Sagittarius serpentarius

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Sagittarius serpentarius, Sagittariidae, Messager sagittaire, Secrétaire, Serpentaire, Accipitriformes

Sagittarius serpentarius doit son nom aux plumes noire de sa tête © Gianfranco Colombo

Ce rapace, le Messager sagittaire, communément appelé Secrétaire ou Serpentaire (Sagittarius serpentarius J.F. Miller, 1779), appartient à l’ordre Accipitriformes. Il s’agit de l’unique représentant de la famille Sagittaridae, formée donc par cette espèce : Sagittarius serpentarius.

La classification de cet étrange oiseau aux très longues pattes nues, pourvu d’un bec d’aigle, de doigts courts de vautour et montrant un comportement peu commun chez les rapaces diurnes, a connu dans le passé quelques balbutiements. Bien que montrant de nombreux points communs avec les Grues (Gruidae), les Outardes (Otididae), les Cariamas (Cariamidae), les Urubus (Cathartidae) ainsi qu’avec les Faucons et les Aigles, on a toujours voulu le classer dans une famille spécifique qui le distingue nettement de toutes ces espèces avec lesquelles il montre des ressemblances.

Son nom scientifique le situe à la perfection dans le monde de l’avifaune, bien que diverses interprétations fantaisistes demeurent sur l’étymologie de ce nom.

Sagittarius du latin « sagitta » = flèche, dérivé de sa façon de marcher lorsqu’il cherche de la nourriture.

Selon Vosmaer, 1804, nommé ainsi d’après ses changements de direction incessants comme s’il était sur un champ de bataille et devait sans cesse prendre une nouvelle position, typique des archers des anciennes armées qui étaient à la recherche de la meilleure position pour décocher leurs flèches, donc « sagittario » = archer. D’autres, en revanche, le voudrait dériver des longues plumes noires pendant de sa tête et ressemblant à des flèches rangées dans un carquois.

De cette interprétation viendrait aussi son nom vulgaire de secrétaire, car cette huppe tombante ferait penser à ces plumes que les employés d’une autre époque se glissaient nonchalamment sur l’oreille durant les pauses dans le travail. D’autres encore le ferait dériver d’une déformation française du terme arabe « Saqr-et-tair » = oiseau chasseur, devenu « secrétaire ».

Plus évidente est la signification de serpentarius du latin « serpens, serpentis » = serpent, sa proie de prédilection.

Ses noms vulgaires reprennent ces explications. En anglais Secretarybird, en allemand Sekretär, en espagnol Secretario, en kiswahili Varani tamba, en afrikaans Sekretarisvoël et en italien Segretario ou Serpentario.

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Ses longues pattes cuirassées le protègent contre les morsures des serpents, son plat préféré © Giuseppe Mazza

C’est un oiseau très aimé en Afrique pour l’impitoyable chasse qu’il mène contre les animaux considérés nuisibles pour la population, activité dans laquelle il est grandement spécialisé.

Il figure sur l’emblème national du Soudan et sur le blason présidentiel de l’Afrique du Sud. Dans ce pays on l’appelle amicalement « Devil’s Horse » = Cheval du diable, là encore pour la chasse sans merci qu’il mène contre les rats et les serpents.

Zoogéographie

Le Messager serpentaire est endémique de l’Afrique. Il est largement répandu sur pratiquement tout le continent.

Son aire de répartition s’étend de la bande subsaharienne qui, partant du Sénégal, rejoint l’Ethiopie et se poursuit au Sud, jusqu’à couvrir entièrement l’Afrique du Sud, évitant toutefois de façon systématique les forêts et les terres recouvertes d’une végétation dense.

C’est l’habitant typique des steppes herbeuses d’Afrique, où on le voit marcher sans cesse à la recherche de nourriture et émerger avec élégance, grâce à sa remarquable stature, de la haute végétation de la savane. C’est un oiseau sédentaire mais il effectue souvent des déplacements liés aux pluies et aux incendies saisonniers des broussailles. Les adultes sont réticents à abandonner les aires qu’ils occupent y compris en période post nidification alors que les juvéniles réalisent des déplacements réguliers à la recherche de nouveaux espaces à occuper.

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Bien qu’insolite c’est un rapace à part entière © Gianfranco Colombo

Il chasse habituellement en solitaire même si on le voit souvent accompagné de sa partenaire qui se tient à bonne distance comme s’ils effectuaient ensemble un ratissage en règle de l’aire traversée. C’est un marcheur exceptionnel et infatigable et il peut parcourir chaque jour des dizaines de kilomètres à une vitesse moyenne souvent supérieure à 3km/h.

Il défend son territoire avec acharnement et n’hésite pas à attaquer des groupes d’aigles (Aquila rapax et Aquila nipalensis) quand ceux-ci capturent des proies sur son territoire.

Les adultes n’ont pratiquement pas d’ennemis alors que les petits peuvent être la proie de corbeaux, de milans et de rapaces nocturnes.

Morpho-physiologie

Le Messager serpentaire est un oiseau de grande taille pouvant atteindre 150 cm de haut, peser 4 kg et avoir une envergure de plus de 2 mètres. Il a des pattes rosées très longues qui lui permettent de marcher aisément dans l’herbe haute de la savane et en même temps de se protéger d’éventuelles morsures ou attaques de la part des proies qu’il capture habituellement. Les tarses sont recouverts d’écailles épaisses et dures qui le rendent insensible aux morsures des serpents ou d’autres animaux capturés.

Ayant des habitudes essentiellement terrestres il préfère souvent fuir devant le danger en courant très vite plutôt que s’envoler même si, lorsqu’il vole, c’est un habile planeur et il sait magnifiquement, et avec élégance, profiter des courants thermiques, atteignant des altitudes notables, jusqu’à 3 500 m. Lorsqu’il vole il présente une silhouette caractéristique qui permet de le distinguer aisément des autres oiseaux.

Le contraste du blanc grisâtre et du noir des ailes, le cou grandement allongé, ainsi que les deux très longues plumes qui ressortent au centre de la queue, forment ses caractéristiques les plus remarquables. Le corps est grisâtre avec les rémiges et les culottes noir intense. Vu de loin, sous le vif soleil des tropiques, il apparaît comme un classique oiseau blanc et noir et peut facilement être confondu avec une cigogne ou une grue. Il présente un cou très allongé. Les joues nues sont orangées chez les adultes et jaunâtres chez les juvéniles. Il a un bec typique de rapace, très crochu et bleuâtre.

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Il ne craint pas plus les aigles que les épines et se montre extrêmement agile au sol comme en vol © G. Colombo

Il montre sur la nuque une crête d’une douzaine de plumes noires plates et fuselées, longues de 10 à 20 cm, qui pendent sur son dos et se balancent sans cesse au rythme du vent ou de l’ondulation de sa démarche.

Enfin, ses pieds sont très robustes, pourvus de grandes serres puissantes qu’il utilise pour écraser, frapper et assommer les proies dont il se nourrit.

Il n’y a pas de dimorphisme sexuel même si la femelle paraît légèrement plus grande.

C’est un oiseau habituellement silencieux sauf quand il doit marquer sa présence ou défendre son territoire des envahisseurs. Il émet alors un bref son rauque de basse intensité.

Biologie reproductive

Les couples sont territoriaux et occupent une aire qui peut s’étendre jusqu’à 40 km2. Ils nichent sur des acacias ou des arbustes pas très hauts, en général très épineux et inaccessibles depuis le sol.

Ils n’apprécient pas les zones boisées, où la visibilité depuis le nid est limitée par des obstacles ou des arbustes mais préfèrent utiliser des arbres isolés et placés dans des endroits où ils dominent une grande partie du territoire occupé. Le nid est un amas de branches, de feuillages et d’herbes placés pêle-mêle sur la cime de ces arbres jusqu’à former une large plateforme la recouvrant entièrement.

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En vol il peut atteindre 3 500 m d’altitude. Son envergure est de plus de 2 m © Gianfranco Colombo

La nidification peut avoir lieu toute l’année selon la disponibilité en nourriture. Elle a le plus souvent lieu afin de faire coïncider l’envol des petits avec le pic de proies disponibles durant la saison des pluies.

Parfois, en période d’abondance de proies, ces oiseaux peuvent réaliser une nouvelle couvée y compris à peu de semaines du dernier envol.

Ils pondent ordinairement deux œufs qu’ils couvent pendant environ 45 jours et les petits s’envolent après 100 jours. En général tous les membres de la couvée sont en mesure de prendre leur envol, soignés et assistés par les deux parents tout au long de l’incubation et de la croissance.

Leur régime est extrêmement varié mais avec certaines préférences. Ils aiment capturer des serpents, des rats, des gros insectes, des grenouilles et des rongeurs. Ils mangent aussi des œufs, des oisillons et souvent aussi des petits lapins, des mangoustes, des écureuils de terre et des porcs-épics.

La proie est d’abord estourbie d’un vigoureux coup de pied puis retenue avec les robustes doigts griffus et pour finir massacrée avec le puissant bec. La proie est ingurgitée entière.

On peut facilement l’élever en captivité et il peut même devenir un oiseau assez docile alors que dans la nature il ne montre pas ce genre de vertu. Il est traditionnellement vénéré par l’homme pour le nombre de reptiles et de rongeurs qu’il prélève et bénéficie dans beaucoup de nations africaines d’une grande protection. C’est un oiseau protégé mais qui n’est pas considéré à risque. Il est donc classé CITES II.

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Le nid est un amas de branches, de feuillages et d’herbes, placés pêle-mêle sur la cime de plantes isolées et dominant le territoire, jusqu’à former une large plateforme © Gianfranco Colombo

Synonyme

Falco serpentarius J.F. Miller, 1779.

 

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