Taxus baccata

Famille : Taxaceae

EUGENIO-2.gif
Texte © Eugenio Zanotti

 

claude.gif
Traduction en français par Claude Leray

 

Taxus baccata grandit très lentement mais dépasse les 20 m de hauteur et les 2 000 ans d'âge © Giuseppe Mazza

Taxus baccata grandit très lentement mais dépasse les 20 m de hauteur et les 2 000 ans d’âge © Giuseppe Mazza

Le genre Taxus comprend une dizaine d’espèces (pour certains auteurs elles sont considérées comme des espèces géographiques) d’arbres et d’arbustes de l’hémisphère nord.

L’if (Taxus baccata L. 1753) a une distribution palaeotempérée (zone Euro asiatique au sens large et Afrique du Nord) ; elle inclut la plupart de l’Europe à l’exclusion de l’extrême nord, au sud l’Algérie et vers l’est jusqu’à l’Iran.

Son aire de répartition a beaucoup diminué au cours des siècles en raison des coupes intenses effectuées dans le passé pour son bois précieux, très élastique et résistant, approprié pour fabriquer des arcs et des flèches, mais aussi pour sa toxicité, un danger sérieux pour les animaux de pâturage, en particulier les bovins et les chevaux, et pour les cervidés. Les chevaux peuvent rapidement mourir après l’ingestion de 100-200 grammes de feuilles fraîches d’if.

L’étymologie du nom de genre Taxus est encore discutée : d’après certains, il viendrait du grec “taxon” qui signifie “flèche empoisonnée”, et le nom de l’arbre de la mort vient à juste titre de son emploi dans la fabrication de fléchettes empoisonnées et de sa toxicité remarquable, outre le fait qu’il a été utilisé comme arbre de cimetières ; d’après d’autres le nom viendrait du grec “toxon”, toxique ; d’autres encore affirment qu’il vient du grec “taxis” qui signifie rangée, pour la disposition régulière des feuilles sur les branches comme un double peigne.

Le nom de l’espèce baccata signifie “faite de perles, de baies”, pour les nombreux fruits produits par les arbres femelles. L’if, ou arbre de la mort, est un arbre à feuilles persistantes, non résineux, avec une très longue durée de vie (jusqu’à 2 100 ans) et une croissance très lente, avec en moyenne 10-15 mètres de haut, parfois jusqu’à 20 (<22) mètres, développant des troncs avec des diamètres remarquables.
C’est un arbre souvent polycormique, donc avec plusieurs troncs sortant de la base, et avec un port arbustif avec les branches principales longues écartées et alternées, formant un sommet ample et diffus de forme ovale et pyramidale. Le tronc, souvent irrégulier et nervuré, a une écorce rouge-brun à gris-noirâtre, initialement lisse mais qui se détache avec l’âge en plaques polygonales minces et irrégulières ou en bandes plus ou moins enroulées. Il dispose d’un système d’enracinement fort et étendu mais pas très profond.

Le plus ancien spécimen italien est situé en Sardaigne, dans la localité de Marzari, Urzulei, province de Nuoro, pour lequel on a estimé un âge de 2000 ans. Il a 15 m de hauteur et la circonférence du tronc dépasse les 5 m.

Souvent polycormique, touffu, il a un tronc brun-rouge typique qui desquame © Giuseppe Mazza

Souvent polycormique, touffu, il a un tronc brun-rouge typique qui desquame © Giuseppe Mazza

C’est une plante dioïque avec des feuilles disposées sur deux rangs opposés, sur les petites branches irrégulièrement alternées, vert foncé sur la page supérieure, et plus pâles en dessous, avec deux lignes de stomates vert-jaunâtre, à limbe non rigide, aplati, linéaire ou peu falciforme, de 2 x 15-25 (35) mm, avec des marges incurvées vers le bas, brillantes au-dessus, aiguës mais pas piquantes.

En mars-avril (mai) les plantes mâles émettent des nuages de pollen qui sont confiés au vent (la pollinisation est anémophile). Les organes mâles sont nombreux, formés par des petits cônes (amenta) axillaires, globuleux, jaunes, avec 5-8 écailles ; les cônes femelles, solitaires ou appariés, gemmiformes, avec un ovule moitié nu, sont situés sous les petites branches, avec des fruits murissant dans l’année qui sont des arilles de 6-7 mm, avec une seule graine, ovoïde, dure, brun-jaunâtre à brun-vert-foncé, toxique ; la pulpe mucilagineuse (urcéole) est rouge écarlate (jaune dans la variété lutea) a la forme d’une coupelle, c’est la seule partie de l’arbre ne contenant pas de substances toxiques, elle a un goût presque douceâtre.

Dans la nature, l’if se trouve souvent en association avec le houx, les hêtres et les forêts ombragées de sapins, de préférence sur sol calcaire de 300 (800) à 1 600 (1 800) m d’altitude. C’est une espèce mésophile (héliophile à sciaphile) nécessitant une forte humidité atmosphérique et des sols frais, même calcaires, et superficiels. Il est souvent cultivé dans les parcs, les jardins et les cimetières. Plusieurs espèces d’oiseaux sont avides de ses baies et assurent leur diffusion.

Plusieurs cultivars de Taxus baccata diffèrent en raison de l’habitat, des caractères foliaires et de la couleur de la pulpe des baies. Vu la compacité du feuillage, la longévité, la résistance aux maladies, la pollution et les élagages répétés, il est largement cultivé dans les grands parcs et les jardins à l’italienne où, à travers l’art topiaire, il est soumis à des formes les plus variées.

À certains moments, il a été introduit en Europe des entités aussi exotiques que Taxus brevifolia (If de l’Ouest), Taxus canadensis (If du Canada), Taxus chinensis (If chinois), Taxus cuspidata (If du Japon), Taxus floridana (If de Floride), Taxus globosa (If du Mexique), Taxus sumatrana (If de Sumatra) et Taxus wallichiana (If de l’Himalaya).

Toute la plante, sauf les fruits, est toxique. Espèce dioïque, il y a des spécimens mâles et femelles séparés © Giuseppe Mazza

Toute la plante, sauf les fruits, est toxique. Espèce dioïque, il y a des spécimens mâles et femelles séparés © Giuseppe Mazza

L’if était très répandu dans les temps préhistoriques, il est considéré comme une espèce relique de la flore préexistante aux glaciations quaternaires (reliques arctotertiaires), plus tard il a régressé en raison de l’aggravation des conditions climatiques. En Europe centrale et du nord, il est réparti dans la végétation de plaine tandis que dans les régions du sud il tend à se réfugier dans les montagnes, préférant ravins, ruisseaux encaissés, flancs abrupts des vallées ombragées, surtout sur des substrats carbonatés. La reproduction peut être réalisée par graines (qui germent seulement pendant la deuxième année du semis) ou, pour les variétés, par bouture ou marcottage. Il lui faut 200 ans pour atteindre un développement complet.

Le bois de l’if a un aubier mince, blanc-jaunâtre et un duramen de couleur variant du brun-orange au rouge-violacé, avec des anneaux de croissance minces et bien distincts ; il est lourd (densité 760 kg par mètre cube), très dur, homogène et à grain très fin, parfois moucheté, fort et élastique, résistant, durable et par conséquent très apprécié pour le tournage et l’ébénisterie ; traité avec des sels de fer, il devient noir comme l’ébène.

Les premiers humains ont utilisé ce bois pour fabriquer des piques, des lances, des arcs et des flèches (l’arc de la célèbre momie d’Ötzi et le manche de la hache ont été obtenus à partir d’une branche d’if). Les longs et célèbres arcs des Anglais utilisés aussi à la bataille d’Azincourt, qui ont marqué la fin de la cavalerie féodale française, étaient réalisés en bois d’if. Les anciens Egyptiens en faisaient des planches pour réaliser leurs sarcophages. Dans l’ancienne Rome, on sacrifiait à Hécate, déesse des enfers, des taureaux noirs décorés de branches feuillues d’if, arbre qui lui était consacré.

La plante est liée à la symbolique des enfers et cela est attesté par Ovide, d’après lequel la route menant au monde des morts était ombragée par des ifs. L’association avec la mort puise son inspiration dans la couleur vert foncé des feuilles, de l’écorce et du bois rougeâtre et en particulier de sa toxicité. En raison de son feuillage persistant et de sa longévité, cet arbre (ainsi que le cyprès) est devenu le symbole de l’immortalité.

Au printemps, les plants mâles émettent des nuages de pollen confiés au vent © Giuseppe Mazza

Au printemps, les plants mâles émettent des nuages de pollen confiés au vent © Giuseppe Mazza

Toutes les parties de la plante, sauf la pulpe des fruits, contiennent la taxine, alcaloïde toxique terpénique ayant une action anesthésique et narcotique capable de provoquer l’asphyxie et la paralysie cardiaque, en plus des glycosides taxicantine et taxiphylline, des alcaloïdes milossine et éphédrine, et des biflavonoïdes ginkgetine et sciadopitisine.

Dans le passé, des préparations à base d’if ont été utilisées comme cardiotoni- ques, antiépileptiques, antiasthmatiques, antirhumatismaux, purgatifs, emména- gogues et abortifs, mais en raison de la forte toxicité leur emploi a été abandonné.

L’empoisonnement provoque des vomis- sements cholériformes et des diarrhées, des altérations nerveuses telles que la mydriase et des altérations de l’acuité visuelle, la dépression, la dyspnée, l’hypotension, la bradycardie et, enfin, des convulsions, l’effondrement cardio-vasculaire et le coma.
En dépit de sa très forte toxicité, le taxol extrait de l’écorce de Taxus brevifolia, a prouvé son efficacité dans le traitement de divers types de cancers (sein, poumon, ovaire, mélanome et leucémie) en inhibant la division cellulaire (mitose). Tirant son inspiration de la structure chimique du taxol, antitumoral puissant mais difficile à obtenir, les chercheurs tentent de produire toute une famille de médicaments synthétiques d’efficacité similaire. Utilisé pour le traitement de patients avec des carcinomes de la région tête-cou, de la prostate, des formes avancées de la maladie de Kaposi, le taxol est actuellement utilisé également pour la prévention de la resténose (rétrécissement de l’artère coronaire). La préparation commerciale (Palitaxel) a récemment été remplacée par le Docétaxel, semi-synthétique, extrait à partir des feuilles de Taxus baccata il est particulièrement efficace pour la prise en charge du cancer mammaire métastasique résistant aux anthracyclines.

La pulpe de l’arille (soigneusement libérée de la graine, des feuilles et d’autres résidus possibles de parties vertes) riche en substances mucilagineuses est utilisée dans la médecine populaire comme résolutif dans les affections bronchiques.

Les organes reproducteurs femelles, avec des structures gemmiformes, solitaires ou appariées, produisent après une année des arilles rouges de 6-7 mm avec seule graine. Le bois est lourd, très dur, homogène et à grain fin © Giuseppe Mazza

Les organes reproducteurs femelles, avec des structures gemmiformes, solitaires ou appariées, produisent après une année des arilles rouges de 6-7 mm avec seule graine. Le bois est lourd, très dur, homogène et à grain fin © Giuseppe Mazza

Synonymes: Taxus baccata var. variegata Weston (1770); Taxus baccata Thunb. (1784); Taxus nucifera Wall. (1824-26); Taxus fastigiata Lindl. (1829); Taxus baccata var. erecta Loudon (1838); Taxus baccata var. dovastoniana Leight. (1841); Cephalotaxus tardiva Siebold ex Endl. (1847); Taxus baccata var. lutea Endl. (1847); Taxus baccata var. elegantissima C. Lawson (1851); Taxus baccata var. pyramidalis C. Lawson (1851); Taxus parvifolia Wender. (1851); Taxus recurvata C. Lawson (1851); Taxus tardiva (Siebold ex Endl.) C. Lawson (1851); Taxus adpressa Carrière (1855); Taxus baccata f. expansa (Carrière) Rehder (1855); Taxus disticha Wender. ex Henkel & Hochst. (1865); Taxus communis var. pyramidalis (hort. ex Ravenscr., C. Lawson & et al.) Nelson (1866); Taxus baccata f. xanthocarpa Kuntze (1867); Taxus nepalensis Jacquem. ex Parl.(1868); Verataxus adpressa (Carrière) Carrière (1867); Taxus baccata var. Dovastonii-aurea Sénécl. (1868); Taxus columnaris K.Koch (1873); Taxus expansa K.Koch (1873); Taxus jacksonii K.Koch (1873); Taxus baccata var. dovastonii-variegata Gordon (1875); Taxus empetrifolia Gordon (1875); Taxus baccata Erecta Boiss. (1878); Taxus baccata f. elegantissima (C.Lawson) Beissn. (1887); Taxus baccata f. pyramidalis (C. Lawson) Beissn. (1887); Taxus baccata Dovastonii Stev. (1887); Taxus baccata ‘Dovastoniana’ Stev. (1887); Taxus baccata ‘Dovastonii Aureo-variegata’ Stev. (1887); Taxus baccata fo. pendula-graciosa (Overeynder) Beissn. (1891); Cephalotaxus adpressa Beissn. (1891); Taxus baccata var. dovastonii-aureovariegata Beissn. (1891); Cephalotaxus brevifolia Beissn. (1891); Taxus elvastonensis Beissn.(1891); Taxus baccata ‘Ceshuntensis’ Nutt. Ex Torr. & A. Gray (1895); Taxus baccifera Theophr. ex Bubani (1897); Taxus baccata ‘Lutea’ A.W. Wood (1897); Taxus baccata fo. aurea (J.Nelson) Pilg. (1903); Taxus baccata fo. erecta (Loudon) Pilg. (1903); Taxus baccata fo. glauca (Jacques ex Carrière) Beissn. (1903); Taxus aurea K.Koch (1906); Taxus baccata var. prostrata Bean (1916); Taxus baccata fo. ericoides (Carrière) Pilg.(1916) pubbl. (1917); Taxus baccata var. macrocarpa Lavallée (1916) pubbl. (1917); Taxus pyramidalis (hort. ex Ravenscr., C. Lawson & et al.) Severin (1926); Taxus baccata var. pendula-overeynderi Fitschen (1930); Taxus baccata var. cavendishii Hornibr. (1932); Taxus baccata ‘Adpressa Striata’ Pursh (1939); Taxus baccata fo. dovastoniana (Leight.) Rehder (1945); Taxus baccata fo. lutea Rehder (1949); Taxus baccata fo. repandens (Parsons) Rehder (1949); Taxus baccata fo. semperaurea (Dallim.) Rehder (1949); Taxus baccata fo. stricta (C.Lawson) Rehder (1949); Taxus baccata ‘Procumbens’ J. W. Moore (1959); Taxus baccata ‘Fastigiata Variegata’ Steyerm. (1965).

 

→ Pour apprécier la biodiversité au sein de la famille des TAXACEAE cliquez ici.