Famille : Accipitridae
Texte © Dr. Gianfranco Colombo
Traduction en français par Catherine Collin
Le Vautour oricou (Torgos tracheliotus Forster, 1791) appartient à l’ordre Accipitriformes et à la famille Accipitridae.
On le nomme aussi « vautour nubien » parce que l’on pensait qu’il était originaire d’Egypte et de la vallée du Nil.
C’est un vautour de très grande taille et il peut être considéré comme l’un des plus grands charognards de l’Ancien monde en compagnie du célèbre Gypaète barbu (Gypaetus barbatus), qui ne le dépasse qu’au niveau de l’envergure, du Vautour chassefiente (Gyps coprotheres) et du Vautour moine (Aegypius monachus) qui parfois le dépassent au niveau du poids.
On le remarque facilement en vol pour sa taille comme pour son allure extrêmement lourde lors du décollage mais c’est quand il est au sol avec d’autres vautours qu’il montre vraiment les différences de sa structure.
Il est très agressif et il n’y a aucun adversaire qui ne le craigne ni ne le respecte quand il arrive sur une carcasse où il a une préséance absolue sur tous y compris sur les chacals.
Curieusement agressif, il n’est jamais pressé d’accéder au banquet bien que les autres vautours semblent volontiers lui céder la place, pas tant pour le respect dû à sa taille mais parce qu’il est le seul capable de trancher la peau coriace de la carcasse afin d’avoir accès aux parties molles de la charogne.
Son énorme bec est l’un des outils les mieux adaptés à cette opération et il tranche d’abord, comme à l’aide de ciseaux, de grands morceaux de peau puis finit par les tendons de la victime.
Le Vautour oricou aime se nourrir des parties dures de la carcasse, particulièrement de peau, de nerfs et de cartilage plutôt que de viande décomposée et il attend souvent que les autres mangent l’intérieur et les parties molles afin d’avoir plus facilement accès à ces délices.
Son nom vulgaire, comme son nom scientifique d’ailleurs, dérivent des singuliers appendices charnus rouges ou rosés qu’il a sur le côté de la tête et qui ressemblent à des oreilles postiches.
L’étymologie du nom scientifique vient du grec « torgos » = vautour et de « trakhelia » = cartilage, excroissance et « ous-otus » = oreilles.
Les noms communs qui lui sont donnés s’inspirent le plus souvent de cette caractéristique. En anglais Lappet-faced Vulture ou Arabian Vulture, en italien Avvoltoio orecchiuto, en espagnol Buitre Orejudo, en allemand Ohrengeier et en japonais l’ingénieux Mimihidahagewashi.
Taxonomiquement ce vautour est l’unique espèce du genre Torgos même si précédemment il y était accompagné par le Vautour royal (Sarcogyps calvus).
Zoogéographie
Le Vautour oricou a une vaste aire de répartition mais il est devenu un peu partout assez rare.
On le trouve dans toute l’Afrique subsaharienne à l’exclusion de quelques isolats au Sud de l’Egypte et en Mauritanie mais il est plutôt rare sur le versant centre atlantique, en particulier dans les aires couvertes de forêts. Il est désormais éteint dans toute l’Afrique du Nord.
On peut aussi le rencontrer au Moyen-Orient avec une sous-espèce spécifique (Torgos tracheliotus negevensis) qui occupe le désert de Néguev israélien et la partie méridionale de la péninsule arabique.
La sous-espèce africaine est Torgos tracheliotus tracheliotus, d’un coloris qui a tendance à être plus foncé par rapport à l’asiatique.
Se nourrissant de carcasses, souvent d’animaux empoisonnés, il accumule dans son organisme des quantités de pesticides telles qu’elles le rendent stérile et le conduisent souvent à la mort par empoisonnement.
Les perturbations occasionnées par les humains aux lieux de nidification ont provoqué l’abandon des sites, jusqu’à déserter définitivement l’aire occupée.
Autre problème et non le moindre, dans les dernières décennies, la réduction de l’élevage bovin au Sahel, voire l’abandon, à cause de la détérioration des conditions atmosphériques, remplacé en partie par l’élevage d’ovins, a provoqué une drastique réduction des grosses carcasses et en conséquence le départ de ce rapace de ces aires.
On estime à environ 9 000 le nombre total d’individus dans toute son aire de répartition.
Habitat
Il occupe les savanes et les plaines arides avec des buissons épineux et des rivières à sec bordées d’acacias ainsi que les rives rocheuses escarpées.
Il aime les aires ouvertes et prédésertiques peu arborées avec une faible végétation herbacée, de préférence inhabitées et éloignées de toute agglomération urbaine.
Ce n’est que lorsqu’il est à la recherche de carcasses qu’il peut survoler n’importe quel type de milieu ainsi que la périphérie des villes où souvent il suit les routes à la recherche d’éventuelles victimes du trafic. Il habite habituellement les plaines mais peut atteindre, dans les hauts plateaux éthiopiens, les 4 000 m d’altitude.
C’est un oiseau solitaire et ce n’est que rarement qu’on le rencontre en petits groupes à côté de carcasses de gros animaux. Dans toute son aire il est en forte diminution et même totalement éteint dans certaines de ses aires historiques.
Morpho-physiologie
Avec une envergure de 250 cm, un poids d’environ 8 kg et une longueur de plus de 110 cm ce vautour a peu de concurrents parmi ses congénères.
Cet oiseau, comme beaucoup de nécrophages, a la tête nue afin d’éviter de salir ses plumes avec les fluides organiques qui s’échappent de la charogne lorsqu’il s’alimente. La couleur de la tête peut aller du rouge vif au rose pâle selon l’aire d’appartenance. En général, le rouge est plus accentué chez les sujets qui vivent au sud du continent africain et s’atténue au fur et à mesure que l’on remonte vers le nord de son aire.
Les juvéniles sont beaucoup plus foncés et la partie nue de la tête ne montre aucune couleur. Le Vautour oricou est entièrement noirâtre avec une poitrine contrastante, blanche avec de grandes rayures noires créées par les longues plumes qui pendent de la gorge. Le dessous de l’aile lui aussi est noir avec deux rayures bien distinctes, blanc pur, le long du bord supérieur des ailes.
Bien qu’appartenant à la catégorie des éboueurs de la savane, ce nécrophage montre son agressivité innée en attaquant souvent de petits animaux blessés ou en mauvaise santé, mettant à sac les nids d’oiseaux plus faibles et faisant souvent des razzie dans les colonies de flamants roses. Il ne dédaigne pas non plus manger de gros insectes et de petits rongeurs. Il n’a pas un odorat développé comme certains de ses congénères mais il est doté d’une vue sûrement plus perçante et souvent il est le premier à trouver une carcasse et à y mener les différents groupes de vautours qui survolent la savane ensemble. Lorsqu’il s’alimente il peut ingurgiter jusqu’à 1,5 kg de nourriture sans aucun problème.
Ethologie-Biologie reproductive
Le Vautour oricou est un animal solitaire et il ne niche pas en colonies comme d’autres de ses congénères. Quand cela arrive, les nids sont toujours placés à bonne distance les uns des autres.
Uniquement lors des repas, on peut les voir se réunir en petits groupes comptant parfois un grand nombre d’individus qui retournent à leur solitude dès la fin du repas.
Ce vautour n’est en mesure de se reproduire qu’après avoir atteint 5 ans, laps de temps durant lequel, en plus d’atteindre sa pleine maturité, il apprend toutes les techniques nécessaires pour survivre dans ce milieu si hostile.
L’aire est généralement placée sur un gros arbre, le plus souvent un acacia, où le vautour accumule une grande quantité de matériaux, généralement des branches sèches et des broussailles, jusqu’à former une plateforme large de plus de deux mètres et d’une hauteur pouvant dépasser 70 cm.
Il construit parfois un grand nombre de nids, les utilisant successivement, en rotation, au cours des années.
La femelle pond généralement deux œufs qui sont couvés par les deux parents pendant 7 à 8 semaines.
Les petits restent au nid pendant un assez long moment, qui peut dépasser les 4 mois, avant que l’envol n’arrive, même si l’indépendance totale peut ne se produire qu’à un an. Pour cette raison, la nidification du Vautour oricou ne suit pas de règle annuelle bien précise.
Synonymes
Aegypius tracheliotus Forster, 1791 ; Vultur tracheliotus Forster ; 1791 Torgos tracheliotos Forster, 1791.
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