Nepenthes pervillei

Famille : Nepenthaceae


Texte © Prof. Pietro Pavone

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Nepenthes pervillei, la seule plante carnivore des Seychelles, est endémique des îles Mahé et Silhouette entre 400 et 750 m d'altitude

Nepenthes pervillei, la seule plante carnivore des Seychelles, est endémique des îles Mahé et Silhouette entre 400 et 750 m d’altitude © Giuseppe Mazza

Nepenthes pervillei Blume est une plante carnivore de la famille Nepenthaceae, la seule qui ait été  découverte aux Seychelles où elle est endémique des îles Mahé et Silhouette. Elle pousse dans la végétation basse du maquis, parfois exposée directement au soleil, sur des sommets granitiques qui se dressent brusquement au-dessus de la plaine située en contrebas (inselberg) à une altitude variant de 350 à 750 m.

A Mahé on l’appelle “Lalyann potao”. Elle a été décrite pour la première fois en 1852 sous le nom de Nepenthes pervillei. En 1921 elle a toutefois été transférée dans le genre monotypique Anurosperma sous le nom de Anurosperma pervillei (Blume) Hallier f. en raison de certaines de ses caractéristiques telles que la morphologie de ses graines qui sont différentes de celles des autres Nepenthes.

Des études ultérieures l’ont réinscrite dans le genre Nepenthes car on l’a alors jugée comme étant une espèce “primitive” incluse à l’intérieur de ce genre. La phylogenèse moléculaire a également confirmé cette interprétation et l’a même considérée comme un groupe basal à l’intérieur du genre, c’est-à-dire une lignée jumelle (sister group) de toutes les autres espèces de Nepenthes.

Les caractéristiques morphologiques de Nepenthes pervillei sont très particulières ; port rampant et grimpant, inflorescence en panicule (ramifiée et donc primitive), tépales des fleurs femelles soudés et graines dépourvues d’appendices.

Les ascidies inférieures peuvent atteindre jusqu'à 12 cm de long et 4 cm de large. Dans leur moitié inférieure elles sont de forme ovée ou sphéroïdale puis se rétrécissent au-dessus en devenant une structure cylindrique ou infundibuliforme vers l'ouverture. Dans leur partie antérieure elles ont des ailes larges jusqu'à 8 mm avec des filaments longs jusqu'à 4 mm

Les ascidies inférieures peuvent atteindre 12 cm de long et 4 cm de large. Dans leur moitié inférieure elles sont de forme ovée ou sphéroïdale puis se rétrécissent au-dessus en devenant cylindriques ou infundibuliformes vers l’ouverture. Dans leur partie antérieure elles ont des ailes larges jusqu’à 8 mm avec des filaments longs jusqu’à 4 mm © Giuseppe Mazza

En raison de ces caractéristiques elle semble être une espèce relique qui vit sur des sols formés de roches géologiquement et géo-morphologiquement anciens par opposition à la grande diversité  propre au genre Nepenthes .De plus, bien qu’elle se situe géographiquement entre Madagascar et l’Asie, les espèces malgaches et asiatiques semblent être génétiquement plus proches entre elles que de Nepenthes pervillei. Les deux espèces de Madagascar Nepenthes masoalensis Schmidt-Höllinger et Nepenthes madagascariensis Poir. sont considérées de ce fait comme un sister group du clade qui inclut les espèces asiatiques.L’hypothèse selon laquelle les espèces actuelles de Nepenthes sont d’origine asiatique et ont rejoint l’Asie quand la plaque indienne s’est détachée de Madagascar à la fin du Crétacé est confirmée.

Le terme Nepenthes vient du grec ancien “nipenthos” formé du préfixe négatif “nê” = non et du substantif “penthos” = tristesse, douleur.

Il a été employé par Homère dans le chant IV de l’Odyssée pour désigner le breuvage “Nepenthes pharmakon” qu’Hélène, en cachette, versa dans le vin que Télémaque, le fils d’Ulysse, et Ménélas, le roi de Sparte et son époux, étaient en train de boire afin d’atténuer, grâce à son pouvoir d’effacer les souvenirs, la douleur et la nostalgie dues à leur éloignement du pays natal.

Les feuilles des plantes jeunes sont disposées en rosettes serrées, dotées chacune d'une vrille. Les plantes adultes grimpent sur la végétation environnante grâce à des tiges longues jusqu'à 8 m qui portent des feuilles avec des vrilles en spirale qui leur permettent de se fixer sur les plantes servant de support. Sur les nœuds de la tige se forment ensuite des rosettes aériennes compactes avec les ascidies supérieures

Les plantes jeunes ont les feuilles en rosettes serrées. Les plantes adultes grimpent sur la végétation avec des tiges longues jusqu’à 8 m qui portent des feuilles avec des vrilles en spirale leur permettant de se fixer sur les plantes de support. Sur les nœuds de la tige se forment des rosettes aériennes compactes avec les ascidies supérieures © Giuseppe Mazza

Linné, dans son ouvrage “Species plantarum, 1753” appela Nepenthes distillatoria L. une plante provenant du Sri Lanka car il croyait que la vue, après un long voyage, de cette merveille de la Nature lui aurait fait oublier les fatigues qu’il dut endurer pour la découvrir.

L’épithète de l’espèce pervillei rend hommage à son découvreur, le naturaliste français Auguste Pervillé qui recueillit cette plante en 1841 et en donna une description détaillée alors qu’il effectuait une expédition à Madagascar et aux Seychelles dans le but d’enrichir l’herbier du Musée d’Histoire Naturelle de Paris.

Nepenthes pervillei est une plante terricole dotée de tiges rampantes qui s’allongent afin de grimper sur d’autres plantes. Ses racines s’étendent en profondeur le long des fissures des roches ce qui permet à cette plante de résister a des périodes de sécheresse. Les plantes jeunes sont disposées en rosettes compactes qui possèdent de nombreuses feuilles comportant chacune une vrille. Les plantes adultes grimpent sur la végétation environnante grâce à leurs tiges longues jusqu’à 8 m qui portent des feuilles dotées de vrilles en spirale qui leur permettent de s’accrocher aux branches des plantes  servant de support. Les feuilles de la tige portent rarement des ascidies (des urnes) alors qu’il se forme à la hauteur des noeuds des rosettes aériennes compactes dont les feuilles sessiles forment des ascidies fixées à l’extrémité de vrilles courtes et solides, repliées et non pas enroulées.

Les ascidies supérieures, longues jusqu'à 16 cm et larges jusqu'à 4,5 cm, sont soutenues par de courtes vrilles rigides. Leur ouverture est toujours dans la direction opposée à la tige. Le puits contenant le liquide destiné aux proies a 400 à 600 glandes digestives par cm²

Les ascidies supérieures, longues jusqu’à 16 cm et larges jusqu’à 4,5 cm, sont soutenues par de courtes vrilles rigides. Le puits contenant le liquide destiné aux proies a 400 à 600 glandes digestives par cm² © Giuseppe Mazza

Certaines rosettes peuvent former d’autres tiges qui s’allongeront sur le sommet des plantes voisines ou sur le sol en créant un tapis épais d’ascidies qui changent de couleur au fur et à mesure qu’elles mûrissent.

Les feuilles ont un limbe elliptique ou oblong (29 cm x 6 cm) à l’extrémité arrondi ou obtuse et dont la base entoure la tige. Les limbes foliaires, au cours de leur croissance, s’ouvrent comme un livre  alors que chez toutes les autres espèces de Nepenthes ils s’ouvrent sur le côté étant enroulés sur la nervure médiane. Leur surface est très brillante et vert foncé. Le pétiole peut être jaune, vert ou parfois rouge vif. En général toutes les parties de cette plante sont dépourvues de poils (glabres) mais les ascidies en cours de formation et des parties de l’inflorescence peuvent être recouvertes de poils simples.

Les ascidies en partie basse peuvent atteindre 12 cm de long et 4 cm de large. Elles ont une forme ovée ou sphéroïdale dans leur partie inférieure pour ensuite se rétrécir en partie haute et devenir vers l’ouverture une structure cylindrique ou infundibuliforme. Les ascidies dans leur partie antérieure ont des ailes larges jusqu’à 8 mm qui ont des filaments longs jusqu’à 4 mm  se rapprochant vers le bas.

Le péristome est brillant, large jusqu’à 6 mm et recouvert de fines nervures hautes jusqu’à 1 mm, séparées les unes des autres d’environ 0,5 mm. Le couvercle (l’opercule) est suborbiculaire, plat, d’un diamètre atteignant jusqu’à 5,5 cm et possède de nombreuses glandes nectarifères ( de 30 à 100) sur sa surface inférieure. La présence de ce couvercle en forme d’ombrelle sert à empêcher la pluie de diluer le liquide contenu dans l’ascidie. L’éperon est long jusqu’à 7 mm et est habituellement fourchu. La partie externe de l’ascidie et le couvercle sont de couleur orange, rougeâtre ou violette. L’intérieur de l’ascidie est de couleur rose clair, presque blanc, alors que le péristome peut être jaune, vert, orange ou rouge.

Les ascidies situées en partie haute sont longues jusqu’à 16 cm, larges de 4,5 cm et sont soutenues par des vrilles rigides en forme de S souvent seulement de quelques centimètres. L’ouverture de l’ascidie est toujours située dans la direction opposée à la tige. La partie basse est infundibuliforme, renflée de façon variable et a une surface interne recouverte de glandes digestives dont la densité est de 400 à 600 par cm2.

La partie supérieure possède moins de glandes et se rétrécit jusqu’à devenir cylindrique vers l’ouverture. Le péristome est large jusqu’à 3 mm et recouvert de fines nervures hautes jusqu’à  1 mm. Les ailes se réduisent à des arêtes étroites qui descendent le long de la partie antérieure de l’ascidie ou ne sont pas visibles. La surface inférieure du couvercle est recouverte de glandes qui produisent du nectar. La couleur des ascidies en partie haute est habituellement jaune pur ou vert jaunâtre teinté d’orange mais en vieillissant les ascidies s’obscurcissent et deviennent rougeâtres ou violacées. Le couvercle est en général de la même couleur que l’ascidie mais la partie inférieure de sa surface peut être rouge vif.

Les ascidies de Nepenthes pervillei capturent en général des insectes, généralement des fourmis, et accueillent des bactéries et l’acarien Creutzeria seychellensis, une espèce commensale, et aussi des larves du petit moustique endémique Uranotaenia nepenthes qui l’utilise pour se reproduire.

Nepenthes pervillei est, comme toutes les espèces de Nepenthes, une espèce dioïque, ce qui veut dire qu’elle comporte des plants séparés mâles et femelles.

Les fleurs sont regroupées en inflorescences en panicules longues jusqu'à 40 cm. Les fleurs mâles ont habituellement 4 tépales et des étamines soudées en une courte colonne

Les fleurs sont groupées en inflorescences en panicules longues jusqu’à 40 cm. Les fleurs mâles ont habituellement 4 tépales et des étamines soudées en une courte colonne © Giuseppe Mazza

Les fleurs sont regroupées sous forme d’inflorescences en panicules longues jusqu’à 40 cm dont les rameaux portent jusqu’à 12 fleurs mâles, souvent unidirectionnelles, et jusqu’à 5 fleurs femelles. Les tépales, parfois au nombre de 3 au lieu de 4, ont une forme ovée et une extrémité pointue et possèdent de très nombreuses glandes nectarifères. Les fleurs mâles ont d’habitude 4 tépales et des étamines dont les filaments sont soudés en formant une courte colonne (l’androphore) qui soutient l’anthère. Les fleurs femelles, dont les tépales sont réduits et soudés à leur base, ont 3 ou 4 stigmates et un ovaire qui comporte 3 ou 4 loges.

Les fruits, longs jusqu’à environ 8 à 14 mm, sont atypiques en comparaison des autres espèces de Nepenthes car ils sont obconiques, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas arrondis à leurs extrémités, et s’ouvrent avec trois valves et non quatre. Les graines sont habituellement courtes, de couleur noire, ovoïdales ou tronquées, dépourvues d’ailes, longues de 2 à  4 mm et sont difficilement dispersées par le vent. Cette forme particulière de la graine est une adaptation à l’habitat dit inselberg car elle réduit le risque que la graine soit projetée trop loin de la plante-mère et de ce fait perdue en mer.

La Liste Rouge de l’UICN classe Nepenthes pervillei en tant qu’espèce très peu menacée (Least Concern).

Nepenthes pervillei est une espèce “lowland”. Elle a besoin pour être cultivée d’un terrarium où l’on doit recréer les conditions des zones de plaine tropicale où l’humidité est parfois très élevée (jusqu’à plus de 70%) et où les températures sont constantes de jour comme de nuit et s’élèvent en général de 25 à 28 °C.

Détail de l'inflorescence femelle avec des fruits en formation. Une araignée-crabe commensale, profitant de la capacité de la plante à attirer les insectes, a capturé une mouche avec sa morsure venimeuse

Détail de l’inflorescence femelle avec des fruits en formation. Une araignée-crabe commensale, profitant de la capacité de la plante à attirer les insectes, a capturé une mouche avec sa morsure venimeuse © Michael Zehnder

Étant donné que les tiges s’allongent de plusieurs mètres en formant d’élégantes rosettes aériennes il convient de faire pousser cette plante sans une serre chauffée.

Il n’existe toutefois que peu de documentation sur la culture de cette espèce qui est à l’évidence une plante carnivore réservée à des jardiniers possédant une bonne expérience.

Pour ceux qui veulent essayer on conseille un sol bien drainant constitué d’un mélange de granit (40%), de roche volcanique (10%), de granulé “séramis” (5%), d’argile expansée légère (5%), de sable de quartz (10%), de perlite (10%) et de sphaigne à longues fibres de la Nouvelle-Zélande (20%).

On reproduit cette plante au moyen de ses graines et par bouturage.

Normalement on vend cette plante dans des pots de 10 cm avec de la mousse de sphaigne à longues fibres et de la perlite. Si l’on choisit de la cultiver dans un pot la dimension de celui-ci ne doit pas être excessive à condition que la motte puisse entrer et qu’il reste un peu d’espace pour sa  croissance de façon que les feuilles puissent s’allonger même au delà du bord du vase. Les plantes jeunes doivent être protégées d’une forte insolation alors que les plantes adultes aiment des milieux très éclairés ou même exposés au soleil, ce qui est possible quand les feuilles deviennent coriaces et un peu succulentes afin d’empêcher la plante de se déshydrater.

Pour l’alimentation en azote on peut déposer des insectes dans les ascidies tant que la plante n’est pas suffisamment grande et on pourra alors introduire des boulettes de fertilisant Osmocote qui relâche les éléments nutritifs sur de très longues périodes, soit environ 6 mois.

Nepenthes pervillei a été représentée pour la première fois par le gouvernement des Seychelles sur un timbre-poste émis le 29 décembre 1970 et d’une valeur faciale de 20 centimes. Le 10 avril 1978 est sorti un autre timbre d’une valeur de 15 roupies. La seconde édition  de ce timbre a été émise en 1980 et deux autres éditions ont été effectuées les années suivantes.

Un autre timbre d’une valeur faciale de 7 roupies a été édité le 17 novembre 1983 pour commémorer le centenaire de la visite aux Seychelles de l’illustratrice et naturaliste anglaise Marianne North (1830-1890). Madagascar a également émis le 6 août 1973 un timbre de 38,5 mm x 38,5 mm d’une valeur faciale de 25 et 40 F qui montre cette espèce avec un dessin représentant  la section transversale de l’ascidie de façon très stylisée.

En 2012 et en 2016 ont été émises deux séries de pièces de monnaie, d’une valeur respective de 10 et 5 roupies, qui représentent l’ascidie et une partie des feuilles avec en arrière-plan le blason du 27 mai 1976, date à laquelle les Seychelles accédèrent à l’indépendance et devinrent une république indépendante à l’intérieur du Commonwealth.

Synonymes : Anurosperma pervillei (Blume) Hallier f. (1921); Nepenthes wardii  E.P.Wright (1869).

 

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