Sesia apiformis

Famille : Lymantriidae


Texte © Prof. Santi Longo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Papillon inerme qui se fait passer pour un frelon Sesia apiformis est présent en Europe, en Asie centrale, en Sibérie, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord

Papillon qui se fait passer pour un frelon, Sesia apiformis est présent en Europe, en Asie centrale, en Sibérie, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord © Ryszard Szczygieł

La Sésie apiforme ou Sésie du Peuplier ou Sésie frelon, Sesia apiformis (Clark, 1759) est une des quelque mille espèces de Lépidoptères de la famille des Sesiidae ou Aegeridae qui, à cause de certaines caractéristiques morphologiques, sont considérées comme faisant partie des espèces les plus primitives de cet ordre.

La caractéristique morphologique la plus visible est la forme étroite et allongée des ailes qui mettent les nervures à nu et sont en partie transparentes à cause de l’absence d’écailles de couverture. De plus les couleurs voyantes aux bandes jaunes et rouges de l’abdomen recouvert d’écailles font ressembler les adultes aux Hyménoptères aculés, comme le Frelon (Vespa crabo) ou aux Diptères tabanidés.

Ce mimétisme est défini comme étant de type pseudo-aposématique étant donné que les adultes, inermes, imitent des insectes munis d’aiguillons ou d’un appareil buccal piqueur et reproduisent aussi leur bourdonnement caractéristique pendant le vol. Le corps de certaines espèces a enfin un goût désagréable et s’avère toxique pour les prédateurs qui les évitent après une mauvaise expérience. Pour cette raison leur mimétisme est qualifié d’aposématique d'”avertissement”.

Le mâle attiré par la phéromone sexuelle des femelles se déplace sans cesse. Ici il en suit une sur une branche

Le mâle attiré par la phéromone sexuelle des femelles se déplace sans cesse. Ici il en suit une sur une branche © Iain H Leach

Il existe dans la partie terminale de l’abdomen une touffe très visible de poils écailleux.

Les larves, éruciformes, sont de couleur blanchâtre et dotées de mandibules puissantes avec lesquelles elles rongent l’écorce ou le bois des plantes-hôtes. Il existe peu de poils sur le tégument. La tête et les plaques pro-thoracique et anale sont plus foncées.

La partie postérieure mobile des chrysalides est munie de couronnes d’épines. Habituellement les éopupes se déplacent dans le dernier tronçon des galeries où elles se transforment en chrysalides après avoir percé l’orifice d’envol.

Les Sésidés qui présentent le plus d’intérêt sont Synanthedon myopaeformis et Synanthedon typhiaeformis qui au stade larvaire endommagent les pommiers et Synanthedon tipuliformis dont les chenilles sont polyphages.

Le nom du genre Sesia vient du grec ancien “σής” (sés), teigne, mite alors que le terme apiformis, en forme d’abeille en latin, fait référence à la ressemblance des adultes avec les Hyménoptères apoïdes.

Zoogéographie

La Sésie apiforme est commune dans toute l’Europe et certaines zones de l’Asie centrale, de la Sibérie et du Moyen-Orient. Elle a été introduite accidentellement en Amérique du Nord où elle s’est acclimatée.

Écologie-Habitat

Sesia apiformis a trouvé des conditions optimales de développement dans des milieux marécageux ou humides où ses larves creusent des galeries surtout dans le bois des peupliers et des saules et plus rarement dans celui des bouleaux et des tilleuls.

Les dégâts les plus importants sont causés aux jeunes plantes qui se trouvent dans les peupleraies industrielles et les pépinières souvent avec les larves du Paranthrene tabaniformis, un autre Sésidé.  Les plantes attaquées, touchées au niveau de leur force vitale et de leur croissance, peuvent en effet se casser sous l’action du vent.

Dans les zones infestées les tissus ligneux deviennent hypertrophiés ce qui entraîne un grossissement caractéristique de la base de la plante. La galerie qui est creusée verticalement par la larve a une forme cylindrique et est longue d’environ 10 cm si elle est forée dans les plantes jeunes alors que dans les arbres de grande taille qui peuvent abriter plusieurs larves les galeries atteignent jusqu’à 60 cm de long.

La diffusion de la culture du Peuplier du Canada (Populus × canadensis), qui est apprécié en raison de son bois clair qui brûle lentement et convient parfaitement à la fabrication des allumettes, a accru le potentiel biotique de ce lépidoptère qui a trouvé dans les plantations de peupliers des conditions optimales de développement et a causé de sérieux dégâts.

Celle-ci, en train de s'accoupler, est beaucoup moins active. Plus grande elle ne s'éloigne guère du lieu où elle est née et se borne à diffuser son appel d'un endroit bien placé © Iain H Leach

Celle-ci, en train de s’accoupler, est beaucoup moins active. Plus grande elle ne s’éloigne guère du lieu où elle est née et se borne à diffuser son appel d’un endroit bien placé © Iain H Leach

Morphophysiologie

Les adultes ont un corps de couleur essentiellement jaune avec des parties de teinte fauve brunâtre et de grandes bandes marron. Les femelles sont longues de 18 à 24 mm. Les mâles ne dépassent pas habituellement 20 mm.

La tête est jaune en partie supérieure et brun rouille en partie basse. Les antennes, de couleur noire, sont aplaties, légèrement renflées vers la partie distale et semblables à celles des hyménoptères aculés qu’elles imitent. La spiritrompe est courte et conçue pour sucer le nectar et d’autres liquides. Les yeux composés sont de taille moyenne. Les ocelles sont relativement grands.

Le thorax est brun noirâtre et comporte à l’avant une bande de couleur bleu azur et deux grandes taches jaunes de forme trapézoïdale sur les côtés situés à l’avant.

La ponte s'effectue surtout sur les troncs de peupliers et de saules

La ponte s’effectue surtout sur les troncs de peupliers et de saules © Gianfranco Colombo

Les ailes sont en grande partie transparentes. Leur bord antérieur est de couleur rouille. Les nervures et la frange marginale des poils sont rougeâtres.

Dans la partie située à la base des ailes antérieures il existe une petite tache jaune. L’envergure alaire va de 34 à 45 mm.

Les fémurs des pattes sont jaunes alors que les tibias et les tarses sont de couleur jaune rouille. Le premier et le quatrième segment de l’abdomen sont noirs alors que les autres sont jaunes avec une partie apicale noire.

L’œuf est marron jaunâtre ou rougeâtre, de forme ellipsoïdale et long d’un peu moins de 1 mm et a un chorion solide.

La larve a un corps blanchâtre qui comporte de rares poils clairsemés. Sa tête est brun rougeâtre. Le bouclier thoracique et la plaque anale sont de couleur jaunâtre-rougeâtre. Il existe sur le dos une ligne médiane longitudinale plus foncée. Sur les côtés se trouvent les stigmates respiratoires qui sont de couleur foncée.

La larve adulte mesure de 3,5 à 4,5 mm.

L’éopupe fabrique près de l’orifice de sortie de la galerie un cocon allongé constitué de fils de soie dans lesquels sont incorporés des déchets de bois.

La chrysalide qui mesure environ 3 cm est de couleur brun rougeâtre ou jaunâtre et possède une double rangée d’épines au niveau des segments abdominaux.

Éthologie-Biologie reproductive

Dans les zones méridionales de diffusion de ce Lépidoptère les premiers adultes prennent leur envol   fin mai mais le maximum des envols a lieu de la mi-juin au début du mois d’août.

Les adultes sont également actifs le jour. Leur vol est rapide et s’effectue en ligne droite ou autour de la base des plantes où les femelles pondent leurs oeufs après l’accouplement.

Les deux sexes sont attirés par certaines substances telles que le phosphate biammonique. La nuit ils sont attirés par les lumières (phototropisme positif). Des pièges chimiques lumineux et contenant des substances attirantes ont été utilisés autrefois afin de capturer le plus grand nombre possible d’exemplaires de Sésidés dans le but de lutter contre ces insectes.

Les larves à peine nées pénètrent dans la moelle de l'arbre où elles hivernent. Au printemps elles grandissent en creusant des galeries sinueuses dans le bois et en automne elles construisent un cocon où elles passent un second hiver. Au printemps suivant ou l'année d'après si le climat est rigoureux elles percent un trou de sortie où elles se nymphosent. Ici l'envol

Les larves à peine nées pénètrent dans la moelle de l’arbre pour hiverner. Au printemps elles grandissent en creusant des galeries et en automne elles construisent un cocon pour passer un second hiver. Au printemps ou l’année d’après si le climat est rigoureux elles percent un trou de sortie où elles se nymphosent. Ici l’envol © Mike McKenzie

On a synthétisé la phéromone sexuelle avec laquelle les femelles attirent les mâles qui, en suivant leurs traînées odorantes, parviennent à les rejoindre même à des distances importantes. Cet appât, installé à l’intérieur de pièges conçus à cet effet, est utilisé pour contrôler les populations dans un territoire donné.

Les femelles fécondées pondent jusqu’à un millier d’oeufs séparés qu’elles fixent dans les craquelures de l’écorce ou sur les parties découvertes des racines de grande taille. À peine sorties de l’oeuf les larves, qui sont dotées d’un robuste appareil buccal masticatoire, commencent à creuser des galeries subcorticales et pénètrent dans la zone médullaire où elles hivernent.

Le printemps suivant elles reprennent leur activité trophique et creusent des galeries sinueuses dans le bois en se dirigeant vers le bas jusqu’à atteindre les racines.

Pied d'un peuplier percé par des trous de sortie. Dans les peupleraies industrielles les dégâts peuvent être importants et causent parfois la chute de l'arbre

Pied d’un peuplier percé par des trous de sortie. Dans les peupleraies industrielles les dégâts peuvent être importants et causent parfois la chute de l’arbre © G. Colombo

Au cours de l’automne elles deviennent adultes et construisent leur cocon où elles passent leur second hiver. Au printemps elles reprennent leur activité et percent un orifice de sortie près duquel elles se transforment en chrysalides. À partir du mois de mai ou de juin les envols des adultes débutent. Des trous des galeries larvaires s’échappent d’abondants déchets de bois qui, chez les plantes jeunes,  trahissent, en même temps que le grossissement des troncs, la présence des larves.

La chrysalide peut effectuer de petits déplacements grâce auxquels elle rejoint l’orifice de la galerie larvaire et en fait émerger la partie antérieure de son corps. Cette position facilite l’envol des adultes tout en évitant que leur corps subisse des dommages.

Le développement depuis l’oeuf jusqu’à l’adulte s’effectue d’habitude en deux ou trois mois mais si les conditions du milieu sont défavorables il peut se prolonger beaucoup plus longtemps et dans ce cas la chrysalide qui est protégée par le cocon de soie sécrété par l’éopupe doit passer une troisième saison hivernale.

Les larves ont divers parasitoïdes. Le Guêpier, habitué à dévorer des abeilles et des guêpes, ne fait certes aucun cas du camouflage des adultes

Les larves ont divers parasitoïdes. Le Guêpier, habitué à dévorer des abeilles et des guêpes, ne fait certes aucun cas du camouflage des adultes © Andreas Gruber

La livrée voyante d’avertissement des adultes s’avère inefficace en cas de rencontre avec des oiseaux insectivores qui se nourrissent aussi d’abeilles et de guêpes comme le Guêpier d’Europe (Merops apiaster).

Les larves des Sésidés sont parasitées par des Hyménoptères tant Ichneumonidés (Amblyteles funereus, Cryptus pseudomymus et Menicus setosus) que Braconidés comme Bracon mediator.

Synonymes

Sfinge apiformis Clerck, 1759; Sfinge apiformis Linneo, 1761; Sfinge crabroniformis Denis & Schiffermüller, 1775; Sphinx sireciformis Esper, 1782; Sphinx tenebrioniformis Esper, 1782; Sfinge Vespa Retzius, 1783; Trochilum [sic] apiforme ab. brunnea Caflisch, 1890; Trochilium apiformis ab. Caflischii Standfuss, 1892; Trochilium apiformis ab. Brunneipes Turati, 1913; Aegeria apiformis ab. Rodani Mouterde, 1955.

 

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