Pyrrhula pyrrhula

Famille : Fringillidae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula) ne doit pas son nom italien (Ciuffolotto) à une quelconque crête ou à son aspect de petite boule soyeuse mais à son chant sifflant .

Le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula) ne doit pas son nom italien (Ciuffolotto) à une quelconque crête ou à son aspect de petite boule soyeuse mais à son chant sifflant © Wayne Davies

Ce splendide petit oiseau est autant apprécié pour sa beauté que détesté pour son activité printanière consistant à manger les bourgeons des arbres fruitiers. À l’aide du puissant bec dont il est doté, il s’emploie à sectionner et broyer d’un seul coup chaque bourgeon, ruinant toute possibilité de repousse pour la saison.

Un travail peu apprécié des producteurs de fruits européens, d’autant plus lorsqu’il est l’œuvre de toute une famille affamée de ces petits oiseaux ayant subi les affres d’un hiver rude. Un travail minutieux et systématique qui, non seulement ne laisse que peu de bourgeons foliaires à l’arbre atteint mais anéantit aussi presque totalement la possibilité de récolter des fruits. Les dommages causés aux arbres pouvaient s’avérer si importants que pendant des siècles en Angleterre, toutes les paroisses versaient une récompense à celui qui tuait un bouvreuil.

Le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre Passeriformes et à la famille Fringillidae. Il est sans aucun doute l’un des fringillidés les plus colorés du paléarctique.

L’hiver est rude pour Pyrrhula pyrrhula strictement végétarien, présent dans toute l'Europe y compris sous les climats les plus rigoureux.

L’hiver est rude pour cet oiseau strictement végétarien, présent dans toute l’Europe y compris sous les climats les plus rigoureux © Steve Dawes

Cette beauté, ainsi que le caractère doux et aimable qu’il montre en captivité, ont été la cause d’un certain acharnement envers cette espèce, particulièrement envers les mâles puisqu’ils présentent des coloris beaucoup plus attrayants que les femelles. Pour ces motifs, ce passereau a été et est toujours l’objet de captures illégales.

Le genre Pyrrhula ne compte que sept espèces, toutes paléarctiques, mais qui se différencient nettement par leurs livrées variables, toutes très colorées. Le binôme scientifique est un tautonyme, le nom de genre étant le même que le nom d’espèce.

Certains disent que l’étymologie de Pyrrhula vient du grec “purrhoulas”, mangeur de vers, et remonterait à une dénomination donnée par Aristote, qui identifiait ainsi un beau petit oiseau, décrit sans plus de détails, peut être le Rouge-gorge familier, comme grand mangeur de vers. Considération pourtant assez lointaine de la réalité puisque le Bouvreuil pivoine est presque exclusivement végétarien.

Pyrrhula pyrrhula en vol.

Le voici au printemps, affamé, volant à la recherche de nourriture, montrant ses caractéristiques sus-caudales immaculées et sa barre alaire blanche © Steve Dawes

D’autres avancent l’idée que Linné a, plus simplement, repris le terme grec “pyrrhos”, rouge comme le feu, se référant à la couleur des boucliers des combattants grecs de l’antiquité et, pour le Bouvreuil pivoine, à la couleur rouge de sa poitrine.

Son nom vulgaire italien Ciuffolotto (touffu), induit en erreur les non initiés, puisqu’il nous porte à l’imaginer comme étant doté d’une crête ou encore ressemblant à une mignonne boule de plumes gonflée et douce, ce à quoi d’ailleurs il ressemble durant les froides journées d’hiver quand il gonfle ses plumes, devenant arrondi et vaporeux comme une pelote de laine colorée.

En fait, l’origine de ce nom est complètement différente et elle est souvent reprise, de manière plus claire et évidente, dans beaucoup de régions d’Italie. Ce nom reflète l’appel plaintif que cet oiseau émet fréquemment du haut de la cime des arbres ou du plus profond des forêts, un gémissement “peeu peeu peeu peeu” impossible à reproduire par quelque autre oiseau que ce soit et qui lui a valu le nom de Zifulòtt, Subiòt, Stuflot, Ciufolot tous dérivés de ciufolare, zufolare (siffler), puis italianisé en Ciuffolotto.

Pris sur le fait, il dévore ici, sans aucune pensée pour la récolte de l'agriculteur, les fleurs des arbres fruitiers .

Pris sur le fait, il dévore ici, sans aucune pensée pour la récolte de l’agriculteur, les fleurs des arbres fruitiers © Ramón de Maroto

Certains l’appellent aussi Monachino (moinillon) pour sa calotte noire.

Dans d’autres pays d’Europe, il est plutôt comparé à un bovidé, pour son cou trapu et très épais et sa tête pourvue d’un bec robuste: en anglais Bullfinch = pinson taureau, en français Bouvreuil pivoine, du latin bovariolus = petit bœuf couleur pivoine. Les allemands l’ont affublé d’un nom qui indique une caractéristique qui, comme nous le verrons, fait de cet oiseau un incroyable crédule, Gimpel = nigaud.

En espagnol, son nom est Camachuelo comùn et en portugais  Dom-fafe, terme d’origine assez complexe qui donne une idée de la façon dont la nature au fil des siècles a franchi les frontières et la barrière des langues sans aucune limites.

Le terme dérive en fait d’une déformation des mots allemands dom = cathédrale et pfaffe = moine, un Dompfaffe transcrit ensuite par les portugais, à deux milles kilomètres de distance, comme Dom-fafe, pour sa livrée si particulière.

Pyrrhula pyrrhula mâle dévorant des bourgeons.

Pas encore rassasié, ce mâle coloré cisaille aussi les bourgeons qui produiront les nouveaux rameaux © Iain MacDiarmid.

Zoogéographie

Le Bouvreuil pivoine est présent dans toute l’Europe continentale, même à des latitudes très septentrionales et, sans interruption, continuant vers l’Est arrive jusqu’au Kamchatka.

La limite méridionale de son aire de répartition va des reliefs du Portugal, traversant l’Espagne, l’Italie et la péninsule balkanique, occupant l’Anatolie, le Caucase et continuant, le nord de la mer Caspienne, jusqu’à la Mongolie, la Chine et le Japon.

Dans les aires méridionales, sa présence estivale est plus morcelée et liée aux zones plus fraîches et collinaires. En fait, il est absent des îles méditerranéennes et à la même latitude, il est cantonné dans les chaînes de montagnes, avec une raréfaction progressive jusqu’à totale disparition dans les plaines en dessous.

Les femelles dévorent également les bourgeons.

Les femelles, avec livrée similaire mais poitrine gris-ambré, partagent cette habitude et à une époque les paroisses offraient des récompenses pour chaque bouvreuil tué © Wayne Street

Dans une grande partie de son territoire, il est considéré comme sédentaire, même si les populations les plus au Nord migrent durant l’hiver, se rassemblant dans la partie la plus au Sud de son aire, occupant des aires non fréquentées lors de la période de nidification.

Écologie et Habitat

Le Bouvreuil pivoine est un oiseau des grandes forêts de feuillus ou de conifères. Il aime en fait les endroits où les climats demeurent frais en été, humides et même sensiblement pluvieux.

Son altitude préférée se situe au-dessus de 800/1.000 mètres avec des pointes jusqu’à 2.000 m, même si l’hiver il préfère quitter les aires où il neige, même de façon non exceptionnelle.

Pyrrhula pyrrhula femelle.

Comme son partenaire, bien que sa livrée soit plus modeste, la femelle montre une certaine élégance © Kevin Agar

Toutefois, le Bouvreuil pivoine est un oiseau qui résiste à des températures très basses et qui demeure volontiers, s’il y trouve suffisamment de nourriture, sur son aire de nidification lors des périodes les plus froides de l’année.

L’iconographie des pays du nord de l’Europe le représente traditionnellement sur les cartes de vœux de Noel, posé sur une branche de houx débordant de baies rouges, pour signifier que cet oiseau est une présence immuable dans leur environnement, y compris au cœur de l’hiver.

Son habitat doit comporter une couverture arborée et ce n’est qu’accidentellement, lors de ses errances hivernales, qu’il arrive de le rencontrer dans des plaines avec des haies d’arbustes, dans les jardins et les parcs publics, ainsi qu’en ville, occupé à picorer les dernières baies restant sur les arbustes d’ornement.

Le mâle de Pyrrhula pyrrhula défend son territoire avec acharnement alors que la femelle construit le nid.

Le mâle défend son territoire avec acharnement alors que la femelle construit le nid © Eero Kiuru

Les forêts de hêtres, de frênes, d’aulnes ou de toutes autres essences produisant des graines et des faines ou encore de conifères où il trouve des pignons, sont les milieux naturels où l’on en constate la présence la plus élevée.

De plus, il n’aime pas beaucoup descendre à terre sauf pour attraper les petits insectes nécessaires à l’alimentation de ses petits ou pour récupérer des baies tombées au sol. L’Homme a partiellement conditionné ce comportement alpin et de plus en plus souvent, on voit des couples construisant leur nid à des altitudes plus réduites, profitant du reboisement artificiel et des pépinières de conifères.

Morpho-physiologie

Comme nous l’avons dit plus haut, le Bouvreuil pivoine est l’un des fringillidés les plus colorés du paléarctique et compte parmi les rares oiseaux portant de façon aussi admirable la couleur rose sur leur plumage.

Pyrrhula pyrrhula femelle. C'est elle qui est aux commandes du couple.

Cas particulier parmi les oiseaux, sous son air d’apparente douceur, la femelle montre un caractère assez dur qui s’impose dans le couple © José Sousa

Le mâle est incomparable et même incroyable, observé par quelqu’un qui ne le connaît pas !

Il pourrait passer pour un oiseau exotique échappé d’un élevage, et pourtant c’est un habitué de notre pays, qui souvent l’hiver visite les mangeoires de nos jardins.

Les mesures de cet oiseau sont celles d’un fringillidé type: 15 à 18 cm de long, selon la sous-espèce, pour une envergure d’environ 25 cm et un poids de 25 g.

Le mâle a toute la poitrine et les joues d’un splendide rose vif, qui se fond sous la queue, devenant gris cendré, la même couleur couvrant aussi la partie supérieure du croupion jusqu’au cou, rejoignant la couleur rose.

Paire de Pyrrhula pyrrhula.

Après la parade nuptiale, brève mais intense, on cherche l’endroit idéal pour la nidification, caché dans les frondes basses des arbres, souvent des pépinières de conifères © Eero Kiuru

La tête montre une calotte très noire qui descend légèrement sur le menton, fusionnant avec le gros bec noir nacré.

Les ailes et la queue sont noires elles aussi avec deux barres alaires blanches bien visibles quand il est posé, mais encore plus quand il est en vol, combinées aux sous-caudales d’un blanc immaculé ce qui le rend très facile à identifier.

La femelle est parfaitement identique au mâle, le rose vif de la livrée masculine étant toutefois remplacé par un délicat gris-beige. Les jeunes ont une livrée assez semblable à celle de la femelle mais avec des tons de noir et de gris très pâles et peu distincts. La couleur rose du mâle n’apparaît que la deuxième année.

Différentes sous-espèces ont été classifiées, avec des variations parfois significatives, du plumage ou de la taille.

Nid avec œufs de Pyrrhula pyrrhula

Le nid est une plateforme désordonnée assez large, composée de petites brindilles, sur laquelle est formée une coupe bien marquée et douillette, tapissée avec des herbes sèches, des radicelles et plumes où la femelle pond 4 ou 5 œufs bleutés montrant les dessins particuliers des œufs de fringillidés © Museo Civico di Lentate sul Seveso

Le Bouvreuil trompéteur, nom commun donné à la sous-espèce d’Europe du nord, (Pyrrhula pyrrhula pyrrhula), montre par exemple une coloration beaucoup plus vive ainsi qu’une taille bien supérieure à l’holotype continental européen (Pyrrhula pyrrhula europaea), et a un rappel qui ressemble au son d’une petite trompette.

C’est la sous-espèce qui pénètre en Europe du Sud durant les errances hivernales. On le distingue assez facilement au sol grâce à ces différences significatives.

Parmi les principales sous-espèces citons: Pyrrhula pyrrhula pileata des îles britanniques,  Pyrrhula pyrrhula rossikowi de l’Anatolie et du Caucase, Pyrrhula pyrrhula caspica de l’Iran, Pyrrhula pyrrhula iberiae de la péninsule ibérique, Pyrrhula pyrrhula cineracea des Monts Altai, Pyrrhula pyrrhula griseiventris de la Chine jusqu’au Japon et Pyrrhula pyrrhula cassinii du Kamchatka et des côtes de la mer d’Okhotsk.

Durant la nidification les parents sont très fidèles et très soudés pour élever la portée, nourrie dans les premiers temps avec des insectes et ensuite avec des graines broyées prédigérées.

Durant la nidification les parents sont très soudés pour élever la portée, nourrie dans les premiers temps avec des insectes et ensuite avec des graines broyées prédigérées © Jiri Bohdal

Ethologie et Biologie reproductive

Bien que le Bouvreuil pivoine fréquente les hautes frondaisons des arbres, il bâtit généralement son nid à des hauteurs beaucoup plus basses, entre un et trois mètres, le camouflant sur les branches plus touffues qui se trouvent à la base des arbres.

Ce choix a été facilité par les nombreuses pépinières de conifères qui sont disséminées dans les zones collinaires et montagneuses d’Europe et qui forment ces bosquets très denses et tranquilles qui satisfont aux exigences de cet oiseau, considéré comme l’un des plus réservés et timides parmi les fringillidés.

Les bouvreuils ne se réunissent que rarement en groupes, même de quelques individus, préférant une vie solitaire ou de couple. Leur union dure d’ailleurs longtemps, même après la nidification.

Au nid, c'est un va et vient continuel. À la belle saison les fruits des arbustes sont mûrs et le Bouvreuil pivoine en profite sans relâche.

Au nid, c’est un va et vient continuel. À la belle saison les fruits des arbustes sont mûrs et le Bouvreuil pivoine en profite sans relâche © Wayne Davies

Cet oisillon, déjà grand mais toujours affamé, court à la rencontre de son père.

Cet oisillon, déjà grand mais toujours affamé, court à la rencontre de son père © Jerry Hawker

Le nid est une plateforme désordonnée assez large composée de brindilles, sur laquelle est formée une coupe bien marquée et douillette, garnie de duvet, d’herbes sèches, de radicelles et de quelques plumes.

La femelle y dépose 4 ou 5 œufs crème-bleuté, maculés de légères taches rouges et noires, qu’elle couve seule pendant deux semaines environ.

À l’éclosion les deux parents s’occupent des oisillons pendant 15 jours encore.

Le Bouvreuil pivoine effectue en général deux couvées par an, exceptionnellement trois si la saison est favorable.

Les premiers temps, les petits sont nourris avec des chenilles et des insectes, mais ce régime est remplacé presque immédiatement par des graines broyées et prédigérées.

Les oisillons apprennent vite à voler et bien que pris en charge par leurs parents dans un premier temps, ils prennent rapidement leur envol.

Les oisillons apprennent vite à voler et bien que pris en charge par leurs parents dans un premier temps, ils prennent rapidement leur envol © Cornelis Bakker

Le Bouvreuil pivoine est essentiellement végétarien avec une prédilection pour des graines oléagineuses et grasses telles que faines, samares, pignons et graines de tournesol si disponibles mais aussi baies d’aubépine et d’églantier qui restent sur les arbustes durant les mois d’hiver, ainsi que  pommes et grenades.

On a parlé de la particulière confiance et de la naïveté dont fait preuve cet oiseau dans son comportement atavique, au point d’être, par beaucoup, considéré comme un oiseau crédule et même stupide.

Il n’est pas facile d’observer un bouvreuil dans son milieu naturel. Il se tient généralement haut dans les frondaisons et sa présence n’est signalée que par l’incessant “peeu“ mélancolique qu’il émet avec insistance.

Ils portent pendant quelques mois la livrée juvénile qui ressemble à celle des femelles et revêtent celle des adultes l'année suivante.

Ils portent pendant quelques mois la livrée juvénile qui ressemble à celle des femelles et revêtent celle des adultes l’année suivante © Eero Kiuru

Et pourtant, voilà qu’à la moindre imitation de ce sifflement plaintif, le Bouvreuil pivoine sort immédiatement afin d’en vérifier l’origine et se montre alors dans toute sa splendeur. s’approchant même tout près du siffleur.

Il se dit aussi que dans la relation de couple, le mâle de cette espèce est dominé par la femelle et qu’il ferait preuve de soumission envers celle-ci. Il semble que le mâle n’ose jamais contredire sa compagne. Très commun chez les humains mais cas unique chez les oiseaux !

Dans la Liste rouge des espèces menacées, Pyrrhula pyrrhula est considérée comme “Least Concern“, c’est-à-dire présentant un risque minime.

Synonyme

Loxia pyrrhula Linnaeus, 1758.

 

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