Polemaetus bellicosus

Famille : Accipitridae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Polemaetus bellicosus, Accipitridae, Aquila marziale

Le Polemaetus bellicosus ici aux prises avec un varan appétissant vit en Afrique au Sud du Sahara © Gianfranco Colombo

L’Aigle martial (Polemaetus bellicosus Daudin, 1800) est l’un des prédateurs les plus forts et les puissants du monde ailé. Il appartient à l’ordre très vaste des Accipitriformes et à la famille des Accipitridae.

À partir du nom même, qu’il soit scientifique ou vulgaire, on peut imaginer toute la force et toute  la puissance que le classificateur a voulu exprimer en faisant ressortir les caractéristiques qui permettent de le distinguer des espèces similaires.

L’étymologie du binôme scientifique est très claire.

Polemaetus est issu des termes grecs “polemos” = bataille et “aetos” = aigle et indique déjà explicitement que c’est un rapace fort et combatif.

À ce nom on a ajouté bellicosus, en latin belliqueux, agressif, martial comme si le premier terme n’était pas suffisant à lui seul, pour souligner les caractéristiques de cet aigle.

Il suffit en effet de l’observer sur le terrain alors qu’il vole ou mieux encore quand il chasse pour comprendre pourquoi celui qui l’a classé a employé ces termes.

C’est à coup sûr le roi de la savane bien qu’en toute objectivité ses dimensions ne soient pas excessivement différentes de celles des grands aigles qui partagent son territoire. L’aigle noir (Aquila verreauxii) et l’aigle couronné (Stephanoaetus coronatus) sont parfois légèrement plus grands de quelques centimètres mais ont des comportements bien différents de ceux de notre Polemaetus bellicosus.

Ce qualificatif a peut-être été acquis à juste titre en raison de son comportement et de sa supériorité sur le terrain et aussi du courage dont il fait preuve lorsqu’il attaque des proies dont d’autres membres de son groupe ne s’approchent même pas.

Avec les deux rapaces cités plus haut il a par contre en commun de puissantes serres qui semblent même démesurées par rapport à sa taille.

Ses doigts sont très longs. Ses serres, très acérées , possèdent à l’arrière une griffe de plusieurs centimètres de long qui est dans la pratique  le couteau avec lequel il égorge ses victimes.

Si l’on voulait procéder à un hypothétique jumelage avec des rapaces de ce type on pourrait dire que cet aigle correspond à la harpie sud-américaine (Harpia harpyja), à l’aigle des singes asiatique (Pithecophaga jefferyi) et à l’uraète australien (Aquila audax), des oiseaux qui ont été pris place dans l’imaginaire collectif en raison de leur force et de leur férocité.

Polemaetus bellicosus, Accipitridae, Aquila marziale

Majestueux en vol comme à terre, avec sa silhouette fière et hautaine il n’a pas de rivaux dans la savane où il contrôle souvent un territoire de 1000 kilomètres carrés © Gianfranco Colombo

Dans tous les cas, du fait de ses dimensions,  l’aigle martial est de tous les aigles du monde l’un de ceux qui figurent aux tout premiers rangs.

En Europe on l’appelle Martial eagle en anglais, Kampfadler en allemand, Aquila marcial en espagnol, aquila martiale en italien, Aguia marcial en portugais et là encore l’idée générale indiquée plus haut a nettement été soulignée.

Polemaetus bellicosus, Accipitridae, Aquila marziale

Les pattes sont extrêmement fortes et ont des doigts très allongés avec à l’arrière une griffe effrayante qui dans ses pratiques de chasse lui sert de couteau pour égorger ses victimes © Gianfranco Colombo

Zoogéographie

L’aigle martial est répandu dans tout le continent africain au Sud de la bande subsaharienne. Contrairement aux autres aigles africains qui sont souvent aussi présents en dehors de leur aire de distribution habituelle il vit uniquement sur ce continent et n’a de colonies dans aucune autre zone même limitrophe.

Il est la seule espèce inscrite dans le genre Polemaetus.

Bien que largement répandu dans son aire de distribution il n’est jamais présent en grand nombre et s’avère localement peu fréquent et même rare dans certains secteurs.

Il est surtout présent dans le Sud du continent, en particulier dans les parcs et les zones protégées où en plus d’une nourriture abondante il jouit d’une tranquillité qu’il est souvent impossible de trouver dans les zones anthropisées.

Dans certains pays surpeuplés ou dont les territoires sont exploités intensément par l’homme la population de cet aigle a fortement baissé et il a souvent été aujourd’hui éliminé de ce qui était ses domaines historiques.

C’est un aigle solitaire qui occupe et défend un très vaste territoire qui peut atteindre exceptionnellement jusqu’à 1000 km2 et ceci est une des raisons qui expliquent que sa présence n’est jamais abondante.

Écologie-Habitat

Il vit principalement dans des zones steppiques et arides comportant un couvert planté d’acacias et de broussailles épineuses mais toujours suffisamment clairsemées pour lui permettre d’effectuer de vastes évolutions aériennes quand il chasse.

Il fréquente aussi les versants boisés des collines et les bords des forêts à condition qu’ils lui permettent de jouir d’une position d’où il puisse avoir une vue dégagée sur le territoire environnant.

L’endroit choisi doit aussi abriter en nombre suffisant les animaux et les oiseaux qui constituent ses proies habituelles. L’importance de ces ressources alimentaires est un bon indicateur de la présence ou de la rareté de ce rapace.

Les proies habituelles de cet aigle sont multiples et de tailles diverses. En général il se nourrit de  gros oiseaux terrestres atteignant les dimensions d’une outarde de Kori, de lapins, de serpents et de varans mais il attaque souvent et tue sans difficulté des antilopes même de dimensions appréciables telles que des jeunes impalas et des jeunes springboks.

Polemaetus bellicosus, Accipitridae, Aquila marziale

Vue exceptionnelle. Il plonge soudain de haut sur sa victime et l’immobilise au sol avec ses serres : gros oiseaux, reptiles et mammifères, voire même des jeunes de gazelles et d’antilopes qu’il dévore sur place pendant que des vautours et des hyènes, attendant leur tour, se tiennent à distance respectueuse © Gianfranco Colombo

Son mode de chasse consiste en des survols lents et majestueux qu’il effectue à des hauteurs considérables, cet oiseau  étant considéré comme un des aigles ayant la vue la plus perçante. On estime qu’il pourrait avoir une acuité visuelle de plus de trois fois supérieure à celle de l’homme.

Dès qu’il a aperçu une proie il fond sur elle avec une extrême agilité et l’immobilise au sol avec  ses serres puissantes. Souvent sa victime a un poids si élevé qu’il doit la consommer directement sur le lieu de sa capture. Parfois quand elle est de grandes dimensions il peut mettre plusieurs jours pour la dévorer en totalité.

Il n’a pas d’ennemis potentiels dans les airs. Aucun aigle ni aucun vautour ne se hasarde à entamer une discussion avec ce rapace. Parfois on l’a même vu s’attaquer à des chacals et à d’autres animaux qui s’approchaient de sa proie.

Il vit au-dessous de 3000 m d’altitude et préfère des milieux situés en moyenne à 1500 m.

Morphophysiologie

L’aigle martial est un rapace fort et imposant. Il peut atteindre une longueur de 90 cm. Il pèse plus de 5 kg et a une envergure alaire qui peut dépasser 2,5 m. Il y a donc peu de risques pour qu’un oiseau d’une telle taille puisse passer inaperçu dans les savanes africaines.

Polemaetus bellicosus, Accipitridae, Aquila marziale

Le nid du Polemaetus bellicosus, placé sur la cime d’arbres isolés et large jusqu’à 2 m, est utilisé pendant plusieurs années moyennant des réaménagements. Les couples sont fidèles toute leur vie. La femelle pond 2 œufs. Les petits ne se mangent pas entre eux car avec de tels parents la nourriture ne manque certainement pas © G. Colombo

Son vol majestueux quoiqu’un peu lourd révèle ses capacités de voilier quand on le voit tournoyer pendant des heures très haut dans le ciel.

Même quand il s’est posé on ne peut pas ne pas observer, en voyant sa silhouette royale, fière et arrogante propre aux aigles, sa crête à peine marquée qui s’agite au vent et sa couleur blanchâtre qui le fait ressembler de loin à l’un de ces panneaux qui sont placés au sommet de poteaux ou d’arbres pour indiquer la présence d’aérodromes ou de petits villages.

Sa livrée, quand il est adulte, fait apparaître un poitrail totalement blanc parsemé de petites taches foncés parfaitement rondes, plus nombreuses chez la femelle. Le cou et la tête sont de couleur noirâtre. Ses yeux étincelants sont de couleur jaune. La couverture des ailes tectrices a une couleur gris bleuâtre unie.

Il porte sur la tête un soupçon d’aigrette qui, bien que réduit, est bien visible.

La queue est barrée de bandes noires disposées sur un fond légèrement plus clair. Les tarses sont totalement recouverts de plumes qui sont toujours de couleur blanche. Les pattes sont extrêmement fortes et ont des doigts très allongés. Les serres sont impressionnantes. Le bec, enfin, est une machine de guerre meurtrière. C’est une tenaille de six centimètres crochue et pointue qui est de plus fortement coupante au point de parvenir à percer et à sectionner des peaux parfois extrêmement  dures et coriaces comme celles des varans et des grands reptiles.

Polemaetus bellicosus, Accipitridae, Aquila marziale

Les jeunes, dépendant des parents pendant plusieurs mois après leur envol, ont un ventre blanc et une tête claire © Gianfranco Colombo

Les jeunes ont eux aussi une couleur claire sur le poitrail. Pendant plusieurs années et jusqu’à leur maturité qui survient vers l’âge de six ans leur tête et leur cou restent aussi de cette couleur.

L’aigle martial peut parfois être confondu avec des aigles vivant dans la même aire de distribution :  le circaète à poitrine noire (Circaetus pectoralis) et l’aigle couronné (Stephanoaetus coronatus) mais un examen attentif permet de constater que le premier, bien que parfaitement identique quant à   l’aspect et à la couleur, a des dimensions nettement inférieures alors que l’aigle couronné a un poitrail beaucoup plus foncé.

Biologie reproductive             

Cet aigle qui n’a d’ennemi d’aucune sorte installe son nid sur des arbres isolés, en général épineux, inaccessibles depuis le sol et à un emplacement bien visible comme s’il narguait la nature et ses éventuels ennemis en comptant sur sa force et sur sa hardiesse.

Parfois il utilise aussi des anfractuosités rocheuses d’où il domine le territoire situé en contrebas ou bien des arbres très hauts en bordure des forêts.

Son nid est une vaste plate-forme qui peut dépasser 2 m de diamètre ce qui nécessite un support et un soubassement de branches très solides et épaisses capables de supporter le poids de la structure elle-même et celui des parents, plus celui des petits qui naîtront. Il est souvent réutilisé pendant plusieurs années moyennant des réaménagements et de fréquents agrandissements de ses dimensions. La nidification a lieu à plusieurs moments de l’année suivant la quantité de nourriture disponible et les conditions climatiques. Il pond deux œufs très blancs qu’il couve pendant 7 semaines. Les petits restent au nid plus de 100 jours après leur éclosion.

Polemaetus bellicosus, Accipitridae, Aquila marziale

Très répandu, parfois rare, il évite les zones anthropisées et n’est pas actuellement en danger © Giuseppe Mazza

Au moment de leur envol les aiglons dépendent encore de leurs parents pendant plusieurs mois, ce qui explique pourquoi la nidification ne connaît jamais un enchaînement annuel régulier. L’opportunité qui s’offre à lui de pouvoir accéder à de grosses proies et donc la possibilité qu’il a d’approvisionner le nid en nourriture en quantité suffisante permettent d’habitude aux nichées d’éviter les cas de caïnisme ce qui fait que d’habitude les petits parviennent tous les deux à s’envoler. Cette espèce est monogame. Les couples restent fidèles toute leur vie. Cet aigle peut vivre jusqu’à 25 ans.

Bien qu’il ne soit pas commun le Polemaetus bellicosus bénéficie d’un bon statut de conservation. Toutefois, par pure précaution, vu que sa rareté est probablement génétique et naturelle, il a été tout récemment classé parmi les espèces vulnérables.

Synonymes

Falco bellicosus Daudin, 1800.

 

 

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