Leontopodium nivale

Famille : Asteraceae

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Texte © Prof. Giorgio Venturini © Prof. Giorgio Venturini

 

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Traduction en français par Claude Leray

 

L'inflorescence de Leontopodium nivale est un capitule glomérulé avec des bractées laineuses © Giuseppe Mazza

L’inflorescence de Leontopodium nivale est un capitule glomérulé avec des bractées laineuses © G. Mazza

En plusieurs langues, la très célèbre edelweiss (Leontopodium nivale (Ten.) Huet ex Hand.-Mazz.) a des noms qui soulignent sa beauté. En allemand, à juste titre, elle est connue comme Edelweiss (noble-blanche) ; en suisse allemand, Chatzen-Talpen (pattes de chat), Wullbluomen (fleur de laine) ; en italien stella alpina ; en anglais, lion’s foot, beautiful star, glacier star, alpine everlasting flower, glacier queen ; et en français comme pied-de-lion, gnaphale à pied de lion, étoile d’argent, étoile des glaciers.

Le nom de genre Leontopodium vient du grec “leontos” génitif de “leon” = lion (λεων – λεοντος) et “podion” ποδιον diminutif de “pous” = pied (πους – ποδος), donc petit pied de lion, en référence à la forme de la fleur qui devrait rappeler une patte de lion. L’épithète d’espèce nivale signifie en latin “liée à la neige”, en raison de sa présence dans les environnements de haute montagne.

L’ancien nom de genre attribué à l’origine par Linné “Gnaphalium” signifie en grec touffe de laine, de “gnafallon” (γναφαλλον) = flocon de laine (“gnafalos” γναφαλοσ était le nom d’une plante velue).

Au genre Leontopodium appartiennent environ 30 espèces à distribution principalement asiatique et européenne. La zone de plus grande diffusion se situe en Asie centrale et orientale, le centre de diversité se situe dans la région sino-himalayenne du sud-ouest de la Chine, où 15 à 18 espèces sont présentes.

Le Leontopodium nivale a probablement atteint l’Italie pendant les périodes glaciaires, lorsque les habitats de steppe de la zone de plus grande diffusion du genre Leontopodium se sont étendus à la plupart de l’Europe en raison des changements climatiques.

En Europe, deux sous-espèces sont présentes, Leontopodium nivale subsp. alpinum (Cass.) Greut., répendue dans les Pyrénées, les Alpes, les Carpates et la péninsule balkanique (“alpinum” signifie “des Alpes” en latin) ; et Leontopodium nivale subsp. nivale (Ten.) Greut., endémique des Apennins centrales en Italie, des Monts Pirin en Bulgarie et des Monts Prokletije au Monténégro. Auparavant, les deux sous-espèces étaient traitées comme deux espèces différentes, Leontopodium alpinum, des Alpes, et Leontopodium nivale, des Apennins.

Les habitats typiques de Leontopodium alpinum sont les alpages ou les roches brisées et friables (et non, comme dans l’imagination des touristes, les roches les plus inaccessibles et les plus abruptes) à une altitude comprise entre 1500 et 3000 m. La floraison a lieu entre juin et septembre. En raison d’une collecte excessive, l’espèce est devenue très rare. Actuellement, sa récolte est interdite, en Italie comme dans les autres pays alpins.

Sa forme biologique est l’hémicryptophyte cespiteuse. Les hémicryptophytes sont des plantes herbacées, bisannuelles ou pérennes, avec des bourgeons reposant en surface et protégés par la litière ou par la neige. Les hémicryptophytes cespiteuses sont dotées d’un axe floral dressé et souvent sans feuilles (classification d’après la loi de Raunkiaer).

C’est une plante vivace de 8-15 cm de haut. La tige est ligneuse à la base, courte et dressée, blanchâtre en raison de l’abondance du tomentum (pilosité épaisse). Les feuilles sont grises et tomenteuses, les feuilles basales, d’environ 2-4 cm, spatulées, celles de la tige, allongées, linéaires (2-3 mm x 24-40 mm).

Il ne pousse pas sur des rochers ou des falaises infranchissables mais sur des pâturages faciles de 1000-3000 m © Giuseppe Mazza

Il ne pousse pas sur des rochers ou des falaises infranchissables mais sur des pâturages faciles de 1000-3000 m © Giuseppe Mazza

L’inflorescence est apicale, formée par un glomérule de nombreux capitules jaunâtres (3-12) dont l’un, le plus gros, est entouré par les autres, plus petits. Chaque capitule, formé uniquement de fleurs tubuleuses jaunâtres (les ligulées typiques de nombreuses Composées sont absentes), est entouré d’une enveloppe multiple de petites écailles, représentant les sépales du calice, souvent avec une bordure apicale sombre. Le glomérule est entouré de 9 à 15 bractées intensément laineuses, aiguës et disposées en étoile, avec une fonction d’appel pour les insectes pollinisateurs (la forme et la disposition de ces feuilles bractées sont à l’origine du nom italien de stella alpina.

Le rôle du caractère laineux est de limiter la perte excessive d’eau par transpiration, par rapport au fait que la plante est native des milieux arides, et de protéger des rayons ultraviolets (et non, comme on le lit souvent, comme protection contre le froid).

La blancheur éclatante de la laine est due à des milliers de bulles d’air microscopiques qui réfléchissent la lumière et représentent par conséquent un appel aux insectes pollinisateurs et une protection supplémentaire contre l’évaporation et les rayonnements ultraviolets. Le nectar contient des acides aminés essentiels au métabolisme des insectes pollinisateurs.

Après la floraison, les bractées se fanent et dans le capitule femelle les graines mûrissent. Les fruits sont des akènes oblongs, munis d’un pappus (touffe de poils), qui sont emportés par le vent et de plus dispersés notamment grâce aux fourmis. Depuis quelques années, cette plante est aussi souvent cultivée et vendue en pot. Les plantes cultivées, qui poussent à basse altitude, sont généralement plus hautes, et ont une surface peu laineuse et une couleur verdâtre.

L’edelweiss des  Apennins

Dans les zones très localisées des plus hauts sommets des Apennins centraux (groupes des Monts Sibillini, Monti della Laga, Gran Sasso d’Italia et Maiella), la sous-espèce Leontopodium nivale subsp. nivale est présente, plus petite que la forme alpine (1-5 cm), généralement plus fortement tomenteuse et blanc clair.

En plus des Apennins centraux, à des altitudes de 2300 à 2800 m, cette sous-espèce est présente sur les monts Pirin en Bulgarie et sur les monts Prokletije au Monténégro.

Le petit Leontopodium nivale subsp. nivale vit dans les Apennins © Venturini

Le petit Leontopodium nivale subsp. nivale vit dans les Apennins © Giorgio Venturini

Cette distribution trans-adriatique particulière, commune à diverses autres espèces botaniques, peut s’expliquer par l’abaissement du niveau de la mer Adriatique pendant les périodes glaciaires et l’extension simultanée des habitats steppiques typiques des aires d’origine du genre Leontopodium. Ces conditions ont dû permettre la diffusion de l’espèce dans toute la région des Balkans, dans les terres émergées grâce à l’abaissement du niveau de la mer et en Italie. L’augmentation des températures qui en est suivie a dû réduire drastiquement l’habitat, en le limitant aux zones de haute montagne de la localisation actuelle.

Légendes et mythologie de l’Edelweiss

Etant donné son aspect typique, l’habitat typiquement montagnard et sa rareté, l’edelweiss est devenu le symbole de la montagne et de l’alpinisme depuis la première moitié du 20ème siècle, avec le développement du tourisme de montagne et de l’exploration des Alpes. Dans deux pays alpins, la Suisse et l’Autriche, l’edelweiss est pratiquement le symbole national et le Club Alpin Allemand (Deutscher Alpenverein) ainsi que l’Autrichien (Österreichischer Alpenverein) l’ont inséré dans leur emblème.

L’edelweiss a également été inséré dans les armoiries de l’Union des associations internationales de montagne (UIMLA). En ligne avec ces symbologies se trouve également le fait que l’image de l’edelweiss est insérée dans les insignes des troupes alpines de la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne et la Roumanie.

Pour le romantisme, principalement allemand, l’edelweiss est devenu le symbole de l’audace et de la conquête de la difficulté, et aussi du mythe absurde que la collecte et la possession d’un spécimen pourraient être la preuve d’un courage hors du commun. Cette idée stupide a été et est encore aujourd’hui la cause d’accidents de montagne imputés à des imprudents qui s’aventurent dans des terrains difficiles à la recherche d’une fleur qui, au contraire, pousse surtout sur les pentes herbeuses. L’avidité des collectionneurs de fleurs, outre leur valeur symbolique, est stimulée par le fait que les edelweiss conservent leurs caractéristiques même si elles sont séchées et sont donc placées comme signets “romantiques” ou collées sur des cartes postales affreuses. Une fleur si belle, caractéristique et typique de la haute montagne, ne pouvait pas être absente des légendes populaires des pays alpins. Je ne cite comme exemple uniquement la légende suisse, selon laquelle cette fleur était autrefois une si jolie fille (et fière d’elle-même) qu’elle refusait tout prétendant. Elle a ensuite été transportée, encore vierge (on dirait de nos jours célibataire) sur les hauts sommets et transformée en une fleur appelée edelweiss (Edel en allemand signifie noble et weiss signifie blanc). Seuls les hommes les plus courageux peuvent aspirer à saisir la fleur réticente.

La laine réduit la transpiration. Les fruits sont des akènes oblongs © Giuseppe Mazza

La laine réduit la transpiration. Les fruits sont des akènes oblongs © Giuseppe Mazza

Il a été dit que l’edelweiss était la fleur préférée d’Adolf Hitler. En fait, selon Albert Speer, c’était une invention de la propagande nazie, née d’un malentendu : à l’occasion d’un événement, ils voulaient offrir des fleurs à Hitler, et ignorant ses préférences, ils lui ont offert l’edelweiss, étant des fleurs rares.

Au contraire, il faut se rappeler qu’une opposition au nazisme, même si malheureusement perdante, venait des “Pirates de l’Edelweiss” (Edelweißpiraten), groupes de jeunes qui se rebellaient contre l’enrégimentation faite par le parti et utilisaient comme insigne l’edelweiss lors de leurs manifestations. Pendant la guerre, les membres de ces groupes ont soutenu les Alliés et les déserteurs militaires allemands.

L’edelweiss, maintenant symbole ennuyeux de la fausse montagne, donne son nom à une pléthore de restaurants, d’hôtels et d’autres structures touristiques, non seulement le long de la région alpine, mais aussi dans des endroits montagneux qui n’ont rien à voir avec le Leontopodium, par exemple en Argentine et au Chili.

L’edelweiss avec son rôle de symbole de la montagne et des alpinistes est bien entendu présent dans de nombreux chants de montagne, diffusés dans tous les pays de la région alpine. Nous rappelons seulement ce qui est probablement le plus beau morceau choral de la tradition montagnarde, dédié aux montagnards du Frioul envoyés à la mort pendant la Grande Guerre. (Stelutis Alpinis, texte et musique d’Arturo Zardini en dialecte frioulan) :

Se tu vens cà sù ta’ cretis, là che lôr mi àn soterât, al è un splàz plen di stelutis: dal miò sanc ’l è stât bagnât.

Par segnâl une crosute jé scolpide lì tal cret: fra chês stelis nàs l’erbute, sot di lôr jo duâr cuièt. 

Si vous venez ici parmi les rochers, où ils m’ont enterré, il y a une clairière pleine d’edelweiss : elle a été arrosée par mon sang.

Comme signe, une petite croix est creusée dans la roche : parmi ces étoiles pousse l’herbe, sous elles je dors paisiblement.

Propriétés médicinales et utilisations traditionnelles et magiques

Leontopodium a été et est encore utilisé dans la médecine traditionnelle des pays alpins avec diverses indications, par exemple comme astringentes, antitussives, contre les douleurs rhumatismales, anti dysentériques et contre les maux d’estomac (certaines de ces applications sont justifiables sur la base de composés actifs effectivement trouvés dans la plante). Elle est principalement utilisée sous forme de poudre, d’infusion ou de teinture alcoolique ou bouillie dans le lait et le miel.

À l’utilisation pour les maux gastriques ou intestinaux est lié le nom bavarois (aujourd’hui peu utilisé) de Bauchwehbleaml (Bauchwech signifie ventre et Bleam (= Blume) signifie fleur, donc, «fleur du mal de ventre».

En raison de son habitat naturel, l’edelweiss est exposé à une forte irradiation UV et à des conditions extrêmes de température et d’humidité. Il a par conséquent développé une série de métabolites protecteurs qui peuvent avoir une utilisation pratique pour la protection de la peau humaine et, en réalité, il existe dans le commerce des crèmes pour la peau à base d’edelweiss pour se protéger contre les rayons ultraviolets. Afin d’éviter la collecte de spécimens sauvages pour la préparation de substances médicinales, on effectue des cultures de Leontopodium dans les habitats de haute montagne, en reproduisant l’habitat naturel de manière à ne pas modifier les propriétés des plantes. Certains chercheurs, principalement autrichiens, ont analysé des extraits de Leontopodium, démontrant la présence de diverses substances ayant des propriétés pharmacologiques potentiellement utilisables (nous devons souligner que, pour éviter la destruction des spécimens précieux de cette plante protégée, ils utilisent des cellules de Leontopodium cultivées in vitro).

Les activités pharmacologiques démontrées comprennent: capacité d’extraits à inhiber la migration des cellules responsables de l’inflammation, telles que les leucocytes et les mastocytes et donc des propriétés anti-inflammatoires potentielles et propriétés antimicrobiennes, qui ont été prouvées, au moins en laboratoire, vis-à-vis de divers agents pathogènes, tels que les entérocoques, les staphylocoques et les streptocoques (ces résultats sont en accord avec les utilisations traditionnelles du traitement des maladies pulmonaires et intestinales).

Avec le pappus les graines sont transportées par le vent et dispersées par les fourmis. La plante a des vertus médicinales © Mazza

Avec leur pappus les graines sont transportées par le vent et dispersées par les fourmis. Vertus médicinales © Mazza

De plus, les extraits montrent des activités antimycotiques et antiparasitaires contre les acariens.

Il a été également mis en évidence des substances ayant des propriétés analgésiques possibles. Les résultats obtenus montrent également un intérêt cosmétique potentiel, dû à la présence de substances ayant des activités anti-radicaux libres, anti-inflammatoires, anti-oxydantes, pour un emploi éventuel dans les crèmes solaires et anti-âge pour la peau.

À l’utilisation pour les maux gastriques ou intestinaux est lié le nom bavarois (aujourd’hui peu utilisé) de Bauchwehbleam (Bauchwech signifie ventre et Bleam (= Blume) signifie fleur, donc «fleur du mal de ventre».

D’autres études ont mis en évidence la présence de substances pouvant avoir une activité sur le système nerveux, mettant en évidence une fonction pro-cholinergique, c’est-à-dire un stimulant des activités des synapses utilisant l’acétylcholine comme neurotransmetteur. Cette activité suggère, d’après les auteurs qui l’ont étudiée, des applications potentielles anti-démence et d’amélioration de la mémoire.

Il est important de souligner (comme les auteurs des recherches l’ont fait) qu’il s’agit, en tout cas, d’activités potentielles, mises en évidence en laboratoire, sans pour le moment le retour d’applications.

Néanmoins, l’industrie a immédiatement profité de ces résultats pour lancer des produits aux activités médicales miraculeuses, comme c’est le cas pour une boisson tonique suisse (je ne dis pas son nom pour ne pas tenter qui que ce soit) qui, d’après la publicité, a des effets revitalisants, antioxydants, anti-stress, toniques, anti-inflammatoires, antimycotiques et antibactériens, elle prévient l’effet des toxines, répare la peau, renforce les défenses naturelles de l’organisme et ralentit la sénescence (et ainsi de suite, etc. ). On ne sait pas s’il faut placer cette substance parmi les substances pharmacologiques ou les substances magiques !

Le Leontopodium a été utilisé pour préparer des potions d’amour, capables de garantir la conquête de l’être aimé. Il a également été dit que faire une guirlande d’edelweiss et la porter pourrait accorder l’invisibilité. Pour se protéger des balles d’armes à feu, il a été jugé nécessaire de ramasser les plantes, y compris les racines, lors d’une pleine lune le vendredi et de les garder en contact du corps.

En outre, celui qui a réussi à cultiver l’edelweiss devrait voir tous ses souhaits se réaliser.

Synonymes : Gnaphalium alpinum Linneo (1753) ; Antennaria leontopodium (L.) Gaertn ; Gnaphalium leontopodium L. ; Gnaphalium nivale Ten. (sinonimo della subsp. Nivale ) ; Filago leontopodium L. ; Leontopodium umbellatum Bluff & Fingerh. (1825); Leontopodium alpinum Cass. 1882.

 

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