Clonopsis gallica

Famille : Bacillidae

Famille : Erebidae


Texte © Prof. Santi Longo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Clonopsis gallica

Le Phasme gaulois (Clonopsis gallica ) existe dans diverses zones le long des côtes méditerranéennes et du littoral atlantique de l’Afrique du Nord © Giuseppe Mazza

Clonopsis gallica (Charpentier, 1825) est communément appelé, par référence à sa première description, Phasme gaulois.

Le nom du genre vient du grec “clone ” = rameau et “opsis” = vue tandis que celui de l’espèce se rapporte à la Gaule qui est le nom ancien de la région où les individus recueillis ont été décrits.

Cet insecte appartient à la famille des Bacillidae de l’ordre des Phasmatodea (les Phasmoïdes) qui compte environ 3.000 espèces, presque toutes terrestres, qui ont des mœurs nocturnes, sont peu mobiles et ressemblent souvent  morphologiquement  et chromatiquement au substrat végétal sur lequel elles vivent, des caractéristiques qui les rendent difficilement repérables par l’œil humain et celui des prédateurs. En d’autres termes elles se mimétisent avec le substrat à la fois par la couleur de leur tégument (homochromie) et par leur forme (homomorphisme).

Clonopsis gallica

Typique posture de jour alors qu’il se repose immobile sur une ronce. Long jusqu’à 9 cm il peut être marron clair ou verdâtre avec une ligne plus claire ou rosée sur les côtés © Giuseppe Mazza

Leur mimétisme cryptique s’applique aussi à leurs œufs qui ressemblent à des graines de plantes herbacées.

Les stades juvéniles (les néanides) peuvent, de plus, amputer leurs membres par autotomie et  les régénérer en totalité ou en partie au moment des mues et d’autre part, en fonction de la température, de l’humidité et de la luminosité ambiante, ils peuvent modifier la couleur de leur tégument.

D’origine tropicale et subtropicale ils sont également présents dans les régions tempérées et pour des raisons d’étude on les élève dans de nombreux insectariums et laboratoires du monde entier. Les dimensions du corps des adultes varie de 1 cm environ aux presque 36 cm de Phobaeticus chani  qui est considéré comme un des insectes les plus grands existant à l’heure actuelle.

Clonopsis gallica

Détail de la tête de Clonopsis gallica montrant l’appareil buccal masticatoire et les courtes antennes qui permettent de le distinguer sommairement de Bacillus rossius chez qui elles sont plus longues © Giuseppe Mazza

Toutefois l’espèce qui atteint les dimensions maximales est Phobaeticus chani qui parvient à mesurer aisément 62,4 cm. Chez les espèces où les mâles sont rares ou absents les femelles peuvent pondre des œufs non fécondés d’où d’autres femelles naissent par parthénogenèse.

L’ordre des Phasmatodea est subdivisé en plusieurs sous-ordres qui sont les suivants : Agathemerodea, Timematodea et Verophasmodea. Ce dernier inclut aussi la famille des Bacillidae et des Phylliidae.

Sur la base de leur aspect et de leur ressemblance avec les végétaux sur lesquels ils vivent les membres des familles ci-dessus sont habituellement répartis en deux types morphologiques principaux : les “insectes-feuille” et les “insectes-bâton”. L’espèce la plus connue du premier groupe est Phyllium giganteum de la région indo-malaise qui, comme d’autres congénères, a un corps aplati avec des excroissances lamellaires au niveau des fémurs et parfois aussi des tibias et qui prend la couleur et l’apparence des feuilles des végétaux-hôtes.

Les “insectes-bâton” dépourvus d’ailes qui existent dans les régions tempérées étaient considérés jusque vers 1600 comme étant situés au point de jonction entre le règne animal et le règne végétal. À cause de leur immobilité de jour ils étaient aussi appelés “xylophyton” (fils du bois) car on croyait qu’ils étaient engendrés par les petits rameaux marcescents de la Viorne.

À cette époque les savants Redi et Stenone disséquèrent Clonopsis gallica et décrivirent sa morphologie dans leur ouvrage Esperienze intorno alla generazione degli insetti et démontrèrent qu’il s’agissait d’un insecte.

En Europe, en plus de Clonopsis gallica, il existe des espèces du genre Bacillus morphologiquement semblables entre elles mais ayant des nombres différents de chromosomes dans leur génome. Les espèces récemment attribuées au genre Pijnackeria et rencontrées en Espagne et dans le Sud de la France ont un aspect semblable

Zoogéographie 

Clonopsis gallica est présent dans diverses zones le long du littoral atlantique de l’Afrique du Nord et de l’Europe continentale : en France, y compris la Corse, en Italie y compris la Sicile, la Sardaigne et de nombreuses petites îles, au Portugal, y compris les Açores et Madère, et en Espagne y compris Majorque et Tenerife. Il a été aussi observé en Croatie et en Grèce.

Clonopsis gallica

Ici il ronge la feuille d’une ronce. Avec son appareil masticatoire il s’attaque aux épineux, aux aubépines et aux Rosacées en général sans causer de défoliations notables © Giuseppe Mazza

Écologie-Habitat

C’est une espèce xérothermique qui vit dans des milieux chauds où il est surtout actif pendant la  nuit.

Les différents stades biologiques s’effectuent sur diverses plantes nourricières avec une préférence pour les Rosacées et en particulier, Rubus, Prunus, Crataegus et moins souvent sur les Anacardiacées et les Fabacées.

Grâce à leur robuste appareil buccal masticatoire les stades actifs rongent les feuilles sans causer toutefois de défoliations notables.

Clonopsis gallica

Phasme gaulois vert parmi les feuilles d’une rose. Sa couleur dont la fonction mimétique est évidente se forme et se stabilise quand il est jeune suivant le milieu où il grandit © Guy Magrin

Morphophysiologie

Les femelles adultes ont un corps pouvant atteindre 9 cm de long, de couleur marron clair ou verdâtre avec une ligne blanchâtre ou rosée sur les côtés. L’analyse du patrimoine chromosomique ou caryotype permet d’identifier l’espèce et le sexe des individus auxquels appartient le génome ainsi que les modifications éventuelles du nombre et de la structure des chromosomes.

Ces analyses ont permis de démontrer que les exemplaires longs jusqu’à 6 cm ayant achevé leur croissance et décrits comme mâles sont en réalité des femelles qui ont des caractères morphologiques mâles et qu’ils ne sont donc pas en mesure de féconder de vraies femelles.

Clonopsis gallica

Femelle pondant dans une position verticale typique. On observe bien aussi la ligne latérale claire caractéristique © Sergio Storai

Tous les individus, de plus, sont aptères du fait qu’ils ont perdu leurs ailes afin de s’adapter à un mode de vie sédentaire.

La tête est hypognathe c’est-à-dire tournée vers le bas et ne possède pas d’œils simples (ocelles),  ainsi appelés parce que, par rapport aux yeux composés,  ils ne sont pas innervés par des lobes optiques et sont dotés d’une seule cornée.

L’appareil buccal est du type masticatoire et muni de robustes mandibules qui ont des lobes distincts et des palpes formés de 5 articles et une lèvre inférieure qui possède deux lobes et des palpes formés de 3 articles.

Les trois segments qui constituent le thorax comportent chacun une paire de pattes longues et minces adaptées à la marche. La carène inférieure des fémurs est dépourvue d’épines.

Dans le lobe antéro-latéral du premier segment thoracique (prothorax) débouchent les glandes répulsives dont les sécrétions malodorantes peuvent être projetées à une certaine distance contre des   agresseurs éventuels.

L’abdomen, long et mince, bien distinct du thorax, est formé de dix segments ( les urites) dont le dernier comporte deux courts appendices appelés cerques.

Le Phasme gaulois est morphologiquement semblable à l’espèce de plus grandes dimensions connue sous le nom de Phasme de Rossi ( Bacillus rossius) avec lequel on le confond souvent. Cependant, par rapport à ce dernier, ses antennes sont plus courtes et ont un nombre moins élevé d’articles qui varient de 10 à 15 et ne sont pas toujours bien délimités.

Les antennes du Phasme de Rossi sont nettement plus longues que la tête et le nombre de leurs articles peut varier de 20 à 25.

Les œufs, longs d’environ 2,5 mm, ressemblent à des graines de plantes herbacées et étaient considérées comme telles jusqu’aux observations effectuées par Redi et Stenone. La couche externe de l’œuf, appelée chorion, est de couleur marron et comporte des motifs froncés et un opercule au pole antérieur.

Les stades juvéniles, qui sont semblables aux adultes, ont un corps dont les dimensions augmentent progressivement de 1,5 cm, quand ils viennent d’éclore, jusqu’à environ 5,5 cm lors du dernier stade juvénile.

Éthologie-Biologie de reproduction

La femelle protège des intrus la partie du feuillage où elle se nourrit comme le font d’autres insectes territoriaux tels le bien connu Cerf-volant ( Lucanus cervus).

Clonopsis gallica

Une néanide sortant de l’œuf. Jusqu’à 1600 on croyait que les œufs étaient des graines et que les insectes-bâton étaient le point de jonction entre les animaux et les plantes © Nacho Delgado Ferreiro

En restant là immobile elle laisse tomber à terre un centaine d’œufs dont un nombre variant de 30 à 80 % éclot l’année même de la ponte alors que le reste éclora l’année suivante.

Suivant les conditions micro-climatiques cette espèce peut avoir une à deux générations par an.

La reproduction s’effectue par parthénogenèse thélytoque c’est-à-dire qu’elle donne naissance à une descendance femelle, ce qui ne rend toujours applicable et vérifiable le concept classique d’espèce, compris comme étant un groupe d’individus capable de s’accoupler entre eux et d’engendrer une descendance interféconde et donc l’identification sur la base de critères morphologiques et génétiques. Le stade adulte est atteint après que les individus sortis de l’œuf, appelés néanides, ont effectué cinq mues s’accompagnant d’une augmentation progressive de leurs dimensions corporelles.

Clonopsis gallica

Forme juvénile sur Euphorbe. Il n’y a pas de vrais mâles et la reproduction s’effectue par parthénogenèse ce qui veut dire que les femelles pondent sans avoir été fécondées © Romain Baghi

Ce type de croissance, semblable à celui des hexapodes primitifs dépourvus d’ailes, dits amétaboles,  est appelé pseudo-amétabole parce que les adultes autrefois dotés d’ailes les ont perdues au cours de leur évolution et sont semblables aux stades juvéniles.

Divers prédateurs, rongeurs, oiseaux et mantidés réussissent  à capturer aussi bien tous les stades juvéniles que les adultes qui se mimétisent en restant immobiles sur les plantes.

Synonymes

Phasma gallica Charpentier, 1825; Bacillus granulatus Brullè, 1832; Bacillus gallicus occidentalis Bolivar, 1894; Bacillus (Clonopsis) gallicus affinis Salfi,1925.