Gorilla gorilla

Famille : Pongidae

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Texte © Dr. Gianni Olivo

 

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Traduction en français par Françoise Junod

 

Le gorille de plaine (Gorilla gorilla gorilla) est le plus commun avec 40 000 exemplaires © Giuseppe Mazza

Le gorille de plaine (Gorilla gorilla gorilla) est le plus commun avec 40 000 exemplaires © Giuseppe Mazza

Le Gorille de l’Ouest (ou simplement gorille) est un animal très connu pour avoir inspiré toute sorte de littérature, du roman à la bande dessinée, mais aussi les autres expressions de la culture humaine, de la chanson (nous rappelons la ballade de Fabrizio de Andrè, portant le même nom, ou “Gare au gorille” de Georges Brassens) jusqu’aux films, où il apparaît non seulement sous la forme d’un géant, dont le plus célèbre est King Kong, mais aussi dans beaucoup d’autres films d’aventures.

Comme il arrive souvent dans de tels cas, quand nous avons affaire à des individus de belle taille ou tout à fait énormes, la réalité est souvent altérée autant d’un côté comme de l’autre, dans le sens où parfois un animal qui peut être dangereux ou agressif prendra des aspects humains ou amicaux, d’autres fois un animal essentiellement pacifique et inoffensif gagnera une réputation de tueur dangereux.

Le gorille ne fait pas exception, à cause de son aspect anthropomorphe. Ressemblant à un géant ou à un ogre des contes de fée, il apparaît dans des milliers d’histoires, parfois comme une terrible menace en embuscade dans la forêt pluviale, parfois comme un gentil géant, capable cependant de destructions apocalyptiques, dans le style “la Belle et la Bête”.

La réalité se trouve comme souvent in “aurea mediocritas”, entre les deux : le singe le plus grand et le plus puissant est aussi un des plus exclusivement herbivores, alors que bien d’autres primates sont omnivores et capables de chasser et tuer toutes sortes d’autres espèces, homme inclus, comme c’est le cas du chimpanzé et du babouin. Mais le fait est que même le gorille, acculé ou se sentant en danger, peut se transformer en un adversaire vraiment dangereux capable de tuer, et son humilité apparente a des limites naturelles et est en grande partie une invention de l’humain qui désire voir les animaux comme des êtres bons et essentiellement pacifiques.

Le gorille, comme nous allons le voir, est capable d’apparaître autoritaire, agressif et violent, prêt à tuer non seulement un concurrent, mais aussi un jeune du groupe familial où il a l’intention de remplacer le titulaire légitime.

Les Gorilles de l’Ouest sont des grands singes anthropomorphes appartenant à l’ordre des Primates (Primates), parvo-ordre des Catarrhinés (Catarrhini), superfamille des Hominoïdes (Hominoidea), famille des Pongidés (Pongidae) et sous-famille des Ponginés (Ponginae), genre Gorille (Gorilla).

La sous-espèce la plus commune, amplement illustrée ici, est le Gorille de plaine de l’Ouest (Gorilla gorilla gorilla Savage, 1847) appelé ainsi pour le distinguer du Gorille de plaine de l’Est (Gorilla gorilla graueri Matschie, 1914) et du Gorille de montagne (Gorilla gorilla beringei Matschie, 1914).

Même s'il est de la plus petite sous-espèce, il est plus fort que 6 hommes © G. Mazza

Même s'il est de la plus petite sous-espèce, il est plus fort que 6 hommes © G. Mazza

La distinction est basée non seulement sur la distribution géographique différente, mais aussi sur plusieurs caractéristiques physiques, qu’il vaut peut-être mieux rappeler avant de traiter “notre” King Kong.

Le Gorille de montagne (Gorilla gorilla beringei), typique de la forêt dense qui couvre les sommets volcaniques des Monts Virunga, à la frontière entre le Congo, le Rwanda et l’Ouganda, est la deuxième espèce par la taille (un grand mâle peut peser 170 kg et plus), et il a le poil le plus long et le plus épais. Il est doté d’un “visage” (vu que c’est un singe anthropomorphe, vous excuserez l’usage de ce mot) assez large avec des mandibules volumineuses et robustes, et une dentition impressionnante.

Le Gorille de plaine de l’Est (Gorilla gorilla graueri) est la sous-espèce la plus grande (le mâle mesure plus de 175 cm et pèse 210 kg), mais, paradoxalement, il a la face la plus étroite. Les poils couvrant son corps sont plus courts et généralement noirs. Il vit dans les forêts de basse altitude de la frontière Congo-Rwanda.

Alors que les zones habitées par les deux espèces susmentionnées sont presque contiguës, et séparées pratiquement uniquement par le facteur de l’altitude, le Gorille de plaine de l’Ouest (Gorilla gorilla gorilla), vit dans une zone beaucoup plus large et distante de milliers de kilomètres des deux premières espèces, allant des vastes expansions de la forêt pluviale de la Côte Atlantique jusqu’au bassin Congo-Uele-Oubangui, jusqu’aux parties les plus orientales de la vallée du Rift intéressant l’Afrique Centrale.

Probablement les deux zones susmentionnées étaient, dans le temps ancien, unies entre elles. Mais la zone unique plus grande de l’aire de distribution a été “coupée” par un large couloir, causé par la rude période de l’âge glaciaire qui intéresse spécialement la zone séparant aujourd’hui les deux enclaves.

Le Gorille de plaine de l’Ouest est l’espèce la plus petite, mais aussi la plus nombreuse, avec une population est grossièrement estimée à environ 40 000 individus, contre les 4 000 ou 5 000 Gorilles de plaine de l’Est et les 800 Gorilles de montagne.

Tambouriner (des poings) sur la poitrine est souvent le prélude à un combat de mâles © Giuseppe Mazza

Tambouriner (des poings) sur la poitrine est souvent le prélude à un combat de mâles © Giuseppe Mazza

La structure du gorille est massive, avec des bras longs et musclés, des jambes arrière courtes, des mains larges et solides, des pieds dotés d’orteils préhensiles et épais.
La queue est absente, le thorax est volumineux en “forme de tonneau”, et le corps est couvert d’un pelage court, moins épais que celui des gorilles des Virunga, de couleur sombre, souvent noir-bleu, parfois brunâtre ou franchement marron.

Cependant, il y a plusieurs aires glabres (lèvres, oreilles, nez, paumes des mains et plantes des pieds), le thorax présente aussi des endroits glabres, avec la peau souvent de couleur gris-bleu.

Les mâles adultes ont habituellement une sorte de selle grise, et la zone sous-cutanée de leurs aisselles possède des glandes sécrétant un liquide avec une odeur piquante, particulièrement quand le singe est stressé ou bouleversé, alors que des glandes lubrifient la paume de leurs mains et la plante de leurs pieds.

Le “visage” est large et plat, avec un nez relativement court et petit, des arcades supra-orbitales proéminentes et des yeux en position frontale.

Sur le crâne, une crête sagittale accentuée permet l’insertion de muscles puissants qui confèrent à la nuque une apparence de taureau, la bouche est armée, surtout chez les mâles, de longues et solides canines et il a 32 dents comme l’humain.

Le thorax, enveloppé d’une musculature puissante, est large, comme un tonneau, mais aplati selon un axe antéropostérieur, contrairement aux singes non-anthropomorphes, qui sont aplatis transversalement, et d’autre part, cette conformation est commune aussi à l’homme.

La femelle est plus petite, avec un poids moyen de 80-90 kg, dotée de canines moins développées et avec des muscles moins puissants, même s’ils sont dignes d’un haltérophile.

Parmi les grands singes anthropomorphes, le gorille est probablement le plus … proche de la terre (terricole).

Les orang-outans asiatiques s’aventurent rarement au sol et gagnent le prix des plus grands animaux arboricoles ; le chimpanzé se tient entre les deux, se nourrissant souvent de plantes, mais descendant au sol pour passer d’une zone à l’autre ; le gorille est le plus terricole parmi les grands singes anthropomorphes, avec une préférence nette pour le … plancher de la forêt pluviale où il peut trouver sa nourriture.

Cette niche écologique est probablement due à la compétition avec les chimpanzés, bien plus agiles grimpeurs, ce qui fait qu’ils peuvent obtenir les meilleures réserves aériennes, donc le cellier reste logiquement la réserve la plus avantageuse.

Tous les gorilles préfèrent se déplacer sur leur 4 membres © Giuseppe Mazza

Tous les gorilles préfèrent se déplacer sur leur 4 membres © Giuseppe Mazza

Bien qu’ils soient des animaux de forêt typiques, l’habitat préféré de ces grands singes est formé de zones où la lumière arrive jusqu’au sol, filtrant à travers la canopée, là où le sous-bois est épais et vert, avec des plantes herbacées et des buissons. Ce type de conformation n’étant pas si diffusé dans les forêts, il se trouve plus souvent le long des cours d’eau.

Et ici, juste pour réfuter les voix de beaucoup de Cassandre qui voient en la présence et l’activité humaines toujours et seulement destruction, la pénétration de l’homme dans la forêt se révèle, parfois, utile.

En réalité, le long des sentiers et près des zones cultivées, là où la forêt secondaire pousse, il est plus facile de trouver des quantités suffisantes de nourriture, et cela aide à l’extension de zones favorables à ces primates.

Le régime herbivore inclut des essences différentes de celles utilisées par les gorilles de montagne, particulièrement les feuilles et les plantes herbacés, si riches en liquide, ce qui fait que les gorilles ont rarement besoin de boire.

Mais ils sont aussi capables de marcher debout sur de courtes distances © G. Mazza

Mais ils sont aussi capables de marcher debout sur de courtes distances © G. Mazza

L’organisation sociale est de type non-territorial, et le groupe typique est formé par un mâle adulte avec son harem, d’où les jeunes mâles émigreront quand le temps sera venu, pour eux, de conquérir leur propre harem.

Même les femelles nées dans le groupe émigrent souvent, comme il arrive aussi chez les chimpanzés, les babouins, les geladas et autres singes. Habituellement cela se produit à la puberté, vers l’âge de 6-8 ans, quand la femelle s’en va pour rejoindre un autre groupe et se reproduire, mais il arrive souvent que les nullipares s’associent avec un mâle encore seul, s’accouplent avec lui et contribuent à former son propre harem.

La crainte et le respect inspiré par un gorille mâle adulte, pesant au moins le double d’un homme robuste et au moins six fois plus fort qu’un haltérophile, bien mieux équipé de canines dignes d’un lion, explique non seulement l’attitude de l’homme se tenant face à un tel poids lourd, mais aussi le fait que le “seigneur” d’un harem en est en fait le maître et propriétaire absolu.

Le groupe avance, mange et dort quand le mâle le décide ; si l’accès à une source de nourriture est limité, il aura évidemment le droit d’y accéder, et aucun membre ne pensera même à lui contester un tel leadership.

En retour, le mâle défend les femelles et les jeunes contre les dangers et les prédateurs, humain inclus (dans un tel cas, le “doux” géant peut vraiment devenir dangereux). En moyenne, un groupe est composé de 2 à 20 individus, mais j’ai entendu parler d’un groupe de bien 36 gorilles.

La rencontre de différents groupes est habituellement bien plus pacifique que ce qu’il arrive avec des chimpanzés, et la coexistence dans une aire suffisante pour la nourriture ne présente pas de problème, sauf s’il y a pénurie alimentaire ou qu’un autre mâle menace les jeunes ou dérange une femelle.

En fait, il arrive fréquemment qu’un mâle “célibataire” décide de prendre possession du harem d’un autre, car la compétition pour les femelles est, pour les gorilles, plutôt féroce. Dans un tel cas, un défi est jeté, et la lutte peut être impressionnante et violente.

Le système de communication entre individus est à la fois visuel et auditif : les grands primates ont un organe vocal particulier, le sac laryngé, plus développé chez le mâle, qui agit comme une caisse de résonance, permettant, entre autres choses, d’émettre le son caractéristique du chimpanzé, cette sorte de hu-hu haletant et les séries de hu-hu-hu plus profonds des gorilles, souvent accompagnées par le tambourinement des poings sur la poitrine.

Le gorille de montagne (Gorilla gorilla beringei) a le poil plus épais et compte seulement 800 spécimens © Antonio Pellegrini

Le gorille de montagne (Gorilla gorilla beringei) a le poil plus épais et compte seulement 800 spécimens © Antonio Pellegrini

Le défi entre les mâles inclut une mise en scène pour impressionner le concurrent, avec une démarche pompeuse intimidatrice, avec gifles et coups de poing sur le sol, le tambourinement susmentionné avec l’accompagnement musical de hu-hu-hu profonds et des charges bruyantes dans le sous-bois, qui, à la fin, peut se transformer en une charge réelle destructrice, souvent au détriment du jeune ou d’une femelle.
Le choc physique, quand il a lieu, implique, la plupart du temps, des plaies et des fractures, souvent trouvées sur des animaux découverts morts pour d’autres raisons ou de vieillesse : canines brisées et anciennes cicatrices révèlent une vie pas complètement pacifique chez de nombreux spécimens.
Dans une étude réalisée sur les gorilles de montagne des Virunga, environ 75 % des mâles trouvés morts montraient des signes d’anciennes blessures de combat.
Le combat violent, comme je l’ai dit, se termine parfois en incorporant le jeune et les femelles, parfois avec leur disparition.

La reproduction suit des rythmes plutôt lents, et la femelle met bas, en moyenne, tous les quatre ans, sauf si le jeune meurt ou est tué, auquel cas la femelle redevient réceptive presque immédiatement. Ainsi, sur une durée de vie de 40-50 ans, une femelle peut avoir des petits de 3 à 6 fois.

La femelle est… décomplexée. Quand le moment de s’accoupler est venu, elle semble provoquer le mâle d’une façon éhontée ; l’accouplement se produit le plus souvent par derrière, mais il y a des cas de… position du missionnaire, fait qui a probablement contribué à l’éclosion de l’imagination humaine sur les intérêts présumés du gorille mâle pour les femelles humaines.

La gestation atteint huit mois et demi. Le nouveau-né pèse moins qu’un bébé (environ deux kilos), mais grossit très vite, à une vitesse deux fois supérieure à celle de l’homme, et dépend strictement de la mère qui, pour les six premiers mois, garde un contact très étroit avec lui.

 

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