Adiantum capillus-veneris

Famille : Pteridaceae

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Texte © Eugenio Zanotti

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Adiantum capillus-veneris est la seule fougère européenne appartenant à ce genre. Elle se développe sur les roches humides, dans les grottes, les vieux murs et abords de sources, insouciante des gouttes d’eau

Adiantum capillus-veneris est la seule fougère européenne appartenant à ce genre. Elle se développe sur les roches humides, dans les grottes, les vieux murs et abords de sources, insouciante des gouttes d’eau © Giuseppe Mazza

Les plantes terrestres où les sporophytes prévalent sur les gamétophytes, qui sont dotées de tissus vasculaires et se reproduisent au moyen de spores sont désignées sous le nom de Cryptogames vasculaires appelés aussi Ptéridophytes (Pteridophyta du grec πτερίς “pteris” qui veut dire fougère).

Elles représentent une étape fondamentale de l’évolution des végétaux car ce sont des plantes d’origine très ancienne apparues au Dévonien inférieur et devenues prédominantes à la fin du Mésozoïque.

La division taxonomique Pteridophyta, constituée traditionnellement de fougères, de lycopodes et de prêles, n’est pas considérée comme valable selon des études taxonomiques modernes parce que ces taxons ne sont pas reliés entre eux par des rapports phylogénétiques directs.

Adiantum capillus-veneris L. 1753, connu sous le nom de Capillaire cheveux de Vénus ou de Capillaire de Montpellier, appartient à la grande famille des Pteridaceae qui comprend plus de 50 genres. Le genre Adiantum est constitué d’environ 250 espèces de fougères originaires principalement des régions chaudes, pour la plupart du continent américain, et d’autres des régions tempérées.

La Capillaire cheveux de Vénus est la seule espèce présente à l’état spontané en Europe. C’est une fougère très élégante et délicate que l’on trouve dans différentes régions telles que le Sud de l’Europe et les côtes atlantiques baignées par le Gulf Stream jusqu’à l’Irlande.

Elle est présente dans les régions des vallées du Sud des Alpes et dans toute la bande tropicale de l’Eurasie, de l’Afrique, de l’Amérique centrale et du Sud et de l’Australie.

En Europe on a trouvé également l’Adiantum hispidum (originaire des zones tropicales et de l’Australie subtropicale et naturalisé dans les Açores) et l’Adiantum raddianum (de l’Est de l’Amérique du Sud) qui est cultivé comme plante d’ornement et qui est parfois retourné à l’état sauvage.

Le nom du genre a pour origine le terme grec “adiantum” formé de “a” = sans et de “diaino” = je mouille, c’est-à-dire “je ne me mouille pas” par allusion aux feuilles qui, plongées puis sorties de l’eau, ne se mouillent pas (hydrophobes). Le nom de l’espèce est formé de “capillus” = cheveu et du génitif “veneris” = de Vénus, parce que celle-ci, selon la mythologie gréco-romaine, avait les cheveux secs quand elle sortit de la mer.

Ce sont des plantes terrestres ou épilithiques, hautes de 10 à 40 cm (50 au maximum), aux rhizomes rampants, minces et aux écailles marron, touffues, lancéolées et aux bords entiers.

Il existe chez les rhizomes jeunes une siphonostèle amphiphloïque  (le phloème se trouve sur les deux côtés du xylème) alors que chez les plus âgés se trouve le typique “tube vasculaire troué” (dictyostèle) propre à la plupart des fougères et dû à la présence des vestiges foliaires. Des rhizomes partent des racines adventives composée chacune d’un épiderme, d’une écorce et d’un cylindre vasculaire central. L’épiderme est la couche la plus externe et porte des poils radicaux unicellulaires.

Ses feuilles, hydrophobes, ne se mouillent pas comme les cheveux de Vénus quand elle sortit de la mer

Ses feuilles, hydrophobes, ne se mouillent pas comme les cheveux de Vénus quand elle sortit de la mer © Giuseppe Mazza

L’écorce est composée d’une large couche extérieure parenchymatique et d’une fine couche interne sclérenchymatique.

Le cylindre central est formé d’une stèle simple, diarque avec un xylème au centre et un phloème des deux côtés.

Les frondes, longues jusqu’à 60 cm, sont lâches ou rapprochées sur le rachis qui est habituellement légèrement en zigzag , de couleur châtain/noir, brillant et mince et dont la base est recouverte des mêmes écailles que le rhizome mais distalement glabre.

Le limbe est essentiellement bipenné en bas, unipenné en haut, ové-triangulaire, de 6 à 25 x 8 à 16 cm, et a une base cunéée et un apex aigu.

Les pennes sont au nombre de 3 à 5 par côté, obliquement ascendantes et ont un pétiole long jusqu’à 15 mm et de la même couleur que le rachis.

La paire basale de pennes a un profil fortement ové, de 3 à 9 x 2,5 à 4 cm, et un apex obtus.

Les pennes de la seconde paire en direction du haut sont semblables mais progressivement plus petites. Les pennes sont répartis en pinnules, au nombre de 2 à 4 paires par penne, alternes, obliquement ascendantes et ont une tige châtain/noir, de 1 à 2 mm et mince.

Le limbe dans la paire basale est légèrement plus grand, de 12 à 20 x 10 à 15 mm, et a une consistance plutôt tendre (herbacée), verte ou marron-vert foncé. Les deux faces sont glabres. Elles ont une base cunéée, des côtés entiers, un bord supérieur arrondi, 2 à 4 lobes ou sont divisées en segments ramifiés.

Les pinnules contiennent des cellules avec des chloroplastes. Les stomates se situent uniquement dans le bas de l’épiderme. Le mésophylle n’est pas palissadique et est lacuneux.

Le faisceau vasculaire est entouré d’une gaine sclérenchymatique.

Les pinnules stériles ont un apex obtus et des dents marginales nettement triangulaires. Les pinnules fertiles ont un apex tronqué, sont plates ou légèrement déprimées, entières ou dotées de dents. Les nervures, visibles sur les deux faces, sont fourchues et atteignent les bords.

Les sores sont au nombre de 3 à 10 par pinnule et se trouvent sur les apex des lobes du bord supérieur et ont une pseudo-indusie de couleur vert jaunâtre quand ils sont jeunes et ensuite brunâtres, fortement réniformes ou orbiculaires-réniformes, membraneux avec des bords supérieurs plats et droits, entiers et persistants.

Une fois adulte la plante qui est un sporophyte produit des spores très légèrement granuleuses sur la surface qui ont en général un diamètre de 40 à 50 microns. La production de spores a lieu presque toute l’année mais se concentre normalement entre juin et août.

Les spores sont produites dans les sporanges à l’intérieur des sores.

La sporulation a lieu presque toute l'année, surtout entre juin et août

La sporulation a lieu presque toute l’année, surtout entre juin et août © Giuseppe Mazza

Le sporange provient d’une seule cellule (leptosporange) et est formé d’un axe multicellulaire et d’une capsule sphérique ou elliptique à l’intérieur de laquelle se forment par méiose de nombreuses spores haploïdes.

La capsule a des parois en forme d’anneau dont une partie est épaisse et l’autre mince. À maturité la la paroi mince se brise et cette cassure provoque l’éjection des spores.

Les spores qui tombent sur le sol germent et subissent des divisions répétées ce qui crée le prothalle qui est plat, vert et en forme de coeur. Le prothalle est monoïque et représente la génération gamétophytique. Sur la face inférieure du prothalle se forment les organes sexuels masculins (les anthéridies) et féminins (les archégones).

Des anthéridies s’échappent les gamètes multiflagellés (les anthérozoïdes) qui nagent dans l’eau et rejoignent l’oosphère à l’intérieur de l’archégone pour opérer la fécondation en donnant naissance au zygote (2n) qui représente la première cellule de la génération sporophytique.

Le zygote en grandissant devient un embryon qui se nourrit aux démens du prothalle auquel il reste attaché par un pied et qui se différencie ensuite dans la plante adulte (sporophyte) qui produira les spores afin de recommencer le cycle qui est haplodiplonte.

Le nombre chromosomique haploïde est n=30, celui qui est diploïde est 2n=60.

Adiantum capillus-veneris est une espèce ombrophile, hygrophile et thermophile qui pousse sur les rochers où l’eau coule goutte à goutte, les parois humides surtout faites de calcaires, de marnes et de grès, dans des puits, des grottes, des sources, sur de vieux murs, le bord des fontaines, dans des fossés et sur leurs ponts depuis la plaine jusqu’à 1500 m d’altitude mais dans les zones tropicales de l’Asie elle peut atteindre 2800m.

Le Professeur Pierina Boranga écrivait à ce propos dans un des petits ouvrages de la superbe collection “La natura e il fanciullo” (1951) : “Elle préfère l’emplacement qui lui permet de profiter d’un petit rayon de soleil mais souvent elle se plaît dans cette faible lumière verdâtre des murs à l’ombre et des grottes humides. Peu lui importe si ses rameaux et ses petites feuilles élégantes en éventail portées par de minces pétioles brillants et noirs, fins comme des cheveux, devront rester toujours en mouvement à cause des gouttelettes. Ses petits pédoncules, bien que minces, sont résistants et élastiques et ses feuilles ont la propriété de ne pas se mouiller. Au contraire leur mouvement continuel ajoute de la grâce à ces petites frondes élégantes et souples qui anoblissent les pierres en donnant aux pierres une beauté arcadienne”.

Depuis l’Antiquité cette fougère n’est pas passée inaperçue. Au contraire, étant donné sa préférence pour les lieux peu éclairés, elle fut consacrée à Pluton. Théocrite raconte qu’aux côtés d’autres plantes elle poussait près de la source où l’un des Argonautes puisa de l’eau pour son navire.

Les spores tombées au sol donnent naissance à des plantes éphémères, les prothalles, en forme de cœur. Sur la face inférieure se forment les gamètes mâles flagellés et les cellules-œuf. Le voile d'eau qui les entoure permet la fécondation et la naissance des plantes définitives. Ici on observe des prothalles et les sporophytes en phase juvénile

Les spores tombées au sol donnent naissance à des plantes éphémères, les prothalles, en forme de cœur. Sur la face inférieure se forment les gamètes mâles flagellés et les cellules-œuf. Le voile d’eau qui les entoure permet la fécondation et la naissance des plantes définitives. Ici on observe des prothalles et les sporophytes en phase juvénile © Giuseppe Mazza

Les frondes de la Capillaire cheveux de Vénus, récoltées en été, contiennent divers principes actifs qui sont à l’origine de ses propriétés bienfaisantes. Il s’agit de phénols, tels que l’adiantone, de mucillages, de triterpénoïdes, de tannins, d’esthers sulfurés de l’acide hydroxycinnamique, de gommes, de sucres, d’huiles essentielles et d’acides alicycliques. L’huile essentielle qu’elle procure aux préparations, essentiellement des infusions, des sirops et des teintures, a des propriétés anti-inflammatoires, aromatiques, galactogènes, astringentes, fluidifiantes de la bile, décongestionnantes, diaphorétiques, émollientes, expectorantes, digestives, etc…

La Capillaire cheveux de Vénus est efficace pour la régulation des menstruations, le traitement de la dysménorrhée et facilite l’accouchement. Dans la médecine populaire on s’en sert aussi pour le traitement de diverses maladies comme les furonculoses, le diabète et les insuffisances urinaire et hépatique. Elle est également conseillée pour les différentes affections des voies respiratoires en raison de son action fluidifiante et lénitive, pour les extinctions de voix (le grand ténor Caruso, comme d’autres grands chanteurs, faisait des gargarismes à base d’infusion de Capillaire cheveux de Vénus avant d’entrer en scène), les digestions difficiles, comme dépuratif du sang et  antihémorragique interne. Elle sert enfin à réduire l’envie de boissons alcoolisés et celle de fumer.

Étape suivante avec les plants en cours de croissance et les prothalles (gamétophytes) qui les ont engendrés en voie de dégénérescence

Étape suivante avec les plants en cours de croissance et les prothalles (gamétophytes) qui les ont engendrés en voie de dégénérescence © Giuseppe Mazza

Des études phytochimiques de l’ensemble de cette plante ont permis d’isoler et d’identifier la structure de nombreux composés comme des triterpénoïdes, des flavonoïdes, des phénylpropanoïdes, des oléananes alicycliques et des caroténoïdes. Les frondes ont été étudiées sur le plan pharmacologique pour leurs divers effets tels que leurs actions antibactériennes, anti-hyperglycémiantes, hypoglycémiantes, antivirales, etc…Toutes ces substances peuvent être utilisées pour créer de nouveaux médicaments.

La médecine traditionnelle conseille pour les bronchites et les toux sèches une cuillerée de frondes fraîches plongées dans une tasse d’eau chaude après filtrage et ajout d’un peu de miel, suivant une dose de 2 à 3 tasses par jour. Si l’on ajoute du thé noir et du lait on obtient une tisane goûteuse dite “bavaroise”.

Pour les enfants qui ont une bronchite ou des toux sèches on peut donner trois fois par jour deux cuillères d’un sirop obtenu au moyen de 640 g de sucre auxquels on a ajouté une infusion préalablement filtrée et préparée avec 340 g d’eau et 20 g de frondes fraîches.

25 jours après les plants ont cet aspect. À droite une fronde avec des limbes en formation sur un long pétiole de couleur foncée

25 jours après les plants ont cet aspect. À droite une fronde avec des limbes en formation sur un long pétiole de couleur foncée © Giuseppe Mazza

Pour un usage externe la décoction de Capillaire cheveux de Vénus a un effet stimulant sur les follicules pileux et sert de ce fait à prévenir les pellicules et la chute des cheveux. Encore une confirmation de la théorie des signatures ? La croyance selon laquelle le bon Dieu avait laissé un indice dans l’apparence et les caractéristiques des plantes pour signaler aux hommes à quoi elles servaient. Ainsi le Saule (Salix alba) qui pousse les pieds dans l’eau soignait les refroidissements, les fruits du Noyer (Juglans regia) le cerveau du fait de leur forme et la Pulmonaire (Pulmonaria officinalis) les poumons à cause des motifs présents sur leurs feuilles. Autrefois la Capillaire cheveux de Vénus entrait aussi dans des préparations complexes destinées au traitement des paralysies, des tremblements, des états dépressifs, comme la très ancienne Opopyra des Saints Cosme et Damien et de Mésué.

Du fait de son élégante beauté cette fougère tout comme d’autres parmi ses congénères exotiques (Adiantum caudatum, Adiantum rubellum, Adiantum pedatum, Adiantum venustum, etc…) est largement cultivée, surtout comme plante d’intérieur. C’est toutefois une espèce délicate et exigeante qui a besoin d’une lumière diffuse et n’aime pas être exposée directement aux rayons du soleil ni les courants d’air froid. La température idéale pour sa culture est de 14 à 18°C.

 3 mois environ après leur naissance les plantules ont déjà des frondes bien différenciées

3 mois environ après leur naissance les plantules ont déjà des frondes bien différenciées © Giuseppe Mazza

À 8 mois celles-ci atteignent un diamètre de 40 cm et sont prêtes à produire des spores afin de recommencer le cycle

À 8 mois celles-ci atteignent un diamètre de 40 cm et sont prêtes à produire des spores afin de recommencer le cycle © Giuseppe Mazza

Le substrat doit être constitué de terreau de forêt neutre ou légèrement calcaire, enrichi de tourbe, bien drainé et pas trop riche en nutriments. Les arrosages doivent être fréquents, mais pas abondants, pendant les mois chauds et réduits en période hivernale. On reproduit la Capillaire cheveux de Vénus par division des touffes en mars-avril ou bien au moyen des spores, en particulier dans les pépinières, afin d’obtenir un grand nombre de plantes.

Synonymes :

Adiantum coriandrifolium Lam. (1779); Adantum fontanum Salisb. (1796); Adiantum capillus Sw. (1801);Adiantum formosum R. Br. (1810); Adiantum africanum R. Br. (1818); Adiantum schaffneri E. Fourn. (1880); Adiantum pseudocapillus Fée (1850-1852); Adiantum paradiseae Baker (1889); Adiantum capillus-veneris var. fissum Christ (1900); Adiantum modestum Underw. (1901); Adiantum michelii Christ (1910); Adiantum remyanum Esp. Bustos (1936);Adiantum capillus-veneris var. laciniatum Christ ex Tardieu & C. Chr. (1940); Adiantum capillus-veneris fo. rimicola(Sloss.) (1950); Adiantum capillus-veneris var. modestum (Underw.) Fernald (1950); Adiantum capillus-veneris var.protrusum Fernald (1950); Adiantum capillus-veneris fo. dissectum (M. Martens & Galeotti) Ching (1957); Adiantum capillus-veneris fo. fissum (Christ) Ching (1957).

 

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