Threskiornis aethiopicus

Famille : Threskihornitidae

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Texte © Dr. Gianni Olivo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Le Threskiornis aethiopicus est une espèce avec des fossiles remontant à 60 millions d'années © Giuseppe Mazza

Le Threskiornis aethiopicus est une espèce avec des fossiles remontant à 60 millions d'années © Giuseppe Mazza

L’Ibis sacré (Threskiornis aethiopicus Latham, 1790) est un représentant de l’ordre des Pélécaniformes (Pelecaniformes) et de la famille des Threskiornithidés (Threskihornitidae).

Ce n’est pas un oiseau dont la distribution est limitée à l’Afrique. On peut également le rencontrer dans la péninsule arabique et en Irak. Cependant, l’Afrique sub-saharienne et la vallée du Nil sont ses principales aires naturelles de distribution, même s’il semble qu’il soit disparu d’Égypte, où comme le dit son nom, c’était l’animal sacré du Dieu Toth et où il était considéré comme protégeant le pays et ses habitants de la peste, des maladies et des morsures de serpents, peut être parce qu’on savait, pour l’avoir observé, qu’il se nourrissait soit de charognes et de déchets (et donc avait une action préventive sur la diffusion des maladies) soit de reptiles (même si ce n’est que de façon très marginale).

Des populations de cette espèce d’ibis sont présentes en Europe et en Amérique (Floride) ; mais il s’agit en réalité d’individus échappés de captivité et qui, vu leur grande faculté d’adaptation, se sont bien adaptés à leur nouvel habitat, causant des dommages typiques des espèces invasives. Par exemple en Floride il est considéré espèce “introduite, invasive et désormais résidente”, souvent en compétition avec les espèces locales autochtones, dont il occupe “abusivement” la niche écologique et sur lesquelles il prévaut, causant d’importants dommages à l’écosystème local.

L’installation de cet oiseau coïncide probablement avec l’ouragan Andrew de 1992, qui favorisa l’évasion d’individus de jardins zoologiques (Miami) ou de petits zoos privés. Les espèces les plus à risque, suite à son introduction dans la nature, sont en Floride l’Ibis blanc (Eudocimus albus) parent plus petit en taille, de l’Ibis sacré, certaines espèces d’oiseaux marins et le Tantale d’Amérique (Mycteria americana), oiseau considéré espèce potentiellement vulnérable.

Un jeune ibis sacré atterrit presque en dansant. Ils sont des charognards et des prédateurs © Giuseppe Mazza

Un jeune ibis sacré atterrit presque en dansant. Ils sont des charognards et des prédateurs © Giuseppe Mazza

Dans certains pays européens également, parmi lesquels l’Italie, la France, la Belgique et les Pays-Bas, l’Ibis sacré s’est sédentarisé avec succès. Là aussi, il s’agit d’individus évadés de petits parcs ou de zoos privés, et en Europe également il a montré qu’il pouvait commettre des dommages. Les fossiles mis au jour par les paléontologues nous ont permis d’apprendre qu’il s’agit d’un oiseau dont les origines comme espèce remontent au moins à 60 millions d’années et donc qu’il s’agit de l’une des espèces les plus anciennes, si on considère l’époque à laquelle les dinosaures se sont éteints.

C’est un oiseau de bonne taille, avec un poids d’un à deux kilos, une longueur qui atteint les 90 cm et une envergure de 110-125 cm. C’est un oiseau facile à identifier même pour un profane, caractérisé par un corps blanc sur lequel ressort le noir du cou qui est “nu”, de la tête, des pattes, du bec, des pieds et des extrémités des ailes ainsi que des parties caudales. Le bec convexe est long et incurvé.

Quand il est posé, on peut voir une touffe ou une volute de longues plumes souples sur le dos (blanches) et sur la queue (noires). En dessous, le ventre est blanc, c’est pourquoi si on le voit en vol, il apparait comme un grand oiseau blanc avec le cou, le bec, et les pattes noirs et avec la pointe des rémiges et les bords postérieurs des ailes noirs. En pratique il ne peut donc être confondu.

L’extrémité des rémiges peut parfois être gris foncé ou couleur graphite. Durant la saison des amours on peut observer une légère mutation de couleur : le plumage sur les flancs et sur l’extrémité des ailes peut virer au jaunâtre et les pattes se colorer de rouge ou de couleur cuivre.

Chez les juvéniles le cou n'est pas encore coloré de noir © Giuseppe Mazza

Chez les juvéniles le cou n'est pas encore coloré de noir © Giuseppe Mazza

Pendant cette période, on peut aussi voir des taches rouges sous les ailes (visibles en vol) qui sont en fait des taches d’alopécie, donc de peau nue.

Son habitat est très varié : il fréquente volontiers les cours d’eau, les lacs, les mares et les marais, les prairies humides et les champs cultivés, les plantations, les décharges d’ordures, les lagunes et les estuaires. Parfois, on peut aussi le trouver à distance de l’eau, en pleine savane. Il est répandu dans toute l’Afrique, au Sud du désert du Sahara. En ce qui concerne l’Afrique méridionale, il est absent de la partie centrale et méridionale du Botswana, pays essentiellement aride, mais il est très commun dans le delta de l’Okavango et dans le Caprivi.

Il est répandu en Namibie, à l’exclusion de la frange côtière désertique (Côte des Squelettes et Namib) et commun dans le parc national d’Etosha. Il a colonisé toute l’Afrique du Sud, exceptée la partie nord-occidentale du Cap, et il est commun dans tout le Zimbabwe, la Zambie et le Mozambique. Il est signalé à Madagascar, dans nombre des îles le long des côtes africaines et au Moyen-Orient.

D’habitudes grégaires, il peut se rassembler en colonies comprenant des centaines d’individus. Il est enclin à se nourrir de déchets, charognes de petits animaux et de matières organiques pouvant être en putréfaction, c’est pourquoi il est très commun près des abattoirs ou des lieux où l’on travaille le poisson. Il chasse aussi des mollusques et des insectes ou des petits vertébrés, les cherchant parfois dans la boue, sondant et creusant la vase avec son long bec, pendant qu’il marche à petits pas sautés et cadencés. Il peut chasser de petits mammifères, des batraciens, des reptiles, des petits de crocodiles, des oisillons et des œufs (y compris ceux du crocodile du Nil). Il est pratiquement omnivore et ne dédaigne pas les graines et les algues même s’il montre une nette prédilection pour les protéines animales.

Une étude menée en Afrique du Sud (Le Cap) par le Western Cape Nature Conservation Board et par la Avian Demography Unit s’est intéressée à l’impact de l’Ibis sacré et du Héron cendré (Ardea cinerea) en tant que prédateurs des oiseaux marins, de leurs oisillons et de leurs œufs. On pensait que l’impact prédatoire des ciconiiformes sur les populations d’oiseaux marins était modeste et pour l’essentiel limité aux sternes et à leurs poussins, mais cette étude semble avoir démontré quelque chose de différent.

Deux sites ont été choisis : Lambert’s Bay et Penguin Island (rappelons que sur les côtes méridionales d’Afrique du Sud il y a quelques populations résidentes de Manchots du Cap, surnommés Jack-ass penguin, Spheniscus demersus, pour leur chant semblable au braiment d’un âne.

Threskiornis aethiopicus atteint 90 cm pour une envergure de 110-125 cm © Giuseppe Mazza

Threskiornis aethiopicus atteint 90 cm pour une envergure de 110-125 cm © Giuseppe Mazza

Le comportement des ibis sacrés et des hérons cendrés (Ardea cinerea), a été étudié lors de trois saisons de reproduction successives, pendant 45 jours : les ibis ont été vus prélever plus de 150 œufs et oisillons de Cormorans (Phalacrocorax capensis).

Des études statistiques suggèrent un total de 900 œufs et poussins prélevés par saison, ce qui n’est pas peu si l’on se représente le territoire plus que limité étudié. En d’autres termes, il résulte que la prédation de la part des Ibis sacrés est la troisième cause de mortalité… infantile en ce qui concerne la colonie de Penguin island, qui comptait environ 5000 couples de cormorans.

Il aime se reposer perché sur de grandes plantes, mais sa préférence va aux petites îles et aux roselières où il se sent à l’abri des prédateurs. Son vol est caractéristique : battements d’ailes “superficiels” sans abaisser excessivement les extrémités des ailes, alternés avec des vols planés plus ou moins longs, et quand ils volent en groupes, ils prennent généralement la formation en V ou bien les individus composant le groupe se placent en une ligne oblique.

Les vocalises de cet oiseau ne sont ni fréquentes ni particulièrement caractéristiques et se limitent à des sons semblables à des grognements étouffés ou à de profonds “kroaak” surtout émis quand ils sont au sol, à la recherche de nourriture.

La reproduction a lieu à différents moments, selon la latitude et le climat. Par exemple, dans le Limpopo et le Mpumalanga elle a lieu entre août et mai (le plus souvent en septembre), en Namibie, à la même latitude, entre avril et août.

Un couple adulte en vol. En période de reproduction ils montrent des taches de peau nue sous les ailes © G. Mazza

Un couple adulte en vol. En période de reproduction ils montrent des taches de peau nue sous les ailes © G. Mazza

Le nid est construit en forme de plateforme plutôt grossière, avec des branches et du paillis, avec un diamètre moyen de 50 cm et une épaisseur de 20 cm et peut être bâti sur des plantes (souvent on voit des dizaines ou des centaines de nids voisins les uns des autres), sur des buissons ou même au sol, parmi les roches ou les roseaux. Les œufs pondus sont au nombre de deux ou trois, de couleur bleue claire ou tirant sur le vert, souvent piquetés de rougeâtre, mesurent de 6 à 7 cm de long et sont couvés par les deux parents pendant environ 1 mois. Les poussins restent au nid pendant 2 ou 3 semaines. Ils y sont nourris aussi bien par le mâle que par la femelle, et savent voler après 30 ou 40 jours.

Nom communs : Anglais : Sacred ibis, African sacred ibis ; Allemand : Heiliger Ibis ; Italien : Ibis sacro ; Afrikaans : Skoor-steenveer ; Spagnolo : Ibis sagrado ; Portoghese : Ibis sagrado ; isiZulu, Xhosa : umXwagele ; Tsonga : N’wafayaswitlangi ; Kwangali Okavango and Angola : Ndingiliria ; Southern Sotho : Lehlalyane, Lesholotsoane.

 

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