Haliaeetus vocifer

Famille : Accipitridae.

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Texte © Dr. Gianni Olivo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Haliaeetus vocifer passe une grande partie de la journée sur une branche en surplomb de l'eau d'où il peut facilement s'envoler pour saisir un poisson.

Haliaeetus vocifer passe une grande partie de la journée sur une branche en surplomb de l’eau d’où il peut facilement s’envoler pour saisir un poisson © Giuseppe Mazza

Parmi les grands rapaces africains l’Aigle pêcheur d’Afrique ou Aigle hurleur ou Pygargue vocifère (Haliaeetus vocifer Daudin, 1800) est l’un des plus typiques et des plus faciles à reconnaître (même par celui qui n’est pas un spécialiste de l’avifaune) et donc des plus connus.

Le nom du genre Haliaeetus est issu de la combinaison des termes grecs “hals, halos” = mer et “aetos” = aigle du fait que tous les oiseaux appartenant à ce genre ont pour habitude de fréquenter les bords de mer ou, de façon plus générale, le milieu aquatique auquel ils sont étroitement inféodés.

Le nom de l’espèce vocifer, quant à lui, vient du latin et résulte de l’association du substantif “vox” = voix et du verbe “ferre” = porter, par référence aux vocalisations caractéristiques que cet oiseau émet à toutes les périodes de l’année.

Ce chant est si particulier et si répétitif que toutes les populations de ce continent l’ont assimilé à “la voix de l’Afrique”.

Il n’existe aucun livre, reportage ni récit sur la nature de cette partie du monde qui n’évoque ce cri plaintif et en même temps mélodieux qui remplit le ciel africain. Un son qui devient inoubliable pour celui qui ne l’ a entendu même qu’une fois.

À première vue et en se bornant à un coup d’oeil superficiel on pourrait le confondre avec le Pygargue d’Amérique à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) mais, les différences qui existent entre eux mises à part, leur localisation géographique ne peut donner lieu à ce genre de confusion..

La première caractéristique qui saute aux yeux est la couleur blanche de la tête qui se prolonge au niveau du dos sous la forme d’une tache en V dont la pointe est orientée vers la queue et au niveau du ventre dans la partie blanche du cou et de la poitrine.

Si l’on observe de profil cet aigle majestueux posé sur une branche on remarque que la couleur foncée de la jointure des ailes et du reste du corps s’insère dans la partie blanche sous la forme d’une sorte d’ogive pointue.

La couleur de fond du corps et de la partie supérieure des ailes est un marron foncé plus ou moins clair et comporte des taches rougeâtres ou fauves, surtout au niveau du ventre alors que le dos et la partie inférieure des ailes sont presque noirs. La queue, courte et carrée, est blanche.

Voici Haliaeetus vocifer en piqué après qu'il a repéré une proie. Présent dans presque toute l'Afrique subsaharienne il ne s'éloigne jamais des fleuves ou des lacs.

Le voici en piqué après qu’il a repéré une proie. Présent dans presque toute l’Afrique subsaharienne il ne s’éloigne jamais des fleuves ou des lacs © Gianfranco Colombo

Une confusion peut être commise avec le Palmiste africain ou Vautour palmiste (Gypohierax angolensis), un oiseau curieux qui en réalité n’est pas à proprement parler un vautour et qui se nourrit essentiellement des noix des palmiers à huile (et, en effet, son habitat coïncide avec la présence de ces arbres). Toutefois, vu en vol par en dessous, le Vautour des palmiers a un ventre et des ailes blanches, une queue noire dont seule l’extrémité est blanche ce qui permet une identification sûre et certaine.

Cette fois encore Haliaeetus vocifer a réussi son coup et se dirige comme toujours vers sa "salle à manger"pour finir tranquillement son repas.

Cette fois encore il a réussi son coup et se dirige comme toujours vers sa “salle à manger”pour finir tranquillement son repas © Gianfranco Colombo

Son bec de Haliaeetus vocifer est noir mais on aperçoit nettement à sa base une “cire” jaune. La cire qui est présente chez certaines espèces d’oiseaux dont des perroquets et des rapaces est une structure grasse qui est en général  située autour des narines qui s’ouvrent dans la rhinothèque (la partie supérieure du bec) mais qui parfois se prolonge nettement au-delà.

Mais ici non plus il ne se laisse pas distraire et surveille son royaume entre deux bouchées.

Mais ici non plus il ne se laisse pas distraire et surveille son royaume entre deux bouchées © Giuseppe Mazza

Dans le cas de l’Aigle hurleur la cire inclut aussi la gnathothèque ou mandibule (c’est-à-dire la partie inférieure du bec ou rostre) et entoure les yeux qui sont en général de couleur marron.

Les pattes et les doigts sont jaunes.  Ces derniers sont dotés de griffes qui sont conçues pour saisir les poissons en volant au ras de l’eau.

Les individus immatures ont une coloration différente. Ils sont bruns en partie supérieure et blancs au niveau du ventre et ont des taches foncées éparses surtout sur le ventre.

Haliaeetus vocifer ‘est un oiseau qui vocalise beaucoup d’où son nom d’aigle hurleur. Le son caractéristique est un  “kwow-kwow-kwow” rauque et retentissant qui débute très fort et va ensuite en diminuant.

Le pic initial est beaucoup plus aigu chez le mâle que chez la femelle. Il est fréquent d’entendre de vrais “duettistes” lorsque le couple échange des signaux sonores. Ces duos commencent d’habitude par un “weeee” très flûté qui est suivi par des “kwow-kwow-kwow” à présent plus aigus ou plus bas.

Les vocalisations sont plus fréquentes à l’aube.

Haliaeetus vocifer est commun dans presque toute l’Afrique subsaharienne et vit près des rivières et des plans d’eau.

Dans l’Afrique australe il est absent des zones arides (Kalahari, déserts du Petit et du Grand Karoo, désert du Namib et côte des Squelettes)

Il est également absent de la zone du Cap à l’exception de la bande côtière qui à partir du cap de Bonne Espérance longe la Garden route puis la Wild coast.

Son habitat caractéristique est constitué par les rives des lacs, des bassins et des étangs, sous réserve qu’il y ait de grands arbres à proximité, par des cours d’eau et aussi des lagunes côtières, des embouchures et des estuaires. C’est un oiseau diurne qui vit généralement en couple.

Haliaeetus vocifer attaque aussi des petits mammifères, des amphibiens, des reptiles, des oiseaux aquatiques et des oisillons.

Il attaque aussi des petits mammifères, des amphibiens, des reptiles, des oiseaux aquatiques et des oisillons © Giuseppe Mazza

Il passe une grande partie de la journée (de 85 à 95%) sur une branche en surplomb de l’eau d’où il peut s’envoler pour attraper un poisson.

La technique préférée de Haliaeetus vocifer consiste, après qu’il a repéré sa proie d’en haut, à effectuer un rapide vol en piqué suivi d’un survol au ras de l’eau, puis à ratisser la surface avec ses griffes en traçant un fin sillage et à capturer le poisson, d’habitude quand il nage à une profondeur ne dépassant pas 10 cm, pour ensuite reprendre de la hauteur avec sa proie.

Bien que ce ne soit pas un comportement fréquent je l’ai vu planer en se servant des courants et de la grande surface de ses ailes et dans au moins quelques cas je l’ai vu plonger littéralement dans l’eau, comme un cormoran, pour attraper un poisson qui se trouvait un peu plus bas sous la surface.

Les poissons qu’il capture ne dépassent pas en général un kilo mais il y a des exceptions (avec des poissons pesant jusqu’à 4 kg). Toutefois des poissons de telles dimensions ne peuvent être transportés en vol et sont dévorés sur place, le poids limite auquel l’oiseau peut les soulever étant d’environ 2,5 kg.

Il “subtilise” souvent le poisson capturé par d’autres oiseaux, surtout des martins-pêcheurs et des cormorans bien que ceux-ci s’avèrent parfois des durs à cuire.

Son envergure est supérieure à la taille d'un homme. Les plumes foncées s'insèrent dans la partie blanche comme une ogive pointue.

Son envergure est supérieure à la taille d’un homme. Les plumes foncées s’insèrent dans la partie blanche comme une ogive pointue © Gianfranco Colombo

Une fois, sur le fleuve Luvuvhu, j’ai vu des cormorans attaquer un aigle pêcheur qui avait tenté de voler leur “pêche” et le mettre en fuite. Il n’est pas rare enfin qu’il chasse des oiseaux aquatiques (avec une préférence pour les anatidés et les pluviers) et leurs petits et qu’il vole et dévore leurs oeufs.

Haliaeetus vocifer est un oiseau qui vocalise beaucoup avec des"kwow-kwow-kwow" rauques caractéristiques.

C’est un oiseau qui vocalise beaucoup avec des”kwow-kwow-kwow” rauques © Giuseppe Mazza

Les divers petits mammifères qui vivent près de l’eau constituent d’autres proies mais moins fréquentes et une fois j’en ai vu un attaquer et tuer un jeune varan du Nil.

Autres proies possibles : des batraciens, des reptiles, des petits singes (des cercopithèques), des damans, des oeufs et des petits de crocodiles, etc…

Comme le Pygargue d’Amérique à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) il est attiré par les charognes et n’hésite pas à s’en nourrir.

Sa reproduction a lieu à des périodes différentes suivant  la latitude et les saisons des pluies.

En Afrique du Sud le pic se situe en août (soit à la saison sèche qui va de mars à septembre) et au Zimbabwe en avril, mai, juin et juillet. Cette période toutefois change nettement en montant vers l’équateur.

Le nid de Haliaeetus vocifer, fait de branches, est en forme de coupe ou de plate-forme, large jusqu’à 2 m et souvent profond de 30 cm à un mètre. Il est tapissé intérieurement de feuilles, d’herbe et parfois de matériaux très disparates.

J’en ai vu un près d’un village qui était garni de morceaux de plastique et de chiffons.

Il est construit à une fourche des branches d’un arbre à une certaine hauteur par rapport au sol, plus rarement sur une falaise située en surplomb de l’eau ou plus bas sur des buissons et de petits arbres.

Les oeufs pondus sont ordinairement au nombre de deux, plus rarement de trois ou un seul. Ils sont longs d’environ 7 cm, blancs avec parfois des petites taches de couleur rouille et sont couvés pendant 40 à 45 jours.

Les oisillons sont approvisionnés en nourriture à la fois par la mère et par le mâle pendant plus de 2 mois avant qu’ils puissent quitter le nid mais demeurent dépendants de leurs parents pour la nourriture encore 2 mois après leur premier envol. Quand il y a trois oeufs il est rare que trois poussins puissent survivre. Un seul ou deux au maximum réussiront à atteindre l’âge adulte.

Depuis 2020, Haliaeetus vocifer est répertorié comme  “LC, Least Concern“, c’est-à-dire “Préoccupation mineure” dans la Liste Rouge de l’UICN des espèces menacées

Les individus immatures de Haliaeetus vocifer ont des colorations différentes : bruns en dessus ils sont blancs au niveau du ventre avec des taches foncées éparses surtout sur le ventre.

Les individus immatures ont des colorations différentes : bruns en dessus ils sont blancs au niveau du ventre avec des taches foncées éparses surtout sur le ventre © Gianfranco Colombo

Noms communs

Anglais : Fish eagle, African fish eagle; Allemand : Schreiseeadler; Espagnol : Pigargo vocinglero; Portugais : Aguia pescadora africana, Aguia pesqueira africana, Pigargo africano; Afrikaans: Visarend; Français : Pygargue vocifér, Aigle pecheur d’Afrique; IsiZulun : iNkwazi (plurale iziNkwazi); Kwangali: Mpungu; Shona: Hungwe; Tsonga: Ngungwa, N’hwathi; Xosa: Unomakwezana, Ingqolane.

Synonymes

Falco vocifer Daudin, 1800.

 

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