Lucanus cervus

Famille : Lucanidae


Texte © Dr. Luca Bartolozzi

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Lucanus cervus, Cerf-volant

“Espèce porte-drapeau” pour la surveillance du milieu Lucanus cervus est le plus grand coléoptère d’Europe © Margriet Louwen

Le Cerf-volant, Lucanus cervus (Linnaeus, 1758), aussi connu sous le nom populaire de lucane cerf-volant pour le mâle et de grande biche pour la femelle, est le plus grand coléoptère d’Europe. Il appartient à la famille des Lucanidés (Lucanidae). Son nom scientifique veut dire très probablement “habitant des bois” (du latin “lucus” = bois), alors que le nom de l’espèce cervus fait référence aux mandibules très développées des mâles qui rappellent les bois ramifiés d’un cerf.

Le Lucanus cervus est une des espèces dites “espèces porte-drapeau” (“flagship species”) pour la protection du milieu au niveau européen et elle a de ce fait été inscrite dans l’Annexe II de la Directive Habitats (Directive 94/43/EEC du 21 mai 1992) qui a trait à la conservation du milieu naturel et des espèces sauvages de la flore et de la faune. Diverses lois régionales protègent également le cerf-volant en Italie, en France (quelques régions), en Grande-Bretagne, en Espagne et en Wallonie en Belgique.

Lucanus cervus, Cerf-volant

Un mâle venant d’atterrir. Il est plus rare de voir les femelles en vol car en général elles se déplacent en marchant sur le sol © Pierre Bornand

Zoogéographie

La famille Lucanidae compte plus de 1700 espèces dans le monde. Le genre Lucanus comprend plus de 120 espèces dans l’hémisphère boréal, de l’Amérique du Nord à la Chine, et dans le Sud-Est asiatique. Le centre de diffusion de cette famille est précisément le Sud-Est asiatique où se trouvent le plus grand nombre d’espèces.

En Europe, il ne vit qu’un nombre assez limité d’espèces de lucanidés (une quinzaine) dont la plus connue et la plus répandue est sans aucun doute le Lucanus cervus.

Lucanus cervus, Cerf-volant

Il y a un net dimorphisme sexuel : les mandibules remarquables en forme de bois de cerf n’existent que chez les mâles. Les individus les plus grands atteignent 9 cm de long © Giuseppe Mazza

Dans le Sud de la France, on peut aussi rencontrer deux autres espèces appartenant à ce genre : le Lucanus tetraodon provincialis et le Lucanus pontbrianti. Cette dernière a déjà été décrite par Musant en 1839, mais sa légitimité n’a été reconnue et confirmée que ces dernières années.

Le cerf-volant vit dans les bois de feuillus, celles de plaine surtout, et jusqu’à des altitudes moyennes. Il préfère les bois bien formés de chênes, de châtaigniers et de hêtres.

Lucanus cervus, Cerf-volant

Les dimensions, très variables, dépendent du développement de la larve lié aux ressources alimentaires, à l’humidité et à la température du sol © Horst Beutler

Morphophysiologie

Une des caractéristiques les plus marquantes du cerf-volant ( et d’autres lucanidés) est le dimorphisme sexuel, c’est-à-dire la nette différence d’aspect morphologique entre mâles et femelles. En effet les grandes mandibules caractéristiques n’existent que chez les individus de sexe mâle alors que les femelles ont des mandibules petites et pointues. Les mâles, d’autre part, sont plus grands et ont des pattes plus longues et plus minces ainsi qu’une tête beaucoup plus grosse étant donné qu’elle doit contenir les gros muscles des mandibules.

Une autre particularité du cerf-volant est la grande variabilité de taille entre les individus d’une même population.

Lucanus cervus, Cerf-volant

Les femelles, au contraire, ont des mandibules petites et pointues au point de faire mal si on les saisit sans précaution © Claude Galand

Il peut y avoir des mâles qui atteignent jusqu’à 9 cm de long et d’autres qui, au contraire, ne dépassent pas 4 à 5 cm. De même les mandibules sont beaucoup plus réduites chez les petits individus par rapport aux grands mâles. Cela est dû au développement différent de la larve en fonction des ressources alimentaires, de l’humidité et de la température.

La conformation des antennes est une autre particularité spéciale à cette famille. Chez les lucanidés elles sont constituées d’un premier article très long suivis d’autres articles courts et se terminent par un “peigne” en général de 3 à 4 articles plus ou moins lamellés. À la différence des autres Scarabaeoidea, ces articles ne sont cependant pas mobiles ni repliables l’un sur l’autre mais sont fixes.

Lucanus cervus, Cerf-volant

Les grandes cornes des mâles n’ont pas été conçues pour blesser comme on pourrait le croire mais pour agripper et faire tomber des branches les rivaux en amour. Une fois le terrain libéré, des prétendants elles servent, repliées au point de toucher la branche devant la tête de la femelle, à l’immobiliser pendant toute la durée de l’accouplement © Heinz Rothacher

Éthologie-Biologie reproductive

Les adultes du Lucanus cervus ont une vie brève. On les observe en été, normalement entre juin et août.

Étant donné les grandes dimensions des mâles, leur vol ne passe pas inaperçu. En général, on peut les voir au crépuscule.

Les femelles sont plus difficiles à observer car, en général, elles se déplacent en marchant sur le sol et volent rarement.

Lucanus cervus, Cerf-volant

Les grands mâles ne sont toutefois pas toujours les favoris. Pendant qu’ils luttent les petits les battent à la dérobée en se dépêchant de rejoindre les femelles les premiers © Heinz Rothacher

Les mandibules très développées des mâles leur servent surtout à se battre entre eux afin de pouvoir s’accoupler avec la femelle.

Les mâles cherchent à agripper leurs rivaux pour les faire tomber du tronc ou de la branche où ils se trouvent. Les mâles les plus gros et les plus forts sont bien entendu favoris lors des combats, mais les plus petits s’efforcent de tirer parti de leur plus grande agilité et de leur plus grande rapidité pour rejoindre les femelles les premiers.

Lucanus cervus, Cerf-volant

Après l’accouplement, la femelle creuse le sol près de l’arbre choisi jusqu’à une profondeur de 70 à 100 cm et pond ses œufs à côté des racines de la plante. Ici une larve aux mandibules voraces à l’œuvre © Philippe Garcelon

Les grandes mandibules servent aussi à immobiliser la femelle pendant l’accouplement.

Après l’accouplement, la femelle creuse le sol près de l’arbre qu’elle a choisi jusqu’à 70 à 100 cm de profondeur et pond ses œufs à proximité des racines de la plante.

Les larves des lucanidés sont de type oligopode et mélolonthoïde. Elles vivent dans le bois en décomposition et dans la terre et grandissent en 2 à 3 ans. Un caractère qui permet de distinguer immédiatement une larve de lucanidé de celle d’un scarabéidé est la disposition de la fente anale : chez les lucanidés elle est disposée verticalement alors que chez les scarabéidés elle est placée horizontalement par rapport à l’axe du corps.

La nymphose a lieu dans le sol à proximité de la souche ou du tronc où la larve s’est développée. La larve se construit un “cocon” de terreau et de gravier à une profondeur qui varie de 15 à 50 cm et c’est là que se produit la métamorphose.

Les cerfs-volants adultes sont souvent la proie de divers oiseaux comme, par exemple, les corneilles et les geais, et aussi de mammifères tels que les renards et les mustélidés. Les larves, quant à elles, peuvent être dévorées par les sangliers quand ils creusent le sol à la base des arbres.

 

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