Lophius piscatorius

Famille : Lophiidae

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Texte © Giuseppe Mazza

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Lophius piscatorius, Rana pescatrice

Présente dans l’Atlantique Est, en Méditerranée et en mer Noire la Baudroie (Lophius piscatorius) atteint 2 m. C’est le plus grand représentant de l’ordre des Lophiiformes, des poissons à la bouche énorme qui attirent leurs proies avec un filament mobile placé sur la tête et des leurres luminescents dans les profondeurs © Pietro Formis

Lophius piscatorius Linnaeus, 1758, communément appelé Baudroie, appartient à la classe des Actinopterygii, les poissons aux nageoires rayonnées, à l’ordre des Lophiiformes auquel il donné son nom du fait de sa renommée et de sa taille et à la famille des Lophiidae dont les racines remontent à l’ère tertiaire et qui est aujourd’hui présente dans toutes les mers avec 4 genres et 28 espèces.

Tous ces poissons ont pour caractéristique commune le fait que le premier rayon de la nageoire dorsale est situé sur la tête et transformé en un filament mobile terminé par un leurre appelé illicium, du latin “illicere” = attirer, appâter, qui sert à éveiller la curiosité des poissons de passage qui sont ensuite avalés traîtreusement par leur énorme bouche.

Le nom du genre Lophius vient du grec ancien “lophos” = crête, aigrette par allusion à cet organe particulier alors que le nom de l’espèce piscatorius indique en latin que c’est un poisson pêcheur.

Lophius piscatorius, Rana pescatrice

Elle peut atteindre 60 kg constitués pour plus de la moitié par son énorme tête plate au contour échancré par de nombreux appendices ramifiés ressemblant à des algues © Pietro Formis

Zoogéographie

La Baudroie est présente dans l’Atlantique Est depuis les côtes du Groenland et de l’Islande jusqu’à la Mauritanie, en Méditerranée et en mer Noire.

Écologie-Habitat

C’est un poisson strictement benthique qui évolue généralement entre 2 et 1000 m de profondeur mais on a signalé des cas de capture jusqu’à 1800m. Il préfère les fonds sableux et envasés où il attend ses proies, souvent en s’enfouissant en partie, mais il fréquente aussi des milieux rocheux et les prairies sous-marines. On a observé que les spécimens de l’Atlantique Nord, qui entre autres atteignent des dimensions plus grandes, se pêchent en général dans des eaux plus profondes que ceux  de la Mauritanie.

Lophius piscatorius

La voici la gueule béante. Sa voracité est légendaire : elle peut avaler des poissons de sa taille et même des mouettes et d’autres oiseaux aquatiques © Pietro Formis

Morphophysiologie

Lophius piscatorius peut atteindre 2 m de long et frôler un poids de 60 kg qui est constitué pour plus de la moitié par celui de son énorme tête plate dont le contour est échancré, tout comme la partie antérieure du corps, par de nombreux appendices ramifiés qui ressemblent à des algues et ont une fonction mimétique.

La mâchoire supérieure est protractile mais s’encastre au repos dans l’arcade de la mâchoire inférieure qui est proéminente. Les dents, de taille variable, sont robustes, coniques et pointues. On dénombre quatre rangées de canines recourbées vers l’intérieur qui servent à retenir les proies. Il existe également d’autres petites dents qui sont présentes notamment sur le vomer et les os palatins et pharyngiens.

Les yeux, proéminents, sont relativement petits, ellipsoïdaux, situés vers le haut et protégés par une orbite épineuse.

Lophius piscatorius

Elle peut marcher sur le fond en se soulevant sur ses nageoires pelviennes transformées en pattes en s’aidant de ses grandes nageoires pectorales tournantes qu’elle utilise en plus de la nage pour se recouvrir de sable. Au départ de la tête on observe des anciennes épines indépendantes qui se sont allongées pour attirer l’attention des proies © Raimundo Fernandez

Les branchies, recouvertes de peau, sont grandes et placées à la base des vastes nageoires pectorales pédonculées et robustes. Celles-ci sont utilisées pour la nage mais aussi pour permettre au poisson de s’enfouir dans le sable et de se mouvoir sur les fonds où entrent en jeu les nageoires pelviennes qui se sont transformées en pattes robustes capables de soulever le poisson et de le faire marcher sur le fond.

Au départ de la tête on observe 3 anciennes épines indépendantes les unes des autres qui se sont allongées de façon démesurée afin d’attirer l’attention des proies. La première qui peut atteindre 50 cm est le célèbre illicium mobile qui se termine par un leurre lobé : deux petites feuilles qui sont bio-luminescentes grâce à la présence de bactéries symbiotiques. Les deux autres ne sont pas mobiles mais tout aussi étranges du fait de la présence, comme sur la partie basse de la première, d’excroissances ramifiées. La deuxième s’achève en pointe. La troisième est la plus petite mais est quand même de taille respectable vu qu’elle dépasse en longueur la moitié de la première.

Lophius piscatorius

Ici elle attend les proies allongée à côté d’une prairie de posidonies mais fréquente aussi des milieux rocheux. Trop pêchée elle est hélas une espèce en danger car les femelles n’atteignent la maturité sexuelle que vers 14 ans © Raimundo Fernandez

Il existe ensuite deux nageoires dorsales. La première a 3 rayons filiformes réunis à leur base par une membrane. La seconde a 10 à 13 rayons inermes et est disposée à côté du pédoncule caudal  symétriquement par rapport à la nageoire anale qui a 9 à 11 rayons mous.

La peau, dépourvue d’écailles, est lisse et un peu visqueuse. Le ventre qui est posé sur le fond est blanc alors que le dos, dont la couleur varie en fonction du milieu, est marron violacé ou marron olivâtre et comporte un dessin marbré avec des taches irrégulières plus foncées sur les nageoires pectorales qui sont blanchâtres, elles aussi, sur leur face inférieure.

Éthologie-Biologie reproductive

Lophius piscatorius est d’une voracité inouïe  : non seulement il peut avaler des poissons de sa taille grâce à sa peau élastique et à son estomac incroyablement dilatable mais on l’a vu dans des eaux peu profondes dévorer comme un rien des mouettes et d’autres oiseaux de mer.

C’est un poisson solitaire qui se reproduit entre janvier et juin suivant les régions. Une femelle peut relâcher jusqu’à un million d’œufs. Ceux-ci sont de couleur violette et incorporés dans un ruban gélatineux flottant large de plusieurs centimètres et long jusqu’à 10 m qui naturellement se fragmente ensuite à cause du mouvement des vagues.

Les larves sont pélagiques et ce n’est qu’après leur métamorphose que les juvéniles qui dépassent 5 à 8 cm se dirigent vers les fonds pour y commencer leur vie benthique.

Chacun sait que la Baudroie est un poisson très recherché par les gourmets. Il est capturé par chalutage et avec des palangres de fond. Sa chair blanche et ferme même après sa capture rappelle le goût de la langouste. On en pêche jusqu’à 33.000 tonnes par an mais on ne consomme que la partie terminale du corps, de section arrondie, vendue sous le nom de “queue de lotte” à laquelle s’ajoutent parfois les “joues de lotte”.

Malgré le grand nombre des œufs et une résilience assez bonne, ses effectifs pouvant doubler en 1,4 à 4,4 ans, cette espèce est aujourd’hui en danger parce que les femelles n’atteignent la maturité sexuelle que vers 14 ans, quand elles dépassent 60 cm, et que du fait qu’elles fréquentent les mêmes milieux que les individus plus gros qui peuvent atteindre 24 ans elles sont malheureusement pêchées en même temps alors qu’elles sont trop jeunes pour se reproduire.

L’indice de vulnérabilité de cette espèce en 2021 s’établit déjà de ce fait à 72 sur une échelle de 100.

Synonymes

Batrachus piscatorius (Linnaeus, 1758); Lophius eurypterus Düben, 1845; Batrachus eurypterus (Düben, 1845).

 

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