Plodia interpunctella

Famille : Pyralidae


Texte © Prof. Santi Longo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Plodia interpunctella

Plodia interpunctella, ici sur du riz, est un petit papillon qui infeste les habitations et les dépôts d’aliments © Giuseppe Mazza

La Teigne des fruits secs ou Pyrale indienne des fruits secs a été décrite par Hübner sous le nom de Tinea interpunctella en 1813 et transférée en 1845 dans le genre Plodia créé par Guenée qui l’ a dédia à Plodia, un personnage mentionné par Hérodote d’Halicarnasse comme étant la plus belle des Spartiates.

L’appellation de l’espèce interpunctella employée par Hübner fait allusion aux points foncés existant à la base des ailes antérieures.

Ce lépidoptère appartient à la famille des Pyralidae qui comprend de nombreuses espèces largement répandues et dites synanthropiques parce qu’elles vivent au contact de l’homme et dont les chenilles infestent les matériaux organiques de nature végétale ou animale ainsi que diverses denrées alimentaires dans les entrepôts ou les habitations.

Un comportement similaire est observé par d’autres espèces de la même famille appartenant aux genres Cadra et Ephestia qui au stade larvaire infestent les mêmes milieux mais dont les adultes, à la différence de la Teigne des fruits secs, ont des ailes dépourvues de motifs et aux couleurs peu visibles.

Zoogéographie

Considérée comme étant d’origine tropicale Plodia interpunctella est responsable de la presque totalité des infestations de denrées alimentaires par des lépidoptères au niveau mondial.

Écologie-Habitat

C’est un insecte très fréquent dans les habitations, les entrepôts de céréales, les silos et les emballages alimentaires avec lesquels il est transporté dans des milieux pouvant être très éloignés en des temps relativement brefs et compatibles avec les besoins vitaux de l’espèce.

Morphophysiologie

L’adulte a un corps long d’environ dix millimètres et des couleurs grisâtres. La tête est brun rougeâtre. L’envergure alaire varie de 15 à 20 millimètres. Les ailes sont dotées de franges marginales constituées de petits poils. La partie proximale des ailes antérieures est de couleur jaune alors que la partie restante est brun rougeâtre et a des reflets cuivrés et deux ou trois bandes marron caractéristiques. Les ailes postérieures sont blanc grisâtre et possèdent un fin liseré foncé le long des bords.

Les œufs, de couleur blanc grisâtre, ont une forme ovale. Ils sont longs d’environ un demi-millimètre et sont donc peu visibles sans l’aide d’une loupe.

Plodia interpunctella

Femelle vierge dont l’abdomen soulevé relâche la phéromone sexuelle d’appel pour les mâles. Ceux-ci en échange émettent des substances aphrodisiaques qui incitent les femelles à l’accouplement © Santi Longo

Ils sont pondus sur des substrats alimentaires un par un ou en grappes constituées de dix à trente unités.

Les chenilles sont dotées de pattes thoraciques et de mamelons ambulatoires, appelés fausses pattes, situés dans dans l’abdomen.

On les appelle waxworms (vers de cire) à cause de leur ressemblance avec celles de la fausse Teigne de la cire ( Galleria mellonella) qui sont élevées et utilisées dans l’industrie alimentaire destinée aux animaux.

La larve nouveau-née mesure environ 1 mm et a un corps blanchâtre. Au cours des phases suivantes sa couleur passe du jaunâtre au beige plus ou moins foncé en fonction du type d’aliment  consommé.

La larve en fin de croissance a un corps cylindrique long de 1 à 3 cm et une couleur jaune pâle plus ou moins vive. La tête et la partie terminale du corps ( la plaque anale) sont brunâtres.

Ses fausses pattes lui permettent de couvrir des distances relativement longues à la recherche d’un endroit approprié, sur des murs ou dans des vêtements, pour s’y transformer en pupe.

Les puissantes mandibules de l’appareil buccal masticatoire permettent à la larve de percer même des emballages en plastique alors que ses mâchoires et sa lèvre inférieure, en partie soudées, forment avec la partie distale des palpes la filière, un organe d’où sortent les fils de soie produits par des glandes salivaires spécialisées.

D’autres petits caractères morphologiques consistent dans la présence d’un épaississement  caractéristique en forme de croissant à la base des soies qui se trouvent autour des ouvertures respiratoires (les stigmates) du premier au septième segment de l’abdomen.

La chrysalide est longue d’environ 1 cm et a une couleur brun rougeâtre. Elle a un carène dorsale et est habituellement protégée par un cocon de soie blanc plus ou moins épais.

Plodia interpunctella

Celui-ci survient même peu après la naissance. En 10 jours une femelle bien nourrie peut pondre à plusieurs reprises environ 400 œufs © Elliot Lowe

Éthologie-Biologie reproductive

Dans les climats tropicaux ou à l’intérieur de milieux climatisés les adultes de la Teigne des fruits secs sont actifs tout le long de l’année alors que dans les régions au climat tempéré les adultes s’envolent à partir de la fin février.

Les femelles attirent les mâles en émettant à des moments définis de la journée des substances attractives ( les phéromones sexuelles).

Ces molécules odorantes dispersées par le vent sont captées par les mâles à des distances pouvant être importantes à travers des structures spéciales appelées sensilles olfactives qui sont situées dans les antennes. Le stimulus olfactif initial est “converti” en un  stimulus moteur qui incite le mâle à voler vers la source d’émission afin de s’accoupler en suivant les traces odorantes (traînées, filets ou “plumes”).

Plodia interpunctella

chenilles sur de l’arachide. Les graines se sont maintenant transformées en excréments © Santi Longo

Les phéromones sexuelles sont souvent constituées de mélanges (blends ou bouquet) de substances dans des proportions différentes suivant l’espèce, chacune d’elles transmettant un message précis.

La première phéromone a été identifiée et extraite en Allemagne par Butenandt à la fin des années 1950 à partir d’un nombre très élevé de femelles du Bombyx du mûrier (Bombyx mori). Cette substance qui exerce sur les mâles un pouvoir d’attraction très élevé a été appelée “bombycol”. Des études effectuées par la suite ont mis en évidence la complexité des mélanges de phéromones émis par différentes espèces et la richesse du langage chimique des insectes.

Après l’accouplement qui peut avoir lieu même le même jour que l’envol et la fécondation les femelles de la Teigne des fruit secs pondent en l’espace d’une dizaine de jours jusqu’à 400 œufs. Leur nombre varie en fonction de la qualité et de la quantité des aliments consommés au cours du stade larvaire.

Le cycle de croissance s’achève après un laps de temps extrêmement variable qui va d’environ un mois à près d’une année.

Si les températures se maintiennent constamment aux environs de 30 °C une génération, de l’œufs à l’adulte, se déroule en un peu plus d’un mois.

Les œufs, dans les milieux où les températures sont supérieures à 10 °C, achèvent leur croissance embryonnaire en un laps de temps qui va de quatre à quatorze jours.

À 20 °C ils éclosent au bout d’une semaine et à 30 °C après quatre jours.

La larve nouveau-née attaque aussitôt le substrat et se construit un abri avec les fils de soie qu’elle sécrète et qui épaissira au cours des cinq ou six phases larvaires qu’elle traverse pour achever sa croissance. Dans les deux derniers des cinq stades larvaires elle complète son régime alimentaire essentiellement à base d’amidons par des matières grasses. À des températures d’environ 25 °C les chenilles achèvent leur croissance en deux ou trois mois.

Quand elles sont arrivées au terme de leur croissance elles abandonnent le substrat qu’elles ont envahi et se nymphosent à l’intérieur des cocons ouverts dans la partie antérieure.

L’importante quantité de fils de soie produits par les chenilles et avec lesquels elles recouvrent la surface des denrées infestées s’oppose à la perte de chaleur et entraîne l’augmentation de la température et du degré d’humidité. Dans les entrepôts fortement infestés ces fils peuvent causer des   problèmes aux vis sans fin des engins de levage.

Plodia interpunctella

Rien n’arrête les puissantes mandibules des chenilles. Celle-ci a même percé un emballage en plastique de gianduiotto © Santi Longo

Les chenilles vivent dans les couches superficielles des denrées. Elles recherchent de ce fait au terme de leur croissance un endroit à l’abri dans les fentes et les fissures des murs pour se transformer en chrysalide. Les chenilles matures peuvent en fonction de la photopériode et de leur densité de population anticiper leur diapause, qui est facultative, et préparent alors un abri de soie plus épais à l’intérieur duquel elles construiront le cocon qui protégera la chrysalide.

En fonction de la température ambiante la phase pupale dure d’une à trois semaines. À 20 °C elle s’achève en 15 à 20 jours, à 30 °C en à peine sept à huit jours.

Dans des conditions climatiques et trophiques optimales la Teigne compte habituellement six à sept générations par an, dans des milieux au climat continental seulement une ou deux alors que dans ceux au climat méditerranéen elle en compte trois ou quatre avec des envols de mai à septembre et la présence d’adultes presque toute l’année.

Plodia interpunctella

Elles croissent aussi sur des fruits secs. Ici, par exemple, elles ont envahi les rutilantes baies de goji, des solanacées comestibles d’origine asiatique © Gilles San Martin

La Teigne des fruits secs peut envahir de nombreux substrats. Ses chenilles polyphages se nourrissent de divers produits végétaux et animaux qui ont été conservés (caryopses de céréales, graines, farines et leurs dérivés, fruits secs (arachides, noix, amandes, pistaches), viandes, poissons secs, insectes morts, plantes fourragères, sucreries, chocolat, cacao).

Dans les milieux tropicaux elles croissent aussi à l’extérieur aux dépens de fruits sucrés, mûrs, pendants, desséchés ou momifiés ainsi que de petits arthropodes morts. Dans les climats tempérés les chenilles passent les périodes de froid en diapause et allongent la durée du stade de chrysalide.

Les principaux facteurs qui font obstacle à la croissance  de cette espèce sont les températures inférieures à 8 °C et les faibles pourcentages d’humidité relative (% UR). Les carences alimentaires provoquent des cas de stérilité chez les adultes et de cannibalisme chez les chenilles. En outre de nombreuses espèces d’insectes et d’acariens parasites sont la cause de cas de mortalité élevés.

Plodia interpunctella

Larve mature sur du blé à la recherche d’un lieu pour s’y nymphoser. En peu de semaines le contenu entier d’un silo peut devenir immangeable © Giuseppe Mazza

La femelle de l’Hyménoptère parasite Venturia canescens implante ses propres œufs à l’intérieur de ceux de la Teigne dont la larve du parasite consomme le contenu pour achever sa croissance.

Un rôle important est tenu dans les silos et les entrepôts de denrées par des maladies provoquées par des bactéries entomopathogènes et des virus qui causent des infections dites granuleuses. Les chenilles qui sont atteintes sont peu mobiles et sont dévorées par celles qui sont saines qui s’infectent à leur tour et si la densité de population est élevée on assiste à des épidémies appelées épizooties.

Dans les entrepôts et les habitations la présence de la Teigne peut être détectée et contrôlée en capturant des mâles avec des pièges spéciaux qui sont disponibles dans le commerce et qui sont amorcés grâce à un mélange de substances attractives de synthèse semblables aux phéromones produites par les femelles.

Plodia interpunctella

La chrysalide est protégée par un cocon de soie. La durée de la phase pupale varie suivant la température de une à trois semaines © Ricardo Augusto Gomes da Costa

Synonymes

Nombreux sont les synonymes qui ont été employés par différents auteurs pour décrire cette espèce : Ephestia glycinivora Matsumura, 1917; Ephestia interpunctella Hübner; Plodia castaneella (Reutti, 1898); Plodia glycinivora (Matsumura, 1917); Plodia interpunctalis (Hübner, 1825); Plodia latercula (Hampson, 1901); Plodia zeae (Fitch, 1856); Tinea castaneella Reutti, 1898; Tinea interpunctalis Hübner, 1825; Tinea interpunctella Hübner, [1813]; Tinea zeae Fitch, 1856; Unadilla latercula Hampson, 1901.

Sont nombreux, de même,  les noms communs par lesquels la Teigne ou Pyrale des fruits secs a été désignée dans différents pays, en fonction des substrats infestés ou de son origine. Ceux en anglais sont les plus nombreux : Indian lotus, Indian mallow, Indian meal, Indian meal Moth, Indian millet, Indian mulberry e Indian Mutiny. En italien on l’appelle Tignola fasciata delle derrate et en espagnol Palomilla indiana de las farinas.

 

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