Phasianus colchicus

Famille : Phasianidae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Phasianus colchicus, Phasianidae, Common pheasant

D’après son nom scientifique, le Faisan de Colchide (Phasianus colchicus) est originaire du Caucase © G. Colombo

Le faisan semble être le seul cas avéré de propagation sur tous les continents, d’une espèce animale dans un but ludique.

C’est également le seul cas où l’ennemi acharné, c’est-à-dire le chasseur, est devenu le plus fervent supporter et celui qui a soutenu, favorisé et souhaité cette propagation.

Et avec quel succès !

Laissant de côté toute considération sur la justesse de l’introduction d’espèces étrangères dans de nouveaux territoires, ce qui ces derniers temps a donné lieu à de grands débats sur les dommages provoqués par ces intrusions discutables, il faut bien constater que le succès a été considérable et l’impact sur l’environnement insignifiant.

L’introduction en masse de cette espèce a connu une accélération lors des deux derniers siècles mais déjà il y a quelques millénaires sont apparus les premiers signes de cette opération méthodique qui voit désormais la présence massive de cette espèce sur tous les continents.

Tout cela commença avec la mission mythologique des Argonautes en Colchide, l’actuelle Géorgie et terre d’origine de cet oiseau, guidés par Jason à la recherche de la Toison d’or. Là, ils rencontrèrent ce magnifique oiseau et furent si fascinés qu’ils le ramenèrent en Grèce au retour de leur voyage.

Ce furent ensuite les romains qui, au sommet de la Rome impériale, montrèrent un fort intérêt pour cet oiseau et qui, gourmets comme ils étaient réputés l’être, ne l’oublièrent pas lors des siècles suivants.

Au Moyen-Age, le grand promoteur de cette introduction fut la noblesse européenne qui appréciait particulièrement la chair de cet oiseau et qui considérait cet aliment comme usuel à la table de la cour. Plus tard, le petit peuple eut lui aussi accès à cette viande, par l’élevage mais aussi par le braconnage sur le domaine des nobles, pratique grandement combattue.

Pour finir, au cours des derniers siècles ce sont les chasseurs anglais qui ont redécouvert ce gibier.

Phasianus colchicus, Phasianidae, Common pheasant

Mâle en vol. C’est la proie classique des chasseurs, mais ce sont bien eux qui en l’élevant ont fini par l’introduire dans le monde entier © Gianfranco Colombo

Grosse prise convoitée, rusé et habile à fuir les dangers, le faisan est devenu l’une des proies de prédilection des nobles chasseurs de l’époque qui introduisirent de façon systématique dans leurs réserves de chasse cet oiseau si prolifique, sédentaire et plus que tout attaché à son territoire natal.

Le Faisan de Colchide (Phasianus colchicus Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre Galliformes et à la famille Phasianidae, groupe qui comprend des oiseaux présentant une livrée très colorée et qui montrent parfois une beauté spectaculaire.

L’étymologie du binôme scientifique est éminemment géographique, un toponyme aussi bien pour le genre que pour l’espèce. “Phasianus” de Fasi l’ancien nom de l’actuel fleuve Rioni qui coule en Géorgie, lieu où les Argonautes rencontrèrent pour la première fois cet oiseau et “colchicus” de Colchide l’ancien nom de cette aire du Caucase, aujourd’hui la Géorgie. En Europe on le nomme Common Pheasant en anglais, Jagdfasan en allemand, Faisán Vulgar en espagnol, Fagiano comune en italien et Faisão en portugais.

Phasianus colchicus, Phasianidae, Common pheasant

La femelle a une queue d’environ 20 cm, moins de la moitié de celle du mâle et ne pèse que 1 000 g contre 1 600-1 900 g pour son compagnon © Gianfranco Colombo

Zoogéographie

Le Faisan de Colchide est désormais introduit sur tous les continents à tel point qu’on oublie d’où il est originaire. Son nom scientifique confirme qu’il est issu du Caucase et d’Asie centrale sur une bande qui s’étend jusqu’à la Mongolie et probablement au-delà.

Il est présent en Europe depuis au moins deux milles ans, avec une expansion continue qui a porté à saturation complète les habitats appropriés à l’installation permanente de cet animal. Il occupe pratiquement tout le continent européen à l’exclusion de l’Espagne et de l’extrême nord de la Scandinavie. En Asie, en plus de son aire d’origine, il occupe une grande partie de la Chine et de la Sibérie proche de l’océan Pacifique.

Il est aussi présent au sud de l’Australie et en Nouvelle-Zélande, au Chili et dans une grande partie de l’Amérique du Sud ainsi qu’au Canada et aux États-Unis où il fut introduit dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Il est également présent en Afrique du Sud.

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Le voici, prêt à défendre son territoire contre ses rivaux. À l’état sauvage il dispose d’un petit harem et apprécie les lieux secs avec peu d’eau et pourvus d’arbustes © Giuseppe Mazza

Ecologie et Habitat

La polyvalence de cet oiseau robuste l’a aidé à accepter divers types de milieux parfois très différents de ceux des régions dont il est originaire, aussi bien pour le type de milieu que pour la température et les conditions météorologiques. Le faisan, bien qu’il soit un oiseau qui s’adapte très bien aux lieux secs avec peu d’eau et pourvus d’une bonne couverture d’arbustes ou de petits bois ombragés et isolés, a trouvé dans les aires humides avec des roseaux secs, les aires de culture intensive, les prés à foin et surtout les champs de maïs et de soja en monoculture ainsi que les grandes peupleraies à usage industriel de nouveaux lieux pour s’installer.

Bien qu’il soit un oiseau purement terrestre, il apprécie beaucoup les aires où poussent de petits arbres couchés à terre avec des branches basses touchant le sol, sur lesquelles il peut se percher pour passer la nuit. En ces lieux il a trouvé un refuge, de la nourriture et la possibilité de se reproduire avec succès, jusqu’à devenir le galliforme le plus répandu sur ce genre de territoire.

Phasianus colchicus, Phasianidae, Common pheasant

La livrée de la femelle est beaucoup plus terne que celle du mâle afin d’échapper à la vue des prédateurs © Gianfranco Colombo

Dans une grande partie de ces aires, où la chasse est autorisée, la population baisse de manière notable durant la saison de chasse, ne laissant que des populations isolées dans les aires protégées et dans les réserves de chasse, où cet oiseau est élevé intensivement dans l’unique but d’être chassé. Les populations ne se reconstitueront que la saison suivante, après de nouvelles introductions et une relative reproduction.

Morpho-physiologie

Comme il est habituel chez les galliformes, le mâle de cette espèce montre une livrée magnifique très différente de celle de la femelle qui est marron-grisâtre avec des nuances et des marbrures qui la rendent extrêmement mimétique. La queue de la femelle ne mesure qu’une vingtaine de centimètres.

Nichant à terre la femelle doit nécessairement savoir se cacher et se camoufler au sein du milieu environnant pour ne pas être découverte lorsqu’elle couve ses œufs.

Le mâle, au contraire, doit montrer à la femelle sa beauté pour la conquérir, mais aussi s’en servir comme moyen de dissuasion envers ses concurrents qui sont très combatifs et territoriaux.

Il convient de rappeler les combats des coqs Bantam, sport national en Asie du Sud-Est qui exploite l’agressivité que ces oiseaux montrent en période d’accouplement.

Le mâle a une livrée très complexe qui montre une telle variété de couleurs, de nuances et de reflets qu’il serait assez difficile de la décrire en détail. La tête est bleuâtre-verdâtre avec deux touffes de plumes auriculaires de même couleur qui se redressent quand il est excité ou alarmé. Sur les joues on voit deux larges zones nues, cocardes, de couleur rouge vif, avec des barbillons tombants, où sont enchâssés les yeux blanc-nacré. Le bec, robuste, crochu et pointu, est lui aussi blanc-nacré.

Le corps est revêtu d’un nombre infini de plumes en forme de grosses écailles dont la taille diminue sur la poitrine. Elles sont orangé-doré, bordées de noir avec des reflets changeant selon la lumière. Il montre sur le cou un collier très blanc qui sépare le bleu du cou et les écailles dorées du corps. La queue, marron très vif rayé de noir, est très longue et peut atteindre 50 cm. Les pattes sont très vigoureuses et munies d’un ergot, pointu et robuste, typique des oiseaux fouillant le sol pour trouver leur nourriture, également utilisé lors des combats.

Au moins une trentaine de sous-espèces ont été classifiées et d’autres s’y ajoutent à la suite de nouveaux croisements réalisés entre les différentes races, créant un nombre infini de formes.

Phasianus colchicus, Phasianidae, Common pheasant

Le nid est un léger creux dans le sol, recouvert d’herbes sèches et moelleuses. La femelle y pond jusqu’à 15 œufs © Museo Civico di Lentate sul Seveso

On a ainsi obtenu des coloris parfois intenses comme pour le faisan obscur, les faisans dorés, avec ou sans le collier blanc, la tête cendrée et le croupion cendré.

Un vrai mélange entre les groupes Phasianus colchicus, Phasianus torquatus et Phasianus versicolor.

Le dimorphisme sexuel se voit aussi par rapport à la taille.

Le mâle mesure plus de 90 cm pour un poids de 1 600/1 900 g, la femelle 60 cm pour environ 1 000 g.

Son envergure est assez réduite, environ 90 cm, puisque c’est un oiseau sédentaire doté d’ailes courtes et trapues mais extrêmement fortes et musclées, adaptées à porter un poids important et à l’amener à atteindre une vitesse importante quand il vole.

Le son émis à l’envol est caractéristique de cet oiseau. Il s’accompagne souvent d’un cri d’alarme aigu audible à grande distance.

Le Faisan de Colchide est cependant réticent à s’envoler, préférant courir précipitamment à grande vitesse, tant et si bien qu’il réussit souvent à s’échapper même s’il se trouvait face à un chien de chasse ou même à un humain.

Éthologie-Biologie reproductive 

Le mâle est polygame et se crée un petit harem dont il prend soin et qu’il défend avec acharnement. Comme dit précédemment, la combativité de cet oiseau le porte souvent à mener des combats acharnés avec les autres mâles qu’il cherche à éloigner dès que l’un d’entre eux s’approche de son territoire.

Les femelles s’occupent seules de trouver le lieu où installer le nid, de couver et de s’occuper des petits, nidifuges, jusqu’à leur maturité. Le mâle prend uniquement en charge la défense du territoire et contrôle la présence d’éventuels prédateurs. Le nid est un léger creux dans le sol recouvert d’herbes sèches et moelleuses. Il est caché au pied d’un buisson ou d’un tronc, au milieu des branches d’un arbre tombé à terre ou de roseaux desséchés. La femelle y pond de 10 à 15 œufs gris-vert ou beiges, sans aucune marque, et elle les couve pendant 4 semaines.

Les petits, nidifuges, naissent pourvus d’un duvet soyeux qui leur permet de quitter immédiatement le nid et de s’éloigner avec Ia poule dans les buissons alentour. Les dangers pour cette nichée sont multiples et les petits seront nombreux à ne pas atteindre l’âge adulte. Ils finiront entre les griffes de renards, de rats, de rapaces diurnes et nocturnes mais aussi de serpents ou encore victimes d’accidents variés. Ce qui est incroyable c’est la capacité de ces oisillons à effectuer, confrontés aux dangers terrestres, de courts vols alors même qu’ils sont pratiquement dépourvus de plumes.

Phasianus colchicus, Phasianidae, Common pheasant

La livrée de la femelle est très cryptique et il est très difficile de la voir lorsqu’elle couve. L’incubation dure environ un mois © Gianfranco Colombo

Le régime alimentaire du faisan est purement à base de graines, surtout de céréales et de grosses graines mais il ne dédaigne pas y ajouter des fruits, des pousses, des insectes ainsi que des petits reptiles.

La chasse au faisan est l’une des activités les plus répandues dans le monde occidental. En Grande-Bretagne elle est célébrée tous les ans, et ce depuis la première moitié du XIXème siècle, le 1er octobre, date du début de la saison de chasse. Le nombre de faisans abattus à la chasse est énorme, plusieurs dizaines de millions de têtes, comme l’est le nombre d’individus lâchés à cette fin et provenant d’élevages. Les marchés locaux eux aussi vendent à cette période de grandes quantités de faisans pour un usage culinaire passé dans les mœurs depuis des années. Néanmoins, les populations de cet oiseau se sont consolidées et ne montrent pas de signe de baisse dans toutes les zones considérées.

Autre curiosité : la poule du Faisan de Colchide s’hybride avec le coq domestique donnant vie à des sujets stériles.

Avec ébahissement on rapporte des cas de mâles présumés ayant pondu des œufs, ensuite couvés jusqu’à l’éclosion, mais il a été établi qu’il s’agissait là de femelles qui avaient, pour quelque étrange raison biologique, la livrée de l’autre sexe.

 

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