Lepidium draba

Famille : Brassicaceae


Texte © Prof. Pietro Pavone

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Lepidium draba

Lepidium draba est une espèce dont l’aire s’étend de l’Europe au Nord et à l’Est de la Chine et du Nord de l’Afrique à la péninsule arabique © Giuseppe Mazza

Lepidium draba L. est une espèce dont l’aire de répartition s’étend de l’Europe au Nord et à l’Est de la Chine et du Nord de l’Afrique à la péninsule arabique. À cause des activités humaines elle est aujourd’hui naturalisée dans de nombreuses parties du monde. Elle fait partie de la tribu Lepidieae, famille des Brassicaceae, et est connue communément sous les noms de passerage drave, de pain blanc et de brocoli sauvage.

Sa vaste diffusion actuelle exprime sa capacité d’adaptation et son aptitude à croître et à se reproduire dans diverses conditions d’environnement, depuis les régions côtières jusqu’aux zones montagneuses. Sur les hauts-plateaux de l’Asie elle parvient à une altitude de 4.200 m, de 1.520 m dans les Alpes, de 1.600 m en Iran et en Jordanie, de 1.700 à 2.400 m sur le haut-plateau de El-Bahah (Arabie Saoudite). Elle est particulière aux lieux ouverts mais peut tolérer un ombrage modéré. Elle préfère les terrains secs, riches en nutriments, sableux ou graveleux, parfois argileux mais ne supporte pas l’eau stagnante.

Dans les zones où elle a été introduite (par exemple la Grande-Bretagne, le Canada, les États-Unis, l’Afrique du Sud et l’Australie) elle est devenue une plante invasive dans les terres arables et les pâturages. Elle est également présente dans les friches, les bords des fossés, les talus des voies ferrées et le long des bords de route. Les techniques agricoles, comme le labourage, peuvent favoriser sa diffusion.

Lepidium draba

Il est naturalisé dans une grande partie du monde, car il s’adapte à tous les climats, du niveau de la mer à 1.520 m dans les Alpes et 4.200 m sur les hauts-plateaux de l’Asie © Giuseppe Mazza

En Grande-Bretagne elle a été introduite aux environs de 1802 au port de Swansea, sans doute comme lest pour les navires. En 1840 elle est arrivée dans la zone située près de Newhaven avec des grains de blé d’importation. En 1887 elle était présente dans différentes parties du Sud de la Grande-Bretagne, dans les comtés de l’Est et au Pays de Galles. En Amérique du Nord cette plante a probablement été introduite par des colons européens avec des graines d’herbe médicinale ou le lest des navires. Au Canada elle a été signalée en 1878 et aux États-Unis à Long Island (New-York) en 1862.

Le nom du genre vient du grec “lepidion”, diminutif de “lepis” qui veut dire squame, écaille, en raison de ses silicules qui ressemblent à de petites écailles. L’épithète de l’espèce vient du grec “drabe” et est le nom que Dioscoride attribua à cette plante bien que Linné l’ait peut-être emprunté au grec “dravi” qui veut dire âpre, piquant, par allusion à la saveur de ses graines.

Lepidium draba est une plante herbacée pérenne, glabre ou ayant des poils simples, haute jusqu’à 60 à 80 cm, dotée de racines rhizomateuses de couleur marron tant verticales (elles descendent jusqu’à une profondeur de 75 à 80 cm) qu’horizontales d’où se forment les rosettes de feuilles.

Lepidium draba

L’inflorescence est un racème ressemblant à un corymbe plat. Les fruits sont des silicules de 3 à 4 mm, glabres et recouvertes de petites écailles bilobées en forme de cœur retourné. Une plante adulte produit 1200-4800 graines © Giuseppe Mazza

Celles-ci ont une forme variable, de spatulée à nettement obovée et parfois lyrée-lobée.

Elles sont longues de 4 à 10 cm et larges de 1 à 4 cm, habituellement pétiolées et ont un bord entier ou denté.

Les tiges se dressent depuis le centre de la rosette. Elles ont subglabres ou gris pubescentes, simples et ramifiées en partie haute.

Les feuilles du haut, velues ou glabres, sont lancéolées et ont un bord peu denté. Elles sont longues de 1 à 5 cm (8 au maximum) et larges de 1 à 3 cm, alternes, sessiles, semi-amplexicaules et ont une base bi-auriculée.

L’inflorescence est un racème qui ressemble à un corymbe plat et qui a des fleurs portées par des pédicelles longs de 2 à 10 mm plus ou moins visibles lors de la fructification.

Les fleurs sont hermaphrodites, actinomorphes, et ont quatre pétales blancs spatulés, griffus, longs de 3 à 5 mm et des sépales dont la longueur est égale à la moitié de celle des pétales (1,5 à 2,5 mm), glabres, caducs, de couleur verte parfois avec un bord blanchâtre. L’androcée est formé de six étamines tétradynames dotées de filaments de 2 à 3 mm et d’anthères ovées de 0,4 à 0,5 mm. L’ovaire est constitué de 2 carpelles soudés. Le style est long de 0,7 à 1,5 mm.

Les fruits sont des silicules de 3 à 4 mm, glabres, recouvertes de petites écailles, bilobées en forme de coeur retourné (obcordées), angustiseptées du fait du “replum” (faux septum) qui est perpendiculaire à la partie la plus large. La pollinisation est entomogame (effectuée par des insectes) mais parfois autogame. Cette plante fleurit en général de mai à juillet et produit des fruits un ou deux mois après mais, dans des conditions climatiques favorables, elle peut aussi produire des graines en automne.

Les graines, en général au nombre de deux (une par loge) dans chaque fruit mesurent 1,5 à 2 x 1 à 1,2 mm. Elles sont extérieurement marron rougeâtres ou marron foncé et ont une dépression longitudinale. Les cotylédons sont incombants. Le nombre chromosomique de base est x = 8 avec des gamétophytes qui ont n = 16 et n = 32 et des sporophytes avec 2n = 62 et 2n = 64. Les individus répandus en Europe sont octoploïdes alors qu’ils sont hexaploïdes et décaploïdes dans l’Ouest de l’Asie.

On estime qu’une plante adulte peut produire de 1.200 à 4. 800 graines. Leur dispersion est anémochore, c’est-à-dire opérée par le vent. Les graines peuvent rester en vie dans le sol pendant environ 2 à 3 ans.

Cette espèce peut se reproduire par voie végétative à partir de fragments des racines. En effet les pousses peuvent se former à partir des racines situées près du sol et donner naissance aux rosettes alors que les racines profondes peuvent en produire de nouvelles qui montent vers la surface.

Lepidium draba est une plante agressive qui en fait peut former des monocultures compactes.

Lepidium draba

Il est ainsi devenu une plante invasive, allélopathique envers les espèces qui l’entourent et difficile à arracher © Mauricio Mercadante

En Europe elle envahit les cultures de maïs, de céréales, de pommes de terre, de betteraves à sucre, de tournesols, de tabac, de légumes et de vignes. Dans l’ex-Union soviétique c’est une des principales plantes invasives de l’orge. En Australie on la retrouve dans les champs de céréales et en Jordanie, en Espagne et en Suisse dans les vergers. En Iran on la trouve dans les cultures de betteraves à sucre et dans le Sud de l’Afrique et aux États-Unis dans les pâturages.

Il a été démontré qu’une seule plante peut s’étendre en une année sur une surface de 3,6 m2. La plus grande partie de la biomasse, soit 76 % environ, se trouve sous terre. Les racines rampantes qui s’enfoncent profondément en rendent l’arrachage difficile.

Lepidium draba est une plante difficile à contrôler avec les techniques agricoles normales et survit

même au paillage et au traitement du sol avec les machines agricoles qui, en cassant les racines,  favorisent sa reproduction végétative.

En Grande-Bretagne on procède à des coupes régulières et fréquentes des parties aériennes ce qui évite la production de graines et réduit en même temps les réserves dans les racines. Au Canada on a également recours à cette méthode de contrôle. Le labourage profond sur au moins 40 cm puis la mise du sol au repos (la jachère) peuvent être efficaces.

Cette plante envahit aussi les milieux naturels ce qui représente une sérieuse menace pour les espèces autochtones et les écosystèmes dont la biodiversité s’appauvrit. La faune sauvage est aussi impactée négativement par la présence de cette plante.

Dans la médecine traditionnelle Lepidium draba était utilisée pour traiter une vaste gamme de troubles comme anti-inflammatoire, anti-tumoral, antimicrobien, antioxydant et hypoglycémiant. Les graines et les feuilles étaient employées en infusion comme expectorant, purgatif et hypoglycémiant (réduction du taux de glucose dans le sang). Au fil des ans son usage s’est réduit car elle a été considérée comme n’ayant qu’une efficacité limitée. Récemment des études ont été réalisées sur le contenu des parties aériennes et on a découvert des alcaloïdes, des saponines, des flavonoïdes, des terpénoïdes, des tannins, des triterpénoïdes et des leucoanthocyanes.

Il existe d’autre part dans les pousses et les graines des glucosinolates allélopathiques que la plante utilise pour empêcher la croissance des autres plantes voisines. Dans un bureau de recherche des substances antimicrobiennes on a observé que les extraits de parties aériennes de Lepidium draba avaient un effet cytotoxique et qu’elles interféraient avec le métabolisme des acides nucléiques des bactéries.

Lepidium draba

Utilisée depuis toujours dans la médecine populaire il présente par ailleurs des propriétés médicinales prometteuses et trouve aussi en Espagne des utilisations culinaires © Giuseppe Mazza

Il a été prouvé en effet que cette plante a des effets antibactériens sur Staphylococcus aureus et Bacillus subtilis (Gram-positifs) et sur Pseudomonas aeruginosa et Escherichia coli (Gram-négatifs).

En Espagne Lepidium draba est considérée comme étant une espèce sauvage comestible et à haute valeur nutritive. Les feuilles jeunes et les pousses sont utilisées crues en salade alors que les feuilles adultes sont cuites comme herbes aromatiques. La graine est utilisée dans les condiments comme substitut du poivre.

Lepidium draba se prête à une utilisation comme plante d’ornement en particulier dans les jardins.

Synonymes : Cardaria brachypetala Opiz, Cardaria cochlearia Spach, Cardaria draba (L.) Desv., Cardaria draba subsp. draba (L.) Desv., Cochlearia draba (L.) L., Draba ruderalis Baumg., Lepidium arvense Mill., Lepidium diversifolium Freyn & Sint., Lepidium draba subsp. draba L., Lepidium drabifolium St-Lag., Lepidium matritense Pau, Nasturtium draba (L.) Crantz.

 

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