Podargus strigoides

Famille : Podargidae

DAVIDE-2.gif
Texte © Dr Davide Guadagnini

 

catherine_collin.gif
Traduction en français par Catherine Collin

 

Podargus strigoides, Podargidae, Podarge gris

A cause de sa grande bouche Podargus strigoides est aussi appelé bouche de grenouille © Giuseppe Mazza

Le Podarge gris (Podargus strigoides Latham 1801) est un étrange oiseau nocturne qui a une bouche tellement grande qu’on l’appelle vulgairement, “bouche de grenouille” ; il a aussi de grands yeux jaunes.

Sa forme particulière et ses attitudes typiques lui confèrent un aspect de créature fantastique. Il appartient à l’ordre des Caprimulgiformes (Caprimulgiformes); à la famille des Podargidés (Podargidae), au genre Podargus et à l’espèce Podargus strigoides.

L’espèce est distribuée géographiquement avec quelques sous-espèces, différentes par la taille, la coloration et la forme :

Podargus strigoides strigoides (à l’Est de la grande chaîne de montagne australienne et en Tasmanie)

Podargus strigoides phalaenoides (au Nord de l’Australie)

Podargus strigoides brachypterus (à l’Ouest de la grande chaîne de montagne australienne)

Le terme “podargus”, indiquant le genre, vient du grec “pous, podόs” et signifie pied et de “argόs” = inactif, paresseux et fait référence aux courtes pattes que possèdent les espèces appartenant à ce genre ; pattes que l’on ne voit pratiquement pas quand les oiseaux sont posés et qui, contrairement à ce que l’on voit chez les rapaces, ne sont pas utilisées pour la chasse.

Le terme indiquant l’espèce, “strigoides” vient du latin “strix” qui signifie “chouette” et du latin “-oides” qui signifie “forme”, et veut donc dire “semblable à une chouette” en rapport avec l’aspect de cet oiseau qui d’une certaine façon rappelle le célèbre rapace nocturne, bien qu’il n’y soit en réalité pas étroitement apparenté.

Zoogéographie

Cette espèce est distribuée sur tout le continent australien, sur les îles côtières d’Australie, en Tasmanie et dans le sud de la Nouvelle-Guinée. Sa densité est plus importante là où on trouve de l’eau, naturelle ou artificielle, comme dans les aires soumises à l’irrigation. Sa présence est moins dense, plus sporadique et plus éparse dans les zones arides et privées de buissons ou d’arbres. L’espèce est dans l’ensemble sédentaire.

Écologie-Habitat

Les podarges gris vivent dans des milieux ayant une épaisse couverture d’arbres, les bois ouverts, le long des cours d’eau avec des rives arborées ou couvertes de buissons, sur des collines, des montagnes et le long des côtes buissonneuses ou arborées. Ils occupent également des milieux urbains comme les terrains de golf, les parcs citadins, les jardins et les bords de routes plantés. Il évite les milieux désertiques privés d’arbres.

Morpho-physiologie

Le podarge gris a une longueur de 33-53 cm, une envergure de 65-98 cm et peut atteindre un poids de 500-700 g (même si des individus gardés en captivité ont atteint un poids de 1 300-1 400 g).

Podargus strigoides, Podargidae, Podarge gris

Les courtes pattes, contrairement aux rapaces, ne servent pas pour la chasse © Giuseppe Mazza

Toutes les espèces appartenant à l’ordre des Caprimulgiformes ont fait du mimétisme cryptique leur style de vie, y atteignant un niveau d’excellence, y compris chez cette espèce

Le podarge gris a un plumage à prédominance grise, fortement et intimement moucheté et marbré de gris clair ou de brun-fauve avec des rayures sombres. Il a souvent une tonalité plus brunâtre-rougeâtre sur les épaules, le dos et sur les ailes au niveau du dos. La coloration est plus pâle sur les parties inférieures mais il est toujours finement rayé de sombre.

Chez cette espèce il existe de grandes variations de taille et de couleur ; il existe aussi une phase, peu commune, de couleur rouille. Son aspect général cryptique et sa livrée le rendent très semblable à l’écorce des arbres sur lesquels il se perche.

Sur les côtes de l’Australie du Nord et sur les îles vivent des populations de très petite taille qui présentent une coloration gris pâle ou rouge-rouille avec de très fins dessins et des rayures sombres très légères qui rappellent les livrées extrêmement cryptiques de certaines espèces de phalènes.

Les yeux ont les iris jaunes et rappellent beaucoup ceux, très typiques, des rapaces nocturnes. Le bec est large, presque autant que la bouche, la portion saillante est robuste et crochue. La mandibule supérieure est surmontée d’une touffe de plumes à l’aspect hirsute tournée vers l’avant. La gueule est jaune-rose.

Les pattes, de couleur gris-brun, sont plutôt courtes et faibles ; elles sont dotées de 4 doigts dont 3 sont retournés vers l’avant. Les doigts et les griffes ne peuvent serrer avec force et ne sont donc pas utilisés pour la chasse.

Les deux sexes sont semblables. Ils vivent en couples ou en petits groupes familiaux constitués de 3-4 individus perchés sur des branches qu’ils imitent grâce à leur couleur et leur posture, pendant la journée. Parfois ils se posent à terre se confondant avec le sol. S’ils sont effrayés ils s’envolent soudainement et vigoureusement d’un vol silencieux, ailes courbées.

Cette espèce peut être confondue avec d’autres espèces ressemblantes comme le Podarge papou (Podargus papuensis) en phase grise, ce dernier ayant pourtant les yeux rouges et la queue plus longue. Il peut aussi être confondu avec le Podarge ocellé (Podargus ocellatus) qui lui, est généralement plus marron et, comme le dit son nom vulgaire, majoritairement marbré. Podargus ocellatus présente en outre un plus grand contraste et une différence entre la couleur dorsale plus sombre et celle des parties inférieures plus claire. Les yeux, enfin, sont jaune-orangé (et non jaune pur).

Les podarges, du point de vue évolutif, ont des similitudes avec les rapaces nocturnes. Les deux chassent de nuit en utilisant leur vue perçante et leur ouïe extrêmement développée. Le vol, que ce soit chez les rapaces ou les podarges, est silencieux et feutré afin de saisir les proies à l’improviste. Les yeux, grands et lumineux associés au plumage souple montre bien la convergence évolutive concernant podarges et rapaces. Les techniques de chasse sont en revanche bien différentes : alors que les rapaces capturent leurs proies en utilisant leurs pattes puissantes dotées de serres meurtrières, les podarges eux utilisent directement leur bouche et leur bec pour capturer les leurs.

Podargus strigoides, Podargidae, Podarge gris

Il a une envergure de 65-98 cm et peut atteindre un poids de 700 g © G. Mazza

 Éthologie-Biologie reproductive

Cette espèce est active au crépuscule. Elle se pose sur des branches ouvertes et sur les barrières des enclos d’où elle s’envole silencieusement pour chasser des insectes volants et des proies terrestres puis ensuite retourne sur son perchoir. Ainsi, plus que de chercher activement des proies, elle attend sur un perchoir choisi que celles-ci passent aux environs.

Malheureusement le podarge gris a l’habitude de chasser les insectes en volant au ras des routes et ce faisant, de nombreux oiseaux sont bousculés et tués. Il se nourrit aussi de grenouilles, de lézards et d’autres petits animaux qu’il chasse en piqué vers les proies au sol.

Le podarge gris est un habile chasseur grâce à sa bonne vue et à son excellente ouïe. Cette espèce émet un chant difficile à localiser avec précision : il s’agit d’un bas et répété “oom-oom-oom-oom” (semblable à un grognement) parfois lent, d’autres fois assez rapide, résonnant et répété jusqu’à des dizaines de fois. S’il est dérangé il émet un son semblable à un bourdonnement d’insecte.

C’est une espèce monogame, le couple restant lié jusqu’à ce que l’un des deux membres meure. Il se reproduit généralement d’août à décembre, ce qui correspond à la belle saison. Le nid est constitué d’une plate-forme fragile et superficielle composée de petites branches et recouverte de feuilles, le nid étant peu épais, ressemblant aux nids de tourterelles et de pigeons.

Le nid est le plus souvent placé à la fourche horizontale d’une branche ou sur la base plate d’une branche cassée à 5-10 mètres de hauteur. Parfois, sont utilisées d’anciens nids d’autres espèces d’oiseaux comme le Corbicrave leucoptère (Corcorax melanorhamphos) ou le Cassican flûteur (Gymnorhina tibicen).

S’il est dérangé ou s’il se sent en danger lorsqu’il couve, il prend une posture caractéristique dite “de la branche cassée”. Cette posture, incroyablement mimétique et qui d’une certaine manière l’a rendu célèbre, fait ressembler cet oiseau immobile avec son plumage serré le long du corps à une sorte d’éperon de tronc brisé à un certain endroit.

Même durant le repos normal cet oiseau est difficilement repérable grâce à son grand mimétisme ; pour ne pas se faire remarquer il garde les yeux entrouverts en fente, son bec pointu tendu vers le haut et reste totalement immobile. Le bec et la touffe de plumes tactiles sur la tête complètent le travail cryptique. Les podarges gris semblent ainsi de petits rameaux d’écorce ou des brindilles de la branche brisée qu’ils imitent.

La couvée se compose généralement de 2 œufs blancs et arrondis. Les deux parents couvent les œufs pendant 25-28 jours environ. Les poussins naissent recouverts d’un duvet blanchâtre et ont un aspect amusant, ayant l’allure d’une petite boule de duvet dans laquelle on distingue seulement les yeux et le bec.

Les petits restent au nid pendant environ un mois, les populations du sud du continent peuvent effectuer une seconde couvée dans l’année. On a récemment découvert que les podarges, durant la saison froide, entrent dans une sorte de léthargie, passant la majeure partie de la journée à se reposer, réduisant leur métabolisme et abaissant leur température corporelle.

Les podarges gris, contrairement aux autres espèces appartenant au même ordre, peuvent être élevés relativement facilement en captivité où ils acceptent volontiers de se nourrir d’insectes d’élevage, de souris domestiques, de viande hachée etc. Ils peuvent vivre dix ans et même plus.

 

→ Pour des informations générales sur les Caprimulgiformes voir ici