Dactylopius coccus

Famille : Dactylopiidae


Texte © Prof. Santi Longo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Dactylopius coccus

La Cochenille du carmin (Dactylopia coccus) vit sur les Cactacées appartenant aux genres Opuntia et Nopalea © Giuseppe Mazza

La Cochenille du carmin, Dactylopius coccus, O.G. Costa, 1829 est un Rhynchote homoptère appartenant aux Coccomorpha mieux connus sous le nom de superfamille des Coccoidea ou Cochenilles, de l’espagnol “cochinilla”.

Les femelles ont un corps de forme ovale et des antennes et des pattes réduites.

Certaines pièces de l’appareil buccal sont très développées et ont la forme de longs stylets qui peuvent perforer le substrat alimentaire afin de sucer les sucs.

Les mâles adultes, quand ils sont ailés, ressemblent à de minuscules mouches parasites avec lesquelles on les a confondus dans le passé en observant leur corps doté de deux ailes et leur accouplement.

Leurs dimensions sont inférieures à celles des femelles que l’on croyait être de petites galles produites par les plantes.

Cette espèce appartient sur le plan taxonomique au genre Dactylopius, O.G. Costa, 1829 qui est le seul de la famille des Dactylopiidae qui a été créée par Signoret en 1875 et qui comprend une dizaine d’espèces inféodées presque exclusivement  aux Cactaceae des genres Opuntia et Nopalea.

Zoogéographie

Comme les autres espèces du genre Dactylopius la Cochenille du carmin est originaire de la région néo-tropicale de l’Amérique et en particulier du Mexique où on l’élevait pour obtenir un colorant qui était produit et commercialisé par les indigènes depuis les époques précolombiennes.

Les conquistadors espagnols introduisirent ce précieux produit en Europe et mirent en place un système lucratif de monopole.

Il était protégé par des mesures de contrôle très strictes visant à empêcher la diffusion de la cochenille à l’extérieur de leurs colonies.

Par la suite les Anglais introduisirent une cinquantaine d’espèces de Cactacées en Afrique du Sud, en Australie et dans leurs colonies d’Asie dans le but de développer l’élevage de la Cochenille du carmin et d’obtenir le précieux colorant.

En Europe il remplaça rapidement ceux de moindre qualité que l’on obtenait à partir d’autres cochenilles vivant surtout aux dépens des chênes dont l’espèce la plus importante était le Kermès des teinturiers, Kermococcus vermilio (Planchon,1864), connu aussi sous le nom de Grain d’écarlate, qui vit aux dépens des Quercus coccifera, Quercus ilex, et Quercus suber.

Dactylopius coccus

Les formes juvéniles du premier âge ont un corps de couleur rouge à cause de la présence dans leur sang, dit hémolymphe, d’acide carminique © Jose Mª Perez Basanta

Écologie-Habitat

La cochenille du carmin est aujourd’hui considérée comme une espèce cosmopolite des régions tropicales où poussent les Opuntie, où les températures sont comprises entre 24 et 28 °C, où l’humidité relative n’est pas élevée et où les pluies sont rares et ne coïncident pas avec l’apparition de baisses de température. De telles conditions ne se rencontrent en Europe qu’aux îles Canaries.

Dans le bassin méditerranéen Dactylopius coccus s’est acclimaté dans certaines zones de l’Algérie, de la France, du Maroc, de l’Espagne et de la Turquie.

Dactylopius coccus

Néanides et femelles recouvertes de cire. Celles-ci se rassemblent en colonies très denses afin d’amplifier l’efficacité du pouvoir d’attraction de leurs phéromones sexuelles pour faire découvrir aux mâles aussi les endroits peu exposés © Giuseppe Mazza

En Sicile et en Sardaigne on a tenté plusieurs fois de l’introduire, malheureusement sans succès.

Une expérience soutenue par la Commission Européenne a été menée en Sicile à la fin du siècle dernier dans le but d’élever la Cochenille dans un milieu protégé afin d’obtenir le colorant naturel.

Morphophysiologie

Les femelles adultes ont un corps long d’environ 5 mm et large d’à peu près 3 mm.

Leur forme sphérique jointe à leur revêtement de petits grains de cire blanche rappelle dans l’ensemble celle d’un petit pois chiche.

Leurs filaments cireux sécrétés aux stades juvéniles et mêlés à leurs excréments sucrés rendent leurs colonies collantes au toucher.

Les femelles ont tendance à se réunir au sein de colonies très denses dans le but d’amplifier l’efficacité du pouvoir d’attraction de leurs substances volatiles ( les phéromones sexuelles) qui attirent les jeunes mâles dans les endroits les moins exposés de la plante sur laquelle elles vivent.                                            .

Les préparations au microscope qui sont nécessaires pour distinguer cette espèce des autres du même genre permettent d’observer ses antennes longues d’environ 0,3 mm et formées de 7 articles (les antennomères) et ses pattes longues d’environ 0,9 mm.

Sur la partie dorsale du corps se trouvent des soies dont les dimensions et le nombre sont inférieurs à ceux des autres espèces du même genre. L’ouverture anale se réduit à une petite fente qui n’est pas entourée de soies.

Les antennes, l’appareil buccal piqueur-suceur, les pattes et l’ouverture génitale sont implantés ventralement dans la partie antérieure du corps.

Le premier stade juvénile (appelé néanide du premier âge ou N1) a un corps de forme ovale long d’environ 1,3 mm, des antennes formées de 6 articles et de longues pattes. Il y a sur le corps de longs filaments cireux sécrétés par les glandes ceripares qui facilitent la dispersion des N1 qui est assurée par le vent. Les stades juvéniles suivants sécrètent peu de filaments cireux.

Les femelles aptes à se reproduire sont qualifiées de néoténiques parce que leur aspect est semblable à celui des stades juvéniles.

Dactylopius coccus Mâle

Mâle adulte ressemblant à un moucheron et venant de s’envoler parmi les cocons où s’effectue la métamorphose de la branche mâle © Walter P. Pfliegler

Les mâles ont une croissance qualifiée de néo-métabolique parce que le dernier stade juvénile effectue une métamorphose à l’intérieur d’une enveloppe de soie de couleur blanche et de forme conique.

Les mâles adultes ont un corps long d’environ 1,5 mm, de couleur rougeâtre et recouvert de petits grains de cire. La tête et le thorax sont plus foncés que l’abdomen.

Leurs antennes sont longues de 0,7 mm et dotées de nombreux poils sensoriels. Deux ailes sont situées dans le second segment du thorax. L’extrémité de l’abdomen est allongée et comporte deux filaments cireux plus longs que l’ensemble du corps.

Dactylopius coccus mâle

Le mâle a de longues antennes aux nombreuses sensilles pour repérer et rejoindre en vol les femelles sédentaires © Vuk Vojisavljevic

Éthologie-Biologie reproductive

La cochenille du carmin s’installe surtout sur les cladodes âgés de 1 à 2 ans des Opuntias. Elle achève sa croissance à leurs dépens au bout d’environ 3 mois.

De l’oeuf qui éclot déjà à l’intérieur du corps maternel aussitôt après la ponte sur la plante émerge le premier stade mobile (Néanide 1) auquel succède un second (Néanide 2) et, après la seconde mue, celui de la femelle qui se reproduit après l’accouplement.

Chez les mâles les deux stades de néanides sont suivis de deux stades nymphaux appelés prépupe et pupe et, après la métamorphose, du stade d’adulte.

Cette espèce n’interrompt pas sa croissance au cours de l’année et de ce fait le nombre de générations varie en fonction de l’évolution des températures et de l’humidité relative ainsi que du micro-climat de l’endroit où elle vit.

Ce n’est pas par hasard que les femelles peu mobiles s’installent de préférence dans les zones de la plante les plus à l’abri.

De nombreuses espèces d’ennemis naturels vivent aux dépens des différents stades de la Cochenille.

En Amérique du Sud les larves d’un diptère syrphide du genre Allograpta sont d’actives prédatrices. Aux îles Canaries les adultes et les larves du Coléoptère Coccinellide Exochomus flavipes s’attaquent aux stades juvéniles.

Toutes les espèces de Dactylopius doivent leur coloration à la présence dans leur corps d’acide carminique.

Celui qu’il est possible d’obtenir à partir de femelles desséchées de Dactylopius coccus est supérieur en quantité à celui des autres espèces.

Ce colorant “biologique” est utilisé comme indicateur et réactif en histologie et en bactériologie.

Avant l’apparition des colorants de synthèse plus économiques et à base d’aniline la solution aqueuse de l’extrait des corps desséchés de la Cochenille était largement employée dans les industries pharmaceutique, cosmétique et alimentaire ainsi que dans celle des colorants.

Les coloris qui vont du fuchsia au rouge et au violet sont obtenus en ajustant le pH au moyen de modificateurs de colorants et de mordants.

Dactylopius coccus

Usine avec un cladode de figuier d’Inde colonisé artificiellement en vue de l’élevage des femelles, tout juste récoltées, comme matière première du colorant © Karen Elwell

Pour obtenir de grandes quantités de cette matière première Les Aztèques mirent au point des procédés appropriés d’élevage de la Cochenille qui sont aujourd’hui encore en partie pratiqués en Afrique du Sud, en Inde ainsi qu’en Amérique centrale et en Amérique du Sud où les éleveurs, après la saison des pluies, récoltent les femelles préovigères qui se trouvent sur la plupart des plantes et mettent à l’abri des cladodes possédant des colonies très denses dont ils se serviront pour coloniser les plantes à la saison sèche qui est favorable à la croissance de la Cochenille et relancer son élevage.

Un mode d’élevage plus récent consiste à prélever sur le terrain des cladodes de Opuntia-ficus indica et à les transférer dans un milieu protégé où, avec des crochets spéciaux fixés à des supports appropriés, l’implantation de la cochenille est effectuée en mettant étroitement en contact avec chaque cladode un récipient de fibres végétales contenant les femelles ovigères.

Dactylopius coccus

Femelles adultes desséchées prêtes à être réduites en poudre en vue de leur emploi dans l’industrie pour de nombreux usages © Santi Longo

Les individus juvéniles, tout juste nés, rejoignent le cladode sur lequel ils se fixent et en environ trois ou quatre mois deviennent des femelles adultes prêtes à être prélevées et desséchées au soleil ou dans des fours spéciaux.

On prend soin d’éliminer la cire pulvérulente puis les corps desséchés de couleur gris foncé sont réduits en poudre.

Pour obtenir un kilogramme de colorant il est nécessaire de réduire en poudre de 80 à 100.000 femelles adultes dont les oeufs ne sont pas encore matures.

De la poudre ainsi obtenue on extrait après un traitement à l’eau chaude l’acide carminique qu’elle contient.

Dactylopius coccus

Atelier avec des cladodes suspendus, un métier à tisser et le matériel pour la confection à la main avec des laines de différents coloris obtenus en modifiant le pH du bain © Karen Elwell

Le colorant ainsi produit est traité avec des sels d’aluminium pour rendre la laque plus brillante.

L’ajout d’éthanol est nécessaire pour précipiter le composé et obtenir une poudre hydrosoluble.

Autrefois la couleur produite était surtout utilisée dans les teintureries où il est possible d’obtenir des tissus et des laines de différents coloris de fuchsia, de rouge et de violet en ajustant le pH du bain avec des modificateurs de colorants et des mordants.

Actuellement il est employé en cosmétique pour colorer des rouges à lèvres et des fards ainsi que dans l’industrie alimentaire sous le sigle E120 afin de colorer des yaourts et des jus de fruits rouges.

Dactylopius coccus

Une fresque intéressante d’Arturo Garcia Bustos au Musée du Palais d’Oaxaca. Elle illustre les différents phases du procédé de fabrication depuis la récolte de la cochenille sur le terrain par les femmes jusqu’à la teinture des tissus avec Dactylopia coccus qui était déjà effectuée au Mexique aux époques précolombiennes © Karen Elwell

Synonymes 

Dactylopius coccus Costa, 1829, Coccus cacti Mooder, 1778; Coccus cactus Signoret, 1875; Coccus cacti domestica Meunier, 1884; Dactylopius mexicanus (Meunier,1884) Dactylopius sativus (Signoret, 1875).

Les noms communs par lesquels cette cochenille a été appelée font référence aux exemplaires qui ont été desséchés pour obtenir le colorant.  En plus de Cochenille du carmin elle a été désignée  sous les noms de : Cocciniglia grana Cocker, 1897; Cocciniglia, Miller 1925; Grana fina Essig, 1928; Dattilopio cocco, Grana fina del Messico, delle Canarie Silvestri, 1939; Grana cultivada McKenz, 1956; Cochinilla fina AnantaSuMu, 1957; Cochinilla cultivada, Borchs 1966.

 

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