres espèces de la famille des Brassicaceae (Pringlea antiscorbutica, Lepidium draba, Eruca vesicaria subsp. sativa, Alliaria petiolata, Cardamine amara, Cochlearia  officinalis, etc…), sont traditionnellement utilisées pour leurs propriétés bien connues antiscorbutiques, carminatives, diurétiques, fluidifiantes et aussi purgatives.

Les extraits de feuilles ont une action antioxydante et sont utilisés en cosmétique pour les soins de la peau. Avec l’infusion des feuilles on peut nettoyer les eaux grasses. Celle des extrémités fleuries est un bon produit antipelliculaire.

On peut cultiver la Roquette de mer sur une petite échelle pour utiliser ses feuilles jeunes dans des salades mixtes au goût caractéristique saumâtre et un peu amer mais riches en vitamine C.

Les feuilles et les jeunes branches peuvent être mises à bouillir avec d’autres herbes spontanées. On peut les faire sauter dans une poêle avec de l’ail et de l’huile. En ajoutant des tomates et du piment il est possible de cuisiner des plats goûteux à base de pâtes.

Les graines contiennent une huile que l’on peut utiliser comme celle que l’on extrait de la moutarde (Sinapis alba L.).

Cakile maritima comprend diverses sous-espèces bien différenciées et ce également au niveau de la répartition. Quatre d’entre elles ont en particulier été reconnues : Cakile maritima Scop. subsp. maritima que l’on rencontre le long des côtes atlantiques et méditerranéennes, Cakile maritima subsp. baltica (Rouy & Foucaud) P. W. Ball qui est propre aux régions qui donnent sur la mer Baltique, Cakile maritima subsp. euxina (Pobed.) Nyar qui se limite à la mer Noire et Cakile maritima subsp. islandica (Gand.) Elven que l’on rencontre en Islande, aux îles Féroé, dans la zone arctique de la Norvège et au Nord-Ouest de la Russie.

Synonymes : Bunias cakile L., Bunias littoralis Salisb., Cakile aegyptiaca Willd., Cakile aegyptica (L.) Pignatti, Cakile aegyptica var. australis (Coss.) Maire & Weiller, Cakile aegyptica var. hispanica (Jord.) Maire & Weiller, Cakile aegyptica var. latifolia (Desf.) Maire & Weiller, Cakile aegyptica var. susica (Maire, Weiller, & Wilczek) Maire & Weiller, Cakile arctica Pobed., Cakile cakile (L.) H. Karst., Cakile crenata Jord., Cakile cyrenaica Spreng., Cakile edentula Jord., Cakile edentula subsp. islandica (Gand.) A. Löve & D. Löve, Cakile euxina Pobed.; Cakile hispanica Jord., Cakile lapponica Pobed., Cakile latifolia (Desf.) Poir., Cakile littoralis Jord., Cakile maritima subsp. aegyptiaca (Willd.) Nyman, Cakile maritima prol. baltica Rouy & Fouc.; Cakile maritima subsp. integrifolia (Hornem.) Greuter & Burdet, Cakile maritima var. australis Coss., Cakile maritima var. edentula Loret, Cakile maritima var. integrifolia Hornem., Cakile maritima f. islandica Gand., Cakile maritima var. latifolia Desf., Cakile maritima var. susica Maire, Weiller & Wilczek, Cakile monosperma Lange, Cakile pinnatifida Stokes; Cakile serapionis Gaertn., Cakile sinuatifolia Stokes, Rapistrum cakile (L.) Crantz, Rapistrum maritimum (Scop.) Bergeret ex DC.

 

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