Hemachatus haemachatus

Famille : Elapidae

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Texte © Dr. Gianni Olivo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Hemachatus haemachatus

Proche parent du Mamba, le Cracheur de l’Afrique du Sud (Hemachatus haemachatus) est un élapidé de taille moyenne d’environ 1 m de long, le maximum étant de 150 cm © Giuseppe Mazza

Le genre Hemachatus comprend une seule espèce : le Ringhal ou Cracheur de l’Afrique du Sud (Hemachatus haemachatus Bonneterre, 1790).

Selon certains ce serpent chatoyant de la famille des Élapidés (Elapidae), malgré l’impression qu’il peut donner à première vue quand il étire son capuchon et crache son venin (ou, plutôt, quand il projette un spray de gouttelettes) ne serait pas en fait un cobra, du moins au sens strict.

Le fait de “cracher” du venin, tout d’abord, n’est pas la caractéristique seulement des cobras (Naja) mais dans de rares cas également d’autres serpents comme par exemple la Vipère du mont Mang (Zahoermia mangshanensis), un crotalidé, uniquement présent dans une zone restreinte de la Chine, qui atteint 180 cm et dont la livrée zébrée verte et noire compte parmi les plus belles dans le monde des reptiles.

Pour en revenir au Ringhal on peut observer, aussi de prime abord, que ses écailles sont carénées et ont un aspect rugueux alors celles des cobras sont lisses. D’autre part, alors que tous les autres cobras sont ovipares, l’Hemachatus haemachatus est ovovivipare, c’est-à-dire qu’il met au monde, comme les vipères, des petits déjà parfaitement formés. À cela il faut ajouter l’absence de fortes dents dans les mâchoires si l’on exclut  les crochets à venin.

Quoi qu’il en soit c’est un élapidé de taille moyenne qui mesure en général un mètre de long, le maximum étant de 150 cm. Son corps est robuste. Ses écailles carénées sont disposées à mi-longueur de son corps sur 17 à 19 rangées placées en oblique. La queue est courte et se distingue souvent du corps. Le museau, relativement court, est pointu et obtus. Le passage entre la tête et le cou, par contre, est peu perceptible.

Hemachatus haemachatus

Il aveugle ses agresseurs et ses victimes en leur crachant son venin dans les yeux © Giuseppe Mazza

La coloration est très variable : dans de nombreux cas la couleur de la partie dorsale est marron foncé ou noire et comporte des taches plus claires ou des bandes transversales blanchâtres, jaunes ou de couleur crème souvent irrégulières et inégales. Beaucoup d’individus portent une livrée bariolée, d’autres sont totalement noirs mais presque toujours dans ces cas-là il existe un ou plusieurs anneaux clairs au niveau du cou (d’où le nom anglais). J’ai vu un individu le long d’une piste dont la couleur était rouge brique.

La vue de ce serpent est relativement mauvaise et comme pour beaucoup d’autres ophidés (à l’exception, entre autres, du boomslang ou serpent des arbres et du twig-snake ou serpent-liane) il ne lui est pas possible de distinguer nettement une proie ou un ennemi s’ils ne se déplacent pas. Pour cette raison son odorat (les organes de Jacobson auxquels sa langue bifide apporte les particules odorantes qu’il capte dans le milieu environnant) joue un rôle important dans le repérage des proies.

Essentiellement nocturne on le voit souvent s’exposer au soleil pendant le jour. Dans certaines zones il est extrêmement commun. Son régime alimentaire comprend surtout des batraciens mais aussi des lézards et des serpents bien qu’il ne dédaigne pas de petits mammifères et des oiseaux si l’occasion s’en présente. De tous les serpents il est peut-être l’un de ceux qui supportent le mieux les basses températures. Dans certaines zones comme les environs de Johannesburg où les températures chutent fortement pendant l’hiver austral on peut le voir aller et venir quand les autres ophidés se terrent et sont inactifs.

Habitat et répartition

Le Ringhal, s’agissant de sa répartition, est confiné à la partie méridionale de l’Afrique et plus précisément à l’Afrique du Sud où il est présent dans la province du Cap et le long de la  bande orientale mais sans atteindre au Nord la province du Limpopo. Il est absent d’une bonne partie de l’Ouest de l’Afrique du Sud exception faite d’une bande qui suit la côte au niveau du Cap de Bonne Espérance et de la région du Cap. Il franchit la frontière pour n’ atteindre qu’une portion restreinte du Botswana, plus ou moins à la hauteur du parc de Pilanesberg et sur un petit nombre de kilomètres. Au Zimbabwe il existe une petite enclave isolée où il est présent sur le haut-plateau connu sous le nom de Inyanga highlands (les hauts-plateaux de la lune) à la frontière avec le Mozambique.

Ce n’est pas un serpent particulièrement agressif mais pendant la saison de la reproduction il peut voire se montrer violent quand il défend son intimité. Il cherche en toute circonstance à éviter le contact avec l’homme et à s’enfuir mais si ce n’est pas possible il peut faire le mort ou adopter un comportement agressif. Quand il opte pour la première stratégie il se retourne sur le dos et fait sortir sa langue de sa bouche de façon désordonnée mais si l’on commet l’imprudence de le ramasser ou de le toucher il n’hésite pas à frapper. Le seconde option consiste à redresser la partie antérieure de son corps, plus fortement que chez les véritables cobras, à siffler de manière menaçante, à projeter deux jets de venin  ou bien à mordre l’importun.

Hemachatus haemachatus

Il peut s’élever plus que les autres cobras © Giuseppe Mazza

Appareil vénénifère et venin

Les crochets à venin sont courts mais capables de percer facilement la peau et d’inoculer le venin. Croire comme certains que les cobras cracheurs africains et asiatiques et les ringhals ne mordent pas mais se servent de leur “arme de jet” est une idée parfaitement erronée et dangereuse.

Ce serpent a recours à la projection de son venin pour tenir éloigné un prédateur et exclusivement comme arme de défense. Sa morsure est bien plus dangereuse (pour éviter des problèmes oculaires il suffit de porter des lunettes de soleil) comme nous le verrons par la suite en parlant du venin de cette espèce.

Dans le cas du Ringhal le danger que présente la morsure est aggravé par le fait que ce reptile (comme parfois aussi d’autres serpents dont le cobra commun), fait souvent le mort s’il est menacé :  le ramasser ou le toucher aura dans ce cas pour conséquence une réaction d’attaque et souvent l’inoculation du venin.

Parmi les différents serpents “cracheurs” le Ringhal semble être celui dont les crochets sont les plus hautement spécialisés.

L’orifice de sortie du venin est placé en avant, dans le crochet, et, tel un gicleur, il est dirigé vers l’avant et le haut, ce qui facilite la projection du venin vers le museau (ou le visage) d’un ennemi potentiel.

Chez les autres “cracheurs” aussi un orifice est situé tout droit vers l’avant mais le canal à l’intérieur du crochet s’ouvre à son extrémité ou vers l’arrière, immédiatement avant l’orifice, et de ce fait seule une partie du venin s’écoule vers l’avant et est projetée au loin.

Chez le Ringhal, par contre, il n’y a pas d’orifice apical : le canal vénénifère, à l’intérieur du crochet,  forme un coude vers l’avant et s’ouvre dans l’unique débouché situé à l’avant alors que la partie inférieure du crochet est ferme et pleine. Dans ce système tout le venin est obligé de passer par le “coude” et de sortir par l’avant ce qui se traduit par une plus grande quantité de venin mais surtout par une plus grande pression qui a aussi pour conséquence une distance utile plus grande.

Le seul handicap, peut-être, au cours de confrontations avec d’autres serpents est la profondeur plus petite, à égalité de longueur des crochets, à laquelle est inoculé le venin, une profondeur qui toutefois est en général efficace.

Quand l’Hemachatus haemachatus veut projeter des jets de venin contre un intrus il redresse toujours la partie antérieure de son corps (à la différence du cobra cracheur du Mozambique ou Naja mossambica qui peut également “cracher” en gardant la tête sur le sol ou même en se tenant caché dans une fente de rocher ou tout autre abri) puis il bondit en avant avec la tête et le cou presque comme s’il voulait accompagner et renforcer le “lancement” et en même temps il expulse bruyamment de l’air en émettant un sifflement puissant.

Les deux jets de venin, réunis à 50 cm de distance du crochet, se dispersent en général sous la forme d’un aérosol de gouttelettes. Les muscles qui compriment les glandes à venin (des glande salivaires modifiées) sont également particulièrement puissants, plus que chez d’autres cracheurs.

Le venin est très fluide et incolore quand il est frais et produit en assez grande quantité mais devient jaune quand il sèche. La dose qui peut être inoculée par une morsure est de 80 à 120 mg. La dose mortelle pour une personne adulte est d’environ 60 mg. Les venins des cracheurs ont des caractéristiques différentes de celles de nombreux autres élapidés. D’une façon générale et sous réserve des inévitables exceptions beaucoup d’élapidés et une grande partie des véritables cobras ont des venins essentiellement neurotoxiques  (voir la notice Dendroaspis polylepis pour le mode de fonctionnement) qui causent des décès dus à la paralysie des muscles respiratoires alors que les vipéridés (ici aussi sous réserve des inévitables exceptions) ont des venins hémotoxiques et cytotoxiques qui provoquent des hémorragies, des thromboses, des nécroses et des gangrènes.

Les élapidés cracheurs ont des venins qui diffèrent entre eux mais qui présentent toujours des caractéristiques cytotoxiques car, dans le cas contraire, quand leur venin est projeté dans les yeux, il ne causerait pas la douleur violente et les dommages qu’une cytotoxine peut par contre provoquer. De ce fait leur morsure a souvent des effets qui ressemblent plus à ceux provoqués par les vipères qu’à ceux d’un cobra non cracheur ou d’un Mamba ou encore d’un Bongare fascié, à savoir des nécroses parfois étendues, des hémorragies et des gangrènes accompagnées de douleurs atroces.

Le venin du Ringhal a des caractéristiques cytotoxiques mais a aussi un effet neurotoxique qui peut causer, en plus de nécroses de la partie touchée, des paralysies et même une asphyxie. Néanmoins les décès causés par cet animal ne sont pas fréquents pour peu que l’on applique une thérapie appropriée.

Le venin qui atteint les yeux cause aussitôt une douleur très violente et doit être immédiatement éliminé par des lavages abondants en utilisant de l’eau, du lait ou tout autre liquide non irritant dont on peut disposer (aucun alcool naturellement) et en cas d’urgence on s’est même servi de l’urine (qui est normalement stérile) pour sauver des yeux. Dans le cas contraire les dommages peuvent être permanents et irréparables et se traduisent par des ulcérations graves de la cornée et d’autres conséquences.

Noms communs : ring-necked spitting cobra (anglais), Rinkhals (afrikaans), Iphimphi (isiZulu-Xhosa).

 

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