Exatatosoma tiaratum

Famille : Phasmatidae


Texte © Prof. Santi Longo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Extatosoma tiaratum

Exatatosomata tiaratum est originaire de l’Australie et de la Nouvelle-Guinée. Ici une femelle dissuade les prédateurs en soulevant, telle un scorpion, ses derniers segments © Giuseppe Mazza

L’ordre des Phasmida ou Cheulotoptera est essentiellement répandu dans les régions tropicales et subtropicales. Il comprend des espèces qui présentent des caractéristiques morphologiques et physiologiques particulières, telles que la thanatose qui consiste en un état d’immobilité absolue résultant de stimuli de différentes natures qui entraînent la contraction des muscles. Cette immobilité réflexe joue un rôle de défense.

Une autre caractéristique qui a le même rôle est l’autotomie qui permet à l’insecte de perdre un membre au moyen d’une rapide contraction musculaire lorsqu’il est attrapé par un prédateur. Le membre manquant se régénère ensuite lors de la mue suivante.

À la différence des mâles les femelles ont en plus le corps hérissé d'épines au rôle défensif

À la différence des mâles les femelles ont en plus le corps hérissé d’épines au rôle défensif © Giuseppe Mazza

Cet ordre comprend plus de 3.000 espèces subdivisées en trois sous-ordres.

En Europe il n’existe que des espèces du genre Bacillus et le Phasme gaulois Clonopsis gallica de la famille des Bacillidae qui appartient au sous-ordre des Verophasmodea.

Celui-ci compte, en plus des Phasmatidae, une douzaine de familles, une dizaine de sous-familles et une centaine de différents genres qui comprennent environ 2.300 espèces dont beaucoup ont de grandes dimensions.

La plus connue est Phobaeticus chani dont on estime aussi qu’elle est celle qui vit le plus longtemps. Une des espèces les plus répandues est le Phasme à tiare ou Phasme scorpion Exatatosoma tiaratum Macleay, 1826, dont il est question ici.

Le nom du genre Exatatosoma fait référence à l’aspect caractéristique du corps dont la tête, le prothorax et les derniers segments de l’abdomen sont en position levée et vient du grec ancien “exto” =  surgir ou surmonter et “soma” = corps.

Le nom de l’espèce tiaratum = en latin qui porte une tiare fait allusion à la forme conique de la tête qui semble dotée d’un couvre-chef connu sous le nom de tiare qui était un ancien signe de distinction chez de nombreux peuples asiatiques.

Zoogéographie

Exatatosoma tiaratum est originaire de l’Australie et de la Nouvelle-Guinée.

Du fait de la facilité avec laquelle il peut être élevé en captivité, même dans de petits terrariums, il a été répandu dans le monde entier et commercialisé non seulement pour des études de biologie mais aussi en tant qu’animal de compagnie apprécié.

Les oeufs et les individus juvéniles sont en vente dans de nombreux commerces spécialisés qui fournissent le matériel et les instructions nécessaires à son élevage.

Écologie-Habitat

Dans ses régions d’origine cette espèce vit sur des plantes du genre Eucalyptus dont les feuilles sont consommées par les individus parvenus aux stades actifs . Toutefois il existe une espèce polyphage  qui en captivité se nourrit aussi des feuilles de Rosacées, surtout celles des espèces du genre Rubus.

Il est actif essentiellement après le coucher du soleil mais aussi le jour.

Morphophysiologie

Le nom du genre, du grec ancien «au-dessus du corps", vient du fait que dans sa posture effrayante sa tête comme sa queue se trouvent en position élevée

Le nom du genre, du grec ancien «au-dessus du corps”, vient du fait que dans sa posture effrayante sa tête comme sa queue se trouvent en position élevée © Jiva Sztraka

La couleur du corps chez les deux sexes varie en fonction des conditions environnementales du brun rougeâtre au vert, au jaune et au beige. Certains individus ont une couleur très claire et des veinures foncées ressemblant à celles des lichens.

Le changement de couleur de l’insecte qui le rend semblable à celle du substrat est appelé homochromie. Il s’effectue progressivement à la suite de la destruction et de la néoformation de pigments spécifiques sous l’action exercée par les variations de la température ou de l’intensité lumineuse ainsi que de l’alimentation.

Ces stimuli physico-chimiques agissent sur les constellations endocriniennes des individus en entraînant la formation des pigments et la coloration mimétique.

Le nom de l'espèce tiaratum, c'est-à-dire en latin "avec une tiare", fait lui allusion à sa tête allongée qui semble porter cet ancien couvre-chef

Le nom de l’espèce tiaratum, c’est-à-dire en latin “avec une tiare”, fait lui allusion à sa tête allongée qui semble porter cet ancien couvre-chef © Ralf Bauer

Les deux sexes présentent un important dimorphisme sexuel. Le corps du mâle, long d’environ 10 cm, est relativement effilé. Il a sur la tête, en plus de l’appareil buccal masticatoire et des yeux, des antennes qui sont plus longues que celles des femelles et ont un plus grand nombre de segments et de sensilles.

Ces structures tégumentaires sont reliées au système nerveux et sont en mesure de percevoir et de produire des stimuli de différentes natures provenant du milieu extérieur. En fonction de la nature des stimuli perçus on distingue des chimiorécepteurs, des thermorécepteurs, des hydrorécepteurs, des mécano-récepteurs, etc…

À gauche un mâle adulte près de l'exuvie après la dernière mue. À droite, la métamorphose terminée, il se repose calmement au soleil les ailes repliées. À la différence des femelles les mâles sont élancés et ont de longues antennes et de grandes ailes afin de s'envoler rapidement en cas de danger tout en relâchant des odeurs désagréables. Leur posture effrayante et leurs épines ne servent donc à rien

À gauche un mâle adulte près de l’exuvie après la dernière mue. À droite, la métamorphose terminée, il se repose calmement au soleil les ailes repliées. À la différence des femelles les mâles sont élancés et ont de longues antennes et de grandes ailes afin de s’envoler rapidement en cas de danger tout en relâchant des odeurs désagréables © Michael Baun (gauche) © Pavel Kirillov (droite)

Le thorax porte des ailes bien formées et fonctionnelles qui sont aptes au vol. Leur forme rappelle celle d’une feuille morte. Cette ressemblance est renforcée par la présence d’excroissances tégumentaires sur les pattes et l’abdomen. En outre, chez les deux sexes, il existe sur les tibias des organes qui exercent une fonction auditive.

La femelle qui est longue jusqu’à 18 cm a un corps massif et trapu et des antennes plus courtes que celles du mâle. Sur le thorax les ailes sont courtes (type brachyptère). Les fémurs et les tibias des pattes portent des excroissances caractéristiques en forme de feuille et aux bords dentelés. L’abdomen est dilaté et comporte des prolongements spiniformes.

Les œufs, d'un diamètre d'environ 5 mm, sont pris par les fourmis du genre Leptomyrmex pour des graines d'acacia et transportés comme provisions au nid où ils achèveront en toute sécurité leur incubation. Les nouveau-nés sont de prime abord identique aux fourmis qui les hébergent et ainsi mimétisés pourront ensuite sortir sans risque de la fourmillière

Les œufs, de 5 mm environ, sont pris par les fourmis du genre Leptomyrmex pour des graines d’acacia et transportés comme provisions au nid où ils achèveront en toute sécurité leur incubation. Les nouveau-nés sont presque identiques aux fourmis qui les hébergent et ainsi mimétisés pourront ensuite sortir sans risque de la fourmilière © Ralf Bauer

Le mâle n’a pas d’épines sur son tégument ni d’autres moyens de défense. De ce fait, s’il est dérangé,  il s’efforce en volant de s’éloigner des prédateurs tout en émettant des substances à l’odeur désagréable qui ont un pouvoir dissuasif et que l’on appelle allomones car elles ne sont agréables que pour celui qui les relâche. Les femelles, en plus d’émettre des substances à l’effet urticant à partir de glandes thoraciques répulsives, se défendent vivement au moyen de leurs pattes dont les articles sont munis d’épines.

Les oeufs, de forme ovale, ont un diamètre d’environ 5 mm. Après la première mue les néanides du deuxième âge ont un corps uniformément brunâtre. À partir du troisième âge il se forme sur l’abdomen des néanides femelles des protubérances épineuses qui sont toujours absentes chez les néanides mâles.

Ici une néanide du premier âge qui prend déjà la posture typique de défense de l'espèce. En élevage, s'il n'y a pas de feuilles d'eucalyptus, ils acceptent celles des ronces

Ici une néanide du premier âge qui prend déjà la posture typique de défense de l’espèce. En élevage, s’il n’y a pas de feuilles d’eucalyptus, ils acceptent celles des ronces © Mike Gordon

Éthologie-Biologie reproductive

Comme c’est le cas pour la plupart des Phasmidés les individus des stades post-embryonnaires sont sédentaires et actifs surtout après le crépuscule. Pendant la journée ils demeurent fixés à leur support et se balancent souvent pour imiter le mouvement des feuilles. S’ils sont dérangés ils réagissent en cambrant la partie terminale de leur abdomen et en soulevant leurs pattes avant. Leurs agresseurs les prennent dans ce cas pour des scorpions et renoncent par conséquent à les attaquer.

Les mâles deviennent adultes et sont en mesure de se reproduire après avoir effectué au maximum cinq ou six mues. Ils ont une durée de vie d’environ un an au cours duquel ils fécondent les femelles en produisant des spermatophores sphériques d’un diamètre d’environ un demi-centimètre.

Leur couleur dépend de la température, de l'intensité lumineuse et de l'alimentation. Ici une néanide femelle du troisième âge bien mimétisée et ressemblant à des lichens

Leur couleur dépend de la température, de l’intensité lumineuse et de l’alimentation. Ici une néanide femelle du troisième âge bien mimétisée et ressemblant à des lichens © Jimmy Hoffman

Les femelles adultes vivent un peu plus longtemps que les mâles et atteignent leur maturité un mois environ après la dernière de six ou sept mues.Au cours de leur vie elles pondent au total environ 400 oeufs.

Après la fécondation elles pondent chaque jour 3 à 4 oeufs issus de la reproduction sexuée qui éclosent au bout de 4 à 5 mois d’incubation. En l’absence de mâles elles pondent des oeufs parthénogénétiques d’où naissent uniquement des femelles au bout de 7 à 8 mois. Cette reproduction virginale est appelée thélitoque .

Une méthode de reproduction importante est liée à la ressemblance des oeufs avec les graines d’un acacia que des fourmis du genre Leptomyrmex récoltent et transportent dans leur nid. Les oeufs y achèvent leur développement embryonnaire. Les individus des stades juvéniles, qui sont longs d’environ 2 mm et ressemblent aux fourmis-hôtes, sortent ensuite de la fourmillière sans être inquiétés.