Famille : Plethodontidae
Texte © Dr. Nicolò Pellecchia
Traduction en français par Michel Olivié
Le Spélerpès de Strinati (Hydromantes strinatii) est une espèce endémique franco-italienne. Présent dans le Sud-Est de la France on le trouve en Italie dans la bande comprise entre les Alpes ligures et le Nord des Apennins © G. Mazza
Le Spélerpès de Strinati (Hydromantes strinatii Aellen, 1958) est un amphibien appartenant à l’ordre des Caudata, à la famille des Plethodontidae et à la sous-famille des Plethodontinae.
Cette famille inclut 70 % des Urodèles actuellement décrits.
Son aire de répartition, essentiellement nord-américaine, va du Canada au Brésil et à la Bolivie dans le Nouveau Monde et du Sud-Ouest de l’Europe à la Corée du Sud.
Le nom du genre Hydromantes vient du grec ancien “hydro” = eau et “mantis” = devin. Il signifie donc littéralement “prophète de l’eau”.
Le nom de l’espèce strinatii = de Strinati rappelle Pierre Strinati, spéléologue et savant suisse, négociant en tissus, né à Cologny en 1928, qui découvrit cette espèce.
Dans la seconde moitié du siècle dernier on croyait que les espèces européennes du genre Hydromantes étaient au nombre de deux : le Spélerpès italien (Hydromantes italicus) et le Spélerpès de Gené (Hydromantes geneii) qui toutefois comprenaient un nombre élevé de sous-espèces.
Aujourd’hui la taxonomie de ce genre a été profondément modifiée vu qu’elle reconnaît 8 espèces européennes dont cinq endémiques de la Sardaigne, deux endémiques de l’Italie et une présente entre l’Italie et la France.
Zoogéographie
À la différence de ses congénères européens le Spélerpès de Strinati est la seule espèce européenne du genre Hydromantes qui ne soit pas exclusivement italienne.
Son aire de répartition en Italie comprend cinq régions : l’Émilie-Romagne, la Ligurie, la Lombardie, le Piémont et la Toscane et concerne donc la bande qui va des Alpes ligures au Nord des Apennins. En France elle est présente au Sud-Est dans le département des Alpes-Maritimes et les régions les plus à L’Est du département des Alpes de Haute-Provence.
Les mâles atteignent 116 mm de long et les femelles 128 mm. Le motif dorsal a une vaste gamme de couleurs et est toujours sur un fond foncé © Giuseppe Mazza
Écologie-Habitat
Le Spélerpès de Strinati est l’espèce la plus euryzonale de son genre vu qu’on l’a trouvé d’ Imperia à 20 m au-dessus de la mer jusqu’à des altitudes de plus de 2000 m, à savoir 2280 m dans les Alpes ligures.
Comme le Spélerpès italien celui de Strinati est lui aussi une espèce hygrophile et il a par conséquent tendance à coloniser des vallées fraîches entaillées de cours d’eau ou des versants très humides ou ombragés.
Présent entre 20 et 2000 m d’altitude environ c’est une espèce hygrophile que l’on ne voit à l’air libre que la nuit ou les jours particulièrement humides © Giuseppe Mazza
Hydromantes strinatii fréquente souvent les bois mais on peut aussi le rencontrer dans des milieux où la végétation est pauvre.
Il passe habituellement les heures les plus chaudes de la journée à l’abri dans des crevasses, sous des pierres, des troncs pourris, des murets de pierres sèches ou dans des cavités hypogées tant naturelles qu’anthropiques.
Les cavités hypogées constituent également pour cette espèce les milieux qu’elle préfère à la fois à cause des conditions optimales d’humidité et de température et de la grande diversité de proies qu’elles offrent.
Il passe les heures les plus chaudes du jour à l’abri dans des crevasses, sous des pierres, des troncs pourris, des murets ou dans des cavités naturelles ou anthropiques © Nicola Destefano
L’activité épigée est principalement nocturne mais on peut aussi l’observer le jour si le temps est particulièrement humide.
On rencontre le Spélerpès de Strinati à des températures comprises entre 5 et 22 °C et des taux d’humidité allant de 74 à 100 %.
Les principaux prédateurs de cette espèce semblent être le crapaud commun et l’orvet. Pour échapper à la prédation elle a développé des comportements de défense caractéristiques : le raidissement postural et des sécrétions cutanées répulsives.
Dans les grottes il est certainement à son aise à cause de l’absence de prédateurs et de la présence de proies © Nicola Destefano
Morphophysiologie
Les salamandres de la famille des Plethodontidae ne présentent pas de diversités morphophysiologiques inter et intraspécifiques notables. En ce qui concerne l’identification, par conséquent, les caractères morphophysiologiques ont une importance très réduite mais cette insuffisance est compensée par une diversité génétique élevée.
La différenciation avec les autres espèces italiennes, en particulier avec le Spélerpès italien ( Hydromantes italicus) et le Spélerpès d’Ambrosi (Speleomantes ambrosii) se fait seulement sur une base géographique là où elle ne peut l’être par des analyses génétiques.
Hydromantes strinatii est un Spélerpès de dimensions moyennes : le mâle parvient à une longueur de 116 mm alors que la femelle peut atteindre 128 mm.
Le “cantus rostralis”, c’est-à-dire l’angle qui se forme des deux côtés entre le sommet plat de la tête et la zone située entre l’œil et le museau, est obtus et généralement bien visible.
Il a de petites pattes. Les extrémités des doigts ne sont pas élargies ou le sont peu et peuvent être tronquées ou légèrement pointues.
Dans toute l’aire de répartition la couleur et le motif du dos des adultes sont très variables même à l’intérieur d’une même population.
Le motif du dos se trouve toujours sur un fond foncé qui va de la terre d’ombre brûlée à une teinte bistre ou noirâtre.
La tacheture du dos peut varier en passant de la monochromie à la polychromie et comporte une vaste gamme de couleurs aux nuances diverses et brillantes : le marron, le jaune ou l’ocre rouge, le gris ou le gris perle et le vert. Parfois le jaune et le gris peuvent sembler métalliques.
Chez les jeunes la couleur du dos peut être marron avec différentes inclusions de jaune ou bien uniformément dorée.
Le ventre a une couleur de fond qui va d’une teinte noisette au bistre foncé et qui est tachetée ou saupoudrée de blanc.
La température y est constante, l’humidité très élevée et souvent entretenue par de petits cours d’eau et il n’y a pas de crapauds ou d’orvets aux aguets © Nicola Destefano
Le dimorphisme sexuel peut s’observer chez cette espèce à travers certaines caractéristiques.
Les caractères distinctifs du mâle sont la présence de la glande mentonnière qui produit des sécrétions aphrodisiaques servant lors de l’accouplement et les cirrhes naso-labiaux nettement plus développés.
La maturité sexuelle des mâles et des femelles survient à des époques différentes : entre 3 et 4 ans pour les mâles et 4 à 5 ans pour les femelles.
Grâce à sa bonne vue et à son odorat développé il chasse là tranquillement de petits gastéropodes et de petits animaux qui se déplacent entre les milieux épigé et hypogé © Nicola Destefano
Éthologie-Biologie reproductive
Le Spélerpès de Strinati est une espèce ovipare qui pond habituellement de 7 à 11 œufs par couvée.
La période de reproduction a lieu principalement au printemps mais de nombreuses observations ont été faites tout au long de l’année. Elle change aussi suivant les endroits et les conditions climatiques et environnementales.
Les caractères distinctifs des mâles sont les cirrhes naso-labiaux plus développés et une glande spéciale qui produit des sécrétions aphrodisiaques pour attirer les femelles © Nicola Destefano
La fécondation est interne et s’effectue au moyen de l’expulsion par le mâle d’une capsule contenant le sperme, appelée spermatophore, qu’il dépose sur le sol et qui est aussitôt recueillie par la femelle qui l’introduit dans son cloaque.
Il Existe chez cette espèce un rituel de séduction qui consiste dans la production par le mâle de sécrétions aphrodisiaques relâchées par sa glande mentonnière et destinées à exciter la femelle. Celle-ci fournit des soins parentaux à ses œufs en s’enroulant autour d’eux jusqu’à leur éclosion. Ces œufs, à la différence de ceux de la plupart des amphibiens, sont terrestres et se développent directement.
La fécondation est complexe. Après les préliminaires le mâle dépose sur le sol une capsule contenant le sperme que la femelle doit recueillir et introduire dans son cloaque © Nicola Destefano
Quand ils éclosent les petits sont déjà aptes à la vie terrestre et n’ont pas par conséquent de branchies. À la naissance ils mesurent 22 à 24 mm et sont très semblables aux adultes.
Statut de conservation
Le Spélerpès de Strinati est une espèce relativement commune, localement très fréquente, surtout dans les zones où les milieux hypogés sont très nombreux comme les milieux karstiques.
Les œufs du Spélerpès de Strinati, à la différence de ce qui se passe pour la plupart des amphibiens, ne sont pas pondus dans l’eau mais terrestres et ont un développement direct. La femelle les protège en s’enroulant autour jusqu’à l’éclosion. Les petits, longs de 22 à 24 mm, sont donc dépourvus de branchies et déjà aptes à la vie terrestre © Nicola Destefano
La principale menace pesant sur cette espèce est probablement l’altération de son habitat.
Le Spélerpès de Strinati est classé en catégorie NT (near threatened = potentiellement menacé) dans la liste rouge des vertébrés italiens de l’UICN.
Synonymes
Hydromantes (Speleomantes) strinatii, Aellen, 1958.
→ Pour des notions générales sur les Caudata voir ici.
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