Phyllium giganteum

Famille : Phylliidae

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Texte © Dr Giovanni Luca Scardaci

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

La phyllie ou insecte-feuille (Phyllium giganteum) est une espèce tropicale de la Malaisie © G. Mazza

La phyllie ou insecte-feuille (Phyllium giganteum) est une espèce tropicale de la Malaisie © G. Mazza

La phyllie géante ou insecte-feuille (Phyllium giganteum Hausleithner, 1984), du grec ancien “phyllon” = feuille et du latin “giganteum” = géant, est un des insectes-feuilles les plus grands du monde et l’espèce la plus grande appartenant au genre Phyllium.

En Italie il est communément appelé il fillio ou insetto-foglia, en Allemagne das grosse wandelnde Blatt alors qu’en Angleterre on l’appelle walking leaves ou true leaf insect.

Il appartient à la famille des Phylliidae et à l’ordre des Phasmatodea, du grec ancien “phasma” = fantôme ou apparition, auquel appartiennent environ 2.000 espèces réparties dans le monde entier exception faite de l’Antarctide et de la Patagonie.

Cet ordre, moins connu que d’autres comme, par exemple, les Coléoptères et les Lépidoptères, a depuis toujours eu le mérite d’avoir fait approcher les enfants, les amateurs et/ou les simples curieux du monde fascinant de l’entomologie. Cela est dû au fait que tous les insectes-feuilles et les insectes-bâtons ou phasmes sont des espèces herbivores, en particulier phytophages, qui se nourrissent donc de feuilles. Ce sont des animaux inoffensifs pour l’homme et faciles à élever étant donné qu’ils ont presque tous des ailes rudimentaires et qu’ils ne peuvent donc pas s’envoler. Ils sont grandement appréciés, surtout des enfants, parce qu’on peut les tenir dans la main et sont extrêmement prolifiques vu qu’ils se reproduisent par parthénogenèse.

De plus la phyllie est un des exemples classiques que l’enseignant de sciences ou le professeur de zoologie utilise pour décrire le cryptisme qui, dans la plupart des cas, est confondu avec le mimétisme.

En réalité on parle de mimétisme quand une espèce copie ou imite une autre espèce comme, par exemple, le faux serpent corail ou serpent de lait (Lampropeltis triangulum Lacépède, 1778) qui imite le vrai serpent corail (Micrurus fulvius Linnaeus, 1766) alors que l’on parle de cryptisme quand une espèce imite le substrat dans lequel elle vit, comme par exemple notre phyllie qui est en mesure d’imiter et de se confondre parfaitement avec la feuille qui l’abrite, de la même façon que les brindilles pour les insectes-bâtons ou phasmes. Le mimétisme tout comme le cryptisme sont des stratégies de défense contre les prédateurs.

Parmi les insectes-bâtons les plus grands du monde il y a le Dryococelus australis (Montrouzier, 1885), considéré comme éteint puis retrouvé en 2001 et qui vit dans l’île de Lord Howe (une île dépendant du territoire australien située à l’Est de l’Australie), l’insecte-feuille sèche (Extatosoma tiaratum Macleay, 1826) qui vit dans les États australiens du Queensland et de la Nouvelle-Galles du Sud et l’ Heteropteryx dilatata (Parkinson, 1798), qui vit dans la péninsule malaise, dont les corps atteignent respectivement la longueur de 15, 20 et 25 cm.

L'adulte imite une feuille presque à la perfection, y compris les appendices des pattes © G. Mazza

L’adulte imite une feuille presque à la perfection, y compris les appendices des pattes © G. Mazza

Zoogéographie

La phyllie est une espèce tropicale originaire et répandue en Malaisie.

Écologie-Habitat

La phyllie vit parmi les feuilles de la forêt pluviale la plus vieille du monde, la Taman Negara, au cœur de la Malaisie, qui s’étend sur environ 4.343 km². Âgée d’ environ 130 millions d’années elle est formée de cinq strates de végétation et constituée d’environ 10.000 espèces végétales dont les arbres appartenant à la famille des Dipterocarpaceae, qui constituent la voûte ou canopée de la forêt, les chênes, les nombreuses espèces de plantes grimpantes, les lauriers qui en constituent les strates intermédiaires et les fougères qui occupent les strates inférieures.

Morphophysiologie

L’adulte imite une feuille presque à la perfection. En effet son corps est vert et aplati. On peut distinguer les nervures foliaires et même les appendices des pattes se sont transformés pour imiter les bords de la feuille.

Le cryptisme que Phyllium giganteum a développé avec la feuille est à ce point incroyable que l’exosquelette qui est , comme indiqué plus haut, de couleur verte présente des taches brunes autour des bords et deux points marron dans la partie supérieure de l’abdomen qui imitent des parties de feuille sèche ou marcescente.

La femelle atteint 12 cm de long. Elle a des antennes courtes et des ailes rudimentaires ou vestigiales. Le mâle (son existence a toujours été discutée vu qu’il est difficile de le trouver dans la nature et que ce sont toujours des femelles qui naissent en captivité) a des ailes longues, vertes et translucides, des antennes longues et des dimensions réduites. Son corps est lui aussi vert avec des pattes complètement marron mais plus fines que celles de la femelle.

Les larves et les nouveau-nés sont, au contraire, de couleur marron et ressemblent au stade adulte mais sont seulement longs de 2 cm et sont très actifs.

Éthologie-Biologie reproductive

À l’âge de 7 mois les femelles atteignent leur taille adulte et 4 semaines plus tard elles ont déjà en mesure de se reproduite. Les œufs, longs de 8,5mm et larges de 4 mm, sont noirs et brillants. Ils ressemblent à des graines et éclosent après environ 6 mois d’incubation pour donner le jour aux larves et aux nouveau-nés qui pendant cette première phase de leur vie sont de couleur marron. Ils ressemblent en partie aux adultes et sont très actifs et fragiles.

La femelle atteint 12 cm de long. Son corps vert est aplati. On note en plus des nervures des taches marron qui imitent des parties de feuille sèche ou marcescente © G. Mazza

La femelle atteint 12 cm de long. Son corps vert est aplati. On note en plus des nervures des taches marron qui imitent des parties de feuille sèche ou marcescente © G. Mazza

Au stade larvaire comme au stade adulte Phyllium giganteum est phytophage. Il mène son existence en s’efforçant de ne pas devenir une proie et en se confondant pour cela parmi les feuilles de la forêt dont il se nourrit.

Après leur première mue les nouveau-nés prennent progressivement une couleur verdâtre et, comme indiqué plus haut, atteignent aux alentours de 7 mois leur taille adulte et leur maturité sexuelle. Une fois à ce stade l’espérance de vie des femelles est d’un an alors que celle des mâles est seulement de quelques semaines.

Les adultes, dans la très grande majorité des cas, sont des femelles et cela parce que la phyllie se reproduit par parthénogenèse. La femelle pond donc des œufs non fécondés qui, une fois éclos, donnent naissance à des individus femelles en tout point identiques à leur mère sur le plan génétique.

La parthénogenèse est un type de reproduction adopté, non seulement par d’autres espèces de Phasmatodea mais aussi par divers arthropodes et pas uniquement. Le désavantage de cette stratégie est que les descendants, vu qu’ils ont le même génome que leur mère, ne sont pas en mesure de s’adapter au milieu s’il venait à se produire des changements subits ou imprévus des conditions environnementales préexistantes. L’avantage, par contre, est que la femelle est à même d’avoir une descendance très nombreuse à des intervalles plus rapprochés pour assurer la survie de l’espèce même en l’absence de mâle. Mais, étant donné qu’un mâle a été récemment découvert, il ne faut pas exclure le fait que la reproduction sexuée existe aussi dans la nature.

Actuellement la phyllie n’est pas menacée d’extinction. Dans la nature c’est une source abondante de nourriture pour tous les animaux insectivores existant dans la forêt tels que les reptiles, les oiseaux et les mammifères.

S’il y a très peu d’informations sur la phyllie dans la nature (est-elle la proie d’un prédateur particulier ? A-t-elle d’autres habitudes que celles que celles qui ont été décrites ? etc…) les informations que l’on tire de son élevage sont par contre très abondantes. Il suffit d’avoir une boîte (elle devra être au moins 3 fois plus grande que la longueur de son corps et 2 fois plus grande que sa largeur), maintenir une température de 22 à 25 °C (voire 30 °C au besoin), une humidité de 60 à 70 % et disposer d’ une bonne aération. Pour les aliments ce qui convient très bien ce sont les feuilles de Rosaceae comme la ronce mais aussi les feuilles de chêne ou celles de la goyave ou de l’amélanchier du Canada.
Il est essentiel que la phyllie surmonte la première mue et que les nouveau-nés ne soient pas manipulés.

Une fois adultes ils peuvent être tenus dans la main, même par des enfants. Pour de plus amples renseignements on peut consulter le PSG (Phasmid Study Group) qui fournit des informations utiles tant sur la phyllie que sur d’autres espèces d’insectes-bâtons.

Il est très important de signaler que, si l’on ne veut plus continuer à élever la phyllie, celle-ci ne doit pas être relâchée dans l’environnement mais confiée aux autorités compétentes (en France l’Office National des Forêts) cela en raison du fait qu’étant une espèce exotique elle pourrait avoir un impact négatif sur notre écosystème.

Phyllium giganteum se nourrit de feuilles aux stades larvaire et adulte. Les mâles sont rares et vivent moins longtemps que les femelles. Celles-ci se reproduisent en général par parthénogenèse sans être fécondées. Les œufs longs de 8,5 mm et larges de 4 mm ressemblent à des graines et éclosent après 6 mois d'incubation © Giuseppe Mazza

Phyllium giganteum se nourrit de feuilles aux stades larvaire et adulte. Les mâles sont rares et vivent moins longtemps que les femelles. Celles-ci se reproduisent en général par parthénogenèse sans être fécondées. Les œufs longs de 8,5 mm et larges de 4 mm ressemblent à des graines et éclosent après 6 mois d’incubation © Giuseppe Mazza

Curiosités et synonymes

Le mâle de Phyllium giganteum a été découvert et décrit seulement en 1994 par Paul Brock.

Son unique synonyme est Phyllium (Pulchriphyllium) giganteum Hausleithner, 1984. C’est aussi son nom complet parce que, du point de vue taxonomique, il a été rattaché au sous-groupe Pulchriphyllium même si cela a été contesté par certains.