Bothus mancus

Famille : Bothidae

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Texte © Giuseppe Mazza

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Bothus mancus, Bothidae, Turbot tropical

Bothus mancus a des taches mimétiques incroyables qui ressemblent à des fleurs. Présent dans tout l’Indopacifique tropical, il est absent de l’Atlantique et de la mer Rouge © Keoki Stender

Le Bothus mancus (Broussonet, 1782), appelé en français Turbot tropical et en italien Passera fiorita ou Passera pavone à cause des motifs inventifs et multicolores qu’il présente sur le côté qui ne repose pas sur le fond, appartient à la classe des Actinopterygii, les poissons aux nageoires rayonnées, à l’ordre des Pleuronectiformes qui comprend plus de 800 espèces, souvent importantes pour l’alimentation humaine, comme la Plie (Pleuronectes platessa) dont il prend le nom et à la famille des Bothidae. Ce groupe qui est répandu dans les eaux tropicales et tempérées de toutes les mers compte actuellement 20 genres et plus de 170 espèces dont le Rombou (Bothus podas) de la Méditerranée qui est ressemblant mais de dimensions plus modestes.

Le nom du genre Bothus, selon Rafinesque (1810) qui l’a créé, est celui qu’à son avis Aristote donnait à ce groupe de poissons. Dès 1200 on trouve dans différentes langues les racines “bot, both, bott” pour désigner des poissons plats. Ce nom pourrait également venir du grec “Boù”, un augmentatif du mot qui le suit, et “theo” = courir, parce que ces poissons se déplacent en général sur le fond sans nager mais en glissant grâce à des mouvements rapides de leurs nageoires ou bien il pourrait simplement vouloir dire, au sens large, que c’est un très bon nageur en raison des accélérations surprenantes dont il est capable quand il se déplace en nageant.

Le nom de l’espèce mancus veut dire en latin mutilé, estropié du fait de l’œil droit qui, au cours de la croissance du poisson, se déplace sur le côté gauche en l’estropiant et en l’obligeant à nager sur un côté.

Bothus mancus, Bothidae, Turbot tropical

Il nage sur le flanc grâce à au mouvement ondulatoire des nageoires dorsales et ventrales. Les mâles adultes ont une nageoire pectorale très voyante aux longs filaments © Giuseppe Mazza

Zoogéographie

L’aire de distribution du Bothus mancus est très vaste et s’étend dans les eaux tropicales du bassin Indopacifique. Seuls sont absents l’océan Atlantique et, curieusement, la mer Rouge. À titre d’exemple, en partant de l’Afrique du Sud, on le trouve en Inde, en Indonésie, aux Philippines et jusqu’aux côtes méridionales du Japon. Côté Sud il parvient jusqu’à l’île Lord Howe et à l’Est il atteint les îles Hawaï, le Mexique, les îles Cocos et le Chili.

Écologie-Habitat

C’est un typique poisson des récifs qui vit entre 3 et 150 m de profondeur. Il se déplace au-dessus des madrépores et sur des fonds sableux ou graveleux où il disparaît à la vue, quand il se pose, en les imitant à la perfection. Il n’est pas rare de le rencontrer enfoui dans le sable pendant qu’il se repose ou se tient aux aguets, ses yeux émergeant du fond comme des télescopes.

Morphophysiologie

Le Turbot tropical peut dépasser 50 cm de long avec un poids de 1,8 kg.

Bothus mancus, Bothidae, Turbot tropical

La bouche est grande pour avaler, par surprise, des poissons et des crustacés. Les yeux, qui sont saillants par rapport au corps, se déplacent indépendamment l’un de l’autre © Keoki Stender

Ses yeux, qui sont saillants par rapport au reste du corps, se déplacent indépendamment l’un de l’autre ce qui permet au poisson de regarder en même temps sur plusieurs côtés. Ce sont eux qui commandent les chromatophores et leur font effectuer des changements quasi-instantanés des motifs et des couleurs ce qui fait que lorsqu’ils manquent ou sont recouverts de sable le poisson ne peut pas interagir et reste uniformément foncé, en l’absence d’informations, comme l’écran d’un ordinateur que l’on aurait éteint. La bouche, qui est dotée de dents minuscules à chaque mâchoire, est grande pour permettre au poisson d’avaler des proies par surprise.

Les mâles possèdent de petites épines sur le bord antérieur de l’œil supérieur mais se différencient surtout par leur nageoire pectorale supérieure qui compte de 10 à 13 rayons mous qui sont beaucoup plus longs que ceux de leurs compagnes et dotés de filaments très voyants. La nageoire dorsale a de 96 à 104 rayons mous alors que la nageoire annale en a 74 à 81 et que les nageoires pelviennes se contentent de 6 rayons inermes. La nage est surtout assurée par la queue et les mouvements ondulatoires des nageoires dorsales et ventrales.

La forme du corps est elliptique et plus arrondie chez les juvéniles. La partie qui touche le sol est de couleur blanc jaunâtre. La livrée du côté visible est marron foncé en l’absence d’ordres et constellée de petites taches et de motifs inventifs au contour bleu qui ressemblent à des marguerites. On observe souvent deux grandes taches foncées : la première là où la ligne latérale dessine un coude avec la ligne droite terminale et la seconde à la moitié de cette dernière. Une troisième tache, plus petite et située sur la première partie du pédoncule caudal, est moins nette.

Bothus mancus, Bothidae, Turbot tropical

On dirait un fossile mais c’est un individu bien mimétique sur un rocher. Les changements de motifs et de couleurs, commandés par les yeux, sont presque instantanés © Keoki Stender

Éthologie-Biologie reproductive

Le Bothus mancus est un prédateur essentiellement nocturne. Il chasse en se tenant en embuscade les petits poissons qui nagent aux alentours mais aussi des crevettes et des crabes.

Il se reproduit, selon les endroits, entre la fin de l’hiver et le début du printemps. La nageoire pectorale allongée du mâle exerce un pouvoir de séduction sur la femelle qui peut pondre de 2 à 3 millions d’œufs. Ceux-ci flottent grâce à la présence d’une gouttelette huileuse. Dès qu’ils sont fécondés ils montent à la surface et sont ensuite entraînés au loin par les courants. Au cours de la deuxième semaine la gouttelette se dissout et ils coulent alors pour ensuite éclore aux environs du quinzième jour. Puis les larves vagabondent, à nouveau à la surface, pendant 4 à 6 mois qui est le temps nécessaire à la croissance des petits poissons et à la migration de l’œil.

Même si quelques jeunes spécimens finissent dans un aquarium en raison de leur livrée splendide et surprenante c’est une espèce pêchée localement pour les besoins de l’alimentation humaine. Sa résilience est faible vu qu’il faut 4,5 à 14 ans pour que les populations décimées par des catastrophes doublent leur nombre mais la diffusion de l’espèce est très vaste. Il en résulte un indice de vulnérabilité modéré qui s’établit actuellement à 41 sur une échelle de 100.

Synonymes

Pleuronectes mancus Broussonet, 1782; Platophrys mancus (Broussonet, 1782); Rhombus macropterus Quoy & Gaimard, 1824; Pleuronectes barffi Curtiss, 1944.

 

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