Motacilla cinerea

Famille : Motacillidae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

L’aire de répartition de la Motacilla cinerea est très vaste: en pratique elle comprend toute l’Europe et l’Asie septentrionale avec des quartiers d’hiver en Afrique et en Inde © Luigi Sebastiani

La Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea Tunstall, 1771) appartient à l’ordre Passeriformes et à la famille Motacillidae. C’est pratiquement la copie en jaune de la Bergeronnette grise (Motacilla alba).

En Italie on la nomme Ballerina gialla (danseuse jaune) mais il aurait été plus juste de la nommer Ballerina grigia (danseuse grise) comme l’ont fait avec justesse les anglais, assez bons connaisseurs en avifaune, l’appelant Grey Wagtail et garder l’adjectif jaune pour la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) qui montre une belle couleur jaune et que les anglais, toujours eux, appellent Yellow Wagtail.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

Elle est particulièrement liée à l’eau : fontaines, ruisseaux mais aussi torrents avec des cailloux et des roches affleurant à la surface © Antino Cervigni

De plus son nom scientifique montre que ce choix aurait été plus en phase avec l’étymologie des deux noms.

Le nom de genre Motacilla a une origine assez fantaisiste, typique d’une autre époque. Certains le ferait dériver du latin “motare” = agiter et “cilla” une invention linguistique médiévale pour indiquer la queue alors que pour les interprètes plus classiques ce nom dériverait du mot grec “muttex”, un mot utilisé par Hésychios d’Alexandrie pour indiquer des petits oiseaux inféodés à l’eau. D’autres encore y verraient une origine venant d’anciens dialectes italiens et le feraient dériver de “mota” = boue, le déclinant dans la forme diminutive.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

Mâle en livrée nuptiale montrant sa typique bavette noire qui disparaît presque lorsqu’il revêt sa modeste livrée hivernale © Luigi Sebastiani

Le nom d’espèce cinerea vient du latin “cinis, cinereus” = cendre ou gris, pour preuve de ce que nous avons souligné plus haut et confirmant la couleur du manteau de ce sympathique petit oiseau.

La Bergeronnette des ruisseaux est la compagne habituelle des randonneurs de montagne, des bergers des refuges alpins et des vieux moulins avec de l’eau courante. Il n’y a pas de cours d’eau, de ruisseau ou même de petit filet d’eau gargouillant et caillouteux descendant en cascade d’une colline qui ne voit la présence de cet insaisissable petit oiseau. Sautillant sans cesse sur les pierres affleurant dans le gargouillement de l’eau, la voilà qui s’envole à l’improviste à quelques pas du promeneur, émettant son typique “zizzìp zizzìp” pour aller se poser à quelques mètres sur un autre rocher.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

La femelle présente des tons moins vifs. Pas de bavette blanche, tout au plus en été montre-t-elle une série de petites taches sombres. Chez les adultes qui ne nichent pas la gorge est blanche alors que chez les jeunes la livrée entière est grisâtre et ne montre presque pas de jaune sauf au bas-ventre. La livrée hivernale est plus terne © Ghignone

Parfois, elle franchit une distance plus longue de son vol ondulé si particulier et léger, une véritable danseuse des airs, même si elle montre également cette légèreté quand elle est à terre.

La Bergeronnette des ruisseaux est un oiseau qui vit à terre en permanence, sans cesse à la recherche d’insectes, marchant avec élégance et légèreté, avec des mouvements rapides et sensuels, de rapides petits sauts et de brèves courses, frétillant sans arrêt de cette queue longue et disproportionnée, si fine et légère qu’on dirait un appendice postiche plutôt qu’un prolongement naturel de son corps, offert par la nature.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

Femelle dans la boue. La Bergeronnette des ruisseaux vit à terre en permanence, marchant sans cesse avec élégance à la recherche de nourriture © Alain Ghignone

Sa queue est si longue qu’aux îles Canaries on l’a surnommée affectueusement “veleta” = girouette, tant elle l’agite continuellement. Il est vrai aussi que les italiens en lui donnant le nom de “ballerina” ont voulu pointer l’une de ses principales caractéristiques comportementales.

Dans les autres langues européennes on a plutôt fait référence aux milieux qu’elle fréquente ou au coloris de sa livrée pour la nommer. Elle est nommée Lavandera Cascadeña in spagnolo, Ballerina gialla en italien, Gebirgsstelze en allemand, Alvéola-cinzenta en portugais et Grey Wagtail en anglais.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

La queue, avec les rectrices centrales noires et les externes blanches est très mobile. Elle dépasse souvent la taille du corps, mesurant plus de 10 cm © Antino Cervigni

Zoogéographie

L’aire de répartition de la Bergeronnette des ruisseaux est immense et couvre presque totalement l’Asie et l’Europe. Au Nord elle atteint des latitudes moyennement hautes occupant partiellement la partie la plus septentrionale de notre continent et parallèlement, passant par la Sibérie, elle arrive jusqu’aux côtes d’Extrême-Orient. Étrangement, elle est absente de la Russie d’Europe mais on en retrouve des populations, de façon continue et constante, des monts Oural jusqu’aux côtes du Pacifique. Au Sud, elle occupe l’aire méditerranéenne européenne avec pour limite la partie orientale de la péninsule des Balkans pour ensuite reprendre avec régularité dans les plaines de la mer Caspienne, l’Anatolie jusqu’à l’Iran et passant au nord de l’Himalaya, jusqu’à la Mongolie et le nord de la Chine. Elle est également présente au Maroc et dans les îles de la Macronésie.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

Le nid est un amas d’herbes sèches, de tiges et de mousses, souvent placé entre les roches situées le long des cours d’eau. La femelle y pond 4-6 œufs, couvés par les deux parents pendant 12-14 jours © Museo Civico di Lentate sul Seveso

Parmi les populations installées le plus au nord beaucoup sont migratrices régulières et durant l’hiver elles abandonnent les aires de nidification pour des territoires situés plus au sud sur le même continent ou pour des lieux plus lointains, à des milliers de kilomètres de distance. C’est le cas des populations du nord et du centre de l’Asie qui hivernent dans les aires tropicales de la Vallée du Rift, dans la péninsule indienne et indochinoise ainsi que dans toute l’Indonésie.

Les populations européennes sont habituellement résidentes même si les plus septentrionales, sous des conditions météorologiques particulières, sont sujettes à des déplacements pouvant être assez importants, à la recherche de climats plus doux.

Toutefois, même celles considérées sédentaires et fidèles à leur territoire, sont sujettes à de brefs mouvements verticaux qui les voient descendre de leurs territoires des montagnes, où les températures et l’enneigement deviennent intolérables pour leur type d’alimentation, et rejoindre les plaines situées plus bas. Sa présence coutumière dans la bande des résurgences des piémonts propre aux chaînes européennes où l’eau jaillit et coule à une température plus clémente en est un bon exemple.

Ecologie et Habitat

Le milieu de prédilection de la Bergeronnette des ruisseaux est la montagne, avec de grands prés d’herbe basse avec peu de buissons, parsemés de roches affleurantes et parcourus par une infinité de petits ruisseaux. Les torrents avec des blocs de pierre et des galets, pourvus de nombreux lieux adaptés à la nidification sont eux aussi très appréciés.

Un habitat partagé avec deux espèces d’oiseaux qui lui tiennent immanquablement compagnie durant la belle saison: le Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes) et le Cincle plongeur (Cinclus cinclus).

La Bergeronnette grise (Motacilla alba) peut elle aussi occuper ces mêmes milieux mais celle-ci est cantonnée à la partie des cours d’eau proche de la plaine alors que la Bergeronnette des ruisseaux est purement montagnarde. Elle atteint les 2 000 m d’altitude dans les Alpes, hauteur pouvant doubler dans les chaines asiatiques.

La Bergeronnette des ruisseaux était à une époque également très répandue dans les plaines mais désormais elle est reléguée principalement dans de vieux bâtiments de pierre en bordure de fossés, de vieux moulins, sous des ponts et des passerelles de pierre recouvertes de mousses et de fougères, des levées pour contenir les cours d’eau et des murets en pierre, habitats disparus petit à petit de nos campagnes à cause des changements dans les méthodes de culture ou des réfections effectuées sur ces constructions.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

La Bergeronnette des ruisseaux est purement insectivore mais occasionnellement, surtout l’hiver, elle mange aussi des petites graines et des pousses d’herbes © Colombo

En Italie l’espèce est considérée sédentaire avec une superposition hivernale des flux migratoires provenant des aires septentrionales.

Morpho-physiologie

La Bergeronnette des ruisseaux peut facilement être confondue avec la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) même si en principe leurs habitats ne sont pas les mêmes pas plus que les périodes où les aires sont susceptibles de connaître une superposition. La Bergeronnette printanière est une infatigable migratrice à longue distance et ne nous revient que l’été alors que la Bergeronnette des ruisseaux est essentiellement résidente et sédentaire.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

Elle aime attraper les insectes au vol mais, vu son milieu, elle se nourrit surtout de larves d’arthropodes aquatiques. Occasionnellement, surtout en hiver, elle mange des petites graines ou des pousses d’herbes © Gianfranco Colombo

Comme dit plus haut au sujet de la couleur de la livrée, la Bergeronnette printanière présente une coloration plus vive et plus visible par rapport à la Bergeronnette des ruisseaux. Leurs caractères aussi diffèrent : la Bergeronnette des ruisseaux est beaucoup plus timorée et maussade alors que la Bergeronnette printanière n’a aucune crainte à se montrer au grand jour même à peu de distance de l’homme.

Cependant, la Bergeronnette des ruisseaux montre un coloris remarquable avec une teinte vibrante ce qui la place parmi les oiseaux les plus colorés de notre continent.

Toute la partie inférieure ventrale jusqu’au bas-ventre est complètement jaune paille, tendant parfois vers une nuance citron plus claire, avec une tache triangulaire évidente mais peu étendue noir corbeau unie placée sous la gorge comme une petite bavette.

Les joues sont grisâtres et délimitées par deux lignes blanches dont la plus basse (moustache) délimite la bavette et la plus haute forme un sourcil très apparent. Le dos et le croupion sont eux aussi grisâtres alors que la couverture alaire est plus noirâtre et barrée de blanc par les vexilles extérieurs.

Chez la femelle la bavette noire est remplacée par une série de petites taches noires alignées qui forment de courtes lignes verticales. Chez les adultes qui ne nichent pas, la gorge est blanche et chez les juvéniles toute la livrée est grisâtre et ne montre pratiquement pas de jaune sauf sous la queue. Les couleurs de la livrée hivernale sont nettement plus ternes, la bavette disparaît presque totalement, le jaune vif de la partie inférieure du corps et le gris uni des couvertures se ternissent également. La queue, très longue, mince et mobile, montre des rectrices centrales noires alors que celles de l’extérieur sont blanches formant une barre alaire très visible lorsqu’elle s’envole.

La queue de la Bergeronnette des ruisseaux est sûrement l’une des queues les plus longues chez les motacillidés et chez les adultes elle dépasse souvent les 10 cm pour une longueur totale en moyenne inférieure à 20 cm. Elle pèse entre 15 et 20 g et son envergure est de 28 cm.

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

Ici, la tête complètement immergée, elle cherche sur le fond des escargots et des petits vers © Gianfranco Colombo

Bien que la bergeronnette des ruisseaux soit une espèce polytypique avec une aire de répartition très vaste, peu de sous-espèces ont été classifiées parmi lesquelles les plus particulières ne sont que des populations isolées, reculées et sans aucun contact entre elles.

Motacilla cinerea cinerea qui est la sous-espèce nominale et qui occupe tout le territoire des trois continents intéressés, Motacilla cinerea patriciae endémique des Açores et Motacilla cinerea schmitzi endémique de Madère.

Éthologie-Biologie reproductive

Motacilla cinerea, Motacillidae, Ballerina gialla

Motacilla cinerea schmitzi, endémique de Madère a une bavette tachetée © Gianfranco Colombo

La Bergeronnette des ruisseaux est inféodée à l’eau et elle ne s’en éloigne jamais surtout pendant la période de nidification.

Elle recherche généralement le refuge qui lui conviendra proche d’un cours d’eau, une anfractuosité dans une roche même placée au beau milieu du cours d’eau, sous un pont au-dessus d’un ruisseau, dans une brèche d’un vieux bâtiment au bord d’un fossé ou même dans le mécanisme rouillé des pales de la roue d’un vieux moulin ou encore derrière la cascade d’un torrent mais toujours, quel que soit le lieu où elle s’installe, près de l’eau.

Le nid est un amas d’herbes sèches, de tiges et de mousses et parfois de feuilles sèches, bâti par les deux partenaires dans lequel sont pondus de 4 à 6 œufs blanchâtres finement et légèrement tachés de brun. L’incubation dure environ de 12 à 14 jours et est effectuée par les deux parents.

Deux couvées peuvent avoir lieu et parfois même trois dans des habitats d’altitudes plus basses. Les petits naissent nus et aveugles et restent au nid pendant deux semaines avant l’envol. Ils dépendent encore de leurs parents pendant quelques jours. Ceux-ci s’en occupent et les protègent des éventuels dangers mais les petits prennent rapidement leur indépendance pour mener une vie autonome.

La Bergeronnette des ruisseaux est strictement insectivore mais occasionnellement, surtout en hiver, elle mange des petites graines ou des pousses d’herbes. Elle apprécie beaucoup les insectes ailés et on la voit souvent faire de rapides et très brefs vols avec des lignes brisées sans but précis juste pour attraper quelque moucheron passant à proximité. Il est naturel que vivant dans un milieu aquatique elle se nourrisse de larves d’insectes aquatiques, de trichoptères et d’éphémères mais elle apprécie également les escargots et les vers qu’elle capture de la surface en se penchant directement des galets du cours d’eau où elle est posée et, souvent, en immergeant sa tête dans le cours d’eau.

 

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