Passer montanus

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Passer montanus, Passeridae, Moineau friquet

Très semblable au Moineau domestique, Passer montanus est un petit oiseau frénétique, toujours en mouvement, au point de vraiment mériter son nom italien de “passera matta” (moineau fou) © Mazza

Le Moineau friquet (Passer montanus – Linnaeus, 1758), appartient à l’ordre Passeriformes et à la famille Passeridae. C’est une espèce très commune dans l’hémisphère Nord.

Bien que ses effectifs aient subi des baisses préoccupantes dans les dernières années, en particulier dans les aires perturbées par les modifications du paysage agricole, il demeure l’un des oiseaux les plus communs et ses effectifs sont même en expansion dans les territoires où il a été introduit par l’homme.

Très semblable au Moineau domestique (Passer domesticus) avec lequel il partage une grande partie de l’aire de répartition, il a un caractère beaucoup plus timide et réservé et même si lui aussi vit en étroit contact avec l’homme, il garde toujours cette réserve qui le distingue de son congénère.

C’est un petit oiseau au comportement frénétique, toujours en mouvement même lorsqu’il est perché sur une branche, il s’agite en frétillant à droite et à gauche comme un excité, sautille et se retourne, jette des coups d’œil de haut en bas et puis tout à coup s’envole vers une autre branche et recommence son manège.

Il y a sûrement une bonne raison pour qu’en Italie, dans le passé, on ait choisi de l’appeler “mattugia” un terme dialectal dérivé de “matto” = fou. Une constatation si vraie qu’elle est demeurée telle sans aucune modification.

C’est sûr qu’il est réellement fou mais c’est peut-être aussi pour d’autres raisons, non écrites, mais dont se souviennent bien les gamins qui vivaient à la campagne au siècle dernier, fréquentant assidûment les rives et les bois, toujours à la recherche de nids, lorsqu’ils trouvaient des nichées de ces passereaux contenant un nombre exagéré d’œufs.

Passer montanus, Passeridae, Moineau friquet

Son aire de répartition est très vaste : toute l’aire tempérée et subtropicale eurasiatique © Cervigni

Le voici le pauvre grimpeur, accroché à une branche en haut du tronc, qui regarde ses camarades restés en bas d’un air désespéré n’arrêtant pas de dire, comme si c’était une déception pour tous… c’est un nid de “fous” (friquet).

Il est étrange que seuls les italiens lui aient donné le nom de fou puisque son comportement agité peut être remarqué par tout un chacun.

En français on lui a donné le nom de friquet (gamin vif, alerte) pourtant Buffon, le célèbre naturaliste du XIXème siècle, décrivant cet oiseau toujours en mouvement, écrivait : “… moineau fou parce qu’il ne peut rester un instant sans remuer et c’est à ce mouvement continuel qu’on doit attribuer l’origine de son nom. On a observé que quoiqu’il soit plus doux que le Moineau domestique, il n’est cependant pas aussi docile, et cela vient de son naturel qui l’éloigne de l’homme, et qui pour être plus sauvage n’en est peut-être que meilleur”.

Dans les autres pays européens on a préféré le nommer moineau des champs, des arbres, de montagne ou encore moineau meunier indiquant de toutes ces façons les caractéristiques du milieu qu’il occupe, bien différent de celui fréquenté par le Moineau domestique.

En Europe on l’appelle donc Eurasian Tree Sparrow en anglais, Feldsperling en allemand, Gorrión Molinero en espagnol, Passera mattugia, Passero mattugio, Passera matta ou Passera campagnola en italien et Pardal-montez en portugais.

L’étymologie du genre montre une origine latine avec Passer du terme homonyme signifiant moineau et pour l’espèce montanus = de montagne, pour indiquer sa provenance supposée.

Pour cette nomenclature Linné pris comme référence les informations relatées par un observateur de la fin du XVIIème siècle qui rapportait en avoir vu en abondance dans la région montagneuse de Styrie en Autriche lors d’un voyage de Vienne à Venise. Il décida donc de le nommer, de manière impropre peut-être, montanus.

Zoogéographie

L’aire de répartition du Moineau friquet est très vaste et couvre toute la zone tempérée et subtropicale d’Europe et d’Asie.

Passer montanus, Passeridae, Moineau friquet

Le voilà, en hauteur, se disputant avec Passer domesticus qui lui ressemble beaucoup © Cervigni

Son introduction dans les pays tropicaux et équatoriaux du sud-est asiatique a conduit à un développement notable de l’espèce, à la suite d’une adaptation qui de prime abord ne semblait pas réalisable et ce dans un court laps de temps.

Les meilleurs exemples sont la Malaisie, Bornéo, la péninsule indochinoise et même l’Australie où l’espèce, après avoir rencontré certaines difficultés à s’installer, a développé d’importantes populations, désormais bien ancrées.

On peut même dire que dans les parcs et les jardins des villes de ces pays, le Moineau friquet est devenu l’une des espèces les plus communes.

En Europe, il atteint la partie méridionale de la Scandinavie, les pays baltes et sur une ligne latitudinale presque parfaite, gagne les côtes sibériennes du Pacifique.

Il occupe la totalité de l’Asie continentale jusqu’aux versants nord de la chaine de l’Himalaya mais est totalement absent du Moyen-Orient, de la péninsule arabique et du sous-continent indien.

Il n’est pas non plus présent en Afrique, remplacé par le Moineau domestique dans ses différentes sous-espèces, mais est très commun dans tout le bassin méditerranéen.

On considère cette espèce comme migratrice quoique ses déplacements, bien que réguliers, soient à courte distance et souvent ne suivent pas la direction Nord-Sud des véritables migrateurs.

Dans de nombreuses aires il est résident et sédentaire.

Une dizaine de sous-espèces a été classifiée dont Passer montanus montanus qui occupe l’Europe et l’Asie septentrionale et Passer montanus transcaucasicus qui, comme le dit son nom, est installé dans la région du Caucase.

Vu l’augmentation des populations nées dans des pays éloignés de l’aire d’origine, à la suite d’introductions délibérées, il est probable que dans un futur proche de nouvelles sous-espèces vont être classifiées.

Ecologie-Habitat

Le Moineau friquet est un petit oiseau de nos campagnes, des habitations rurales, des vergers et des jardins potagers, des bosquets et des rangées de mûriers, pratiquement tous les milieux autour des fermes et des villages ruraux en fait.

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Plus petit, il se distingue par la quasi absence de dimorphisme sexuel et par le collier clair qui contraste avec la calotte chocolat, soulignant ainsi la tache sur les joues © Antino Cervigni

Il est absent des villes et des centres urbains où il est remplacé par son cousin le Moineau domestique. C’est une espèce sociable comme tous ses congénères et il passe toute sa vie en compagnie de ses semblables.

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Omnivore, prédateur d’insectes lors de la période de reproduction, avec un petit bec fin et très acéré lui permettant d’accéder à de très petites graines © Antino Cervigni

Il est très rare d’en voir un solitaire même lors de la période de nidification. Il est beaucoup plus facile de l’observer en petits groupes quand il mange ou dans les petites colonies qu’il forme quand il niche.

Il est sûr que nous ne verrons plus jamais les immenses volées qu’ils formaient il y a quelques décennies encore dans nos campagnes à la fin de l’été. On voyait alors se réunir des milliers d’individus pour picorer dans les prés fraîchement fauchés les graines éparpillées des nombreuses plantes qu’ils apprécient tant.

Au contraire du Moineau domestique, le Moineau friquet n’est pas un grand consommateur de céréales et les dommages qu’il peut occasionner aux cultures n’ont jamais été aussi importants que ceux causés par le premier. Les agriculteurs le savaient bien puisque la lutte contre les dégâts causés aux cultures était dirigée contre le Moineau domestique avec la construction des fameuses “passerere”.

En Italie, le Moineau friquet a connu dans les dernières décennies une baisse préoccupante de ses effectifs.

Comme pour beaucoup d’autres espèces, l’agriculture a très sévèrement modifié son habitat d’origine allant jusqu’à supprimer toute possibilité de maintenir des colonies aussi vastes qu’auparavant.

Sans oublier non plus l’utilisation de pesticides soi-disant de nouvelle génération qui ont considérablement aggravé la situation.

Puis est venu le remplacement soudain des prairies et des prés où alternaient les récoltes saisonnières. Des landes entières se sont trouvées transformées en monocultures de maïs ou de soja ce qui a porté le coup de grâce à ces pauvres petits oiseaux.

N’oublions pas non plus l’abandon des fermes et le réaménagement de celles restantes, dont la modernisation des toits et des façades qui étaient un temps des lieux habituels où nicher, qui ont provoqué la disparition de nombreux emplacements où ces oiseaux trouvaient refuge.

Comme on l’a vu pour les hirondelles, on a noté que les fermes inoccupées se trouvent à leur tour abandonnées par cette espèce.

La dernière modification du paysage campagnard et sûrement celle ayant eu le plus d’impact a été l’arrachage des haies, bosquets et rangées de vieux arbres soumis à l’élagage ou à la taille en têtard à fin d’approvisionnement en bois pour parer au froid hivernal.

Dans les campagnes du nord de l’Italie cette image était commune et toutes les familles rurales avaient l’habitude de brûler du bois de chauffage ainsi récupéré.

Les arbres têtards pleins de trous, de fissures et d’interstices ainsi que les haies d’énormes et de très vieux mûriers, étaient le royaume du Moineau friquet, celui de la Huppe fasciée (Upupa epops) ainsi que du Torcol fourmilier (Jynx torquilla).

Ce sont d’entières populations de ces espèces qui ont subi les conséquences terribles de la destruction de ces habitats.

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Craignant l’homme, il préfère la vie à la campagne plutôt qu’à la ville mais il ne dédaigne pas pour se reproduire, comme le Moineau domestique, les tuiles et les trous des maisons rurales, les vieux nids d’hirondelles, les greniers abandonnés ainsi que toutes les cachettes dans les étables et les fenils © Giuseppe Mazza

Morpho-physiologie

Le Moineau friquet est le plus petit passéridé européen puisque son envergure n’est que de 20 cm, son poids de 22 g et sa longueur de 14 cm. Très semblable au Moineau domestique il a pourtant une corpulence plus mince et fine et une queue légèrement moins prononcée.

En plus d’avoir une taille plus réduite il montre aussi une vivacité de mouvement qui le fait paraître plus petit qu’il ne l’est.

Il est très semblable au Moineau domestique au niveau de la livrée et souvent, vu de derrière on peut facilement les confondre.

La couleur principale de sa livrée est le marron-noisette qui recouvre les épaules, la tête et la queue, présentant sur la calotte une tonalité chocolat plus unie et plus nette. Il montre sur la gorge un mince collier très blanc et très visible qui se termine sur la poitrine.

Son bec est très noir lorsqu’il revêt son plumage nuptial et il montre une bavette, noir de jais également, qui descend un peu sur la poitrine contrastant ainsi avec la couleur chamois-crème de la partie inférieure. Les yeux sont eux aussi très noirs.

Sur les joues, en correspondance avec le collier blanc, on voit une tache noire évidente et bien détachée qui n’existe pas sur la livrée des juvéniles. C’est l’un des principaux indices pour une classification correcte de l’espèce.

Les couvertures alaires sont marquées de taches noirâtres et de marron plus accentué donnant un aspect diapré à tout le dos.

On peut voir deux lignes blanches en correspondance des couvertures primaires et secondaires qui traversent longitudinalement toute la couverture alaire.

Les pattes sont couleur chair.

Il n’y a pas de dimorphisme sexuel sauf pour la tache parfois placée sur la gorge qui est plus marquée chez le mâle. Les juvéniles, bien que revêtant avec leur première livrée les mêmes couleurs que les adultes, sont aisément reconnaissables par les tons plus délavés et par la commissure des lèvres jaune et très proéminente. La livrée hivernale diffère légèrement de celle d’été, les couleurs étant sensiblement plus mates.

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Photo d’un bref accouplement. Passer montanus est un bon reproducteur avec 3 nichées possibles par an © Gianfranco Colombo

Ethologie-Biologie reproductive

Le Moineau friquet est assez prolifique et lors des années favorables il peut effectuer jusqu’à trois nichées.

C’est une espèce plus solitaire que le Moineau domestique mais il apprécie de vivre en colonies dispersées, comptant un nombre de couples limité nichant ensemble même à peu de distance les uns des autres.

Il y a encore quelques temps il n’était pas rare de voir plusieurs nids sur le même arbre têtard, avec des trous d’entrée communs mais avec des chambres séparées.

L’origine des couvées comprenant un nombre d’œufs inhabituel était peut-être une conséquence de cette étroite promiscuité.

Il niche souvent sous les tuiles, dans de vieux nids d’Hirondelle rustique (Hirundo rustica) ou de Rouge-queue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus), dans des trous dans les murs des bâtiments agricoles, dans des greniers abandonnés ainsi que dans les étables et les fenils.

Dans les fermes, dans le but de prélever les petits pour se ravitailler en nourriture, on utilisait des “passerere” (maisons pour passereaux) particulières, beaucoup plus réduites, mais surtout à moins grande échelle que ce qui se faisait pour le Moineau domestique : une construction rudimentaire en bois avec quelques trous aussitôt occupés par le Moineau friquet.

Aujourd’hui, le moineau se souvient de cette façon de faire et n’hésite pas à profiter des nichoirs installés pour l’assister, plus modernes et moins dangereux.

Il est étonnant de remarquer que dans chaque nid de cigogne il y a des nids de chacune des espèces de moineau, camouflés dans l’énorme quantité de branches formant la plateforme. Cette alliance semble acceptée même s’il n’est pas rare de voir des cigognes attraper au vol des petits distraits.

Le nid est un amas d’herbes sèches formant un globe avec une entrée latérale, bien garni à l’intérieur de duvet récolté sur les lieux ou voletant dans l’air. On les voit souvent attraper au vol avec maestria, ces légères petites plumes transportées par le vent.

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Le nid, en forme de globe et bien garni de plumes, accueille jusqu’à 7 œufs, souvent de divers coloris © Museo Civico di Lentate sul Seveso

La femelle pond d’ordinaire jusqu’à sept œufs de couleurs et de tons très variables mais généralement blanchâtres largement pointillés de fines tâches grises jusqu’à presque recouvrir tout le fond. On peut souvent voir dans un même nid des œufs de différentes couleurs comme s’ils avaient été pondus par différents oiseaux.

L’incubation est effectuée par les deux parents et dure de 12 à 14 jours. Les petits restent au nid pendant encore 15-20 jours mais sont souvent très impatients et tombent du nid prématurément.

Le régime alimentaire du Moineau friquet est extrêmement varié et on pourrait sans l’ombre d’un doute certifier que c’est un oiseau omnivore. Les insectes représentent la base de son alimentation, particulièrement lorsqu’il a des petits à nourrir, mais c’est en même temps un granivore invétéré mangeant graines, fruits et végétaux de toutes sortes.

Le fait d’avoir un petit bec très aiguisé et effilé lui permet d’accéder à des graines très petites, élargissant ainsi démesurément son menu végétal déjà très fourni.

C’est aussi une espèce très volubile qui signale continuellement sa présence aussi bien pour rester en contact avec ses semblables que pour prévenir d’éventuels dangers. Les adultes émettent le traditionnel “cip cip cip ” nerveux et répété alors que les petits à peine sortis du nid ont un cri de rappel très caractéristique, “cirlip cirlip”, émis sans discontinuer pendant des heures, perchés sur un rameau où ils demeurent invisibles, réclamant l’attention de leurs parents mais attirant également celle des passants curieux.

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Les petits se reconnaissent à leur bec jaune et à leur incessant “cirlip cirlip” pour appeler les parents, caractérisé eux par un “cip cip cip ” nerveux © Gianfranco Colombo

Synonyme

Fringilla montanus Linnaeus, 1758.

 

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