Muscicapa striata

Famille : Muscicapidae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Muscicapa striata, Muscicapidae, Gobemouche gris

Discret, silencieux, quasi invisible, l’eurasiatique Gobemouche gris (Muscicapa striata) est un grand migrateur qui hiverne en Afrique ou dans le sous-continent indien © Gianfranco Colombo

Le Gobemouche gris (Muscicapa striata Pallas, 1764) est un aimable petit oiseau qui appartient à l’ordre Passeriformes et à la famille Muscicapidae. C’est peut-être un oiseau plus connu pour son nom symbolique et folklorique que pour ses caractéristiques morphologiques. Dès que l’on évoque son nom, on pense à ces gobemouches exotiques des terres lointaines, imaginant volontiers des formes et des couleurs prestigieuses, bien que ne les ayant jamais vus ni rencontrés.

A l’inverse de ce que nous laisse penser notre imagination cet oiseau peut morphologiquement être considéré comme l’un des plus insignifiants qui soient, puisqu’il ne présente aucune caractéristique physique particulière ni même des couleurs permettant de le reconnaître parmi les nombreux oiseaux présents dans notre ciel.

Muscicapa striata, Muscicapidae, Gobemouche gris

Le voici : 14 cm et seulement 15-20 g. Une livrée insignifiante pourtant portée avec élégance © Gianfranco Colombo

Si l’on cherchait à donner au Gobemouche gris un qualificatif l’identifiant avec certitude et décrivant en un seul mot ses caractéristiques spécifiques, celui-ci serait assez facile à trouver, ce serait discret.

Il n’existe aucun autre oiseau réservé et circonspect comme l’est le Gobemouche gris.

Bien qu’il se tienne très souvent à proximité, qu’il soit assez commun et anthropisé, on ne s’aperçoit même pas qu’il niche dans notre jardin, à quelques pas de notre maison, tant est grande la réserve et la discrétion de cette petite créature.

Tout au plus remarque-t ’on, parfois, le mouvement rapide, la lueur fugace et incolore de ce qui pourrait être un petit oiseau aussitôt soustrait à notre vue, puisqu’à l’improviste, après quelques mètres il s’arrête, se posant immobile comme une statue et se confondant avec le milieu environnant.

Puis un jour, arrosant les fleurs sur le balcon ou étendant le linge ou bien encore relevant le compteur d’électricité à l’extérieur, voici que l’on découvre un nid avec des oisillons qui ouvrent grand leurs becs affamés, jaune citron, comme s’ils voulaient se venger de cette découverte impromptue.

En fait, il faut dire que les pots de fleurs, le panier à épingles à linge et les niches que représentent les boîtes des compteurs extérieurs comptent parmi ses lieux de prédilection pour bâtir son nid.

Et ce n’est pas tout ! Quand il couve sa discrétion est telle qu’elle va jusqu’à rendre sa présence encore plus indécelable et devient vraiment agaçante.

Si la couvée est dans la phase initiale, le voici qui, à peine averti de notre présence, même de loin, abandonne le nid en plongeant verticalement vers le sol, comme s’il n’était qu’une feuille tombée d’un arbre puis, volant à ras de terre, s’évanouit dans la nature. Au contraire lors des phases finales de la couvée, son immobilité, favorisée par son absence totale de couleur remarquable, lui permet de rester tapi sur son nid même à une distance étonnamment proche sans montrer la moindre crainte.

C’est également un oiseau silencieux et il ne chante que rarement, émettant alors son typique « uitt cek cek » d’alarme, rapide et sourd, quand il a des petits au nid ou venant à peine de s’envoler.

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C’est un insectivore, comme le suggèrent sans aucune équivoque tous ses noms vulgaires © Museo Civico di Lentate sul Seveso

Son mode de chasse est très caractéristique et le distingue de tout autre oiseau présent sur nos territoires. Perché sur une petite branche d’affût bien exposée, en position quasi verticale, il observe attentivement le ciel, montrant une agitation qui le fait remuer rapidement en de brusques secousses ses ailes et sa queue, toujours prêt à prendre son envol vers le haut dès que passe un insecte en vol. D’un mouvement très vif, en un vol de quelques mètres, le voilà qui attrape infailliblement l’infortuné insecte puis retourne aussi vivement à son point d’affût. Une action qui passe pratiquement inaperçue, uniquement signalée par le bruit occasionné par le claquement soudain de son bec.

L’étymologie du nom scientifique voit le nom de genre Muscicapa dériver de la fusion de deux termes latins « musca » = mouche et « capere » = attraper, alors que le nom d’espèce striata vient des légères raies qu’il montre sur la gorge et la poitrine.

Comme il n’arrive que rarement chez les ornithologues attentifs que sont les britanniques, en anglais, on a donné à cet oiseau un nom vulgaire erroné, le nommant Spotted Flycatcher plutôt que Striped Flycatcher, suggérant sur la livrée la présence de pois plutôt que de légères rayures. Souvent dans les guides d’identification des oiseaux, on peut voir au sujet de cette espèce un sympathique avertissement invitant à ne pas chercher un oiseau avec des taches rondes sur la livrée car on n’en trouvera pas !

En Europe il est appelé Pigliamosche en italien, Papamoscas gris en espagnol, Papa-moscas-cinzento en portugais, Grauschnäpper en allemand et Spotted Flycatcher en anglais.

Zoogéographie

Le Gobemouche gris est un migrateur à longue distance qui rejoint les aires estivales avec du retard sur les flux migratoires du printemps puisqu’il n’arrive sur les sites de reproduction qu’au début du mois de mai et dès le mois d’août il repart vers ses quartiers d’hiver.

L’aire de nidification du Gobemouche gris est très vaste et comprend toute l’Europe à l’exception de l’Islande, l’Asie jusqu’à la Mongolie et, vers le Sud, s’étend jusqu’à toucher l’Afghanistan, le Pakistan, l’Iran et le Moyen-Orient. Il est absent de la péninsule arabique et des régions au sud de la chaîne himalayenne. En Afrique on le rencontre au Maroc, en Algérie et en Tunisie dans les territoires proches des côtes méditerranéennes. En Italie il niche régulièrement sur tout le territoire, îles comprises. On compte une population européenne totale d’environ 7 millions de couples.

Les populations européennes et une grande partie de celles de l’ouest de l’Asie hivernent dans l’aire subsaharienne jusqu’à atteindre l’Afrique du Sud alors que celles d’Asie centrale hivernent dans le sous-continent indien.

Muscicapa striata, Muscicapidae, Gobemouche gris

Chasseur infatigable, le Gobemouche gris attrape principalement des insectes volants comme des diptères, des hyménoptères et des lépidoptères mais aussi des petites chenilles, se lançant de son perchoir, quasi invisible, en un mouvement brusque et soudain. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel © Museo Civico di Lentate sul Seveso

Ecologie-Habitat

Le Gobemouche gris occupe n’importe quel milieu arboré même densément, entouré de larges espaces libres où il peut pratiquer son activité favorite de laquelle il tire son nom. Il est commun dans les parcs des villes, les petits jardins, les vergers. On le rencontre aussi dans les rangées d’arbres qui jalonnent les campagnes cultivées et dans les élevages, en pratique dans tous les lieux où des insectes sont présents.

Comme dit plus haut il ne craint pas l’homme et ce comportement sociable l’a mené à occuper tous les milieux ruraux disponibles.

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Il ne craint pas l’homme et ce comportement sociable l’a mené à occuper tous les milieux ruraux disponibles © Gianfranco Colombo

Il a su rapidement et avec opportunisme mettre à profit la nouvelle mode consistant à installer toujours plus de nichoirs dans les jardins afin d’attirer les habituels petits oiseaux des alentours. Très souvent ces refuges artificiels, s’ils n’ont pas trouvé rapidement preneur sont promptement occupés par le Gobemouche gris.

Morpho-physiologie

Comme déjà dit la livrée du Gobemouche gris est assez insignifiante mais portée avec élégance. La couleur de base est le gris crème s’étendant en une nuance plus claire sur le ventre et une accentuation plus sombre sur le dos et les rémiges. Sur la poitrine sont présentes de légères raies plus foncées mais peu marquées. Elles couvrent irrégulièrement la gorge et les flancs puis laissent brusquement place au gris crème de la partie inférieure du corps.

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Il niche partout, jusque dans certains lieux inimaginables des habitations rurales, comme sur ce petit placard à outils. Le nid contient 4-6 œufs, couvés surtout par la femelle © Gianfranco Colombo

Les rémiges montrent des marges plus claires ce qui dessine un léger dessin alaire. Le bec large mais pointu est grisâtre alors que les pattes sont plus claires et parfois même couleur chair. Les juvéniles montrent sur la poitrine de légers pointillés, ce qui peut être la cause du nom vulgaire anglais qui lui a été attribué.

Il n’y a pas de dimorphisme sexuel.

Le vol est rapide et agité mais léger et élégant avec de fréquentes ondulations lors des longs vols. Sa queue assez longue lui permet d’effectuer durant le vol de brusques et rapides changements de cap agrémentés d’acrobaties palpitantes.

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Les petits, nus et aveugles à la naissance, restent au nid pendant 2-3 semaines, cajolés par les deux parents © Gianfranco Colombo

Son port est aussi très élégant quand il est posé, dans une position altière et royale qui permet de le distinguer facilement de tout autre oiseau. C’est une position caractéristique des oiseaux appartenant à la famille des muscicapidés. Il mesure environ 14 cm, pèse 15/20 g pour une envergure de 25 cm.

Sept sous-espèces ont été déterminées parmi lesquelles quatre appartiennent à l’aire euro-méditerranéenne. Muscicapa striata tyrrhenica endémique de Corse et de Sardaigne, Muscicapa striata balearica des Baléares, Muscicapa striata neumanni des îles de la Mer Egée, du Moyen-Orient et d’Asie continentale et bien sûr le typique Muscicapa striata d’Europe continentale, d’Asie continentale et comprenant aussi les populations africaines.

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En ville le trafic routier est aujourd’hui plus contrôlé … Les proies aussi sont différentes © G. Colombo

Les trois autres sous-espèces sont Muscicapa striata inexpectata, endémique d’Ukraine/Crimée, Muscicapa striata mongola de Mongolie et du territoire sibérien proche du lac Baïkal et Muscicapa striata sarudnyi des républiques d’Asie Centrale et d’Iran.

Éthologie-Biologie reproductive

C’est un oiseau qui présente une nidification brève et un bon succès dans la reproduction même si les lieux choisis pour nicher, parfois exposés, peuvent faire penser le contraire. Les espèces anthropisées sont finalement les mieux protégées de leurs ennemis naturels et jouissent grâce à cette proximité d’une plus grande protection par rapport à celles vivant dans un milieu plus sauvage.

Cet oiseau n’a pas d’endroit bien défini pour nicher et n’importe quel lieu offrant une situation qui lui convient est adopté. On peut en rencontrer un nid aussi bien dans une large crevasse d’un arbre, dans un vieux nid d’hirondelles sous les poutres d’un porche, sur un arbre étêté couvert de ronces ou dans quelque recoin impensable autour de nos maisons. Il apprécie beaucoup les nichoirs, particulièrement quand ils sont munis d’une ouverture en balcon d’où il peut observer son environnement.

Le nid est une petite plateforme pas très bien construite mais confortable, garnie d’herbes sèches et de petites racines, présentant une coupe peu profonde revêtue d’herbes plus fines et rendue douillette par l’ajout de fibres végétales. La femelle y pond de 4 à 6 œufs crème fortement tachetés de rougeâtre et très semblables à ceux de Rouge-gorge familier (Erithacus rubecula) qu’elle couve pendant deux semaines. Parfois il arrive qu’il y ait une seconde nichée dans la même saison.

Les petits naissent nus et aveugles et restent au nid pendant deux semaines, parfois trois, soignés avec amour par les deux parents.

Le nid peut occasionnellement être parasité par le Coucou gris (Cuculus canorus).

Comme le dit si bien son nom le Gobemouche gris se nourrit principalement d’insectes volants, diptères, hyménoptères et lépidoptères mais il ne dédaigne pas non plus attraper des petites chenilles dans l’herbe ou sur les feuilles des arbres où il est posé, toujours au vol et avec un frétillement quasi imperceptible.

Les populations de l’aire paléarctique sont particulièrement fournies et il n’y a donc pas de problème pour cette espèce.

Synonymes

Motacilla striata Vroeg, 1764.

 

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