Anas bernieri

Famille : Anatidae

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Texte © Dr Davide Guadagnini

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Chez elle dans les mangroves de Madagascar, la Sarcelle de Bernier est en grand danger d’extinction © G. Mazza

Chez elle dans les mangroves de Madagascar, la Sarcelle de Bernier est en grand danger d’extinction © G. Mazza

La sarcelle de Bernier, Sarcelle de Madagascar ou encore Sarcelle malgache de Bernier (Anas bernieri Hartlaub 1860) est l’un des canards les plus rares et restait, jusqu’à il y a peu, l’un des moins connus. Espèce endémique de Madagascar, il appartient à l’ordre des Ansériformes (Anseriformes), à la famille des Anatidés (Anatidae), au genre Anas et à l’espèce Anas bernieri.

Le nom de genre Anas vient d’un terme latin “anas, anatis” qui signifie simplement “canard” ; l’espèce bernieri est dédiée au chevalier J.A. Bernier, chirurgien de marine-naturaliste qui récoltait des spécimens d’oiseaux à Madagascar entre 1831 et 1834.

Zoogéographie

Le bastion de cette espèce se situe dans la partie ouest de Madagascar, dans la région d’Antsalova, où la présence de ce canard sédentaire se trouve surtout confinée aux lacs côtiers. Même dans cette zone les rares endroits encore disponibles pour cette espèce sont assiégés.

Ecologie-Habitat

Prairies inondées, grandes étendues de mangrove et zones humides étaient principalement les aires de répartition convenant à cette espèce. Malheureusement, ces habitats ont été rapidement exploités par l’homme. A l’heure actuelle, les habitats fréquentés par les sarcelles de Bernier se limitent à des lacs peu profonds, des marais saumâtres de mangrove résiduelle, des étangs ouverts et aux estuaires des fleuves dotés de bancs de sable. Elles n’apprécient pas les eaux profondes et l’abondante végétation des zones marécageuses.

Morpho-physiologie

Ce canard est long d’environ 40-45 cm, pèse environ 400 g, et a une livrée principalement de couleur marron-chaud tirant sur le rouge. La tête et les parties inférieures sont majoritairement dans les tons noisette avec des bordures marron foncé aux extrémités qui sont plus larges sur les côtés. Vue de près et dans sa totalité la livrée a un aspect pointillé-tacheté. Les plumes dorsales sont marron foncé avec une étroite bordure noisette. Les plumes de couverture et les plumes timonières de l’aile sont brun-grisâtre comme le sont aussi les plumes timonières de queue (en moins grisâtres) .

A l’heure actuelle il en reste au maximum 100 à 500 © Giuseppe Mazza

A l’heure actuelle il en reste au maximum 100 à 500 © Giuseppe Mazza

Les rémiges secondaires forment un large miroir alaire noir velouté précédé au point d’attache par une large bande blanche se terminant aux rémiges avec un bord également blanc.

La sarcelle de Bernier a un bec gris-rosé (avec l’onglet et les narines plus sombres) légèrement recourbé vers le haut qui, avec les yeux vifs et le front légèrement bombé, lui confère une expression sympathique de la tête et de la face qui rappelle (grâce également à ses habitudes et à certains de ses mouvements) un petit tadorne marron. Le cou est légèrement allongé. L’iris est brun-rouge. Les pattes sont grisâtre-rosé.

Les deux sexes sont semblables même si les mâles ont généralement une livrée plus brillante-lumineuse et une tête et des dimensions légèrement plus grandes.

Éthologie-Biologie reproductive

Bien qu’étant active toute la journée, la sarcelle de Bernier l’est plus le matin et le soir. Ces canards peuvent s’alimenter la nuit surtout lorsque la lune est pleine.

Pendant les heures les plus chaudes de la mi-journée, ils paressent sur les rives sableuses ou passent leur temps à chercher querelle à leurs congénères. Même si pour cette espèce le rassemblement en vol est plutôt atypique, des sarcelles de Bernier ont été observées en compagnie d’autres espèces comme le Canard à bec rouge (Anas erythrorhyncha) et les Dendrocygne fauve (Dendrocygna bicolor) et Dendrocygne veuf (Dendrocygna viduata).

Ces canards n’aiment pas particulièrement nager et se nourrissent sur les bancs de sable et les flaques à la façon des Tadornes de Belon (Tadorna tadorna). Une étude effectuée sur le lac Bemamba a montré que 70 % du temps passé à s’alimenter était occupé à patauger rapidement dans les eaux basses.

Lorsqu’ils s’alimentent ils sont toujours en mouvement, généralement occupés à remuer la vase avec leur bec, le cou tendu, remuant la tête d’un côté à l’autre avec un typique mouvement de tamisage. Le fait d’occuper une grande partie de leur temps à la recherche de nourriture pourrait indiquer que la nourriture, au moins à certaines périodes de l’année, est insuffisante, peu nutritive et très dispersée. Souvent, les sarcelles de Bernier se querellent entre elles pour défendre leurs propres zones d’alimentation. Leur régime alimentaire, même s’il n’est pas bien connu, se compose principalement d’insectes, de mollusques aquatiques et de certains végétaux en particulier de graines de plantes aquatiques.

La sarcelle de Bernier est habituellement observée en couple ; on note de toute façon que les liens de couple sont forts et stables. Le nid est bâti dans l’enchevêtrement de la mangrove ou dans des creux d’arbres. Des cavités naturelles adéquates, fournies surtout par Avicennia marina (Avicennia marina), ont été repérées à 1-3 mètres au-dessus de l’eau. La couvée type est généralement composée de 6-7 (4-10) œufs. La coquille est de couleur jaune-cuir. Les œufs sont couvés par la cane pendant environ 4 semaines. Les canetons ont la partie supérieure marron et la partie inférieure et la partie latérale jaune-blanchâtre ; sur le dos courent deux lignes blanchâtres.

Il se nourrit en tamisant la vase à la recherche d’insectes, de mollusques et de graines de plantes aquatiques © Giuseppe Mazza

Il se nourrit en tamisant la vase à la recherche d’insectes, de mollusques et de graines de plantes aquatiques © Giuseppe Mazza

Avant l’arrivée de l’homme (il y a environ 2000 ans) l’espèce était beaucoup plus nombreuse.

Cette réduction drastique peut être partiellement imputée à la déserti- fication causée par des changements climatiques.

De toute façon, la raison principale est à imputer à la destruction de leur habitat due à la constante expansion de la population humaine.

Les pesticides, les diverses pollutions, sans compter l’introduction de diverses espèces de poissons qui consomment la nourriture des espèces endémiques, sont également de graves menaces à la perpétuation de l’espèce.

La sarcelle de Bernier est une espèce en grand danger d’extinction. Déjà, dans les années 1930 l’espèce était rare et très localisée. Des années 1970 à nos jours seules quelques dizaines de spécimens ont été vues.

On pense qu’il y en a, au plus, quelques centaines de spécimens (100-500) entre Antsalova et Morondava plus quelques autres répartis dans d’autres lieus. La croissance explosive de la population humaine à Madagascar a eu et continue d’avoir un impact dévastateur sur cet ex-paradis terrestre. La sarcelle de Bernier étant indissolublement liée au très précieux environnement de mangrove, un des écosystèmes les plus endommagés par l’activité et par l’avidité humaine, pourrait devenir un des animaux symboles de la protection de cet environnement enchanteur mais tellement fragile.

La reproduction en captivité est à considérer très sérieusement afin de contrer le déclin de l’espèce. Depuis une dizaine d’année, en Grande-Bretagne, le zoo de Jersey (Jersey Wildlife Preservation Trust) élève cette espèce ainsi que d’autres espèces considérées “mineures” par la superficialité humaine. Le souhait pour le futur est que, au moins en captivité, l’élevage de cette espèce puisse s’intensifier et que la sarcelle de Bernier soit de plus en plus répandue.

 

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