Fagaceae


Texte © Prof. Paolo Grossoni

 


Traduction en français par Jean-Marc Linder

 

Quercus pubescens

Sujet adulte de Chêne blanc (Quercus pubescens) dans son milieu naturel. Il existe de nombreux chênes arborescents qui acquièrent un port majestueux au fil du temps © Giuseppe Mazza

La famille des Fagaceae relève de l’ordre des Fagales Engl. qui, depuis la dernière révision réalisée en 2016 par l’Angiosperm Phylogeny Group (APG IV), est composé de sept familles : les Nothofagaceae Kuprian (1 genre, en Amérique latine et Océanie), les Fagaceae Dumort. (8 genres de l’hémisphère nord), les Myricaceae Rich. ex Kunth (3 genres, cosmopolites), les Juglandaceae DC. ex Perleb. (9 genres, en Eurasie et sur le continent américain), les Casuarinaceae R.Br. (4 genres, en Océanie et Asie du Sud-Est), les Ticodendraceae Gómez-Laur. & L.D.Gómez (1 genre monospécifique du Mexique et d’Amérique centrale) et les Betulaceae Gray (6 genres, hémisphère nord). Au total sont ainsi regroupés 32 genres et environ 1.300 espèces, toutes ligneuses.

Établi par Adolf Engler en 1892, cet ordre contenait les Fagaceae et les Betulaceae ; puis y ont été ajoutées les Balanopaceae et les Ticodendraceae. En 1998, la première révision éditée par l’Angiosperm Phylogeny Group a modifié cet ordre en détachant les Balanopaceae et en y ajoutant les Myricaceae, les Juglandaceae, les Casuarinaceae et les Nothofagaceae, cette dernière étant une famille nouvellement créée (auparavant, le genre Nothofagus relevait de la famille des Fagaceae).

Fagaceae

Le châtaignier (Castanea sativa) et le Hêtre commun (Fagus sylvatica) sont deux autres Fagacées qui, comme les espèces américaines correspondantes, peuvent atteindre des dimensions considérables. Les hêtres sont facilement reconnaissables à l’écorce toujours lisse et gris clair tandis que chez les châtaigniers adultes, elle est sillonnée © Giuseppe Mazza

Les récentes révisions ont donc modifié la structure de l’ordre et de ses familles au sein desquelles d’importants changements ont été apportés. Les fleurs femelles, pourvues d’un ovaire infère subdivisé en 3-(6 ou plus) carpelles, sont contenues dans des involucres membranaires protecteurs qui se différencient ensuite en cupules enveloppant le fruit partiellement ou totalement.

La famille des Fagaceae est composée principalement d’espèces arborescentes portant des macroblastes (rameaux à internoeuds allongés) mais aussi des brachyblastes (rameaux courts) ; les bourgeons sont sessiles, pauci- ou pluripérulés aux écailles imbriquées ; chez le Châtaignier, le bourgeon apical avorte et c’est le bourgeon situé immédiatement en dessous qui produit la nouvelle branche (ramification sympodiale). Les feuilles sont dorsoventrales, penninerves et disposées en spirales alternées mais, suite à la torsion du pétiole pour exposer le plus de surface possible à la lumière, paraissent souvent distiques. Elles sont simples, aux stipules caduques ; le limbe, plus ou moins coriace et épais, de glabre à densément pubescent, a une forme ovale à elliptique allongé, à l’apex également long et pointu ; le bord est le plus souvent denticulé, mais chez de nombreuses espèces, elle est entier, denté ou lobé. Les feuilles tombent dans l’année (caduques) ou à partir de la fin de la deuxième année (persistantes) ou, plus rarement, semi-persistantes lorsqu’elles tombent l’année suivante, à l’apparition des nouvelles feuilles.

Notholithocarpus densiflorus

Notholithocarpus densiflorus vit le long des côtes de l’ouest des États-Unis, du sud de l’Oregon à presque toute la Californie. Il peut dépasser 30 m, mais ce sont en général de petits arbres de 10 à 15 m. La partie basale du tronc gonfle beaucoup et la ramure commence presque immédiatement. Cette espèce sempervirent ne supporte pas le gel © Alice Cummings

Le bois est bicolore : la partie la plus externe (l’aubier) est blanc ivoire à jaunâtre ou gris clair, la partie interne (le duramen) est plus ou moins intensément colorée de gris à brun ou d’orange à rougeâtre ; il est généralement lourd, dur, solide et résistant aux parasites. Suivant la disposition des vaisseaux ligneux dans le cerne d’accroissement annuel et le diamètre de leur lumière cellulaire, les espèces sont dites ‘à porosité annulaire’ (les vaisseaux du bois de printemps ont un grand diamètre) ou ‘à porosité diffuse’ (toutes les vaisseaux ont un diamètre relativement petit et sont similaires les uns aux autres), ou encore ‘semiporeuses’ (porosité intermédiaire entre les deux précédentes). Les cernes ne sont pas de distinction aisée chez toutes les espèces.

La plupart des espèces sont monoïques, rares sont les dioïques ; les inflorescences sont unisexuées ou mixtes (androgynes) ; les mâles et les androgynes sont des chatons rigides ou flexibles, dressés ou pendants, souvent épais, ou sont en capitules (chez Fagus) ; les femelles sont des chatons courts (également appelés ‘épillets’) avec 2 à 15 fleurs ; Lithocarpus et Notholithocarpus peuvent avoir des fleurs solitaires. À l’intérieur de l’involucre, le nombre de base de fleurs est de 3 mais cette configuration a changé au cours de l’évolution : seule la fleur centrale est fertile chez Quercus, Lithocarpus et Notholithocarpus alors que chez Fagus c’est la fleur centrale qui est stérile; chez Castanopsis et Chrysolepis le nombre de fleurs fonctionnelles varie de 1 à 3 et chez Trigonobalanus il peut y avoir de 1 à 7 fleurs dans le même involucre (les trigonobalanoïdes sont les taxons les plus archaïques de la famille).

Lithocarpus konishii

Lithocarpus konishii est un arbrisseau d’Asie à feuilles persistantes atteignant 4-5 m de hauteur. Le genre Lithocarpus est le plus nombreux après les chênes © Ming-I Weng

Au début de la différenciation, les fleurs sont bisexuées, après quoi soit les étamines soit les pistils se transforment et deviennent stériles, les fleurs restant alors unisexuées ; elles sont apétales avec un calice minuscule ; les mâles ont de (6) 8 à 20 (60) étamines, les femelles ont un ovaire infère avec 3 (6) carpelles (6 à 9 chez les Castanea), monostyle et contenant deux ovules chacun. Le premier ovule fécondé inhibe les 5 autres ovules qui avortent, chaque fruit ne contient donc qu’une seule graine. À l’exception des Fagus et des Quercus, les involucres sont insérées, seules ou agrégées en nombre limité (2-5), sur la portion basale des inflorescences mâles qui deviennent, de cette façon, mixtes. La pollinisation est anémogame mais chez Castanea et Castanopsis elle peut également être réalisée par des insectes attirés par la présence de nectaires et par l’émission de substances aromatiques.

La cupule, avec un pédoncule plus ou moins long, dérive principalement de l’involucre qui, au cours du développement du fruit, se transforme en (1) 2-4 (8) valves plus ou moins fortement lignifiées qui se soudent ou fusionnent ensemble tandis que les bractéoles extérieures se transforment en écailles, en apophyses épineuses, en épines ou en lamelles concentriques. Selon les espèces, la cupule englobe partiellement ou complètement les fruits en un nombre correspondant à celui des fleurs fertiles de l’involucre inflorescentielle. Chez les Notholithocarpus et les Trigonobalanus ainsi que chez certains Quercus et Lithocarpus, le fruit n’est que partiellement inclus dans la cupule, qui est en forme de bol, d’assiette creuse ou de soucoupe ; chez d’autres espèces de Quercus et de Lithocarpus, et chez les autres genres, la cupule enferme totalement le fruit même si chez les Castanopsis la cupule peut commencer à s’ouvrir alors qu’elle est encore portée par la plante.

Chrysolepis sempervirens

Parmi les Fagacées figurent aussi des arbustes, comme Chrysolepis sempervirens, sempervirent de 2 à 2,5 m vivant en Oregon et en Californie jusqu’à 3000 m d’altitude © Matt Lavin

Le fruit est une noix trigonale (Chrysolepis, Fagus et Trigonobalanus), ovoïdale ou turbinée (en cône renversé), qui mûrit dans l’année (Fagus, Castanea et une partie des chênes) ou l’année suivante (les autres chênes et les autres genres) ; la graine est dépourvue d’endosperme, les nutriments pour l’embryon s’accumulent dans les cotylédons. Les fruits des Fagaceae ont tous en commun l’épaisse pubescence du tégument interne au contact de la graine (endocarpe). Le nombre de valves de la cupule est aussi un caractère diagnostique : celle des Lithocarpus, Notholithocarpus et Quercus est constituée d’une seule pièce (même si, en réalité, chez les chênes, elle résulte de la fusion complète de 2 valves) ; la cupule des Castanea, Castanopsis et Fagus est formée de 4 valves, celle des Trigonobalanus de 5, et les Chrysolepis comportent un nombre variable de valves (souvent 7, dont 2 internes), libres et non soudées.

Pendant la germination, les cotylédons restent à l’intérieur des téguments (germination hypogée) ; les graines de Hêtre sont profondément dormantes, celles des autres genres ne le sont pas et germent facilement même si, par exemple chez Quercus et Castanea, c’est alors la plantule qui entre en dormance. La conservation des graines, même déshydratées et stockées à des températures proches de 0 °C, n’est pas aisée : elles sont soit ‘récalcitrantes’ et perdent rapidement leur capacité germinative (Castanea, Lithocarpus, Notholithocarpus, Quercus et Trigonobalanus) ou sont ‘sub-orthodoxes’ et peuvent être conservées pendant 4 à 6 ans au maximum.

Notholithocarpus densiflorus

Dans l’inflorescence se voit un air de famille. Notholithocarpus densiflorus a des chatons redressés entièrement mâles ou avec des fleurs femelles à la base © Marc Kummel

Le nombre chromosomique est 2n = 24, l’unique exception étant les Trigonobalanus (2n = 14) ; on ne connaît pas de cas de polyploïdie dans les populations naturelles. L’une des raisons pour lesquelles le genre Nothofagus a été déplacé vers une autre famille est que toutes ses espèces ont 2n = 26 chromosomes.

Aux Fagaceae sont attribuées près d’un millier d’espèces (927 selon Christenhusz et Byng, 969 selon The Plant List), réparties en 8 genres et 2 sous-familles :

  • Fagoideae avec Fagus, regroupant une douzaine d’espèces caduques des régions tempérées de l’hémisphère nord ;
  • Quercoideae comprenant les autres genres :

Castanea Mill., 8 espèces décidues de l’hémisphère nord ;

Castanopsis (D.Don) Spach, 120 espèces à feuilles persistantes des régions tropicales et subtropicales d’Asie centre-orientale, continentales et insulaires ;

Castanea sativa

Les inflorescences du Châtaignier (Castanea sativa) sont également des chatons érigés unisexués ou mixtes. C’est l’une des espèces d’arbres à floraison tardive © G. Mazza

Chrysolepis Hjelmq., 2 espèces à feuilles persistantes de la côte ouest-américaine, entre la Californie et l’État de Washington ;

Lithocarpus Blume, environ 300 espèces à feuilles persistantes dans une aire similaire à celle des Castanopsis mais absente de la péninsule indienne ;

Notholithocarpus Manos, Cannon & S.H.Oh, 1 espèce sempervirente de Californie et de l’Oregon ;

Quercus L., 530 espèces caduques, semi-persistantes et sempervirentes, distribuées dans tout l’hémisphère nord ;

Trigonobalanus Forman, 3 espèces à feuilles persistantes aux aires de répartition disjointes ; en 1989, Nixon et Crepet ont proposé la division du genre en 3 nouveaux genres monospécifiques : Trigonobalanus Forman et Formanodendron Nixon & Crepet (Sud-Est asiatique), Colombobalanus Nixon & Crepet (Colombie).

Outre le transfert drastique du genre Nothofagus vers une autre famille et la proposition de démembrer le genre Trigonobalanus, diverses espèces de Fagaceae sont considérées comme ‘critiques’ et sujettes à des révisions taxonomiques.

Quercus ilex

L’yeuse présente cependant une variante. Ses fleurs mâles, montrées ici, sont réunies en chatons pendants, tandis que les inflorescences femelles sont courtes et dressées © Giuseppe Mazza

Par exemple, après avoir relevé du genre Pasania (Miq.) Oerst., Notholithocarpus densiflorus (Hook. & Arn.) Manos, Cannon & S.H.Oh, endémique de Californie et du sud de l’Oregon et unique espèce du genre, était jusqu’à il y a quelques années incluse dans le genre Lithocarpus Blume, puis a été intégrée au genre Lithocarpus. Le Hêtre d’Orient (F. orientalis Lipski), décrit initialement comme une espèce, a été intégré en 1986 dans l’espèce F. sylvatica L. (le Hêtre commun) avant d’être récemment restauré au rang d’espèce. Pour sa part, Quercus calliprinos Webb, classée comme espèce en 1838, a ensuite été successivement considérée comme une sous-espèce de Q. coccifera L. (entité sténo-méditerranéenne), puis ramenée au rang d’espèce, et désormais reconsidérée comme sous-espèce de Q. coccifera. En raison, aussi, du nombre élevé de taxons, c’est le genre Quercus qui fait l’objet des recherches taxonomiques les plus nombreuses au sein de cette famille.

Les Fagacées sont très communes et largement répandues dans les zones collinaires et montueuses de la plupart des régions tempérées, subtropicales et, quoique moins concernées, tropicales de l’hémisphère nord. Elles y forment des forêts qui peuvent être pures mais généralement mélangés à des conifères (principalement Abies, Picea et Pinus) et autres espèces à feuilles caduques. La variabilité des milieux qu’elles occupent reflète des besoins écologiques qui peuvent varier considérablement non seulement entre les genres mais aussi entre les espèces du même genre ; compte tenu des variantes existantes, il n’est pas possible de résumer brièvement les modalités de mise en œuvre des processus de développement et de régulation.

Fagaceae inflorescence

On compare ici l’inflorescence (chatons) mixte des fleurs mâles et femelles de Lithocarpus konishii, et celle unisexuée, exclusivement mâle, de Fagus sylvatica, qui est au contraire une inflorescence en capitule dont on voit clairement les étamines et les anthères. Sur la photo, le long du rachis tomenteux de Lithocarpus konishii, les fleurs mâles ont 10-12 longues étamines tandis que les femelles présentent un ovaire coniforme d’où émergent 3 (4) styles. Photos © Ming-I Weng (à gauche) et © Robert Combes (à droite)

Pour les mêmes raisons, il est trop complexe de synthétiser les maladies qui affectent ces plantes ou les parasites qui les infestent. Il faut en tout cas garder à l’esprit qu’en plus des agents pathogènes qui endommagent les branches et les feuilles ou provoquent des chancres et des pourritures dommageables aux branches, troncs et racines, des dommages importants sont aussi causés par de nombreux insectes lignivores ou défoliateurs tandis que les oiseaux et les mammifères, notamment les rongeurs et les ongulés, consomment leurs fruits à la bonne période, ce qui élimine la plupart d’entre eux. Á ces “souffrances”, il faut ajouter les interventions anthropiques directes : très souvent, le développement des agglomérations urbaines ou la plantation de cultures spécialisées telles que les châtaigneraies, les peupleraies, les vergers, les vignobles, les cultures agricoles, pâturages, etc., ont été précédés par l’élimination de forêts entières.

Selon les besoins, les Fagacées sont élevées en futaie ou en taillis pour la production de bois. Depuis l’aube de la civilisation, leur bois accompagne l’homme dans ses activités tant pour fournir de la chaleur (bois de chauffage et dérivés du charbon de bois) que pour obtenir des matériaux à usages multiples : bâtiment et construction navale, poutres et poteaux, planches pour planchers et toitures, meubles, contreplaqués, placages, pâte à papier et nombreux autres petits produits nécessaires à divers usages (tonneaux, traverses de chemin de fer, crosses de fusil, outils de travail, activités ludiques, etc.). Toujours à partir du bois, mais aussi des écorces et des cupules, on obtient des tanins pour le tannage des peaux ou pour la production d’encres, de laques et comme mordants dans la teinture des tissus ; ces polyphénols entrent également dans des préparations de phytothérapie et de cosmétiques.

Castanea sativa

Après pollinisation et fécondation, les fleurs mâles meurent et l’ovaire des femelles se transforme en fruit, ici protégé par une cupule. Chez les Fagaceae, le nombre de fruits est variable. Par exemple, chez le Châtaignier, la cupule, appelée bogue, enveloppe entièrement 3 fruits, les châtaignes, qui mûrissent dans l’année © Giuseppe Mazza

Leurs extraits sont utilisés en phytothérapie comme antiviraux et surtout comme analgésiques, antiseptiques et vasoconstricteurs. Les fruits de certains châtaigniers entrent dans l’alimentation humaine et ceux de nombreuses autres Fagacées sont utilisés par la faune des forêts pour sa subsistance, et par l’élevage (en particulier pour les porcs).

Enfin, diverses espèces sont utilisées en verdissements ornementaux pour leur longévité, leur port et l’aspect de leur feuillage, toutes valeurs encore davantage appréciées chez les spécimens isolés.

En Europe sont spontanés les genres Fagus (2 espèces), Castanea (1 espèce) et Quercus (une trentaine d’espèces dont 8 dont le “rang taxonomique” est incertain). La systématique des chênes a toujours été très complexe (Antonino Borzì, directeur du Jardin Botanique de Palerme, écrivait déjà en 1911 : «[…] le genre Quercus représente la négation parfaite du concept d’espèce […] il s’agit d’un un immense chaos […]». Ces difficultés sont principalement dues au fait qu’il existe souvent plusieurs essences de chênes sur un même territoire, qui peuvent être génétiquement compatibles ; ceci rend possibles les cas d’hybridation interspécifique pouvant conduire à l’affirmation d’individus aux traits morphologiques plus ou moins intermédiaires.

Fagus sylvatica

Les fruits des hêtres sont également complètement enfermés dans une cupule (ils en dépassent partiellement uniquement chez Fagus japonica) recouverte de longues soies rigides, non vulnérantes. Á la différence des châtaigniers, celles-ci ne contiennent que deux fruits. Chez Fagus sylvatica ils mûrissent dans l’année et sont appelés faînes © Giuseppe Mazza

Bien qu’occasionnelles, ces hybridations peuvent se répéter pendant la durée de vie potentiellement longue d’un chêne ; en outre, les spécimens hybrides peuvent être pollinisés par des individus de l’une des deux espèces parentales conduisant, au sein d’un génome déjà hybride, à l’introgression ultérieure de gènes de cette espèce, ce qui conduit à élargir la palette des variantes morphologiques et à rapprocher le génome résultant du génome du parent.

Tout cela conduit à des incertitudes et des écarts considérables qui interfèrent à leur tour avec l’attribution du rang taxinomique d’un taxon donné et, par conséquent, avec sa présence dans un territoire, même circonscrit. De nombreux exemples d’hybridation spontanée ou artificielle sont également connus pour Castanea, mais le faible nombre d’espèces par région géographique (1 en Europe et en Asie occidentale, 4 en Asie orientale et 3 en Amérique du Nord) contribue à l’absence de problèmes particuliers de classification.

A propos de ce genre, il a été signalé en Amérique du Nord un hybride intergénérique entre Castanea et Castanopsis, ×Castanocastanea P.V.Heath.

Les hêtres (Fagus L.) sont des arbres à feuilles caduques et à vie relativement longue qui forment de vastes forêts dans les régions tempérées.

Chrysolepis sempervirens

La cupule densément épineuse de Chrysolepis sempervirens renferme (1)-3 fruits glabres qui mûrissent la deuxième année. Ils sont comestibles et attirent les écureuils © Wayne Washam

Les caractères morphologiques utiles pour la reconnaissance sont les rhytidomes (l’écorce externe) qui vont du gris clair au gris bleuté et sont toujours lisses, les longs bourgeons fusiformes et pluripérulés sur les macroblastes, les inflorescences mâles en capitules de 6 à 16 fleurs et les faînes pédonculées, ovales et spinescentes, qui renferment totalement deux fruits trigonaux. Les hêtres tolèrent bien les basses températures et l’ombrage et sont plus ou moins mésophiles vis-à-vis de l’eau mais, en tout cas, ne tolèrent pas la sécheresse atmosphérique et les périodes d’aridité estivale.

Fagus sylvatica est le hêtre d’Europe occidentale tandis que F. orientalis Lipsky occupe la zone sud-est de l’Europe et l’Asie occidentale depuis l’Anatolie jusqu’à l’Elbrouz ; parmi les autres hêtres présentant un intérêt, notamment à des fins ornementales, figurent le Hêtre d’Amérique (F. grandifolia Ehrh.) et le Hêtre du Japon (F. crenata Blume).

Les Châtaigniers (Castanea Mill.), surtout Castanea sativa Mill., peuvent atteindre une taille respectable et un âge considérable. Par exemple, en Sicile sur les pentes de l’Etna, le “Châtaignier des cent cavaliers” et le “Châtaignier de Sainte Agathe” sont renommés avec leur diamètre de 7 m et un âge estimé à environ 2000 ans ; le premier a formé une souche qui, grâce aux rejets qu’il a progressivement émis, s’est étalée au fil du temps jusqu’à un diamètre d’environ 22 m.

Castanopsis jucunda

Chez Castanopsis jucunda aussi, la cupule est épineuse. Elle contient un seul fruit, partiellement visible. Typiquement asiatique, le genre Castanopsis peut porter de 1 à 3 fruits. © Ming-I Weng

Le rhytidome, lisse et gris à brunâtre, s’épaissit avec le temps, se fissure et forme des cordons proéminents, très allongés longitudinalement et même légèrement sinueux. Les jeunes rameaux ont de petits bourgeons ovoïdes et paucipérulés ; le bourgeon apical tombe très tôt ; les feuilles, caduques, sont dentées, de consistance d’abord herbacée puis coriace.

La floraison est tardive (fin du printemps – début de l’été) avec des inflorescences dressées mâles ou androgynes ; la cupule (la bogue), subsphérique d’un diamètre de 5 à 10 (11) cm et recouverte d’épines, également ramifiées, rigides et vulnérantes, contient un fruit unique (C. pumila (L.) Mill., C. ozarkensis Ashe, C. henryi (Skan) Rehder & E.H.Wilson et quelques cultivars de marrons; les deux premières espèces sont américaines, la troisième est chinoise), ou, pour les autres espèces, généralement 2 ou 3 fruits.

Les châtaigniers sont acidophiles et ne tolèrent pas les sols alcalins. En raison de la floraison tardive, ils ont aussi besoin de températures relativement élevées au début de l’automne pour la maturation des fruits ; ceci explique qu’en Europe, où le Châtaignier (C. sativa) a été largement répandu par les Romains, cette espèce végète dans toute l’Europe centrale mais ne produit régulièrement de fruits que dans les régions méditerranéennes, lorsque l’été n’est pas trop aride.

Castanopsis inermis

Comme son nom l’indique, Castanopsis inermis, présent du Myanmar aux Philippines, a des cupules plutôt massives, non épineuses, qui contiennent 2 fruits comestibles © Louise Neo

Cette incapacité a également été soulignée par Hermann Hesse au début de son “Narcisse et Goldmund” (“Narziß und Goldmund”) qui se déroule en Allemagne dans le Bade-Wurtemberg.

L’homme a largement diffusé le châtaignier tant pour produire du bois et ses dérivés, que pour ses fruits. Pratiquement jusqu’au milieu du XXe siècle, les châtaignes étaient l’une des sources essentielles pour la subsistance des populations des hautes collines ou des basses montagnes ; cependant cette culture intensive de châtaigniers en peuplements monospécifiques a favorisé la propagation de diverses maladies très graves.

Parmi celles-ci, la plus dévastatrice pour les espèces méditerranéennes et américaines a été le “Chancre du Châtaignier” provoqué par l’ascomycète Cryphonectria parasitica, considéré désormais comme l’une des 100 espèces invasives les plus nocives, qui a infligé de très graves dommages au patrimoine castanéicole européen et a pratiquement détruit la génération adulte des châtaigniers américains.

Dans diverses régions d’Europe et d’Asie, les châtaigniers sont malgré tout encore intensivement cultivées pour la production de fruits (châtaignes et marrons).

Castanopsis carlesii

De même, Castanopsis carlesii, vivant en Asie du sud-est, a des cupules inermes contenant un seul fruit, avec de ce fait une apparence de ‘gland’ © Ming-I Weng

Le genre Quercus L. est composé de nombreuses espèces (530 d’après Mabberley, 2017) plus ou moins longévives.

Le trait morphologique qui identifie immédiatement un chêne est le gland, noix solitaire partiellement incluse dans une cupule hémisphérique recouverte d’écailles généralement appliquées et décurrentes mais parfois subulées et plus ou moins réfléchies, ou fusionnées entre elles et disposées en anneaux.

Les feuilles sont caduques, persistantes ou, dans certains cas, semipersistantes ; elles sont simples, dorsoventrales, penninervées, de linéaires à largement ovales, au pétiole plus ou moins long, pubescentes, glabres ou glabrescentes ; la marge peut être entière, linéaire ou lobée, ou elle peut être crénelée ou dentée ; les chênes à feuilles caduques ont des feuilles de consistance d’abord herbacée puis coriaces, tandis que les feuilles des chênes à feuilles persistantes sont immédiatement sclérophylles (coriaces et épaisses).

La forme et la taille des feuilles peuvent varier non seulement au sein de l’espèce mais aussi sur un même individu selon qu’il est au stade juvénile ou adulte (hétéroblastie ou hétérophyllie : un exemple typique en est Quercus ilex).

Quercus ilex

Le vrai gland est le fruit des chênes, comme chez l’Yeuse (Quercus ilex). Chez les Quercus, le gland mûrit dans l’année ou en deux ans suivant les espèces © Giuseppe Mazza

Les inflorescences mâles sont des chatons minces et pendants de quelques centimètres de long tandis que les fleurs femelles, chacune entourée de sa propre involucre, sont solitaires ou portées par des “épillets” pauciflores courts et robustes.

La pollinisation est anémogame et, selon les espèces, la maturation du fruit est annuelle ou bisannuelle.

En 2017, Denk et collaborateurs ont subdivisé ce genre en les sous-genres Quercus et Cerris ; le premier est constitué de 5 sections : Quercus (hémisphère nord), Protobalanus (Californie du sud et nord-ouest du Mexique), Ponticae (Caucase et nord de la Californie), Virentes (Sud-est des États-Unis, Mexique, Amérique centrale et Caraïbes), Lobatae (Amérique du Nord et centrale, Colombie) ; le second est composé de 3 sections : Cerris et Ilex (Eurasie et Afrique du Nord), et Cyclobalanopsis (Asie tropicale et subtropicale).

Selon l’espèce, les chênes vivent depuis les régions tropicales jusqu’à toute la zone tempérée froide, constituant souvent de hautes formations forestières.

Lithocarpus konishii

Le fruit de Lithocarpus konishii évoque un gland globuleux, plus large que long, partiellement inclus dans une cupule discoïdale lignifiée et très dure. Ce dernier caractère, commun à la plupart des Lithocarpus, est à l’origine du nom du genre, qui vient du grec “λίθος” (lithos), pierre, et “καρπóς” (karpós), fruit © Ming-I Weng

En Europe, parmi les espèces indigènes les plus répandues et les plus utilisées – relevant aussi, de ce fait, du patrimoine culturel -, Q. faginea Lam. (Chêne du Portugal, ou Chêne faginé), Q. frainetto Ten. (Chêne de Hongrie), Q. petraea (Matt.) Liebl. (Chêne sessile, ou Chêne rouvre), Q. pubescens Willd. (Chêne pubescent, ou Chêne blanc), Q. pyrenaica Willd. (Chêne tauzin), Q. robur L. (Chêne pédonculé) relèvent de la section Quercus. Q. cerris L. (Chêne chevelu) et Q. suber L. (Chêne liège) relève de la section Cerris et Q. ilex L. (Chêne vert, ou Yeuse) de la section Ilex. Parmi les espèces exotiques, le nord-américain Q. rubra L. (Chêne rouge ; section Lobatae) est celui qui a retenu le plus d’attention tant pour son bois que pour son intérêt paysager.

 

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