Pseudotriton ruber

Famille : Plethodontidae


Texte © Nicolò Pellecchia

 


Traduction en français par Jean-Marc Linder

 

Longue de 95 à 180 mm, la Salamandre rouge (Pseudotriton ruber) vit dans l'est des États-Unis

Longue de 95 à 180 mm, la Salamandre rouge (Pseudotriton ruber) vit dans l’est des États-Unis © Giuseppe Mazza

La Salamandre rouge, ou Faux-triton rouge, Pseudotriton ruber (Sonnini de Manoncourt & Latreille, 1801), est un amphibien de l’ordre des Caudata et de la famille des Plethodontidae originaire de l’Est des Etats-Unis.

La grande famille des Plethodontidae représente environ 70 % des amphibiens urodèles actuellement décrits. Elle est établie du Canada au Brésil et à la Bolivie dans le Nouveau Monde, et du sud-ouest de l’Europe à la Corée du Sud.

Le nom du genre Pseudotriton provient du grec “ψεύδω” (pseúdo), faux, et “Τρίτων” (Trítōn), Triton, le fils du dieu de la mer Poséidon et de la Néréide Amphitrite, d’où est issu taxonomiquement le genre Triturus attribué aux tritons.

Il s’agit donc zoologiquement d’un “faux triton”.

L’épithète spécifique ruber, rouge en latin, fait clairement référence à la couleur de cette salamandre.

Le genre Pseudotriton comprend à ce jour (2022) deux espèces, la Salamandre de boue (Pseudotriton montanus) et la Salamandre rouge (Pseudotriton ruber).

Ce genre est endémique de l’est et du sud des États-Unis, depuis le sud de l’état de New York jusqu’à la Floride et, vers l’ouest, jusqu’au sud de l’Ohio, au Kentucky, au Tennessee et à l’est de la Louisiane.

Zoogéographie

La Salamandre rouge est une espèce de l’est des États-Unis, dont la limite la plus septentrionale se trouve dans l’État de New York. On la retrouve dans la rivière Hudson et elle s’étend jusqu’à la côte du Golfe de Louisiane en passant par l’Alabama, la Floride, la Géorgie, l’Indiana, le Kentucky, le Maryland, le Mississippi, la Caroline du Nord, le New Jersey, la Pennsylvanie, la Caroline du Sud, le Tennessee, la Virginie et la Virginie occidentale.

Quatre sous-espèces sont actuellement connues dans sa vaste aire de répartition. Elles sont citées ici en commençant par la limite nord, dans l’État de New York.

Pseudotriton ruber ruber, la Salamandre rouge du Nord, répandue du sud de l’État de New York et de l’Ohio jusqu’au nord de l’Alabama. C’est la sous-espèce la plus commune, qui se caractérise par une couleur rouge orangé et des taches noires dispersées sur le dos.

Assez commune jusqu'à 1500 m d'altitude en zones marécageuses, près des ruisseaux et des sources, on peut la voir aussi dans les bois en quête de nouveaux habitats

Assez commune jusqu’à 1500 m d’altitude en zones marécageuses, près des ruisseaux et des sources, on peut la voir aussi dans les bois en quête de nouveaux habitats © Jake Scott

Pseudotriton ruber nitidus, la Salamandre rouge de Blue Ridge, est présente dans la partie sud des Blue Ridge Mountains, en particulier autour de 1500 m d’altitude. Très proche de la Salamandre rouge du Nord, elle se reconnaît à sa taille légèrement plus petite et à l’absence de coloration noire à l’extrémité du museau et de la queue.

Pseudotriton ruber schencki, la Salamandre rouge à menton noir, également présente dans les Blue Ridge Mountains, rarement au-dessus de 1500 m d’altitude. Elle présente une moucheture noire diffuse jusqu’à l’extrémité de la queue avec une coloration noire intense sous le menton.

Elle passe l'hiver et les heures chaudes, tapie sous rochers et rondins. Active la nuit, elle chasse escargots, vers de terre, araignées, insectes, petits amphibiens

Elle passe l’hiver et les heures chaudes, tapie sous rochers et rondins. Active surtout la nuit, elle chasse escargots, vers de terre, araignées, insectes, petits amphibiens © John P Clare

Pseudotriton ruber vioscai, la Salamandre rouge du Sud, présente du sud de la Caroline du Sud au sud-est de la Louisiane et au sud-ouest du Kentucky. Cette sous-espèce présente une couleur dorsale violacée à saumon et des mouchetures blanches sur la tête.

Écologie-Habitat

La Salamandre rouge fréquente une large fourchette d’altitude, entre le niveau de la mer et 1500 m mètres. Les salamandres rouges sont assez communes au voisinage des ruisseaux et des sources claires dans les zones boisées ou ouvertes.

Il existe quatre sous-espèces. Ainsi, Pseudotriton ruber nitidus, présent en altitude au sud des Blue Ridge Mountains, est dépourvu de points noirs au bout du museau et de la queue

Il y a quatre sous-espèces. Pseudotriton ruber nitidus, présent en altitude au sud des Blue Ridge Mountains, est dépourvu de points noirs au bout du museau et de la queue © John P Clare

Elles peuvent aussi se trouver dans d’autres milieux humides comme les petites criques ou les zones humides des montagnes. La dispersion vers et depuis ces sites aquatiques a lieu en automne et au printemps ; à d’autres moments de l’année, elles s’abritent en environnement terrestre dans des terriers proches de cours d’eau, ou sous des rondins ou des pierrailles. Il arrive aussi que les adultes se dispersent dans les secteurs boisés à la recherche de nouveaux sites.

Les salamandres rouges ont un régime alimentaire généraliste, tant à l’âge adulte qu’au stade larvaire. Elles se nourrissent d’un large éventail de proies, dont principalement des invertébrés comme les limaces, les vers de terre, les araignées, les coléoptères aquatiques et autres insectes, mais aussi de petits amphibiens, comme la Salamandre cendrée Plethodon cinereus.

Pseudotriton ruber schencki, qui peut atteindre 15 cm, présente une coloration noire intense sous le menton

Pseudotriton ruber schencki, qui peut atteindre 15 cm de taille, présente une coloration noire intense sous le menton © Todd Pierson

Les principaux prédateurs de cette salamandre sont les oiseaux, les serpents et des mammifères comme ratons-laveurs, putois ou musaraignes.

Ces amphibiens sont généralement plus actifs la nuit, moment où ils sortent pour se nourrir, et passent la journée terrés dans leurs refuges.

Morphophysiologie

En général, les espèces de la famille des Plethodontidae ne présentent pas de grande diversité morpho-physiologique, tant inter- qu’intra-spécifique.

En revanche, cette diversité est bien présente au niveau génétique, qui revêt donc une importance diagnostique accrue.

Les traits morphologiques qui permettent de distinguer Pseudotriton ruber de son congénère Pseudotriton montanus sont la couleur jaune de l’iris, qui est brune chez la Salamandre de boue.

La Salamandre rouge présente également un museau généralement plus long et moins émoussé, et des taches dorsales prononcées qui se chevauchent, alors qu’elles sont plus espacées et ne se chevauchent pas chez la Salamandre de boue.

Pseudotriton ruber est une espèce de taille modeste, dont la longueur totale varie entre 95 et 180 mm.

Assez robuste, elle présente 16-17 rainures costales et une queue courte, comme d’ailleurs les membres par rapport à la taille du corps, mesurant en moyenne 38% de la longueur totale et 80% de la longueur du museau.

La Salamandre rouge est une espèce ovipare. L'eau lui est indispensable pour se reproduire

La Salamandre rouge est une espèce ovipare. L’eau lui est indispensable pour se reproduire © Giuseppe Mazza

La couleur dorsale va du rouge vif à l’orange en passant par le brun violacé, avec des taches noires irrégulières. Le ventre est rose ou rouge, taché de noir.

Avec l’âge, les individus deviennent plus sombres et les taches ont tendance à fusionner.

Les jeunes sont généralement d’un rouge cramoisi vif, les taches dorsales noires sont toujours présentes, mais les taches ventrales peuvent être absentes.

Après l’éclosion, les larves ont un dos brun clair et un ventre blanchâtre.

En grandissant, leur dos devient de plus en plus rayé, et plus elles approchent de la métamorphose, plus elles ont tendance à rougir.

Ethologie et biologie de la reproduction

Pseudotriton ruber est une espèce ovipare. La reproduction a lieu chaque année, les portées sont de taille variable.

On observe chez ces amphibiens une parade nuptiale originale.

Le mâle s’approche de la femelle et frotte son museau sur celui de la partenaire potentielle.

Il agite ensuite sa queue jusqu’à ce que la femelle grimpe sur lui pour une “chevauchée” caractéristique qui dure environ deux minutes.

Finalement, le mâle libère sur le sol le spermatophore contenant le sperme, aussitôt recueilli par la femelle qui l’introduit dans son cloaque. Les femelles de cette espèce peuvent stocker le sperme pendant une longue période ; les œufs ne sont donc pas forcément pondus aussitôt après l’accouplement, elles peuvent attendre le moment le plus propice.

On a constaté qu’un mâle peut produire deux spermatophores en une nuit.

Les pontes, qui comptent généralement 29 à 130 œufs avec une moyenne de 80, ont lieu en automne ou au début de l’hiver. Larges de 4 à 6 mm environ, les oeufs sont fixées sous des pierres ou des rondins immergés dans les cours d’eau, les marécages ou les sources.

En automne ou au début de l’hiver, la femelle pond en moyenne 80 œufs, avec un maximum de 130, et les protège pendant 2 à 3 mois jusqu’à leur éclosion

En automne ou au début de l’hiver, la femelle pond en moyenne 80 œufs, avec un maximum de 130, et les protège pendant 2 à 3 mois jusqu’à leur éclosion © J.D. Willson

Les femelles veillent sur les œufs jusqu’à leur éclosion, pendant 2 à 3 mois.

La période larvaire est assez longue. Elle peut durer de 1,5 à 3,5 ans, la métamorphose se produisant le plus souvent entre le printemps et l’été de la troisième année. Cette étape est suivie d’un stade juvénile terrestre d’environ un an pour les mâles et deux ans pour les femelles.

Le passage à l’âge adulte se produit chez les mâles vers l’âge de quatre ans, à une taille de 50-60 mm, et vers l’âge de cinq ans chez les femelles, à une taille de 55-70 mm.

Une jeune larve aux branchies bien visibles. Son ventre est blanchâtre et son dos, typiquement brun clair, prend des rayures ou des taches avec le temps

Une jeune larve aux branchies bien visibles. Son ventre est blanchâtre et son dos, typiquement brun clair, prend des rayures ou des taches avec le temps © Todd Pierson

Ces salamandres ont des mécanismes anti-prédateurs originaux. Sous la menace, elles ont tendance à lever leurs pattes arrière et leur queue, à effectuer des mouvements ondulatoires avec la queue et à replier leur tête sous celle-ci.

Un autre comportement qui se rapporte toujours au thème de la reproduction est la cour que font certains mâles aux individus du même sexe.

Ce comportement peut entraîner la libération d’un spermatophore par le mâle rival, ce qui augmente les chances de succès reproducteur du “prétendant”.

La période larvaire est assez longue et dure de 1,5 à 3,5 ans. La métamorphose se produit le plus souvent entre le printemps et l'été de la troisième année

La période larvaire est assez longue et dure de 1,5 à 3,5 ans. La métamorphose se produit le plus souvent entre le printemps et l’été de la troisième année © Todd Pierson

Statut de conservation

La Salamandre rouge est une espèce assez commune, notamment la Salamandre rouge du Nord qui est la plus commune de ses sous-espèces. Cette espèce est évaluée au statut LC (préoccupation mineure) par l’UICN.

Synonymes

Salamandra rubra Latreille, 1801 ; Spelerpes ruber Cope, 1889 ; Eurycea rubra Stejnger & Barbour, 1917.

 

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