Gymnothorax moringa

Famille : Muraenidae

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Texte © Giuseppe Mazza

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

La Murène tachetée (Gymnothorax moringa) vit le long des côtes tropicales de l'Ouest de l'Atlantique jusqu'aux îles de Sainte-Hélène et de l'Ascension.

La Murène tachetée (Gymnothorax moringa) vit le long des côtes tropicales de l’Ouest de l’Atlantique jusqu’aux îles de Sainte-Hélène et de l’Ascension © Kevin Bryant

La Murène tachetée, Gymnothorax moringa (Cuvier, 1829) appartient à la classe des Actinopterygii, les poissons aux nageoires rayonnées, à l’ordre des Anguilliformes et à la famille des Muraenidae qui compte 16 genres et 211 espèces présentes dans les mers tempérées et tropicales du monde entier.

Le nom du genre Gymnothorax vient du grec “gymnos”, nu, et du latin “thorax”, thorax, poitrine, et se réfère au fait qu’à la différence des anguilles et comme chez toutes les murènes le thorax est nu en raison de l’absence de nageoires pectorales.

Le nom de l’espèce moringa est le diminutif donné localement aux murènes de taille modeste.

Gymnothorax moringa est après Gymnothorax funebris la plus grande murène des Caraïbes et longue jusqu'à 2 m avec une bouche effrayante armée de dents pointues.

Elle est après Gymnothorax funebris la plus grande murène des Caraïbes et peut atteindre 2 m avec une bouche effrayante armée de longues dents pointues © Allison & Carlos Estape

Zoogéographie

La Murène tachetée est présente dans les eaux tropicales et subtropicales des côtes atlantiques américaines depuis la Caroline du Nord et les Bermudes au golfe du Mexique, puis dans toute l’Amérique centrale et les Antilles et jusqu’aux Guyanes et au Brésil.

Emportées par les courants les larves ont ensuite atteint l’archipel de Trindade et MartimVaz, à 1.200 km du continent, et enfin, au milieu de l’ Atlantique, les îles de Sainte-Hélène et de l’Ascension.

Écologie-Habitat

Une seconde mâchoire interne mobile, dite pharyngée, accroche, positionne et entraîne vers son ventre les proies même les plus grosses que Gymnothorax moringa avale entières.

Une seconde mâchoire interne mobile, dite pharyngée, accroche, positionne et entraîne vers son ventre les proies même les plus grosses qu’elle avale entières © Allison & Carlos Estape

Gymnothorax moringa est une espèce benthique souvent présente dans les crevasses des récifs et les zones rocheuses où elle vit seule, en général dans des eaux peu profondes, à pas plus de 35 m, bien qu’on l’ait vue à 200 m et que certains auteurs parlent de 300 m.

Elle fréquente les prairies sous-marines de phanérogames mais évite les eaux troubles des ports et des baies.

Morphophysiologie

Gymnothorax moringa est après Gymnothorax funebris la plus grande murène des Caraïbes.

La nage de Gymnothorax moringa est ondulatoire grâce à une crête cutanée élevée. Ici elle va mordre une Azurina multilineata qu'elle a localisée dans l'obscurité de la nuit avec son odorant très fin.

Sa nage est ondulatoire grâce à une crête cutanée élevée. Ici elle va mordre une Azurina multilineata qu’elle a localisée dans l’obscurité de la nuit avec son odorat très fin © Karine Marangon

Elle peut en effet dépasser 2 m de long avec un poids maximal attesté de 2,5 kg bien que sa taille courante, de beaucoup inférieure, se situe autour de 60 à 75 cm.

Comme tous les Anguilliformes elle a perdu ses nageoires pelviennes. Les nageoires dorsale, caudale et anale ont fusionné pour former une seule et longue crête cutanée, ici particulièrement haute, dont elle se sert pour pratiquer une nage ondulatoire.

Les orifices branchiaux sont de simples fentes foncées placées au bout de la tête dans le prolongement des mâchoires et pratiquement invisibles au milieu des taches de la livrée.

Le jour Gymnothorax moringa se tient souvent aux aguets depuis son repaire. Opportuniste elle pourrait aussi attraper ces jeunes Haemulon plumierii de passage.

Pendant le jour la Murène tachetée se tient souvent aux aguets depuis son repaire. Opportuniste elle pourrait aussi attraper ces jeunes Haemulon plumierii de passage © Kevin Bryant

L’eau qui oxygène les branchies sort de ces orifices, refoulée par le mouvement rythmique de la bouche que le poisson ouvre et referme souvent pour respirer et non pour menacer comme on pourrait le penser à première vue.

On distingue sur la tête deux narines tubulaires et, un peu au-dessus, deux autres moins visibles. Les murènes sont en effet des poissons qui chassent en général dans l’obscurité en se fiant principalement à leur odorat.

L’oeil, placé peu avant la moitié de la bouche, a un iris jaunâtre. Le museau est allongé et pointu. Vu de profil avec les mâchoires fermées il présente une longue fente inaccoutumée entre les deux.

Ici on observe deux Brachygenys chrysargyreum, des proies faciles très répandues dans les Caraïbes.

Ici on observe deux Brachygenys chrysargyreum, des proies faciles très répandues dans les Caraïbes © Kevin Bryant

La bouche, blanche à l’intérieur avec des taches marron et des rangées doubles de dents, est dotée de canines fortes et pointues sur le côté extérieur des mâchoires et en haut, au milieu, de 3 longs crochets impressionnants qui servent à attraper les proies

À ce dispositif d’attaque s’ajoute une seconde mâchoire interne mobile dite pharyngée, typique des murènes les plus grandes, qui est projetée en avant avec les dents pharyngées et vomériennes pour accrocher la victime et la positionner de façon à l’avaler tout entière.

La peau, dépourvue d’écailles, est imprégnée d’un mucus visqueux qui la protège des bactéries et des parasites et permet à ce poisson de se glisser partout sans s’écorcher.

Cet Apogon maculatus par contre ne risque rien car la murène se fait enlever par deux Stenopus hispidus les parasites de la peau et la chair restée entre ses dents.

Cet Apogon maculatus par contre ne risque rien car la Murène tachetée se fait enlever par deux Stenopus hispidus les parasites de la peau et la chair restée entre ses dents © Kevin Bryant

La couleur de fond, blanche ou jaune pâle, est constellée de nombreuses taches irrégulières noires, violacées ou marron plus ou moins grandes et souvent superposées qui assurent un mimétisme parfait.

Les juvéniles, au début, sont totalement noirs alors que leur crête cutanée et leur mâchoire inférieure sont de couleur claire. Ensuite, en grandissant, ils s’assombrissent tandis qu’apparaît progressivement la ponctuation foncée et que s’élève la longue crête cutanée.

Éthologie-Biologie reproductive

Dans le ventre de Gymnothorax moringa il y a toujours de la place. Une femelle peut pondre 10.000 œufs plusieurs fois par an.

Dans son ventre a il y a toujours de la place. Une femelle peut pondre 10.000 œufs plusieurs fois par an © Allison & Carlos Estape

Gymnothorax moringa se nourrit de poissons de taille modeste : parmi ceux-ci de nombreuses espèces de Haemulidae comme Haemulon plumierii, Haemulon aurolineatum ou Brachygenys chrysargyreum, de Labridae comme Halichoeres bivittatus ou de Pomacentridae comme Azurina multilineata.

Elle chasse en général la nuit et attrape aussi des poulpes et des petits crabes, en particulier Mithrax sculptus et Pitho anisodon, mais surtout elle se singularise par sa lutte contre les tristement célèbres Pterois volitans, des poissons introduits imprudemment par l’homme qui sont devenus invasifs au détriment de diverses espèces des Caraïbes.

La Murène tachetée peut vivre jusqu’à 23 ans d’après les anneaux de croissance des otolithes.

Il existe un léger dimorphisme sexuel. Les mâles sont plus longs que les femelles et ont une tête plus massive et plus musclée à partir d’un mètre de long.

Les modalités de la reproduction restent encore en partie à découvrir. On sait que c’est une espèce ovipare. Les femelles, pendant la période de reproduction qui est en général comprise entre avril et l’automne mais qui est aussi souvent plus étendue, peuvent pondre chaque mois jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’oeufs, Il semblerait qu’elles les dispersent en leur donnant un parfum spécial qui attire les mâles pour qu’ils les fécondent.

Ils sont planctoniques et éclosent au bout de 30 à 45 jours. Les larves errent ensuite encore pendant environ un an, entraînées par les courants, en prenant la forme typique des Anguilliformes, dite leptocéphale, qui ressemble par son aspect à une feuille de saule transparente et qui a une tête très petite et des dents saillantes en forme d’aiguille.

Les leptocéphales ne capturent pas du zooplancton comme le font habituellement les larves des poissons mais attrapent de minuscules particules alimentaires transportées par les courants. Ils peuvent nager aussi à reculons grâce à de rapides mouvements ondulatoires et même s’enrouler en prenant l’aspect d’un petit cylindre erratique qui les fait ressembler à du zooplancton gélatineux peu appétissant comme les méduses.

Les larves errent emportées par les courants en prenant une forme rubaniforme comme celle-ci, dite leptocéphale, caractéristique des Anguilliformes.

Les larves errent emportées par les courants en prenant une forme rubaniforme comme celle-ci, dite leptocéphale, caractéristique des Anguilliformes © Mickey Charteris

Les juvéniles de Gymnothorax moringa sont totalement noirs sauf la longue crête cutanée et le menton qui sont blancs. En grandissant ils s'assombrissent et on voit les premières taches.

Les juvéniles sont totalement noirs sauf la longue crête cutanée et le menton qui sont blancs. En grandissant ils s’assombrissent et on voit les premières taches © Allison & Carlos Estape

Les adultes sont souvent la proie de gros mérous et de barracudas sans parler des plongeurs qui parfois consomment leurs trophées sans se soucier du fait que la chair de Gymnothorax moringa pourrait présenter des risques de ciguatera, une grave intoxication alimentaire qui est toujours possible quand une espèce se nourrit durant des années de poissons qui accumulent dans leur régime la toxine produite par le dinoflagellé Gambierdiscus toxicus.

La résilience de la Murène tachetée est faible, le temps minimal nécessaire au doublement de ses populations étant de 4,5 à 14 ans. L’indice de vulnérabilité à la pêche, très élevée, s’établit même à 90 sur une échelle de 100.

En haut un juvénile qui grandit alors qu’en bas la livrée est désormais celle des adultes. Gymnothorax moringa peut vivre 23 ans et n’est pas une espèce menacée.

En haut un juvénile qui grandit alors qu’en bas la livrée est désormais celle des adultes. Gymnothorax moringa peut vivre 23 ans et n’est pas une espèce menacée © Allison & Carlos Estape

Elle figure cependant en tant que “Least Concern”, c’est-à-dire non menacée, dans l’évaluation de la Liste Rouge de l’UICN des espèces en danger en raison de sa vaste diffusion et du fait qu’elle est localement abondante.

Synonymes

Muraena moringa Cuvier, 1829; Sidera moringa (Cuvier, 1829); Gymnothorax rostratus Agassiz, 1831; Murenophis caramuru Castelnau, 1855; Murenophis curvilineata Castelnau, 1855; Thyrsoidea concolor Abbott, 1860; Gymnothorax flavoscriptus Poey, 1876; Gymnothorax picturatus Poey, 1880; Lycodontis albimentis Evermann & Marsh, 1900; Gymnothorax albimentis (Evermann & Marsh, 1900).

 

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