Emberiza cirlus

Famille : Emberizidae

GIANFRANCO.gif
Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

catherine_collin.gif
Traduction en français par Catherine Collin

 

Emberiza cirlus, Bruant zizi, Emberizidae

Timide et réservé, Emberiza cirlus ne craint pas l’homme mais reste dans l’ombre et passe inaperçu © Gianfranco Colombo

Il est assez amusant de penser que pour reconnaître le Bruant zizi par son chant on parle de fromage mais une vieille tradition ornithologique anglo-saxonne, qui a pour habitude de transformer le chant de chaque oiseau en une phrase, a donné l’occasion aux amateurs passionnés de la gent ailée de l’autre côté de la Manche, d’imaginer ce stratagème qui s’avère parfois utile.

Les bruants ont tous, pour le profane, des chants plus ou moins semblables et, pour certaines parties du chant, encore plus semblables chez certains bruants. Le Bruant jaune (Emberiza citrinella) est sûrement le congénère avec lequel on fait le plus de rapprochements aussi bien pour le chant que pour la ressemblance.

C’est ainsi que le chant de cet oiseau a été reproduit fidèlement avec la phrase « a little piece of bread and no cheese », littéralement « un petit morceau de pain sans fromage » qui est aussi utilisée pour le Bruant zizi concernant certaines de ses phrases musicales mais en ignorant la partie finale du chant, « cheese », le fromage, puisque sa mélodie se limite à la première partie.

Le Bruant zizi (Emberiza cirlus Linnaeus, 1766) appartient à l’ordre Passeriformes et à la famille Emberizidae et, parmi les bruants méditerranéens, il est l’un des plus timides et des plus réservés.

Malgré son nom commun italien « nero = noir », cet oiseau est en fait doté d’une livrée colorée et élaborée renvoyant peut-être le terme de noir à sa réticence à se montrer en pleine lumière, restant toujours à bonne distance de l’observateur qui, peut-être, le voit comme un petit oiseau dans l’ensemble foncé sans en discerner les détails.

Comme il est commun chez les bruants, le mâle aime beaucoup se percher à la cime d’arbustes ou de jeunes arbres pour émettre son chant territorial ou pour rappeler une femelle. Le Bruant zizi est celui qui plus que les autres choisit les cimes les plus hautes ou même les poteaux électriques mais c’est aussi le plus rapide à fuir à bonne distance à peine entrevoit-il l’approche d’intrus. Une autre preuve de cette réserve est la faible connaissance populaire le concernant qui se traduit dans la pratique par le manque de noms communs attribués à ce petit oiseau.

Alors qu’en Italie le Bruant ortolan ou Ortolan (Emberiza hortulana), le Bruant fou (Emberiza cia) et le Bruant proyer (Emberiza calandra) ont divers noms dans les dialectes locaux, le Bruant zizi en revanche n’en a pas et quand on parle de lui c’est toujours le même nom générique « zigolo » (bruant) qui revient, nom d’ailleurs aussi utilisé pour ses congénères. Son nom commun italien « zigolo » vient de « zìvolo » une onomatopée de son chant. Il est cocasse de remarquer que l’origine du nom scientifique de l’espèce, cirlus, dérive d’un ancien terme de l’italien vulgaire, plus particulièrement du dialecte toscan, un idiome fantaisiste et imaginatif vraiment adroit dans l’idée de manipuler des termes qui ont un sens inhérent au nom, comme si les variations renforçaient la signification du mot lui-même.

Emberiza cirlus, Bruant zizi, Emberizidae

Oiseau sédentaire méditerranéen, il aime les climats chauds et secs même de moyenne montagne mais avec des hivers doux. Champs ensoleillés, bosquets, oliveraies, jardins et pâturages avec des buissons. Ce territoire garantit à cet oiseau la possibilité de demeurer sur place toute l’année ce qui le rend souvent sédentaire © Colombo

En l’occurrence, « cirlo », créé de l’onomatopée « zirlo », le grincement distinctif qu’émet cet oiseau quand il est agité et plus clairement utilisé pour la Grive musicienne (Turdus philomelos).

L’étymologie du genre Emberiza, vient de l’ancien allemand « embritz » une manière générale de nommer tous les bruants.

En Europe on l’appelle Cirl Bunting en anglais, Zaunammer en allemand, Escribano soteño en espagnol, Zigolo nero en italien et Escrevedeira-de-garganta-preta en portugais.

Emberiza cirlus, Bruant zizi, Emberizidae

Il défend son territoire, les mâles le protégeant en chantant à gorge déployée © Gianfranco Colombo

Zoogéographie

Comme il est habituel chez la majeure partie des bruants, le zizi aussi a une aire de répartition très limitée, restreinte dans l’étendue et spécialisée dans l’habitat. Le Bruant zizi est un oiseau des climats chauds, méditerranéens, avec des étés ensoleillés particulièrement secs et arides et des hivers relativement doux et ne connaissant en général, que rarement des épisodes neigeux. Ce territoire garantit à cet oiseau la possibilité de demeurer sur place toute l’année ce qui le rend pratiquement sédentaire dans une grande partie de son aire de répartition.

Celle-ci comprend toutes les régions côtières du Portugal à la Turquie, la France et en partie la région Sud-Ouest de l’Allemagne. Il est totalement absent d’Europe Centrale et Septentrionale à l’exception de la péninsule balkanique et on en trouve quelques colonies isolées dans le Sud de la Grande-Bretagne. Il est aussi présent dans le Nord-Ouest de l’Afrique sur une ligne côtière qui inclut le Maroc et l’Algérie. Il ne fréquente pas les montagnes les plus élevées mais les zones vallonées où il est parfois très commun et d’où durant l’hiver il migre altitudinalement, descendant dans les vallées plus basses.

Comme nous l’avons dit, il est sédentaire mais sujet à des déplacements erratiques à courte distance suivant les conditions atmosphériques, c’est pourquoi ces déplacements se font souvent sur de très brèves distances et peuvent même ne pas avoir lieu quand les conditions climatiques sont favorables. Un territoire aussi limité, avec des populations aussi rapprochées dans un habitat essentiellement uniforme, ne pouvait générer que peu de sous-espèces.

En fait, seules deux sous-espèces ont été classifiées : Emberiza cirlus cirlus qui vit dans toute l’Europe continentale et Emberiza cirlus nigrostriata occupant la Corse et la Sardaigne.

Ecologie-Habitat

Le Bruant zizi est plutôt exigeant et spécialisé dans le choix de son type d’habitat et il est difficile de le recontrer dans des milieux différents. Il aime les climats chauds et secs, les milieux de collines et de moyenne montagne, bien ensoleillés, les champs avec des bosquets ou des rangées d’arbres, les terrains émaillés de buissons et les pâturages, les vignes. Sur les côtes méditerranéennes il fréquente aussi les oliveraies et les côteaux avec des broussailles clairsemées. Il apprécie aussi les prairies sèches en friche et les rives caillouteuses des rivières, évitant soigneusement les aires cultivées ou sujettes à des opérations agricoles.

Emberiza cirlus, Bruant zizi, Emberizidae

La partie supérieure du bec porte une dent très visible pour un régime granivore, mais en période de reproduction, comme c’est le cas avec d’autres oiseaux, il chasse aussi des sauterelles, des chenilles et d’autres petits invertébrés pour un meilleur apport en protéines pour sa nichée © Gianfranco Colombo

Il n’a pourtant pas peur de l’homme avec qui il cohabite souvent, bien que restant sagement dans l’ombre, passant inaperçu en particulier en période de nidification. Il n’est pas rare de l’entendre à l’improviste un beau matin, dans ce coin du jardin peu fréquenté, émettant de la cime d’un arbre son petit grincement pénétrant et répétitif et puis, après quelque temps, de voir des petits moineaux, c’est à quoi ils ressemblent, voleter en désordre hors de la haie de troènes toute proche.

Morpho-physiologie

Le Bruant zizi est un petit oiseau élégant très semblable à tant de ses congénères que ce soit par la taille ou la livrée. Il a une longueur moyenne de 17 cm, un poids d’environ 22 g et une envergure de 26 cm, mesures qui varient souvent en fonction de la saison et de la zone de provenance.

Les bruants zizi sont des petits passereaux plus colorés que la moyenne, avec des habitudes sociales semblables aux autres bruants en certaines saisons, des comportements analogues et un même régime alimentaire.

De plus, la femelle qui chez le Bruant zizi à une livrée décolorée, en plus de pouvoir être confondue avec la femelle du Moineau domestique (Passer domesticus), peut aussi être confondue avec les femelles des autres bruants, de façon très marquée pour certaines espèces, à tel point qu’au sol on peut aisément les confondre. Cependant, on distingue facilement cette espèce par le chant qui est différent, parfois même au sein d’une même espèce de bruant, ainsi que par la livrée du mâle, souvent très éclatante.

Le Bruant zizi montre sur son manteau une marbrure générale marron-orangé avec la lumineuse netteté des vexilles clairs et sombres des rémiges et des primaires. Une coloration très contrastée et très élégante qui se répète jusqu’au croupion sensiblement plus rougeâtre.

La queue qui est particulièrement fourchue comme chez tous les bruants, est marron avec des rectrices externes montrant des vexilles blancs bien visibles en vol.

La coloration de la tête est la partie déterminante pour distinguer cette espèce de ses congénères. Très semblable à celle du Bruant jaune (Emberiza citrinella) qui comme le dit son nom est complètement jaune, elle est rayée de noir avec une bride, qui du bec rejoint la nuque, et une bavette triangulaire, noire elle aussi, limitée au menton.

Emberiza cirlus, Bruant zizi, Emberizidae

Le nid est en général placé sur le sol, bien caché par les buissons, mais peut aussi être installé sur des arbustes bas. Il contient 4 ou 5 œufs ornés de lignes et de traits noirs © Museo Civico di Lentate su Seveso

Sur le sommet du crâne on voit un capuchon mélangé de crème et de noir qui descend jusque sur la nuque allant se perdre sur le dos. La présence de ces rayures noires sur fond jaune vif a suggéré le nom commun donné à cet oiseau en Italie. Sur le cou il a un étroit collier jaune que délimite une large bande olivâtre qui devient, descendant sur la poitrine, une marbrure mélangée de jaune, d’ocre et d’orangé agréablement pointillée de noir. Une palette variée et multicolore, uniquement visible de près et en pleine lumière. Le bec est noir nacré, les yeux très noirs et les pattes rose chair.

La femelle ne montre pratiquement pas ces couleurs brillantes et présente une livrée plus marron-jaune-ocre uniforme. Les juvéniles sont très reconnaissables grâce à la commissure labiale jaunâtre très marquée et par les couleurs de la livrée plutôt ternes et peu distinctes.

Emberiza cirlus, Bruant zizi, Emberizidae

Deux semaines d’incubation et les petits naissent aveugles et nus. Ils restent au nid une quinzaine de jours avant de le quitter, comme celui-ci, maladroit parmi les branches © Gianfranco Colombo

Ethologie-biologie reproductive

Le Bruant zizi est monogame pour la saison de reproduction et très territorial durant la période de nidification, cependant certains couples développent des colonies éparses qui nichent à quelques dizaines de mètres des autres nids. La construction du nid est dévolue à la femelle qui après avoir creusé une légère dépression sur le sol, y apporte des brins d’herbes sèches et de petites racines qu’elle entrelace jusqu’à former une coupe profonde et bien formée. Le nid est bien camouflé dans l’herbe ou à la base de petits arbustes ce qui le rend pratiquement invisible du dessus puisque caché par une touffe d’herbe retombant par-dessus.

Il n’est pas rare non plus que le nid soit surélevé du sol, placé entre les branches d’un buisson épais ou sur un lierre grimpant mais toujours à une hauteur très réduite, exceptionnellement jusqu’à deux mètres du sol.

Emberiza cirlus, Bruant zizi, Emberizidae

Les parents soignent leurs petits avec amour, et ce juvénile, ayant bien grandi, réclame encore de la nourriture à sa mère © Gianfranco Colombo

4 ou 5 œufs y sont pondus, faiblement colorés d’une légère nuance vert-bleuté et somptueusement ornés de lignes et de traits noirs. Les œufs des bruants sont de véritables petites œuvres d’art, de minuscules tableaux abstraits tous différents les uns des autres et le Bruant zizi maintient cette tradition, l’incubation dure environ deux semaines et les petits, qui naissent aveugles et nus, restent au nid pendant 15 jours environ avant de prendre leur envol continuant à être soignés avec amour par les deux parents. Le Bruant zizi effectue habituellement deux couvées par an.

Le Bruant zizi est un oiseau granivore durant l’hiver et son bec robuste et « denté » le démontre clairement mais son régime estival est à base d’invertébrés, en particulier des sauterelles mais aussi des chenilles et des chrysalides, aliments qui sont essentiels pour la croissance de la couvée.

 

→ Pour apprécier la biodiversité au sein des PASSERIFORMES cliquez ici.