Quercus cerris

Famille : Fagaceae


Texte © Prof. Paolo Grossoni

 


Traduction en français par Jean-Marc Linder

 

Tronc droit et rectiligne d'un Quercus cerris adulte. L'écorce présente un rhytidome profondément fissuré en crêtes séparées par des sillons verticaux et horizontaux de couleur plutôt claire et plus ou moins aplatis à l'extérieur.

Tronc droit et rectiligne d’un Quercus cerris adulte. L’écorce présente un rhytidome profondément fissuré en crêtes séparées par des sillons verticaux et horizontaux de couleur plutôt claire et plus ou moins aplatis à l’extérieur © Terrence Pickles

Classé “LC, Least Concern” (préoccupation mineure) dans la Liste rouge de l’UICN, c’est-à-dire non menacé vu sa grande aire de répartition, Quercus cerris L. est appelé “cerro” en italien, “Chêne chevelu” ou “Chêne lombard” en français, “Turkey oak” ou “Austrian oak” en anglais, “Zerreiche” ou “Zirneiche” en allemand et “Roble cabelludo” ou “Roble de Turquia” en espagnol.

Les Romains le nommaient “cerrus” et le différenciaient ainsi des “quercus”, les autres chênes à feuilles caduques.

Dans la classification du genre Quercus réalisée par Denk et ses collaborateurs en 2017 (Tree Physiology. Vol. 7. p. 13-38. Springer), le Chêne chevelu relève de la famille des Fagaceae, section Cerris du sous-genre éponyme. Il se distingue de la section Quercus de l’autre sous-genre par le fait que les arbres n’émettent pas de composés organiques volatils (COV), que les glands ont un endocarpe glabre et, surtout, qu’ils ne sont mûrs qu’au bout de deux ans.

La section Cerris comprend 11 (13) espèces de l’Ancien Monde ; huit d’entre elles se trouvent en Eurasie méditerranéenne, en Afrique du Nord et entre la péninsule ibérique et l’Iran.

Parmi elles, Quercus cerris, Quercus ithaburensis Decne., Quercus trojana Webb et Quercus suber L. vivent aussi en Europe. Pour deux autres taxons, Quercus crenata Lam. et Quercus gussonei (Borzì) Brullo, la position systématique fait encore l’objet de recherches et de discussions.

Le Chêne chevelu ne jouit pas de la longévité des autres chênes européens à feuilles caduques, sa durée de vie maximale étant de 2 à 3 siècles.

Cet arbre peut atteindre 30-35 (40) m de hauteur et 150 cm de diamètre. Le tronc de l’arbre est élancé et rectiligne et supporte une couronne ovale ou pyramidale plutôt dense ; cependant, en taillis, il présente souvent un port polycormique ou arbustif. Au cours de ses 10 à 15 premières années, le rhytidome est gris foncé et lisse ; par la suite, il se fissure profondément en plaques longitudinales allongées et étroites, séparées par de minces sillons d’une couleur rose-orange à violet intense.

Le rameau de l’année est mince, anguleux, gris à olivâtre, avec des lenticelles blanches et une pubescence brun rougeâtre ; les rameaux secondaires, plus courts, sont plus ou moins cylindriques.

Les bourgeons sont insérés en spirale ; les plus apicaux apparaissent presque regroupés à l’apex, les entrenœuds étant très courts.

Tronc d'un jeune Quercus cerris dont le rhytidome n'est pas encore fissuré, comparé à celui d'un chêne chevelu adulte. Pendant les 10-15 premières années de vie, le rhytidome est gris foncé et surtout lisse. Ce caractère est très utile dans les mélanges de jeunes chênes chevelus et chênes pubescents (Quercus pubescens), car il permet de distinguer facilement les chênes pubescents, le rhytidome des tiges de ces derniers commençant à fissurer dès l'âge de cinq à sept ans © Giuseppe Mazza (à gauche) et © Terrence Pickles (à droite)

Tronc d’un jeune chêne chevelu dont le rhytidome n’est pas encore fissuré, comparé à celui d’un chêne chevelu adulte. Pendant les 10-15 premières années de vie, le rhytidome est gris foncé et surtout lisse. Ce caractère est très utile dans les mélanges de jeunes chênes chevelus et chênes pubescents (Quercus pubescens), car il permet de distinguer facilement les chênes pubescents, le rhytidome des tiges de ces derniers commençant à fissurer dès l’âge de cinq à sept ans © Giuseppe Mazza (à gauche) et © Terrence Pickles (à droite)

Ils sont relativement petits, de forme ovoïde, pluri-pérulés, pubescents et pourvus de stipules sétacées, minces et torsadées, longues au maximum de 20-25 mm, persistantes tout au long de la saison de croissance.

Les feuilles sont caduques, simples et pennées, alternes et disposées en spirale. Leur forme et leur taille vont de l’oblancéolé à l’ovale ou, plus fréquemment, à l’obovale. Elles mesurent (5) 6-11 cm de long et (2) 4-6 cm de large avec un pétiole de 5-15 mm. Le limbe, vert foncé sur le dessus et plus pâle en dessous, est plus ou moins profondément incisé et lobé avec 4-7 (9) paires de lobes latéraux inégaux souvent triangulaires, mucronés à l’apex.

Bosquet de Quercus cerris au printemps. Les premiers bourgeons s'ouvrent timidement au réveil de la nature.

Bosquet de chênes verts au printemps. Les premiers bourgeons s’ouvrent timidement au réveil de la nature © Giuseppe Mazza

La base des feuilles peut être tronquée, arrondie ou même subcordée ; il n’est pas rare que les feuilles soient dépourvues de lobes mais dentées sur le bord.

Les chênes chevelus à feuilles uniquement dentées sont parfois inclus dans une variété austriaca ; ceux à feuilles plus ou moins laciniées sont dénommés var. haliphleos.

Les feuilles, rapidement coriaces, sont rêches et rugueuses au toucher sur la face supérieure, en raison de la présence de poils en étoile, courts et donc rigides.

En automne, les feuilles deviennent jaunes ou rouge cuivré. L’abscission se produit tardivement ; comme chez Quercus pubescens Willd., les feuilles séchées persistent jusqu’au printemps sur les jeunes plantes et les jeunes branches (marcescence).

Sur les jeunes sujets, les feuilles resteront vertes tout au long de l’hiver.

En termes de dureté, le bois du Chêne chevelu est comparable à celui des autres chênes à feuilles caduques européens. Il s’en distingue toutefois par la couleur jaunâtre de l’aubier et le brun rosé à teintes violettes du duramen, ainsi que par ses qualités.

La porosité, annulaire, est marquée car les vaisseaux ligneux ont des parois épaisses ; les rayons du parenchyme sont droits et plus épais que ceux des chênes européens à feuilles caduques.

Le système racinaire est très robuste et bien développé, tant pour ce qui est des racines secondaires que de la racine pivotante, qui reste active tout au long de la vie de l’arbre ; cette disposition renforce la tenue du sol et, par conséquent, la résistance de l’arbre aux vents.

L’anthèse a lieu en avril-mai ; il s’agit d’une espèce monoïque dont les fleurs et les inflorescences ont un aspect similaire à celui des autres espèces de chênes. Les fleurs mâles ont 4 étamines et sont peu nombreuses sur des chatons de 5-8 cm de long, pendants, cylindriques, pauciflores et principalement insérés sur la partie basale du rameau de l’année ; les fleurs femelles, avec 4 stigmates verdâtres, sont uniques ou groupées en courts épis de 2-4 fleurs à l’aisselle des bourgeons de la partie distale de ce même rameau.

La pollinisation est anémophile ; les feuilles apparaissent un peu plus tard que les fleurs, ce qui favorise le transport du pollen par le vent.

Comme chez les autres espèces de la section Cerris, le gland arrive à maturité pendant sa deuxième année et après développement complet ; ce report de maturation est une stratégie pour surmonter la sécheresse estivale qui, dans les régions où vit le Chêne chevelu, est presque concomitante de la floraison elle-même.

Deux bourgeons végétatifs latéraux de Quercus cerris. Celui du bas a déjà commencé à pousser (‘débourré‘).

Deux bourgeons végétatifs latéraux de Quercus cerris. Celui du bas a déjà commencé à pousser (‘débourré‘) © Giuseppe Mazza

L’ovule retarde la méiose jusqu’au début du printemps de la deuxième année ; la fécondation suit immédiatement et le gland arrive à maturité à l’automne.

Le gland mature, plutôt massif, long de (20) 30-40 (50) mm et large de 12-18 (22) mm, est mucroné et brun rougeâtre avec de nombreuses stries longitudinales. La cupule couvre entre le tiers et la moitié du fruit et est recouverte d’écailles subulées, allant jusqu’à 10 mm de long, de couleur brun foncé, libres et jamais apprimées ; l’ensemble évoque une tête chevelue (d’où le qualificatif ‘chevelu’ du nom commun français). Le gland tombe le même automne. Il n’est pas dormant ; la germination, immédiate après la chute, est hypogée, les deux cotylédons restant à l’intérieur du tégument.

Les fleurs mâles de Quercus cerris avec quatre étamines sont éparses sur des chatons cylindriques pendants longs de 5-8 cm. Les anthères sont presque toutes éversées, leur couleur jaunâtre trahit le début de la dispersion anémochore du pollen.

Les fleurs mâles avec quatre étamines sont éparses sur des chatons cylindriques pendants longs de 5 à 8 cm. Les anthères sont presque toutes éversées, leur couleur jaunâtre trahit le début de la dispersion anémochore du pollen © Giuseppe Mazza

Les feuilles des jeunes sujets sont semblables à celles des adultes, toutefois recouvertes d’une épaisse pubescence blanchâtre.

L’aire de répartition du Chêne chevelu s’étend de la Sicile et de la péninsule italienne à la mer Noire. Elle atteint les États balkaniques du Danube via les Alpes centrales et orientales.

Le Chêne chevelu est donc présent dans toute la Turquie, à l’exception des territoires arides de l’Anatolie centrale et orientale, et le long de la chaîne montagneuse de l’Anti-Liban.

Le Chêne chevelu a été introduit, voire naturalisé, dans d’autres régions d’Europe, notamment en France (où il est spontané dans les Alpes maritimes), en Grande-Bretagne et en Ukraine.

On le plante aussi dans des pays non européens, notamment en Amérique du Nord, en Argentine et en Nouvelle-Zélande.

L’optimum thermique pour cette espèce correspond à un climat de type méditerranéen, mais relativement plus humide, plus frais et avec une sécheresse estivale moins longue, caractéristique des zones de hautes collines ou de basses montagnes.

Cette distribution du Chêne chevelu principalement dans les trois grandes péninsules du centre-est méditerranéen (italienne, balkanique et anatolienne) a favorisé l’établissement de trois groupes génétiques principaux : occidental (péninsule italienne et partie la plus continentale de la péninsule balkanique), central (régions centrales et orientales de la péninsule balkanique) et oriental, relatif aux chênes chevelus du secteur asiatique.

Bien qu’héliophile, le Chêne chevelu est moins exigeant en lumière que le Chêne pubescent. Jeune, il s’avère concurrencer d’autres espèces grâce à sa croissance rapide.

Pour ce qui est du type de sol, il est ubiquiste, tolérant des sols pas trop argileux mais jamais trop secs. Les plus favorables sont les sols d’origine volcanique et ceux qui sont profonds, frais et sub-acides. Ce chêne peut être considéré comme un chêne mésophile, en ce qui concerne tant l’eau que les températures. Quercus cerris atteint des altitudes assez élevées et monter, dans les zones les plus chaudes et les mieux exposées, jusqu’à 1 200-1 600 m en Europe continentale, et 1 800-1 900 m dans les contreforts méridionaux de la chaîne Antiliban.

Comme chez Quercus pubescens, la dormance hivernale des bourgeons est plutôt longue chez le Chêne chevelu : la plante évite ainsi les risques de gelées tardives. Par contre, plus exigeant en humidité du sol que le Chêne pubescent, le Chêne chevelu peut souffrir de dessiccations des pousses non aoûtées lorsqu’il vit dans des régions à sécheresse estivale précoce.

Quercus cerris en pleine anthèse. L'abondante floraison mâle donne à l'arbre une coloration nouvelle temporaire.

Quercus cerris en pleine anthèse. L’abondante floraison mâle donne à l’arbre une coloration nouvelle temporaire © Giuseppe Mazza

Peu fréquent dans la zone alpine et dans une grande partie de la Sicile, le Chêne chevelu est en revanche une espèce forestière importante des forêts, bosquets ou taillis, mixtes ou purs, des trois grandes péninsules méditerranéennes centrales et orientales.

Les forêts pures résultent très souvent de choix culturaux faits au fil des siècles par l’homme, qui ont transformé des forêts mélangées de feuillus, plus ou moins riches en chênes chevelus, en forêts pratiquement monospécifiques.

Les taillis de chênes chevelus sont courants et importants car ils sont très productifs.

Les forêts mélangées dans lesquelles le Chêne chevelu est l’espèce dominante ou une des espèces co-dominantes couvrent de vastes zones sur les péninsules mentionnées plus haut, le plus souvent avec d’autres chênes à feuilles caduques comme Quercus frainetto Ten. et Quercus pubescens en Europe, et Quercus libani Oliv. et Quercus ithaburensis en Asie de l’Ouest.

Compte tenu de leurs exigences écologiques, on peut trouver aussi d’autres chênes, comme Quercus petraea (Matt.) Liebl., Quercus robur L., Quercus infectoria Oliv. et Quercus trojana, ainsi que des espèces arborescentes d’autres genres comme les érables (Acer campestre L., Acer monspessulanum L., Acer opalus Mill., Acer tataricum L., Acer hircanum Fisch. & C.A.Mey.), Carpinus betulus L. et Carpinus orientalis Mill., Castanea sativa Mill., Celtis australis L., Corylus colurna L., Fagus sylvatica L., Fraxinus ornus L., Ostrya carpinifolia Scop., Sorbus aria (L.) Crantz, Tilia platyphyllos Scop. et Tilia tomentosa Moench, Ulmus minor Mill., etc.

Les conifères ne manquent pas non plus, avec diverses espèces appartenant principalement aux genres Abies, Pinus et Juniperus.

Les forêts de chênes chevelus jouent un rôle complexe mais fondamental dans la dynamique naturelle de conservation des peuplements forestiers en favorisant, par des interactions avec les nombreuses espèces végétales et les nombreuses communautés fongiques et animales qui y vivent, la qualité et la richesse de la biodiversité, tout en prévenant l’érosion des sols.

Le bois lourd et dur est difficile à travailler car, en séchant, il perd beaucoup d’eau et les matériaux ligneux qui en résultent, non seulement diminuent de taille (‘retrait’), mais aussi se fissurent fréquemment en vrillant ou en se déformant.

Il n’est pas non plus très durable car l’absence de tanins le rend très sensible aux agents de pourriture.

Chatons mâles en anthèse de Quercus cerris, et jeunes feuilles. La nouvelle pousse ne s'est pas encore allongée et les limbes ne sont pas encore complètement déployés, ce qui facilite le transport du pollen, confié au vent.

Chatons mâles en anthèse, et jeunes feuilles. La nouvelle pousse ne s’est pas encore allongée et les limbes ne sont pas encore complètement déployés, ce qui facilite le transport du pollen, confié au vent © Giuseppe Mazza

Il a parfois été utilisé pour fabriquer des douves de tonneaux et des rayons de roues ; une utilisation encore relativement courante est la production de traverses de chemin de fer, même si les traverses en bois ne représentent aujourd’hui qu’une petite partie de la destination finale des grumes.

Son emploi le plus courant reste le bois de chauffage et la production de charbon de bois.

Cependant, le Chêne chevelu est également employé en dehors de son aire de répartition comme arbre vedette des parcs et jardins, isolément ou par petits groupes, en raison de la majesté des sujets adultes, de la densité de son feuillage et de la coloration automnale de ses feuilles en rouge ou en jaune.

À cette fin, on a sélectionné des variétés à valeur ornementale pour leur feuillage panaché ou hétérochrome lorsqu’ils sont jeunes, ou pour leur forme particulière.

On trouve ainsi, parmi les plus employées, ‘Variegata’, ‘Argenteovariegata’, ‘Longifolia Nana’, ‘Laciniata’, ‘Curly Head’ et ‘Wodan’.

En milieu urbain, notamment dans les zones industrielles, on l’emploie pour constituer des bordures de route ou des brise-vent ; il est en effet relativement résistant aux polluants atmosphériques, et, par ailleurs, la pubescence des rameaux, des feuilles et des stipules augmente l’action de filtrage et de séquestration des particules atmosphériques (y compris les particules fines telles que PM 10 et 2,5).

Son héliophilie, sa capacité à vivre dans de nombreux types de sols et sa rapidité de croissance font du Chêne chevelu une espèce pionnière par excellence, qui peut également être utilisée pour reforester des zones dégradées.

D’un autre côté, en raison de sa croissance rapide, le Chêne chevelu est l’un des chênes dont les racines sont les plus touchées par la production des plants. En effet, la racine pivotante, à croissance très soutenue dès la première année, a tendance à se déformer si le jeune plant est conservé en pot, ou à être arrachée lors de la transplantation s’il est cultivé en pleine terre.

De nombreuses préparations médicinales sont obtenues à partir des différentes parties du Chêne chevelu.

En particulier, l’écorce des jeunes branches, les feuilles et les glands sont riches en phénols comme l’acide gallique, en polyphénols comme les tanins, et en flavonoïdes comme la quercitine ; leurs extraits ont, selon les cas, des propriétés analgésiques, anti-inflammatoires, fébrifuges, hémostatiques, décongestionnantes ou toniques.

Fleur femelle de Quercus cerris. Insérée, comme chez tous les chênes, sur une courte hampe, elle porte ici une seule fleur. La bractée va devenir plus tard la cupule du gland. Noter la pilosité du rameau, à peine visible mais perceptible au toucher.

Fleur femelle. Insérée, comme chez tous les chênes, sur une courte hampe, elle porte ici une seule fleur. La bractée va devenir plus tard la cupule du gland. Noter la pilosité du rameau, à peine visible mais perceptible au toucher © Graziano Propetto

Malgré son goût amer, les familles indigentes utilisaient autrefois ses glands broyés pour la fabrication du pain, et les polyphénols qu’il contient suscitent aujourd’hui un nouvel intérêt pharmacologique.

En raison de son importance, notamment dans la péninsule italienne, les noms de lieux faisant directement référence au Chêne chevelu sont fréquents.

Les glands de ce chêne sont peu appréciés par les porcs car ils sont amers. Les mammifères, domestiques et sauvages, utilisent plutôt une grande partie des plantes herbacées et arbustives qui poussent à leur couvert.

À l’automne peuvent apparaître, sous le couvert des chênes chevelus, des cèpes de Bordeaux (Boletus edulis) ; ils présentent également un intérêt considérable pour la trufficulture, car la Truffe du Piémont (Tuber magnatum Pico), la Truffe du Périgord (Tuber melanosporum Vittad.) et la Truffe de Bourgogne (Tuber aestivum (Wulfen) Spreng.) se développent en association ectomycorhizienne avec leurs racines.

Ce n’est que dans les environnements à forte humidité atmosphérique que le Chêne chevelu est atteint par l’Oïdium du chêne (Erysiphe alphitoides) ; ce chêne présente du reste une bonne résistance à la pourriture du bois et, surtout, à la pourriture des racines, qui affectent souvent les autres chênes.

Les insectes défoliateurs ne causent généralement pas de dégâts importants, car les feuilles, coriaces et riches en tanins, ne sont pas très appétentes. Les jeunes rameaux, bourgeons, feuilles et inflorescences du Chêne chevelu sont la cible de diverses guêpes (Cynipidae, en particulier Andricus quercuscalicis), qui y pondent leurs œufs et provoquent ainsi l’apparition de galles qui peuvent être importantes. L’introduction du Chêne chevelu dans l’archipel britannique a entraîné la diffusion de cet insecte sur les terres anglaises.

Hormis les variétés ornementales déjà mentionnées, qui n’ont aucune valeur taxonomique, Quercus cerris est considéré par divers botanistes comme pouvant être subdivisé en quatre variétés taxonomiques : var. tournefortii O. Schwarz, var. pseudocerris Bois, var. austriaca Loud. et var. haliphleos Lam. et DC.

Glands de première année sur un Quercus cerris ‘Longifolia Nova’. Il s'écoule plus d'un an entre la pollinisation et la méiose de l'ovule.

Glands de première année sur un Quercus cerris ‘Longifolia Nova’. Il s’écoule plus d’un an entre la pollinisation et la méiose de l’ovule © Giuseppe Mazza

Comme pour beaucoup d’autres espèces à fort degré de polymorphisme, de nombreux binômes ont été forgés pour Quercus cerris ; certains sont aujourd’hui encore considérés comme synonymes. « The Plant List, World Flora Online » en mentionne 27, et « The Euro+Med PlantBase » en cite 45. Il convient de noter que certains de ces taxons ont depuis été dévolus à Quercus crenata. Outre les binômes relatifs aux quatre variétés mentionnées, on a utilisé comme synonymes Quercus asplenifolia, Quercus austriaca, Quercus crispa, Quercus crinita, Quercus frondosa et Quercus thracica.

Il y a quelques années, on a trouvé dans la région du Salento un jeune arbre polycormique avec des feuilles intermédiaires entre celles du Chêne chevelu (lobées) et celles du Chêne kermès (Quercus coccifera L.) ; ce spécimen a été nommé Quercus Ícaroppoi Medagli, Turco, Albano et Accogli, mais il n’a pas encore été validé, car seul cet unique spécimen est connu à ce jour.

Gland de deuxième année encore en développement. Le court mucron au sommet du fruit se compose des vestiges des styles © Gabriele Prestifilippo.

Gland de deuxième année encore en développement. Le court mucron au sommet du fruit se compose des vestiges des styles © Gabriele Prestifilippo

Il y a plusieurs décennies, le binôme Quercus gussonei (Borzì) Brullo a été proposé pour les populations de ‘Chêne chevelu’ de la ceinture supraméditerranéenne des monts Nebrodi et du Bosco della Ficuzza (Sicile). Il s’agirait d’une espèce que Giovanni Gussone (1787-1866) avait précédemment signalée comme une variété, qui diffère du Chêne chevelu par le fait qu’elle est plus thermophile et qu’elle a des feuilles et des glands plus grands.

Il existe divers hybrides reconnus ou proposés entre le Chêne chevelu et d’autres chênes : Quercus × crenata Lam. (avec Quercus suber ; ses synonymes, toujours utilisés, sont Quercus × hispanica Lam., Quercus × pseudosuber Santi et Quercus × fontanesii Guss.), Quercus × libanerris Boom (avec Quercus libani Oliv.), Quercus × schneideri Viehr. (avec Quercus trojana), Quercus × baenitzii A.Camus (avec Quercus pubescens), Quercus × kewensis Osborn (avec Quercus wislizenii A.DC., un chêne californien du sous-genre Quercus, sect. Quercus, sect. Lobatae).

Glands à maturité. La cupule montre les écailles pubescentes subulées caractéristiques, mesurant jusqu'à 1 cm, la plupart du temps libres et jamais apprimées.

Glands à maturité. La cupule montre les écailles pubescentes subulées caractéristiques, mesurant jusqu’à 1 cm, la plupart du temps libres et jamais apprimées © Ignacio Pomar Gomá

Des formes hybrides possibles avec d’autres chênes tels que Quercus brantii Lindl, Quercus infectoria et Quercus ithaburensis sont également signalées pour l’Anatolie, mais n’ont pas été attestées.

Parmi ces hybrides, le plus connu, le plus répandu et aussi le plus utilisé est sans doute Quercus × crenata, hybride naturel entre le Chêne chevelu et le Chêne-liège, présent, bien que peu fréquent, du sud-est de la France au nord-ouest de la Croatie, pour lequel plusieurs botanistes ont proposé un statut d’espèce (Quercus crenata) sous les noms communs de ‘cerrosughera’ (I), ‘chêne crevelé’ (F), ‘Spanish oak’ (GB), ‘falsche Kork-Eiche’ (D). C’est un arbre qui renouvelle complètement son feuillage à la reprise de la croissance végétative et qui peut atteindre 20 (30) mètres de hauteur ; le port est très beau et bien proportionné et, pour cette raison, on l’utilise comme plante ornementale, surtout en isolé.

Port majestueux d'un individu de Quercus cerris 'Longifolia Nova'.

Port majestueux d’un individu de Quercus cerris ‘Longifolia Nova’ © Giuseppe Mazza

Les hybrides anthropogéniques entre le Chêne chevelu et le Chêne-liège sont généralement placés dans le taxon Quercus × hispanica Lam. pour souligner leur origine récente et surtout artificielle ; ils ne constituent pas un clone unique puisqu’il en existe divers spécimens qui se sont hybridés spontanément ou obtenus par l’homme.

On peut confondre à première vue le Chêne pubescent, ainsi d’ailleurs que le Chêne rouvre et le Chêne pédonculé, avec le Chêne chevelu, surtout lorsque les deux espèces partagent le même environnement. Les principales différences entre les deux espèces sont les suivantes :

– écorce du tronc : chez Quercus pubescens, elle est gris brunâtre et lisse jusqu’à l’âge de 5-7 ans environ, où elle commence à se fissurer en sillons longitudinaux et transversaux qui délimitent des écailles très dures, à section trapézoïdale, de forme allongée, plus hautes que larges. Chez Quercus cerris, elle est gris foncé et lisse et commence à se fissurer vers l’âge de 10-15 ans en plaques longitudinales longues et étroites séparées par de minces sillons d’une couleur rose-orange à violette intense.

– rameau de l’année : chez Quercus pubescens, il est cylindrique et couvert d’une pubescence dense de couleur blanche à grise. Chez Quercus cerris, le rameau est anguleux et recouvert d’une pubescence brun-rouge.

– bourgeons : chez Quercus pubescens, ils atteignent 9-12 (15) mm de long, sont gris et pubescents surtout sur les bords de la pérule, les stipules ne sont pas persistantes. Chez Quercus cerris, ils sont plus petits, avec une pubescence rougeâtre et des stipules persistantes, elles-mêmes pubescentes, lésiniformes, minces et vrillées, atteignant jusqu’à 20-25 mm de long.

– feuilles : chez Quercus pubescens, elles sont ovales-allongées à très larges au milieu et brièvement cunéiformes ou cordées à la base ; elles mesurent (3) 5-10 cm de long, avec 5-6 lobes entiers ou même sublobées, plus ou moins obtuses au sommet ; elles sont densément pubescentes à l’état jeune, grises et lisses au toucher. Chez Quercus cerris, elles sont oblancéolées à ovales ou, plus fréquemment, obovales ; elles mesurent (5) 6-11 cm de long et (2) 4-6 cm de large. Leur limbe est vert foncé et rugueux au toucher sur le dessus, plus pâle sur le dessous, plus ou moins profondément incisé-lobé avec 4-7 (9) paires de lobes latéraux inégaux, souvent triangulaires et aussi mucronés à l’apex. La base du limbe peut être tronquée, arrondie ou même subcordée ; il n’est pas rare de trouver des feuilles non lobées mais dentées sur les marges.

Ramification attrayante d'un Quercus cerris ‘Laciniata’ poussant librement dans un parc, sans contraintes.

Ramification attrayante d’un Quercus cerris ‘Laciniata’ poussant librement dans un parc, sans contraintes © Giuseppe Mazza

– glands : chez Quercus pubescens, ils sont à maturation annuelle ; leur cupule est recouverte d’écailles très pubescentes, triangulaires, grisâtres, apprimées aussi à l’apex et dépassant le rebord de la cupule.

Chez Quercus cerris, ils mûrissent en deux ans.

La cupule est vraiment caractéristique car elle est couverte d’écailles subulées, d’une longueur allant jusqu’à 10 mm, de couleur brun foncé, libres et jamais apprimées, qui, globalement, évoquent une tête chevelue.

Parmi les chênes endémiques du Moyen-Orient considérés comme plus ou moins apparentés au Chêne chevelu, on trouve, d’ouest en est, Quercus trojana, présent dans le sud-est de l’Italie, la Méditerranée orientale et certaines parties de l’Anatolie occidentale ; Quercus ithaburensis, de la péninsule salentine au sud-est de la péninsule balkanique et de l’Anatolie au Sinaï ; Quercus look Kotschy, en Syrie, au Liban et dans le nord d’Israël ; Quercus libani et Quercus brantii Lindl, de l’est de la Turquie au sud-ouest de l’Iran et Quercus castaneifolia C.A. Mey. de la région du Caucase au nord de l’Iran.

En ce qui concerne les espèces, il faut aussi prendre en compte Quercus crenata et Quercus gussonei.

Ce dernier est endémique du nord de la Sicile.

Il diffère du Chêne chevelu en ce sens qu’il est plus thermophile et qu’il présente des feuilles plus larges au bord moins profondément incisé, ainsi que des glands plus gros.

Cependant, sa position systématique fait encore l’objet d’études et de débats pour savoir si le taxon doit être considéré comme une espèce (Quercus gussonei (Borzì) Brullo) ou comme une variété (Quercus cerris var. gussonei Borzì).

La légitimité éventuelle du binôme Quercus gussonei validerait également la reconnaissance de Quercus × fontanesii Guss. comme hybride naturel sicilien entre Quercus gussonei et Quercus suber.

 

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